Comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques

Réunion du 28 février 2013 à 10h00

Résumé de la réunion

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  • accompagnement
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La réunion

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La séance est ouverte à dix heures dix.

– Examen du rapport de M. Jean-Charles Taugourdeau et M. Fabrice Verdier sur l'évaluation des dispositifs publics d'aide à la création d'entreprises.

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Mes chers collègues, je vous prie d'excuser le Président Claude Bartolone, qui m'a demandé de le suppléer à la présidence de cette réunion.

Nous examinerons tout d'abord le rapport d'évaluation des dispositifs d'aide à la création d'entreprises, présenté au nom du CEC par nos deux rapporteurs : Jean-Charles Taugourdeau, pour l'opposition, et Fabrice Verdier, pour la majorité. Je vous rappelle que cette évaluation a fait l'objet d'une demande d'assistance à la Cour des comptes et que son Premier président nous a présenté le rapport de la Cour le 14 février dernier.

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Merci, Madame la Présidente. Vous venez de le rappeler, notre rapport s'appuie sur les travaux des magistrats de la Cour des comptes. Alors que la première partie est consacrée aux constats, nous formulons dans une deuxième et une troisième parties deux séries de recommandations : les unes visent à rationaliser les dispositifs et à promouvoir les plus efficaces, les autres ont pour objet l'organisation des pouvoirs publics et les méthodes de coordination.

Contrairement à une idée reçue, les chiffres bruts de la création d'entreprises sont globalement satisfaisants dans notre pays : ils augmentent régulièrement depuis 2003 et fortement depuis 2009, année de la création du statut d'autoentrepreneur. Ce statut étant trop récent pour que des études économétriques sérieuses aient pu être menées, nous l'avons exclu du champ de notre étude.

Jusqu'en 2009, selon les chiffres recensés par Eurostat, les résultats français en termes de nombre de créations d'entreprises sont dans la moyenne européenne. Ces chiffres nous sont même plutôt favorables, comparés à nos voisins immédiats, puisque, en 2009, grâce aux autoentrepreneurs, la France était en première position s'agissant du nombre de créations.

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Ces chiffres favorables se conjuguent avec des fragilités préoccupantes. Par rapport à nos partenaires européens, le problème de la France ne réside pas dans le nombre d'entreprises créées, mais dans l'insuffisance de leur développement.

Le rapport de la Cour évoque à cet égard des « entreprises sans salariés » : en 2011, seules 5,7 % des entreprises créées employaient au moins un salarié au moment de leur création, alors que, en Allemagne, environ 22 % des nouvelles entreprises embauchaient au moins une personne.

La faible croissance et le fort taux de mortalité des jeunes entreprises françaises s'expliquent notamment par le fait que les créateurs d'entreprise recourent trop peu à l'accompagnement d'une structure de conseil. Ce constat nous conduit à nous demander s'il y a aujourd'hui, dans notre pays, une politique publique de la création d'entreprises susceptible de répondre à ces difficultés et de corriger ces faiblesses. La réponse est négative. D'abord, il n'y a pas une politique publique unique de la création d'entreprises. Les dispositifs d'aide à la création d'entreprises résultent d'une construction historique. Les aides se sont empilées depuis les années 1970. Après le premier choc pétrolier, il s'agissait d'aider les chômeurs à créer leur propre entreprise ; à la fin des années 1990, on cherchait à favoriser la création d'entreprises par les chercheurs ; enfin, à partir des années 2000, ces dispositions visent à simplifier la création d'entreprises classique.

Cet empilement se reflète dans une organisation administrative dépourvue de vision d'ensemble, où la création d'entreprises relève de trois ministères distincts : économie, emploi, enseignement supérieur et recherche.

Les dispositifs à destination des chômeurs représentent la très grande majorité des dépenses en faveur de la création d'entreprises. Les aides à la création d'entreprises sont financées à 56 % par la sécurité sociale, l'UNEDIC et Pôle emploi.

Tout cela finit par constituer une offre pléthorique, dont le coût est difficilement mesurable.

La Cour des comptes relève que ces dispositifs sont parfois redondants.

