Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, monsieur le ministre de la défense, madame la présidente de la commission de la défense, mes chers collègues, cinq minutes, c'est court, pour évoquer les choix stratégiques de notre politique de défense pour les cinq années à venir. D'autant plus que les différents groupes politiques n'ont pas été sollicités par la commission du Livre blanc, ce que je regrette. Les écologistes sont aujourd'hui présents, par ma voix, dans ce débat, et ils continueront à l'être. Nous sommes d'autant plus volontaires que nous sommes favorables à des choix stratégiques plus affirmés. Selon nous, la recherche d'un éventuel consensus ne doit pas conduire à une forme de statu quo. Nous considérons que la politique de la défense, comme d'autres politiques, peut être débattue, car dans ce domaine comme dans d'autres, plusieurs choix sont possibles.
Ce Livre blanc repose sur trois piliers : la protection, la dissuasion et l'intervention. Ce sont les trois piliers du Livre blanc de 2008, la prévention et l'anticipation en moins. Pour notre part, au groupe écologiste, nous pensons que la politique de la défense ne saurait faire l'économie du changement. Le Livre blanc était l'occasion d'adapter notre doctrine aux nouvelles menaces, en l'articulant, disons-le clairement, avec nos priorités budgétaires. Nous voulons ouvrir le débat notamment sur trois points.
Premier point : la dissuasion nucléaire. Pour légitimer le maintien des crédits qui lui sont alloués, on invoque en général de grands principes comme l'influence de la nation, la souveraineté et la liberté de notre peuple sur notre territoire. Mais, dans ce domaine comme dans d'autres, nous ne sommes plus dans les années 1960 : le monde a changé et aujourd'hui ni le statut de la France dans le concert des nations, ni la sécurité de son territoire ne sont subordonnés à son arsenal nucléaire – et heureusement. Le Gouvernement estime le coût de cet arsenal à environ 11 % du budget de la défense. Mais ce chiffre ne tient compte ni des essais simulés, ni des mises à niveau d'équipement, ni de l'entretien des sites de contrôle et de communication ainsi que des infrastructures d'alerte. Aussi, selon d'autres évaluations, le coût annuel serait plus proche de 5 milliards d'euros que de 3 milliards.
Au-delà de l'enjeu budgétaire, c'est la pertinence stratégique de ce pilier de notre défense qui se trouve aujourd'hui questionnée – j'y reviendrai d'ailleurs dans les questions. On résume souvent la doctrine américaine du Président Obama par une formule : « La perte de sécurité engendrée par la prolifération nucléaire est aujourd'hui supérieure au gain de sécurité garanti par la dissuasion. » Nous ne sommes pas les seuls à le dire, puisque d'anciens ministres de la défense, de tous bords politiques, comme Paul Quilès ou Hervé Morin, abondent également dans ce sens et soulignent la nécessité d'un questionnement sur le maintien de la composante aérienne dans la dissuasion nucléaire. Nous pensons que s'adapter aux défis de demain, c'est d'abord sortir des cadres de pensée et de réflexion stratégiques du passé.
Deuxième point : le format des armées. Sans même parler du taux très élevé d'encadrement par les officiers supérieurs, une question mérite d'être posée. La volonté de disposer d'une armée d'une puissance globale – sur terre, sur mer et dans les airs – ne relève-t-elle pas, d'ores et déjà, d'un mythe ? Or ce mythe est coûteux. Pour être entretenu, il suppose des investissements coûteux dans quelques armements de prestige – programme Rafale, programme du char Leclerc. Ce mythe cache de plus en plus mal une forme de saupoudrage, qui nous prive d'une réelle capacité d'intervention, ce qui, in fine, affaiblit notre crédibilité stratégique.
L'intervention au Mali, que nous avons soutenue dès le départ et qui est un succès, a révélé nos difficultés en terme de renseignement et de ravitaillement, ainsi que notre dépendance de fait vis-à-vis des Américains notamment. La question des drones l'a encore récemment montré : c'est un comble, puisque c'est souvent pour ses succès industriels que l'on met en avant l'engagement budgétaire de notre pays en faveur de la défense. Nous proposons donc de mieux centrer nos moyens sur nos forces de projection. Il faut en tirer les conséquences, ce qui m'amène au troisième point : les investissements dans les équipements.
Car c'est là aussi un choix qui s'articule entre la contrainte budgétaire et une analyse stratégique des menaces d'aujourd'hui. Non, la priorité n'est plus à l'engagement dans un conflit conventionnel, ni global, ni même sur le territoire européen. Si nous voulons participer au niveau international à la prévention des menaces d'aujourd'hui – terrorisme ou conflits de territoires déclenchés par les conséquences des déplacements de population liés notamment aux changements climatiques –, il faut avoir une plus grande concentration de nos moyens. Les débats sur la loi de programmation militaire constitueront une nouvelle occasion d'aborder ensemble la question de ces nécessaires choix stratégiques pour faire évoluer plus nettement notre outil de défense, en cohérence avec une évaluation des menaces et de la stratégie pour y répondre.