Pour ma part, je ne confonds pas la République exemplaire et la République de la vertu. Ceux qui se sont perdus dans cette quête ne sont pas parvenus à guillotiner la nature humaine.
Comme l'histoire de la République elle-même, la République exemplaire ne se construit que par touches successives et évolutives, dont l'ambition doit être de donner de la maturité à nos institutions.
C'est dans cet état d'esprit que nous devons traiter de l'indépendance du pouvoir judiciaire et discuter du projet de loi constitutionnelle. Chacun conserve en mémoire l'assertion de Montesquieu, extraite de L'Esprit des lois, selon laquelle « pour qu'on ne puisse abuser du pouvoir, il faut que, par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir ». Force est de constater que, s'agissant du fonctionnement de notre justice, le code génétique des institutions françaises – ce que nous venons d'entendre le prouve – n'a pas toujours tenu compte de ce principe.
Voilà pourquoi l'engagement 53 du Président de la République indiquait notamment : « Je garantirai l'indépendance de la justice et de tous les magistrats : les règles de nomination et de déroulement de carrière seront revues à cet effet ; je réformerai le Conseil supérieur de la magistrature ». Indépendamment de toute autre considération, tel est l'objet de nos délibérations de ce jour.
La proposition de réécriture de l'article 65 de la Constitution vise à mettre le Conseil supérieur de la magistrature davantage à l'abri des interventions politiques. Nous débattrons avec le Gouvernement de sa composition exacte, l'essentiel étant de nous situer dans les standards européens. Mais le plus important est la modification des conditions de désignation de la présidence et des personnalités qualifiées, pour faire disparaître tout lien direct avec le pouvoir exécutif.
Ce projet de loi constitutionnelle vise aussi à renforcer l'impartialité du parquet, puisque la nomination des magistrats le composant sera subordonnée à l'avis conforme du CSM. Leur régime disciplinaire, aligné sur celui des magistrats du siège, relèvera de cette instance, qui pourra en outre se saisir d'office des questions relatives à l'indépendance de l'autorité judiciaire et à la déontologie des magistrats. En effet, indépendance ne peut signifier irresponsabilité.
Bien sûr, cette réforme ne saurait garantir, à elle seule, une république exemplaire. Elle n'empêchera pas les manquements, mais elle garantira davantage la diligence de leur recherche et de leur sanction.
Combinée au projet de loi relatif aux attributions du garde des sceaux et des magistrats du ministère public en matière de politique pénale et d'action publique, que nous examinerons demain, elle renverra définitivement au passé les procureurs réduits au rôle de courroie de transmission de la Place-Vendôme ou de la Rue-du-Faubourg-Saint-Honoré.
Au même titre que les textes relatifs à la transparence de la vie publique ou que le projet de loi relatif à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière, bientôt également à notre ordre du jour, ce projet de loi constitutionnelle a toute sa place dans la construction permanente de cette République exemplaire que nous appelons tous de nos voeux.