Chacun d'entre eux est financé par un ou plusieurs acteurs : l'État, ses opérateurs – Oséo, la Caisse des dépôts et consignations –, les collectivités territoriales, Pôle emploi, l'UNEDIC, etc. Il est de ce fait très difficile de recenser et d'évaluer le coût des dispositifs. Ainsi, la Cour des comptes n'est pas parvenue à recenser l'intégralité des aides locales, les collectivités territoriales n'identifiant pas spécifiquement les aides à la création d'entreprises au sein de leurs dispositifs d'aide aux entreprises. Il en résulte un véritable « maquis » – mot fréquemment utilisé pendant nos auditions – d'intervenants et de financeurs : l'État, ses opérateurs, ses services déconcentrés, trois, voire quatre niveaux de collectivités territoriales. Les dispositifs financés par l'UNEDIC ou la sécurité sociale ont une gouvernance spécifique, associant les partenaires sociaux. La coordination de tous ces acteurs est largement perfectible.

Il ne faut pas oublier d'y ajouter les acteurs privés : les experts-comptables, les chambres consulaires, le secteur associatif, les investisseurs, les banques, qui ont besoin d'un environnement plus stable et plus lisible et de relations clarifiées avec les pouvoirs publics.

Cet éclatement de la gouvernance se traduit par l'existence de sept guichets différents. La Cour des comptes a même calculé qu'un demandeur d'emploi qui a intégré le parcours « création d'entreprises » de Pôle emploi peut être confronté jusqu'à cinq interlocuteurs différents dans le cadre de ses démarches pour obtenir l'aide à la reprise ou à la création d'entreprises (ARCE), l'aide aux chômeurs créateurs ou repreneurs d'entreprise (ACCRE) et le nouvel accompagnement à la création ou la reprise d'entreprise (NACRE), sans prendre en compte les éventuelles démarches auprès d'opérateurs intervenant pour le compte de collectivités territoriales : le conseiller de Pôle emploi chargé du suivi de son dossier et de la procédure d'octroi de l'ARCE ; un premier opérateur d'accompagnement si le porteur de projet a bénéficié de l'évaluation préalable à la création d'entreprises (EPCE), prévue dans l'offre de services de Pôle emploi ; le centre de formalités des entreprises (CFE), pour le dépôt de la demande d'ACCRE ; un opérateur NACRE phase 1 ; et enfin un troisième opérateur d'accompagnement pour les phases 2 et 3 du dispositif NACRE. Voilà l'exemple d'un des parcours les plus simples qui attendent un demandeur d'emploi qui voudrait créer son entreprise.

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Ce constat nous a conduits à formuler une série de recommandations visant à rationaliser l'empilement des dispositifs destinés aux créateurs d'entreprises et à mettre l'accent sur les aides les plus efficaces. Il s'agit de généraliser un accompagnement renforcé, enrichi et prolongé.

Nous proposons d'abord de rendre l'accompagnement obligatoire pour les bénéficiaires d'aides publiques. En effet, les chefs d'entreprise que nous avons rencontrés ont souvent évoqué la solitude et l'isolement des porteurs de projet et des créateurs d'entreprise. Pour certains d'entre eux, inciter des personnes à créer une entreprise sans aménager simultanément un accompagnement adéquat serait même dangereux. Les subventions dépourvues d'accompagnement seraient au mieux inutiles, au pire nocives, en ce qu'elles inciteraient des personnes à se lancer dans l'aventure entrepreneuriale sans le moindre appui, ce qui les conduirait inexorablement à l'échec.

Pour favoriser le développement des entreprises sur le long terme, nous proposons l'institution d'incitations financières au bénéfice des créateurs qui se font accompagner dans la durée, et d'une initiation aux métiers commerciaux et à la gestion des ressources humaines qui leur serait dispensée dès le début de leur activité, avant qu'ils ne soient absorbés par la gestion de leur entreprise. Ces compétences acquises devraient leur permettre d'envisager sereinement le recrutement de collaborateurs et le développement de l'entreprise.

On ne saurait généraliser l'accompagnement sans professionnaliser les associations qui en ont la charge. À cette fin, nous formulons quatre préconisations à leur adresse : utiliser davantage la Charte nationale de qualité élaborée par le Conseil national de la création d'entreprises ; renforcer la formation des personnes chargées de délivrer les prestations d'accompagnement ; instituer un certificat d'accompagnant volontaire de la création d'entreprises ; adapter les outils de l'accompagnement aux nouvelles technologies de l'information et de la communication.

