Je fais en effet partie du groupe dont vous a parlé M. Memri, qui tente, entre autres, de faire sortir les chibanis de leur isolement. Ces hommes ont effectué pendant des années les travaux les plus difficiles et n'ont pas su vivre leur vie, ni ici ni dans leur pays. Ils ont appris à ne pas se donner d'importance et à passer après leur famille, ont vécu en retrait et se sont renfermés sur eux-mêmes. On parle de l'enfermement des femmes, mais celui de ces hommes retraités est encore plus difficile. Cela dit, nous rencontrons aussi, dans les foyers, des femmes âgées qui ne se considèrent pas comme des retraitées dans la mesure où elles n'ont jamais travaillé et même, ce qui est nouveau, des femmes seules qui sont venues pour travailler.
Nous sommes donc allés dans les foyers pour proposer des activités à plus de soixante-dix retraités. Comme il ne fallait pas aller trop vite, nous avons commencé par organiser des rencontres autour d'un thé. Les gens en ont parlé, de foyer à foyer et petit à petit, ils sont venus. Nous avons ainsi créé un lieu d'écoute et d'échange, ce qui manque précisément dans les foyers.
Il existe maintenant plusieurs ateliers : un atelier « informatique », un atelier « mémoire et transmission », car les anciens ont beaucoup à raconter, même s'ils n'en ont pas conscience. L'apprentissage du français se fait tout au long des conversations. Un professeur parle de l'histoire de l'immigration, dans le cadre plus large de l'histoire de France et apporte de la connaissance. Ce n'est pas parce qu'on ne sait ni lire ni écrire qu'on est privé d'intelligence.
Des sorties ont été organisées sur plusieurs jours, comme à Strasbourg ou au Mont-Saint-Michel. Nous avons visité l'Assemblée nationale, ce qui a été très valorisant pour ces retraités. Nous sommes aussi allés au théâtre afin d'assister à des pièces traitant de l'immigration, etc.
J'ajoute qu'au sein de l'ATMF, nous avons des contacts avec les élus de la mairie et avec les services sociaux, qui se déplacent à l'association.
Je voudrais également insister sur l'importance des problèmes de santé rencontrés par les retraités, qui sont usés par des travaux pénibles, et sur le manque cruel d'information dont ils disposent. En effet, dans les foyers, il n'y a pas de travailleurs sociaux. Et je terminerai sur une de leurs demandes : arrivés à leurs vieux jours, ils souhaiteraient pouvoir faire venir leur épouse auprès d'eux.