Monsieur Faure, je souhaite vous remercier pour votre contribution dans l'affaire Florange.
J'abonderai dans votre sens : on produit à Florange, à Hayange et dans toute la vallée de la Fensch de l'acier de très haute qualité. Ce n'est pas un désert industriel ! L'acier Usibor a été imaginé pour toutes les voitures actuellement en phase de conception ; si l'investissement est fait à Florange, on peut penser que les débouchés seront assurés, en raison de la proximité des constructeurs automobiles. De même, à Gandrange, il existe encore un laminoir à couronnes et barres (LCB) – certes approvisionné par les fourneaux de Duisbourg. Dans cette vallée, on produit également des rails pour les lignes à grande vitesse (LGV), que l'on exporte jusqu'en Inde et qui sont parmi les plus performants au monde.
J'ignore si l'accord passé avec M. Mittal garantit la pérennité de tous ces outils. ArcelorMittal dispose en France d'un tel monopole qu'il peut faire pratiquement ce qu'il veut. Cela étant, ce qui se passe en Belgique montre qu'il faut faire des choix et, de ce point de vue, l'accord est plutôt positif pour la filière à froid lorraine. Il reste maintenant à le faire respecter.
Ce sont les derniers hauts fourneaux de Lorraine qui vont fermer. Cela entraînera, directement ou indirectement, la suppression de 1 500 emplois ; ces personnes ne se retrouveront pas toutes au chômage, mais les emplois ne seront pas remplacés du jour au lendemain. ArcelorMittal fait l'économie d'un plan social, mais aussi de l'obligation de remplacer les emplois supprimés, comme l'impose la loi de modernisation sociale. Quant aux intérimaires et aux sous-traitants, ils ont disparu depuis longtemps…
La production européenne d'acier est passée en quelques années de 180 millions à 145 millions de tonnes. Si elle revenait au niveau antérieur, ces hauts fourneaux ne manqueraient-ils pas ? Dans la vallée de la Fensch, la fonte vient de Duisbourg pour le LCB, de Dunkerque pour Usibor et d'Angleterre pour Tata Steel. Ne risque-t-on pas d'hypothéquer l'avenir en cas de reprise ?
L'accord prévoit la mise sous cocon des hauts fourneaux dans l'attente d'une éventuelle mise en oeuvre d'ULCOS, ce projet innovant qui permettra de réduire de moitié les émissions de CO2 et d'améliorer la productivité énergétique. Comment va-t-on procéder ? Doit-on conserver les cowpers en chauffe ou faudra-t-il de toute façon les remplacer ? Les avis sur la question divergent.
Aujourd'hui, le prix de la tonne de CO2 est tellement bas qu'ULCOS ne semble plus intéresser grand monde. Qu'en est-il ? Est-il réaliste de laisser les hauts fourneaux en friche pendant des années dans l'attente d'une hypothétique réutilisation dans le cadre d'ULCOS – qui prévoit de toute façon la reconstruction de l'un d'eux ?
L'hypothèse d'une éventuelle reprise du site a fait l'objet d'un intense débat, tant politique que technique. Le repreneur potentiel, Duferco, était un opérateur industriel, et non un financier. Si ce scénario avait été retenu, on peut se demander si cela aurait permis de préserver ArcelorMittal Research et de récupérer les brevets, et si d'autres emplois en Lorraine et en France n'auraient pas été menacés – ce sur quoi ArcelorMittal a probablement joué.
D'autre part, le repreneur potentiel m'a confirmé qu'il pensait pouvoir produire de l'acier à des prix inférieurs à ceux du marché – qui sont fixés par ArcelorMittal, grâce à sa situation de quasi-monopole. Cela ne gênait-il pas tout le monde, y compris les petits producteurs qui tirent avantage de la situation actuelle ?
Rappelons enfin que le siège d'ArcelorMittal se trouve au Luxembourg. L'intérêt de ce dernier est qu'ArcelorMittal reste puissant ; c'est également celui de l'Allemagne, parce qu'ArcelorMittal n'y est pas en situation de monopole et que le système de la cogestion l'empêche de fermer des sites. La France ne se trouve pas dans la même situation : notre talon d'Achille, c'est qu'ArcelorMittal détient chez nous un monopole. Notre choix était donc restreint – mais il fallait tenter de sauver l'essentiel.