Je tiens tout d'abord à exprimer un regret, celui que ce Livre blanc soit le fruit d'un cénacle d'experts plutôt que d'un travail consensuel réunissant toutes les parties concernées. Non seulement ce document n'a pas été débattu devant le Parlement avant sa diffusion, mais en outre la plupart des groupes parlementaires n'ont pas été associés à sa rédaction.
Au-delà de ce problème de forme, on demande à nos armées, une fois encore, de continuer à faire mieux mais avec moins. Il est vrai que des avancées singulières sont perceptibles dans les domaines de la cyber-défense, de la cyber-sécurité et du renseignement. Toutefois, nous constatons qu'aucun choix réel et marquant n'a été fait sur des sujets clés tels que la dissuasion, notamment la deuxième composante aéroportée, la prévention, le modèle, l'OTAN, l'Europe de la défense, ou encore les sociétés militaires privées. De plus, l'importance stratégique de l'océan Indien et du Pacifique, qui regroupent 90 % de notre zone économique exclusive, n'est pas mentionnée.
Nous sommes tous ici conscients des contraintes budgétaires très fortes qui pèsent sur le budget de la défense, dans un contexte difficile de redressement des finances publiques. Un effort très important a d'ailleurs déjà été consenti par la défense dès le budget 2013, et notre armée contribue largement, et plus qu'à proportion, depuis plusieurs années, à l'effort de réduction des déficits ; elle a de surcroît dû supporter en même temps le scandale Louvois et la difficile mise en oeuvre de la réforme des bases de défense.
Mais les nouvelles mesures annoncées nous paraissent déraisonnables, excessives et terriblement menaçantes : l'incohérence entre ambitions stratégiques et contraintes budgétaires est flagrante. En effet, la baisse programmée du budget sur cinq ans, avec de surcroît près de 6 milliards d'euros de recettes exceptionnelles particulièrement aléatoires, touchera inéluctablement les unités opérationnelles. Au-delà des 45 000 suppressions de postes déjà effectuées, sur les 55 000 prévues, les 24 000 supplémentaires confirmées par le chef de l'État vendredi dernier ne feront qu'aggraver le problème.
La baisse des objectifs opérationnels, certes désormais plus réalistes, et des niveaux de livraison de matériel aura de lourdes conséquences économiques et sociales. Il y a un hiatus évident entre la puissance proposée et la puissance assumée. Ce Livre blanc marque l'affaiblissement de notre défense, et donc la vision d'une France étriquée, reléguée au rôle de puissance continentale et européenne, avec quelques visées méditerranéo-sahéliennes.
Membre permanent du Conseil de sécurité de l'ONU, la France devrait au contraire demeurer, compte tenu, qui plus est, de sa dimension ultramarine, une puissance globale et mondialisée. Les députés du groupe UDI considèrent que, sur ce sujet crucial pour la France, il eût été nécessaire de parvenir à un consensus national. Nous attendions du chef de l'État qu'il définisse une véritable ambition nationale et européenne. Une stratégie cohérente doit être mise en place pour notre défense, de manière stable, avec une visibilité sur le moyen et le long termes, alors que ce Livre blanc ne se projette réellement que sur cinq ans.
La première considération de ce document semble bel et bien ne résider que dans une dimension budgétaire, faisant fi des conséquences sociales des restrictions sur notre industrie de défense, si importante pour notre balance commerciale.
De plus, nous devons impérativement garder à l'esprit le rôle fondamental d'ascenseur social de la défense, premier recruteur de jeunes non diplômés. Une baisse des effectifs ne pourra que détériorer ce lien social, de la même façon que l'indigence relative aux réserves ne favorisera ni l'efficacité opérationnelle ni le lien armée-nation.
Nous savons les efforts personnels que vous avez déployés, monsieur le ministre de la défense, pour sauver ce qui pouvait l'être. Les députés du groupe UDI ne voient malheureusement pas la stratégie d'avenir de la France pour sa défense, et appellent le Gouvernement à faire de la défense la priorité régalienne qu'elle devrait être et qu'elle n'est effectivement pas. Il y va de la sécurité de notre pays et de tous les Français, mais aussi de la grandeur, du rayonnement et de l'honneur de la France.