Intervention de Pascal Faure

Réunion du 20 février 2013 à 11h00
Commission d'enquête chargée d'investiguer sur la situation de la sidérurgie et de la métallurgie françaises et européennes dans la crise économique et financière et sur les conditions de leur sauvegarde et de leur développement

Pascal Faure, directeur général de la compétitivité, de l'industrie et des services, DGCIS :

Une chose est sûre : il ne reste plus que deux sites producteurs d'aluminium en France. Leurs contrats de fourniture d'énergie arrivent prochainement à expiration et les conditions de leur renouvellement sont un enjeu majeur pour la survie des sites. Sur la trentaine de sites producteurs d'aluminium que comptait il n'y a pas si longtemps l'Europe, dix ont disparu, dix sont menacés et ceux qui restent risquent de se trouver concentrés dans un très petit nombre de pays, comme l'Islande.

L'application de l'accord entre l'État et ArcelorMittal fait actuellement l'objet de discussions entre la direction et les salariés au sein du comité central d'entreprise – qui est l'instance légitime pour prendre certaines décisions. Il reste que l'État a obtenu de M. Mittal un certain nombre d'engagements écrits et qu'il convient de veiller à ce qu'ils soient respectés à travers le dialogue social ; certains ont trait aux investissements, d'autres à la gestion des salariés – sachant qu'à Florange, la pyramide des âges est plutôt favorable, dans la mesure où 20 % des employés doivent partir à la retraite dans les deux ou trois prochaines années. Il a donc été mis en place un comité de suivi local, sous l'égide de l'ancien sous-préfet de Thionville, M. François Marzorati, qui suit le dossier depuis plusieurs années.

Il est de l'intérêt de tous que le comité de suivi joue correctement son rôle ; si l'on décèle des divergences entre ce qui était prévu et ce qui est fait, il faudra l'évoquer au plus haut niveau. J'ai longuement discuté avec les cadres d'ArcelorMittal chargés du dossier et je pense que l'on a la chance d'avoir au sein de la division ArcelorMittal Atlantique et Lorraine (qui comprend notamment les sites de Dunkerque et Florange) des responsables compétents et fiables. Il devrait être possible d'établir un dialogue de qualité avec le management local de l'entreprise. Il faut rester vigilant, bien sûr, mais tous les éléments sont réunis pour que cela se passe bien. Il faut le dire aux 2 600 employés de Florange, qui sont très inquiets, non seulement en raison des menaces qui pèsent sur leurs emplois, mais aussi parce que cela fait des années qu'ils n'ont plus aucune visibilité sur l'avenir – et chacun sait à quel point cela peut être anxiogène.

Le problème pour ArcelorMittal, étant donné l'état du marché, est de répartir la charge de travail et de définir d'éventuelles spécialisations pour les sites. Si ceux-ci sont soumis aux mêmes enjeux, ne nions pas qu'il existe aussi une certaine concurrence entre eux : Liège et de Florange fabriquent en partie les mêmes produits. Sans jouer les uns contre les autres, il ne faut pas être naïf : tout le monde n'arrivera pas à sauver l'essentiel.

J'estime que Dunkerque est actuellement le meilleur site d'ArcelorMittal en Europe. Après l'avoir été pendant des années, Fos vit en ce moment une période de transition, avec un changement de génération et la perte des savoir-faire initiaux. Florange dispose d'atouts incontestables, les deux principaux étant la proximité des clients – l'industrie automobile, pour une grande part – et son savoir-faire en matière d'aciers de haute technicité. L'emballage pose plus de problèmes, car le marché est difficile, les marges sont très faibles, et l'acier est concurrencé par d'autres produits, comme l'aluminium. Si vous utilisez une canette ou une boîte de conserve, vérifiez avec un petit aimant : vous verrez qu'il y a moins d'acier qu'on ne le pense ! En France, les activités d'emballage sont implantées à Basse-Indre et à Florange. La décision de transférer l'amont de la chaîne de production de Basse-Indre à Florange pour la mutualiser ne remet pas en cause l'avenir du site, bien au contraire – quoiqu'il existe une incertitude concernant l'utilisation du chrome hexavalent, qui fait partie des substances dont le règlement Reach a prévu l'interdiction : un investissement sera donc nécessaire si l'on veut maintenir intacte la capacité de production de Basse-Indre. D'autre part, il m'a été dit que les emplois touchés par ce transfert seraient des emplois non permanents : cela ne nuira pas structurellement à l'entreprise. Le dispositif français ne semble pas menacé.

Ce qui permettra à l'Europe de s'en sortir, malgré l'absence de mines et avec des coûts de production qui ne seront jamais aussi compétitifs que ceux de l'Asie ou de l'Amérique du Sud, c'est la recherche et développement (R & D) et sa capacité d'innovation. Il serait illusoire de penser que, pour vendre de l'acier, il suffit de produire de la fonte : cet acier-là se vend au prix le plus bas du marché et, dans ce domaine, l'Europe sera toujours mal placée. Elle devrait plutôt se positionner sur les marchés de niche, comme ceux des tôles fortes, des câbles particuliers ou des aciers à haute technicité. L'évolution de la société fait que l'on aura de plus en plus besoin de tels produits. Or tout le monde ne sait pas les fabriquer ; la force de la France et de l'Europe est de disposer d'une longue tradition en la matière. Il importe de la conserver et d'investir dans ce secteur – donc de ne pas sacrifier la recherche. Il convient d'être vigilant, car tous les centres de recherche, du fait des agrégations successives, se trouvent aujourd'hui au sein d'ArcelorMittal.

S'agissant des brames, j'ignore s'il y a eu des importations en provenance de Chine.

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