Intervention de Arnaud Leroy

Réunion du 24 avril 2013 à 17h00
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaArnaud Leroy, rapporteur :

Les co-rapporteurs précédents m'inspirent de la jalousie car ce qui manque aux programmes d'action pour l'environnement (PAE), c'est un budget !

Quelles seront les orientations de la politique environnementale de l'Union européenne dans les années 2014-2020 ? La Commission européenne a présenté une proposition de décision au doux titre : « Bien vivre, dans les limites de notre planète ».

Les PAE ont contribué, depuis 1972, à donner un marquage vert à l'Europe, plus-value reconnus par les citoyens.

Adopté en 2002, le 6e PAE comportait une liste de 150 mesures destinées à être déclinées en règlements et directives. La grande majorité de ces actions ont été réalisées ou sont en passe de l'être : même si cela n'a pas suffi à mettre un terme à l'appauvrissement de la biodiversité, le réseau Natura 2000 a été étendu ; la protection de la santé humaine a constitué l'un des objectifs de nombre de politiques environnementales, notamment celles relatives à l'air, à l'eau et aux produits chimiques ; le lien entre les politiques relatives aux déchets et aux ressources a été renforcé, avec l'écoconception ; une contribution réelle a été apportée dans le domaine du changement climatique ; enfin, l'Union a confirmé ses engagements en faveur de la prise en considération de l'environnement dans ses relations extérieures.

La Commission européenne, une fois n'est pas coutume, n'avait pas pour ambition de renouveler l'exercice. La pression du Parlement européen, du Conseil et de la société civile a été nécessaire pour qu'elle se mette au travail et qu'elle élabore ce document de pilotage stratégique.

Le 7e PAE définit neuf objectifs prioritaires : inverser les tendances néfastes à la protection, à la conservation et à l'amélioration du capital naturel européen ; faire de l'Union européenne une économie efficace dans l'utilisation des ressources, verte, compétitive et à faibles émissions de carbone ; protéger contre les pressions et les risques pour la santé et le bien-être liés à l'environnement ; tirer le meilleur profit de la législation européenne ; perfectionner la base de connaissances qui étaye la politique de l'environnement ; garantir la réalisation d'investissements à l'appui des politiques environnementales et climatiques, et assurer des prix justes ; mettre davantage les politiques environnementales en cohérence ; renforcer le caractère durable des villes européennes ; accroître l'efficacité de l'Europe dans la lutte contre les problèmes qui se posent aux niveaux régional et mondial.

Notons que l'objectif relatif aux villes durables rejoint une préoccupation française, notre pays ayant fait de son savoir-faire dans ce domaine un axe majeur de sa politique d'exportation. Je crois que la notion de démonstrateur est cruciale.

Je reviens d'ailleurs de Chine, où les pouvoirs publics se disent preneurs de toutes nos propositions, à condition d'avoir la certitude qu'elles sont opérantes. Il faut entendre ce message, important pour nous conduire à améliorer les performances de notre politique commerciale.

La version définitive du 7e PAE a été rendue publique après le démarrage des négociations budgétaires. Pour donner corps aux ambitions environnementales de l'Europe, il aurait été utile de pouvoir les calibrer sur le plan budgétaire.

La présidence irlandaise tient à obtenir un accord politique avant son terme.

Gaston Franco, rapporteur du texte au Parlement européen, milite pour un resserrement des relations entre parlementaires nationaux français et parlementaires européens français, afin de pouvoir échanger efficacement et de mieux agir dans les luttes subtiles internes au Parlement européen.

L'application de la réglementation européenne est un sujet qui commence à coûter très cher à la France eu égard aux amendes potentielles. Je ne souhaite pas que nous échappions à nos responsabilités mais je questionne la finalité. S'il s'agit d'améliorer la protection de l'environnement et de mettre en oeuvre les stratégies européennes, nous devons exercer un examen critique sur la méthode.

La tactique consistant à s'adresser systématiquement à la Cour de justice de l'Union européenne en cas de non-application de la réglementation provoque des frustrations car c'est généralement dû à un manque de moyens humains, de ressources financières ou d'accompagnement technique – même s'il arrive aussi, je ne le nie pas, que les États membres fassent preuve de mauvaise foi.

Je ne suis évidemment pas favorable à un abandon du système des amendes mais je serais partisan de la mise en place d'un dialogue constructif permettant de comprendre pourquoi les États membres bloquent. J'insiste : l'idée n'est pas de dédouaner mais d'aider.

Je propose plusieurs pistes, notamment le jumelage entre États membre avancés. Des contrôles pourraient aussi être effectués par des équipes d'inspection mixtes entre les services de la Commission européenne et les administrations des États membres. L'objectif est d'éviter d'avoir à créer une nouvelle agence européenne.

Il faut par ailleurs que les écologistes s'extraient de leur entre soi, pour que le 7e PAE puisse être partagé au-delà de la sphère environnementale, par exemple avec les spécialistes de la pêche ou de l'agriculture – le verdissement de la politique agricole commune, je le rappelle, a été au coeur des derniers débats sur ce sujet.

Ce texte est aussi l'occasion d'élaborer une stratégie européenne de mutation économique vers la croissance verte. Il aborde certes la question mais insuffisamment. Le semestre européen offre, à cet égard, une fenêtre, notamment pour parler de fiscalité verte. La Commission européenne incite de plus en plus les États membres à inclure un volet fiscalité écologique dans leurs programmes nationaux de réforme.

Enfin, le changement climatique me tient beaucoup à coeur – et il prend une nouvelle importance maintenant que la France s'est engagée à accueillir la Conférence des parties en 2015.

Après le vote dévastateur du Parlement européen de la semaine dernière sur le système européen d'échange de quotas d'émission, j'espère que la Commission de l'environnement, de la santé publique et de la sécurité alimentaire (ENVI) du Parlement européen saura trouver des solutions. La Chine vient de mettre sur pied cinq à sept marchés provinciaux de quotas d'émissions, avec un système très intelligent, tenant compte des inconvénients du nôtre : ils prévoient des réserves, lâchant ou reprenant des quotas en fonction des demandes et des besoins.

Le point 10 des conclusions du denier Conseil européen est dédié à l'action climatique : 20 % des quelque 900 milliards d'euros du cadre financier pluriannuel 2014-2020 – c'est considérable – devront être alloués à des programmes ayant un impact positif sur le climat. Aucun critère précis n'ayant été défini, il faudra suivre cette question de près, pour irriguer la croissance verte, les villes durables ou encore la recherche.

Les PAE, à l'avenir, devront être conçu en cohérence chronologique avec les autres exercices stratégiques, afin d'en faire des piliers des politiques de croissance ou de recherche.

Tout le monde se retrouve pour reconnaître l'intérêt de ce texte structurant, avec des ambitions variables d'un pays à l'autre. La France avait la volonté de renforcer la partie santé environnementale. Le Royaume-Uni entendait muscler le volet climatique, au risque de fâcher d'autres États membres, à commencer par la Pologne et d'autres pays adhérents récents.

La proposition de la Commission européenne s'appuie certes sur des initiatives récentes comme la feuille de route vers une économie à faible intensité de carbone, mais l'articulation stratégique susceptible de cranter des rendez-vous, des évaluations et, si nécessaire, des changements de cap reste trop faible.

Avant de conclure, je souligne que la Commission ENVI a récemment organisé un débat d'une journée à propos des difficultés de mise en oeuvre de la législation environnementale.

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