Nous sommes très honorés d'être auditionnés par les représentants de la nation et souhaitons que vos travaux aboutissent pour améliorer la condition de ceux qui ont contribué à l'effort d'industrialisation de la France.
En 1971, un membre du Conseil national du patronat français déclarait : « La main-d'oeuvre étrangère comprend mal le français. La spécialisation devait rester la règle, une main-d'oeuvre trop fruste ne pouvant s'adapter à la modernisation. » L'origine du problème actuel tient dans ce préjugé.
C'est en effet à cause de celui-ci que, lorsque l'industrie française s'est restructurée dans les années 1980, après les deux chocs pétroliers, les travailleurs immigrés n'ont pas bénéficié des dotations du Fonds national pour l'emploi, alors que celui-ci était bien « garni » – et je ne parle pas des fonds mutualisés. Nous n'aurions pas à résoudre ce problème aujourd'hui si, à l'époque, des actions spécifiques de reclassement, de formation et d'accès aux compétences, notamment linguistiques, avaient été mises en place.
Ces personnes ont pourtant travaillé en France entre trente et cinquante ans, notamment sur les chaînes de production d'automobiles, en remplacement des ouvriers spécialisés français.
L'intérêt de notre structure pour cette population vient du fait que, dans le cadre des plans régionaux de lutte contre l'illettrisme, qui s'occupent prioritairement des personnes qui ont été scolarisées en langue française, l'axe « cohésion sociale » la vise directement. Le problème de l'accès aux compétences pourrait donc être résolu au plan territorial – une trentaine de ces plans sont actuellement signés ou en cours de signature – si cette population bénéficiait pleinement des dispositifs de droit commun.
En effet, je ne crois pas à l'utilité des dispositifs particuliers. Il faut savoir qu'il existe, d'un côté, ces plans régionaux de lutte contre l'illettrisme décidés par le ministère du travail et mis en place par l'Agence nationale de lutte contre l'illettrisme (ANLCI) et, de l'autre, des programmes régionaux d'intégration des populations immigrées (PRIPI), qui dépendent du ministère de l'intérieur et sont mis en oeuvre par la DAIC. Or, alors que les problèmes rencontrés concernent la maîtrise de la langue orale et écrite et l'accès à des compétences sociales pour communiquer avec son environnement, nous avons affaire à deux politiques différentes en dépit de l'existence de points de convergence qui se situent autour des territoires. Il suffirait de flécher, dans les dispositifs de droit commun, des actions spécifiques pour ces populations sans créer de dispositifs particuliers, pour améliorer leur maîtrise de la langue et leur accès aux compétences sociales – pour, par exemple, simplement savoir retirer de l'argent à un guichet automatique avec une carte bancaire.
Il existe deux référentiels de compétences européens : le cadre européen des compétences clés pour l'éducation et la formation tout au long de la vie, qui s'adresse, en ce qui concerne la France, aux francophones scolarisés en France qui n'ont pas acquis tous les savoirs, et le cadre européen commun de référence pour les langues, qui s'adresse uniquement aux populations immigrées. Or, nous avons affaire à des personnes qui sont en France depuis trente ou quarante ans, voire davantage : peut-on les traiter comme des primo-arrivants ? Il faut les traiter dans le cadre de l'accès aux compétences sociales de communication. Cela permettrait de créer des points de convergence entre les pilotages politiques des actions menées par les deux ministères du travail et de l'intérieur.