Ce constat nous a conduits à formuler une série de recommandations visant à rationaliser l'empilement des dispositifs destinés aux créateurs d'entreprises et à mettre l'accent sur les aides les plus efficaces. Il s'agit de généraliser un accompagnement renforcé, enrichi et prolongé.
Nous proposons d'abord de rendre l'accompagnement obligatoire pour les bénéficiaires d'aides publiques. En effet, les chefs d'entreprise que nous avons rencontrés ont souvent évoqué la solitude et l'isolement des porteurs de projet et des créateurs d'entreprise. Pour certains d'entre eux, inciter des personnes à créer une entreprise sans aménager simultanément un accompagnement adéquat serait même dangereux. Les subventions dépourvues d'accompagnement seraient au mieux inutiles, au pire nocives, en ce qu'elles inciteraient des personnes à se lancer dans l'aventure entrepreneuriale sans le moindre appui, ce qui les conduirait inexorablement à l'échec.
Pour favoriser le développement des entreprises sur le long terme, nous proposons l'institution d'incitations financières au bénéfice des créateurs qui se font accompagner dans la durée, et d'une initiation aux métiers commerciaux et à la gestion des ressources humaines qui leur serait dispensée dès le début de leur activité, avant qu'ils ne soient absorbés par la gestion de leur entreprise. Ces compétences acquises devraient leur permettre d'envisager sereinement le recrutement de collaborateurs et le développement de l'entreprise.
On ne saurait généraliser l'accompagnement sans professionnaliser les associations qui en ont la charge. À cette fin, nous formulons quatre préconisations à leur adresse : utiliser davantage la Charte nationale de qualité élaborée par le Conseil national de la création d'entreprises ; renforcer la formation des personnes chargées de délivrer les prestations d'accompagnement ; instituer un certificat d'accompagnant volontaire de la création d'entreprises ; adapter les outils de l'accompagnement aux nouvelles technologies de l'information et de la communication.
Nous demandons enfin que l'arrêté prévu par l'article 2 de la loi n° 2005-882 du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises, qui permet de consacrer une partie des fonds de la formation professionnelle à l'accompagnement des créateurs d'entreprises, soit enfin publié, pour permettre d'augmenter les moyens alloués à l'accompagnement.
Nous préconisons également de privilégier les prêts accompagnés plutôt que les « aides guichets ». Nous proposons, à l'instar de la Cour des comptes, de simplifier le paysage des aides à la création d'entreprises. Nous demandons que des études économétriques sur l'impact des dispositifs ARCE et ACCRE soient menées, afin d'évaluer les éventuels effets d'aubaine. Nous souhaitons que les partenaires sociaux réfléchissent au moyen de passer d'une logique de guichet à une logique de projet et d'allouer une partie des aides à des créateurs qui, s'ils ne sont pas demandeurs d'emploi, créent les emplois de demain.
La Cour des comptes propose la suppression de plusieurs dispositifs. En ce qui nous concerne, nous préconisons a minima de mieux les cibler : le prêt à la création d'entreprises d'Oséo gagnerait à être mieux adapté aux créateurs qui ont de vraies difficultés à accéder au crédit et aux garanties bancaires.
Enfin, nous proposons de réaffecter les crédits du dispositif NACRE. Il ne s'agit pas de renoncer au principe d'une telle mesure, mais simplement d'en réduire les frais de gestion en la regroupant avec les autres dispositifs de prêts accompagnés que sont les prêts d'honneur.
Sur le plan fiscal, la stabilité est notre premier objectif, seuls des dispositifs stables permettant aux investisseurs d'adapter leurs stratégies de long terme. Les engagements pris par le Gouvernement à la suite de la remise du rapport Gallois vont dans ce sens.
Nous reprenons à notre compte la proposition de la Cour des comptes d'harmoniser les conditions d'exonération fiscale et sociale des différentes aides pendant la première année d'existence de l'entreprise. Il faudra prévoir en outre une diminution progressive de ces exonérations pour éviter que de brutaux effets de seuils ne brisent dans son élan la jeune entreprise.
Nous nous félicitons enfin que le Premier ministre ait confié à Karine Berger et Dominique Lefebvre une mission sur l'épargne financière et le financement de l'économie réelle. Sur la base de nos investigations et des recommandations du « Pacte pour la compétitivité de l'industrie française » de M. Louis Gallois, nous préconisons dès maintenant l'utilisation d'une partie des fonds déposés sur les livrets d'assurance-vie en faveur du financement de la création d'entreprises innovantes. Aujourd'hui, seuls 5 % des actifs gérés par les sociétés d'assurance sont investis dans des sociétés non financières françaises.
Nous insistons dans notre rapport sur la nécessité de donner l'envie d'entreprendre, et je pense que la création d'un statut d'autoentrepreneur était une première avancée en ce sens.
L'une des contributions les plus intéressantes du rapport de la Cour réside dans la prise en compte de la dimension culturelle des conditions de la création d'entreprises : sans esprit d'entreprise, pas d'entrepreneur et pas d'activité nouvelle, aurait pu dire M. de La Palice. Il est nécessaire de promouvoir la culture entrepreneuriale, particulièrement auprès des jeunes, qui représentent le potentiel de création d'entreprises de demain. Il est temps que les mentalités changent, qu'on cesse de considérer les échecs comme définitifs et qu'on donne le goût du risque aux porteurs de projets et aux jeunes. Nous ferions bien de nous inspirer des campagnes d'information et de promotion menées par d'autres pays – je pense à un slogan tel que « Foncez, tout le Québec vous admire ! ». Est-ce que nos entrepreneurs se sentent admirés ?
Afin que les entrepreneurs français se sentent estimés et accompagnés, nous proposons d'encourager les administrations à abandonner la logique du « tout-contrôle » au profit d'une culture de l'accompagnement, ce qui est un moyen de passer d'une société de défiance à une société de confiance. En somme, l'administration devrait aider l'entrepreneur à se mettre aux normes plutôt que de traquer la fraude. J'en profite pour mettre en garde le législateur que nous sommes : au moment où le scandale de la fraude dans la chaîne alimentaire va probablement nous conduire à légiférer afin d'assurer la traçabilité de la viande, nous devons faire attention de ne pas faire peser sur les petits producteurs des normes excessivement rigides.