Je voudrais évoquer, à partir de notre expérience, un public spécifique : celui des femmes immigrées âgées, de plus en plus nombreuses, mais peu accompagnées pour accéder aux droits et aux soins notamment. Ces femmes sont invisibles dans l'espace public et rarement prises en considération. Dans les trois territoires où je travaille – le dix-neuvième et le vingtième arrondissements de Paris, ainsi qu'Aubervilliers –, il faut toutefois noter que ce public est pris en compte par les schémas gérontologiques départementaux ; mais ce n'est pas le cas partout, par exemple dans le Val-de-Marne.
La difficulté de l'articulation entre les politiques de l'État et celles des collectivités territoriales est évidente, mais il faut aussi mentionner la difficulté d'articuler les politiques sociales, gérontologiques, d'intégration… C'est pourquoi nous avons ménagé d'importants espaces de concertation, avec des comités de pilotage, et mobilisé des réseaux d'acteurs. Il faut en effet les sensibiliser et essayer de mieux organiser les différentes politiques menées.
L'enjeu majeur, c'est l'accès de ces publics au droit commun, même s'il peut être nécessaire, à des moments spécifiques, de mettre en place des actions spécifiques. Mais il faut veiller à ne pas mettre en place un traitement trop particulier et plutôt favoriser l'appropriation du droit commun par tout le monde. De la même façon, le vieillissement concerne l'ensemble de la société et pas seulement les immigrés.
Les femmes avec lesquelles nous travaillons – dans une démarche d'action sociale, d'expérimentation, de mutualisation et de réflexion globale sur les actions à mener – sont majoritairement, mais pas uniquement, arrivées en France depuis plus de vingt-cinq ans. Le veuvage, et plus généralement la rupture conjugale, est une situation très fréquente : plus de 70 % d'entre elles n'ont pas de conjoint. Leurs ressources – retraite, mais aussi complémentaire santé – sont souvent très faibles, en raison de leurs trajectoires professionnelles ; elles ont fréquemment travaillé de façon hachée, et souvent exercé des métiers pénibles. Cela n'est d'ailleurs pas nouveau : l'Institut national de la statistique et des études économique (INSEE) a montré dans l'enquête « Handicap-Santé » de 2008-2009 un large renoncement aux soins notamment, pour des raisons financières.
Nous essayons de travailler de façon transversale et interrégionale, dans une logique de mise en commun de nos pratiques professionnelles et d'échanges d'expériences entre nos centres de Rouen, Lille et Montreuil.
Enfin, une question se pose : celle de la trop faible reconnaissance institutionnelle aujourd'hui accordée aux associations de migrants. Il y avait cinq femmes adultes-relais dans le vingtième arrondissement ; il n'y en a plus qu'une.