Tout à fait.
J'ai par ailleurs participé au groupe de travail mis en place par Mme Cécile Duflot, ministre de l'égalité des territoires et du logement, sur les critères d'attribution des logements sociaux. Il va de soi que le fait de résider dans un foyer de travailleurs migrants devrait donner une priorité pour l'accès au logement social et non l'inverse.
Il convient aussi d'apprécier ces critères à l'échelle d'un bassin de population et non, comme on le fait aujourd'hui, opérateur par opérateur ou commune par commune. À l'évidence, avec un immigré de plus dans le parc social de Gennevilliers, on risque d'aggraver une situation sociale qui peut apparaître comme tendue, tandis que cela sera sans incidence à Marnes-la-Coquette. Une analyse sociale portant sur l'ensemble du bassin de vie, incluant les réseaux de sociabilité, l'implantation familiale, la scolarisation, l'accès aux soins, etc., change complètement la donne et fait tomber les critères usuels, qui répondent à une logique de frontières artificielles sans rapport avec la vie réelle de la société.
Concernant les décrets d'application de la « loi DALO », je ne me prononcerai pas sur ce que mes collègues du Conseil d'État ont estimé au sujet de la conventionalité du texte. Je pressens simplement le problème, dans la mesure où le Conseil constitutionnel et le Conseil d'État ont relevé la même difficulté s'agissant des lois relatives aux rapatriés et anciens supplétifs : les clauses de nationalité française ont dû être déclarées inconventionnelles par la sous-section que je préside et inconstitutionnelles par le Conseil constitutionnel. Prendre des mesures réglementaires – même sur une base législative – qui privilégieraient les personnes originaires d'Afrique du Nord ou des anciennes colonies françaises nous exposerait à une censure.
Mais il existe d'autres façons de faire. La première démarche est d'identifier les populations concernées. En matière d'immigration et d'intégration, il est toujours difficile de légiférer par le haut. Mieux vaut partir du bas et définir le problème. En l'occurrence, celui de quelques centaines d'immigrés qui vivent dans des foyers, notamment dans le grand Sud-Ouest, qui ont gardé des attaches familiales importantes dans leur pays d'origine, qui ont ou n'ont pas la nationalité française et auxquels on oppose des clauses de durée de résidence pour la perception de leurs droits.
Plutôt qu'un dispositif législatif définissant des droits pour toute personne, ne pourrait-on imaginer qu'après intervention d'une assistante sociale ou d'une association agréée, les personnes s'inscrivant dans cette situation précise puissent faire l'objet d'une mesure dérogatoire ? Ce diagnostic social – qui, d'ailleurs, devrait toujours présider à l'attribution de quelque avantage que ce soit, ne serait-ce que pour désarmer la critique selon laquelle on n'agit que pour les immigrés et pas pour les autres – permettrait d'écarter d'emblée l'hypothèse de l'avocat britannique retraité dans le Périgord qui demanderait à bénéficier des mêmes droits. Une entrée sociale dans un régime de dérogation posé par le législateur me paraît préférable à un dispositif normatif forcément aveugle. Tous les vieux immigrés n'ont pas besoin de cette facilité, non plus que tous les étrangers. En revanche, nous savons qu'il existe un problème social. Traitons-le !