Parfois, je me demande dans quel monde vous vivez, monsieur Aubert. Nous sommes tout de même dans un système démocratique et contradictoire. À vous entendre, on a l'impression que le juge est tout-puissant, qu'il fait absolument ce qu'il veut, qu'il juge à sa fantaisie, de manière complètement irrationnelle et sans aucun contrôle. Mais non ! Nous avons un système contradictoire. Les audiences sont publiques. Quand je vous écoute, je me demande où nous sommes !
Vous ne pouvez pas dire que le juge n'est pas contrôlé. Il y a des procédures disciplinaires : il y en a eu douze sur les douze derniers mois, soit un petit peu plus que ces dernières années. Les juges sont donc bien contrôlés, par le Conseil supérieur de la magistrature, parfois par le premier président de la cour d'appel.
Nous avons de nombreux points de désaccord, mais ne laissez pas croire aux justiciables qu'ils ont des institutions sur lesquelles ils ne peuvent pas compter et dont ils doivent douter parce que leurs membres ne sont dignes ni de respect, ni de confiance. Ce faisant, vous ne rendez pas service au citoyen ni, surtout, au justiciable le plus vulnérable, celui qui a besoin d'un service public de la justice solide, celui qui a besoin de recourir à la justice lorsqu'il est en difficulté, pour des problèmes à caractère civil ou pénal. C'est pour ce justiciable-là que nous avons besoin d'institutions solides. Ne faisons pas croire que le magistrat fait strictement ce qu'il veut, qu'il fait n'importe quoi, qu'il juge en fonction de ses opinions et de ses exaspérations : ce n'est pas le cas !
Nous sortons d'une période où, effectivement, nous avons assisté à de véritables disputes publiques entre la magistrature et les pouvoirs publics ; mais enfin, qui a commencé la bataille ?