Nous demandons enfin que l'arrêté prévu par l'article 2 de la loi n° 2005-882 du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises, qui permet de consacrer une partie des fonds de la formation professionnelle à l'accompagnement des créateurs d'entreprises, soit enfin publié, pour permettre d'augmenter les moyens alloués à l'accompagnement.

Nous préconisons également de privilégier les prêts accompagnés plutôt que les « aides guichets ». Nous proposons, à l'instar de la Cour des comptes, de simplifier le paysage des aides à la création d'entreprises. Nous demandons que des études économétriques sur l'impact des dispositifs ARCE et ACCRE soient menées, afin d'évaluer les éventuels effets d'aubaine. Nous souhaitons que les partenaires sociaux réfléchissent au moyen de passer d'une logique de guichet à une logique de projet et d'allouer une partie des aides à des créateurs qui, s'ils ne sont pas demandeurs d'emploi, créent les emplois de demain.

La Cour des comptes propose la suppression de plusieurs dispositifs. En ce qui nous concerne, nous préconisons a minima de mieux les cibler : le prêt à la création d'entreprises d'Oséo gagnerait à être mieux adapté aux créateurs qui ont de vraies difficultés à accéder au crédit et aux garanties bancaires.

Enfin, nous proposons de réaffecter les crédits du dispositif NACRE. Il ne s'agit pas de renoncer au principe d'une telle mesure, mais simplement d'en réduire les frais de gestion en la regroupant avec les autres dispositifs de prêts accompagnés que sont les prêts d'honneur.

Sur le plan fiscal, la stabilité est notre premier objectif, seuls des dispositifs stables permettant aux investisseurs d'adapter leurs stratégies de long terme. Les engagements pris par le Gouvernement à la suite de la remise du rapport Gallois vont dans ce sens.

Nous reprenons à notre compte la proposition de la Cour des comptes d'harmoniser les conditions d'exonération fiscale et sociale des différentes aides pendant la première année d'existence de l'entreprise. Il faudra prévoir en outre une diminution progressive de ces exonérations pour éviter que de brutaux effets de seuils ne brisent dans son élan la jeune entreprise.

Nous nous félicitons enfin que le Premier ministre ait confié à Karine Berger et Dominique Lefebvre une mission sur l'épargne financière et le financement de l'économie réelle. Sur la base de nos investigations et des recommandations du « Pacte pour la compétitivité de l'industrie française » de M. Louis Gallois, nous préconisons dès maintenant l'utilisation d'une partie des fonds déposés sur les livrets d'assurance-vie en faveur du financement de la création d'entreprises innovantes. Aujourd'hui, seuls 5 % des actifs gérés par les sociétés d'assurance sont investis dans des sociétés non financières françaises.

Nous insistons dans notre rapport sur la nécessité de donner l'envie d'entreprendre, et je pense que la création d'un statut d'autoentrepreneur était une première avancée en ce sens.

L'une des contributions les plus intéressantes du rapport de la Cour réside dans la prise en compte de la dimension culturelle des conditions de la création d'entreprises : sans esprit d'entreprise, pas d'entrepreneur et pas d'activité nouvelle, aurait pu dire M. de La Palice. Il est nécessaire de promouvoir la culture entrepreneuriale, particulièrement auprès des jeunes, qui représentent le potentiel de création d'entreprises de demain. Il est temps que les mentalités changent, qu'on cesse de considérer les échecs comme définitifs et qu'on donne le goût du risque aux porteurs de projets et aux jeunes. Nous ferions bien de nous inspirer des campagnes d'information et de promotion menées par d'autres pays – je pense à un slogan tel que « Foncez, tout le Québec vous admire ! ». Est-ce que nos entrepreneurs se sentent admirés ?

Afin que les entrepreneurs français se sentent estimés et accompagnés, nous proposons d'encourager les administrations à abandonner la logique du « tout-contrôle » au profit d'une culture de l'accompagnement, ce qui est un moyen de passer d'une société de défiance à une société de confiance. En somme, l'administration devrait aider l'entrepreneur à se mettre aux normes plutôt que de traquer la fraude. J'en profite pour mettre en garde le législateur que nous sommes : au moment où le scandale de la fraude dans la chaîne alimentaire va probablement nous conduire à légiférer afin d'assurer la traçabilité de la viande, nous devons faire attention de ne pas faire peser sur les petits producteurs des normes excessivement rigides.

