Il nous faut malheureusement dresser un constat négatif s'agissant de l'accès aux droits et à la santé des personnes migrantes âgées. Pourtant, à travers leur dignité, c'est celle de la société française qui est en jeu.
Les personnes qui ont un titre de séjour se heurtent à des obstacles pour obtenir le renouvellement de celui-ci, notamment en raison de la dématérialisation des demandes opérée depuis un an par les préfectures, procédure qui suppose qu'on prenne rendez-vous par internet : je vous laisse imaginer les difficultés que cela représente pour des personnes qui parlent mal la langue ou ne maîtrisent pas l'écriture.
Nous nous reconnaissons dans le constat dressé par les associations que vous avez reçues précédemment – comme le Collectif des accidentés du travail, handicapés et retraités pour l'égalité des droits (CATRED), le Groupe d'intervention et de soutien des immigrés (GISTI), la Ligue des droits de l'homme (LDH) ou le Collectif pour l'avenir des foyers (COPAF) –, ainsi que dans leurs préconisations, notamment celles relatives à la carte de séjour portant la mention « retraité ». Si la mise en place de cette carte, créée par la loi du 11 mai 1998, partait d'une bonne idée – permettre aux vieux migrants d'effectuer plus facilement des allers et retours entre la France et leur pays d'origine –, il s'avère qu'elle n'est pas un véritable titre de séjour, mais une sorte de visa permanent. En échangeant la carte de résident contre cette carte, les migrants âgés perdent le droit au séjour de manière définitive, ainsi que l'essentiel des droits à l'assurance maladie – bien que les cotisations sociales continuent d'être prélevées sur leur pension de retraite –, et la plupart des droits sociaux. De plus, dans les préfectures, rien n'est expliqué aux demandeurs, et ceux-ci ne peuvent pas mesurer les conséquences qu'aura leur choix de bénéficier de la carte de séjour portant la mention « retraité ». Nous dénonçons des pratiques aussi déloyales et nous demandons la suppression de cette carte ; les retraités étrangers doivent pouvoir jouir du régime de droit commun, et non d'un statut particulier injuste, qui les prive des droits qu'ils ont acquis par leur présence et leur travail en France.
Je n'évoquerai pas la question des prestations sociales soumises au contrôle, car je préfère laisser mes camarades qui ont une expérience de terrain en parler.
Nombre de migrants âgés ont exercé un travail où ils étaient exposés à des risques professionnels ou à des substances cancérigènes comme le plomb, l'amiante, les solvants chlorés, la silice ou les poussières de bois. Les cancers qu'ils ont pu contracter du fait de leur travail sont mal connus ; nous souhaiterions que l'on porte une plus grande attention aux facteurs de risque, et que les personnes atteintes d'un cancer ne soient pas contraintes d'effectuer des démarches épuisantes pour faire reconnaître leur maladie professionnelle.
Les migrants souffrent souvent d'un vieillissement physiologique précoce en raison de leurs conditions de travail – je vous renvoie aux études de la CNAV sur la question. Cette usure physique provoque un état de dépendance, dont les politiques publiques ne tiennent pas compte. Actuellement, il n'existe pas de prise en charge adéquate : les migrants âgés ne disposent pas de complémentaire santé susceptible de supporter une partie des frais occasionnés par une aide à domicile ; le personnel des organismes d'aide et de soins à domicile, qui est quasi exclusivement féminin, hésite à se rendre dans les foyers de travailleurs migrants. Il serait opportun de mettre en place dans ces foyers des unités de vie qui permettraient aux personnes âgées de ne pas mal vieillir et d'être aidées au quotidien. Nous souhaiterions que les immigrés âgés soient considérés par la société française comme des personnes âgées comme les autres, et qu'ils aient accès aux mêmes dispositifs que les autres.
Pour ce qui est du droit à la vie privée et familiale, de nombreux résidents en situation régulière ont du mal à obtenir un titre de séjour pour leurs ascendants à charge. Plus généralement, les enfants, même quand ils ont la nationalité française, ont toutes les peines du monde à faire venir en France un parent isolé ; celui-ci ne peut même pas mener une vie paisible avec les siens.
Autre problème, l'accès à la nationalité française est souvent conditionné à un certain niveau de ressources ; bien qu'ils aient contribué à la construction de la France au plan économique et social, les migrants âgés ont non seulement de toutes petites retraites, mais ils sont pénalisés du fait de bas revenus !
L'accès à la nationalité française est également conditionné à la maîtrise de la langue française. Alors que jusqu'à leurs soixante ans, on a simplement demandé aux migrants âgés de travailler, sans qu'aucune structure ni aucune entreprise ne leur propose le moindre cours, on leur reproche à présent de ne pas connaître le français et on leur demande de dépenser 3 000 euros pour pouvoir acquérir la nationalité française !
Nous trouvons en outre injuste le fait que la nationalité française puisse leur être refusée parce que la conjointe est restée au pays.
J'aurais souhaité aborder la question du logement et celle des femmes, mais je n'en aurai pas le temps.
Je voudrais pour terminer évoquer les problèmes liés aux funérailles. Le rapatriement du corps est une question à laquelle pensent les immigrés âgés mais son coût est très élevé et j'estime que le service public devrait s'en occuper. La question est d'autant plus importante qu'il est difficile de se faire inhumer en France suivant le rite musulman, car le nombre de « carrés musulmans » dans les cimetières est nettement insuffisant par rapport à la demande.