Intervention de Pascal Faure

Réunion du 20 février 2013 à 11h00
Commission d'enquête chargée d'investiguer sur la situation de la sidérurgie et de la métallurgie françaises et européennes dans la crise économique et financière et sur les conditions de leur sauvegarde et de leur développement

Pascal Faure, directeur général de la compétitivité, de l'industrie et des services, DGCIS :

Le plan d'investissement qui a été négocié à Florange et dont l'application est surveillée par le comité de suivi a des résultats concrets, dont la presse s'est faite l'écho. Le lancement il y a quelques jours d'Usibor grande largeur, acier de haute qualité destiné à l'industrie automobile, est ainsi le résultat d'investissements récents ; d'autres seront réalisés par exemple pour remplacer les moteurs du train à chaud en vue de produire cet acier avec une meilleure productivité. C'est une bonne nouvelle, car il s'agissait d'un point délicat dans les négociations avec ArcelorMittal : comme cela concernait la partie amont du processus de fabrication, M. Mittal ne voulait pas se lier les mains.

Il convient toutefois de rester vigilant : le passé l'a montré, les promesses n'engagent pas tout le monde de la même manière. Cependant, il existe une feuille de route et tout doit être fait pour qu'elle soit mise en oeuvre. Si cela ne marche pas, je pense que l'État prendra ses responsabilités.

ArcelorMittal détient presque la moitié des parts du marché de l'acier pour l'automobile : cela a des effets structurants ! La concentration étant appelée à se renforcer en Europe, il faudra veiller à ce qu'un acteur n'ait pas la capacité de privilégier une politique de prix élevés sur une politique de volume, c'est-à-dire de gérer la pénurie du marché pour maintenir des prix élevés. A moyen terme, c'est très risqué, car si un nouvel arrivant casse les prix, tout s'effondre !

Néanmoins, l'hypothèse que le marché de l'acier revienne à son niveau de 2008 ne paraît guère crédible. Le challenge, qui concerne l'aluminium comme l'acier, porte sur la filière de recyclage. La France exporte de la ferraille, notamment vers ses voisins européens, et ne recycle qu'un tiers de l'acier qu'elle produit, contre les deux tiers pour les États-Unis ! Il faudrait développer la filière du traitement des véhicules hors d'usage. Il y a là un gisement mal exploité ; idem pour l'aluminium, qui se recycle quasi-indéfiniment à qualité presque constante.

Il est vrai que si l'on refroidit les hauts fourneaux, on les fragilisera, mais la mise sous cocon est la moins mauvaise solution pour maintenir durablement à l'arrêt l'outil industriel et éviter qu'il ne soit détruit par le gel. De toute façon, les deux hauts fourneaux de Florange arrivaient en fin de cycle d'investissement et avaient besoin d'une rénovation lourde dans un horizon de trois ans.

L'effondrement du cours du CO2 a été dramatique pour ULCOS : alors que le projet avait été établi sur la base d'une tonne à 30 ou 40 euros, elle se négocie aujourd'hui à 3 ou 4 euros, soit dix fois moins ! Aucun modèle économique ne peut résister à cela. Il existe en outre des incertitudes techniques : avant de vouloir l'appliquer à Florange, le procédé devait être testé sur un haut fourneau de taille intermédiaire. On ne l'a expérimenté que sur un haut fourneau de laboratoire, il reste des obstacles à lever avant de passer à l'échelle industrielle. Un groupe de recherche travaille d'ailleurs sur le sujet. D'autres incertitudes portent sur le coût, sur le financement, ainsi que sur la capacité du système à stocker le CO2 – ce qui remettrait en cause le financement européen. Bref, il faut retravailler le projet, et se donner du temps ; dans cette perspective, la mise sous cocon semble une phase nécessaire.

Le ministre a ouvert la semaine dernière un chantier sur l'avenir de l'aluminium en France, qui réunit tous les acteurs de la filière : industriels, fédérations, représentants du personnel. L'objectif est de définir d'ici à juin un plan d'action de filière, établi à partir des travaux menés dans les cinq groupes de travail installés à l'issue de la table ronde ; ils portent respectivement sur la stratégie pour la filière – notamment à l'export –, les emplois et compétences, l'efficience énergétique, la recherche et l'innovation, le recyclage.

La R & D est stratégique. Si l'on constate une érosion des centres de recherche, il convient de réagir. Il peut se produire des regroupements et des évolutions, mais le potentiel de recherche ne doit pas être affaibli.

Quant à une éventuelle reprise du site de Florange, on verra si elle s'impose. Pour l'heure, commençons par mettre en oeuvre la feuille de route !

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