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Nous formulons également des propositions pour améliorer et clarifier la gouvernance, c'est-à-dire l'organisation des pouvoirs publics, leurs compétences respectives, mais aussi leurs modes de coordination.

Avant toute chose, il nous a paru urgent de définir une stratégie nationale de la création d'entreprises. Le manque de coordination de dispositifs qui, bien qu'ils poursuivent des objectifs différents, ont des modalités voisines, augmente les risques d'effets d'éviction ou d'aubaine, ainsi que ceux de saupoudrage et d'inefficience, tous coûteux pour les finances publiques.

La coordination est aujourd'hui tout à fait insuffisante entre les acteurs de l'emploi et ceux de l'économie. La Cour des comptes rapporte que la Délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle (DGEFP) n'a instauré aucun échange régulier avec la direction de la sécurité sociale et l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) pour ce qui concerne l'ACCRE, ni avec Pôle emploi et l'UNEDIC concernant l'ARCE. Autre exemple frappant de cette absence de coordination, Pôle emploi a lancé, au début de 2012, un appel d'offres en vue de sélectionner ses propres opérateurs, sur la base de critères qui lui sont spécifiques, et sans référence à la labellisation ou au conventionnement des opérateurs de NACRE, ni à la charte de qualité élaborée par l'Agence pour la création d'entreprises (APCE) et les réseaux d'accompagnement, sous la direction de la DGEFP et de la direction générale de la compétitivité, de l'industrie et des services (DGCIS).

C'est pourquoi nous préconisons de nommer un délégué interministériel – ou haut-commissaire – chargé d'organiser le dialogue entre ces différents acteurs. Nous souhaitons également un renforcement des outils de pilotage, notamment par la création d'un nouveau document budgétaire de politique transversale, comme il en existe déjà pour la politique de lutte contre le changement climatique ou l'outre-mer. Les parlementaires pourront ainsi prendre connaissance de l'ensemble des dépenses publiques en faveur des entreprises.

Il est également urgent d'achever la décentralisation, plutôt que de rester dans un entre-deux coûteux et inefficace. De trop nombreux acteurs interviennent aujourd'hui dans les territoires : les antennes de Pôle emploi, les services déconcentrés de l'État – en l'occurrence les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) –, et trois, voire quatre niveaux de collectivités territoriales. Retirer la gestion du dispositif NACRE aux DIRECCTE, c'est déjà un guichet de moins sur le terrain.

La présence des services déconcentrés n'améliore pas réellement la coordination entre l'État et les collectivités. Le recensement des aides régionales et la coordination entre services, prévus par la mesure numéro 95 de la révision générale des politiques publiques, ont échoué, faute d'une attention suffisante des ministères de tutelle.

C'est pourquoi, plutôt que l'institution d'un « guichet unique » au caractère quelque peu artificiel, nous proposons une démarche contractuelle entre l'État et les régions pour organiser les intervenants sur le terrain, permettre la remontée de l'information et faire respecter les objectifs nationaux.

En outre, nous proposons que la Banque publique d'investissement fédère non seulement les aides destinées à la création et à la reprise d'entreprise et celles destinées à l'innovation et au développement, mais aussi les aides à l'export, de façon à former une chaîne de la croissance. Dès lors, il nous paraît essentiel que les préfets de région s'assurent que la coordination avec Pôle emploi est effective. En effet, alors que la coordination de l'opérateur avec les autres acteurs laisse déjà à désirer, il importe que Pôle emploi ne soit pas marginalisé par ces évolutions.

De façon générale, le contrat nous semble l'outil à privilégier afin de formaliser les relations entre les différents acteurs. Des contrats de performance passés entre les différentes collectivités publiques garantissent l'autonomie de chacune d'entre elles. Ils permettent de préserver des formes d'organisation singulières, mais tout à fait pertinentes au niveau local, comme la Cour des comptes le souligne ou comme nous avons pu le constater lors de nos déplacements.

Le recours au secteur associatif constitue, pour la puissance publique, une garantie de souplesse et d'adaptabilité. La signature de contrats d'objectifs et de moyens est d'ores et déjà pratiquée par certains opérateurs, telle la CDC Entreprises, pour regrouper et professionnaliser les associations. La passation de contrats de financements pluriannuels, assortis d'indicateurs de performance, doit être encouragée.

