L'accès aux droits sociaux étant soumis à une condition de résidence, des contrôles sont effectués par les caisses. À Perpignan, nous avons relevé d'importants dysfonctionnements : contrôles intempestifs sans préavis de passage, pouvant survenir durant les périodes d'absence légale ; en cas d'absence constatée, suspension automatique des droits ; comptabilisation des absences de date à date, et non sur une année civile comme le prévoit pourtant la loi ; contrôles des passeports aléatoires, avec une interprétation des tampons systématiquement défavorable aux migrants âgés ; recours aux documents des douanes étrangères, sans tenir compte des éventuelles erreurs dues aux homonymies, extrêmement nombreuses au Maghreb. Tout cela aboutit à des suspensions de droits unilatérales, brutales, sans avertissement et sans possibilité de se justifier.
Comme il est difficile d'obtenir un rendez-vous avec la caisse, il faut des mois pour qu'une erreur soit reconnue ; pendant ce temps, les droits sont suspendus – avec toutes les conséquences que cela implique. Les suspensions de droits peuvent aussi donner lieu à des demandes de remboursement d'indus d'un montant extravagant, avec des échelonnements de paiements non conformes aux grilles légales, ou pouvant courir jusqu'à l'âge de cent quatorze ans ! En faisant appel aux commissions de recours amiable, on peut obtenir correction, mais cela prend plusieurs mois et, pendant ce temps, les remboursements continuent – sachant qu'ils peuvent aller jusqu'à 400 euros par mois pour un revenu de 770 euros. Lorsque les droits sont rouverts, toute la somme est affectée rétroactivement aux remboursements, alors que ces personnes s'étaient endettées auprès de leurs amis pour pouvoir vivre !
Le résultat, ce sont des revenus faibles, qui remettent en cause la notion de minimum vieillesse, une vie dans l'angoisse perpétuelle et une véritable assignation à résidence pour des personnes qui sont contraintes de rester en France alors qu'elles ont été coupées de leur famille durant toute leur vie professionnelle – le regroupement familial étant quasiment impossible au regard de la faiblesse de leurs revenus.
Il est donc nécessaire de faire évoluer la loi et les règlements. On pourrait, par exemple, rendre « exportables » certains droits sociaux, comme l'ASPA, qui deviendrait universelle : on continuerait à en bénéficier même en cas de retour a pays pour y vivre avec son conjoint ou ses enfants. Le coût pour les finances publiques serait le même, voire inférieur, dans la mesure où un départ définitif, même en conservant son droit à l'ASPA, impliquerait que la personne ne bénéficierait plus de l'APL.