Intervention de Didier Maille

Réunion du 21 mars 2013 à 9h00
Mission d'information sur les immigrés âgés

Didier Maille, responsable du service social et juridique du COMEDE :

Mon intervention portera sur le droit de la santé et, plus particulièrement, sur la carte de séjour portant la mention « retraité » et la question du « double transfert » de ces vieux migrants qui, après avoir travaillé en France et être retournés dans leur pays d'origine, reviennent en France.

Pour les titulaires de la carte de séjour portant la mention « retraité », il est très difficile de se soigner en France, comme l'attestent les appels de familles françaises dont les parents âgés ne peuvent pas accéder aux soins. Sur un plan juridique, la situation est assez kafkaïenne mais il existe des moyens techniques assez simples permettant de l'améliorer. Je rappelle qu'il est question de retraités percevant une retraite contributive de droit français, qui ont par exemple quitté la France sous le statut que confère cette carte et qui, de retour en France avec un titre de séjour, se retrouvent face à une situation « juridiquement bloquée ».

Bien entendu se pose alors la question de l'accès à l'assurance maladie à laquelle ces personnes sont éligibles. Or, tout est verrouillé par l'article D. 115-1 du code de la sécurité sociale qui énumère la liste des titres de séjour donnant accès à l'assurance maladie et où n'est pas mentionnée la carte de séjour « retraité ». L'article D. 161-15 du même code interdit quant à lui au titulaire de la carte de séjour portant la mention « retraité » d'être ayant droit d'une personne bénéficiant de l'assurance maladie. Il n'est pas non plus possible de bénéficier de de la CMU de base puisque l'adresse figurant sur la carte de séjour est celle du pays d'origine. Ces personnes se retrouvent donc dans la situation de nouveaux entrants alors qu'elles ont un lien fort avec la collectivité puisqu'elles ont accompli toute leur carrière en France et que, je le répète, elles perçoivent une retraite de droit français.

Le COMEDE a produit un certain nombre de travaux concernant les difficultés rencontrées par les nouveaux entrants.

Le double système assurance maladieaide médicale de l'État (AME), en l'occurrence, est absolument néfaste. Que doit faire la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) lorsque le père d'un citoyen français est de retour depuis un an sur le territoire national et que lui sont ouverts les droits à l'assurance maladie, éventuellement au titre de la CMU de base s'il a bénéficié du soutien juridique nécessaire, dès lors que les séjours réguliers sous carte « retraité » sont supposés durer au maximum une année, la résidence ayant été transférée à l'étranger ? Au bout d'un an, la caisse se retrouve avec une personne qui est en séjour irrégulier, qui doit donc être prise en charge par l'AME. Je vous passe les détails bien connus de tous ceux qui travaillent sur la situation des étrangers précaires.

Nous avons écouté attentivement le directeur de la sécurité sociale, M. Thomas Fatome. Il travaille beaucoup à cette importante question qu'est l'accès aux droits, comme en attestent les travaux de la mission, mais je vous alerte sur ce paradoxe que constitue le désengagement des caisses primaires et régionales. Dans les départements d'outre-mer, par exemple, nous constatons la fin du front office et de l'accueil du public, le COMEDE devant constituer les dossiers et les envoyer par voie postale. En outre, et cela est très alarmant, les caisses mettent en place des « filières VIP » : si le COMEDE constitue le dossier, il faut six jours pour le traiter à Paris – tel est le chiffre qui a été communiqué le 6 juillet 2012 – mais si c'est un citoyen lambda, cinquante-trois jours sont, en moyenne, nécessaires. Si le discours sur l'accès aux droits est très fort, les pratiques, elles, sont catastrophiques.

Je me permets, pour conclure, de formuler quelques recommandations.

Il convient, tout d'abord, de sécuriser le droit au séjour des migrants âgés.

S'agissant de l'organisation des droits, nous insistons lourdement sur le double système AMEassurance maladie. Nous comprenons ce fort enjeu politique qu'est le maintien de 200 000 personnes dans le système de l'AME mais cela constitue une gabegie en termes financier et d'organisation.

Il doit être assez simple, techniquement, de faire en sorte que la carte de séjour « retraité » permette d'être ayant droit puisque les personnes concernées résident en France et sont en situation légale.

Enfin, il faut progresser sur la question du financement de l'interprétariat car c'est grâce à ce dernier qu'il est possible, dans un premier temps, d'apprendre le français. Pourquoi ne pas envisager son financement par l'assurance maladie ou la protection sociale ?

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