Intervention de Arnaud Veïsse

Réunion du 21 mars 2013 à 9h00
Mission d'information sur les immigrés âgés

Arnaud Veïsse, directeur général du Comité médical pour les exilés, COMEDE :

Je vous remercie de nous donner l'occasion de partager avec vous l'expérience du COMEDE.

Le Comité travaille dans le domaine de la prévention, des soins et de l'accompagnement des migrants. Il dispose d'un « centre ressources » sur la santé des migrants menant des actions de recherche, d'information et de formation sur la santé et l'accès aux soins. En 2012, 6 500 personnes ont été directement soutenues par le COMEDE dont 600 âgées de soixante ans et plus.

Concernant la santé des migrants, certains points sont connus.

Plusieurs travaux décrivent ainsi la situation sociale, la vulnérabilité et le rapport des migrants âgés à la santé. Les chiffres corroborent les propos qui ont été tenus lors d'autres auditions : addition de nombre de facteurs de vulnérabilité, précarité du logement, isolement social et relationnel – personne n'étant là, disent-ils, pour « partager leurs émotions » - précarité financière. Certaines enquêtes qualitatives font également état des obstacles linguistiques qui, pour ne pas être chiffrés, sont souvent cités, ce qui contribue à expliquer le non-recours ou les difficultés d'accès aux soins ou aux programmes de prévention. La situation, dans chacun de ces cas de figure, est encore pire pour les femmes que pour les hommes.

D'autres travaux font état de la mauvaise santé ressentie, d'une dépendance plus précoce, des accidents du travail et de la souffrance psychique. Précisément, en matière d'épidémiologie, la santé mentale est encore plus difficile à caractériser que d'autres pathologies mais certains chiffres n'en demeurent pas moins impressionnants. Les bilans de santé pratiqués par l'Institut régional information prévention sénescence (IRIPS) de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur pour les migrants âgés indiquent que 80 % d'entre eux souffrent psychiquement.

Une série d'informations dont nous disposons corrobore l'idée d'une difficulté d'accès à la prévention et aux soins ainsi que de renoncements fréquents à ces derniers en raison d'obstacles linguistiques et financiers. La moitié des personnes qui appelle les permanences téléphoniques du COMEDE est dépourvue d'une protection maladie en raison des difficultés à l'obtenir.

J'ajoute que cette population a préférentiellement recours au médecin généraliste et à l'hôpital public.

Enfin, les immigrés ne consomment pas plus de soins que l'ensemble de la population.

Certains points sont en revanche moins connus.

Très peu de données épidémiologiques permettent de corréler les problèmes de santé liés aux principales pathologies avec la nationalité ou le pays d'origine alors qu'un certain nombre d'acteurs confondent les statistiques ethniques – ce n'est en l'occurrence pas de cela qu'il s'agit – et des données d'état civil permettant, comme cela fut le cas dans la caractérisation du VIH ou de la tuberculose, de montrer que des actions de prévention prioritaires doivent être développées auprès de certains publics. Un tel travail étant beaucoup plus difficile à mettre en oeuvre pour les autres pathologies, nous avons besoin d'affiner les recherches afin de mieux caractériser les principaux problèmes de santé de ce public. J'ajoute que, lorsque de telles données existent, nous n'avons pas toujours la possibilité de les croiser avec celles concernant les personnes de plus de cinquante-cinq, soixante ou soixante-cinq ans tant nous disposons d'encore moins d'informations.

Les signaux d'alerte n'en sont pas moins réels. L'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) a ainsi montré qu'à Paris, la surmortalité des étrangers entre soixante et soixante-dix ans, en particulier des femmes d'origine subsaharienne ainsi que des hommes originaires d'Afrique du Nord, est patente. Concernant l'hépatite B ou le VIH, des données non publiées de l'Institut de veille sanitaire montrent qu'au-delà de soixante ans, les retards de diagnostic sont beaucoup plus fréquents et que les maladies sont donc dépistées à un stade beaucoup plus avancé qu'en deçà de cet âge.

Les pathologies principales, quant à elles, sont d'abord constituées par les maladies chroniques, en particulier chez des personnes exclues des soins pendant longtemps mais, aussi, les cancers, lesquels n'ont pas été dépistés en temps et en heure.

Enfin, deux zones d'ombre demeurent.

La population originaire d'Afrique du Nord représente certes 72 % des ressortissants des pays tiers âgés de soixante ans mais nous disposons d'encore moins d'informations sur les 28 % qui viennent d'Afrique subsaharienne, d'Europe de l'Est ou d'Asie. Il serait donc important de mieux caractériser leurs problèmes de santé et d'accès aux soins. Les facteurs de vulnérabilité sont probablement identiques mais sans doute sont-ils encore plus intenses s'agissant, par exemple, de l'obstacle linguistique ou de la précarité.

De plus, il est très difficile de caractériser les facteurs de vulnérabilité généraux et spécifiques – je songe à l'accès aux droits sociaux – des personnes qui sont en séjour précaire, qui ont fait des allers-retours avec leur pays d'origine et qui sont alternativement exclues des soins et régularisées.

Je précise que le ministère de la santé ne propose aucun programme dédié en tant que tel à la santé des migrants âgés. Tant qu'il en sera ainsi, il sera encore plus difficile de caractériser la situation de ceux qui, parmi eux, ont plus de soixante ans. Les ARS et le ministère de la santé doivent considérer qu'il s'agit là d'une mission prioritaire, ce qui n'est pas du tout le cas aujourd'hui.

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