Nous avons représenté dans un schéma la gouvernance telle que nous la souhaiterions. Sur le plan horizontal, les conférences doivent permettre la coordination des acteurs sur les sujets transversaux. Verticalement, les contrats permettent de clarifier les compétences et de garantir l'autonomie chère aux collectivités territoriales.

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Voilà un excellent travail, qui donne à réfléchir sur un problème complexe et qui n'appelle pas une solution unique.

Vous n'avez cependant pas suffisamment souligné que nos entreprises souffrent d'abord d'un manque d'investissement. Quel que soit l'état d'un moteur, il ne peut pas fonctionner sans carburant. Or l'investissement dans les entreprises françaises ne progresse plus depuis 2000, notamment à cause de la fuite des capitaux hors de France, alors que, de 1995 à 2005, la France a été leader mondial de l'exportation nette de capitaux.

Deuxièmement, ce pays a besoin d'un véritable ministère de l'industrie, qui ne soit pas placé sous la tutelle de Bercy et soumis à sa vision strictement comptable des problèmes.

Troisièmement, nos ingénieurs et nos commerciaux doivent apprendre à créer des entreprises ensemble, dût-on les faire coucher dans les mêmes dortoirs quand ils sont étudiants, comme cela se fait aux États-Unis ! Il est par ailleurs regrettable que nos futurs ingénieurs n'apprennent pas ce qu'est la propriété intellectuelle, alors que celle-ci est devenue pour beaucoup de pays un moyen de protéger leurs marchés.

Je voudrais dire enfin que si, en France, une entreprise sur deux « va au tapis » dans les cinq ans suivant sa création, cette proportion s'élève à neuf sur dix aux États-Unis.

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Le problème fondamental de notre économie réside dans la faiblesse structurelle du taux de marge de nos entreprises, qui ne leur permet pas d'investir. La comparaison avec l'Allemagne montre que cela est dû au niveau élevé des prélèvements fiscaux et sociaux dans notre pays.

Votre rapport dit l'essentiel. Il souligne combien la création d'entreprises est indispensable à la régénération de notre tissu économique et à son inscription dans le futur : il ne faut jamais oublier que toutes les multinationales sont nées dans un garage.

Il a aussi le mérite de pointer la nécessité d'une évolution culturelle de notre pays : il faut que la société française apprenne à respecter et à encourager les créateurs d'entreprises et à leur reconnaître un droit à l'échec.

J'ai entendu un jour à la radio un journaliste affirmer qu'en fait de création d'entreprises, on créait beaucoup de baraques à frites en France : ce n'est pas ce type d'entreprises qui va permettre de régénérer notre tissu économique. Vous êtes-vous penchés sur les moyens d'inciter à la création d'entreprises dans les secteurs d'activité qui sont porteurs ?

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Je voudrais remercier nos rapporteurs pour ce travail, qui explique d'une façon claire et concrète certains dysfonctionnements de notre société. Hélas, les solutions qu'ils proposent ne me semblent pas de nature à remédier aux difficultés rencontrées par nos entreprises.

Ainsi, l'institution d'un délégué interministériel à la création d'entreprises ne sera pas la solution à l'éclatement de la gouvernance. Elle ne ferait qu'ajouter une structure administrative supplémentaire, incapable de peser face aux ministères, contribuant à aggraver encore la complexité, à rebours de la simplification nécessaire au développement économique. S'il faut absolument une nouvelle structure, pourquoi ne pas créer plutôt un ministère ad hoc, avec des relais dans les régions, qui aurait la haute main sur l'ensemble des financements et des dispositifs d'accompagnement ?

Le statut d'autoentrepreneur, s'il n'a pas été la solution attendue, a du moins eu le mérite de révéler l'envie d'entreprendre des Français.

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S'agissant de l'investissement, monsieur Myard, il faudrait réfléchir à un dispositif dans lequel les entreprises seraient tenues de rembourser les aides à la création une fois qu'elles sont en capacité de distribuer des dividendes.

Prétendre qu'on crée surtout des friteries est un cliché facile, même s'il est vrai que le statut d'autoentrepreneur a plutôt favorisé ce type d'entreprises. On devrait obliger la presse à évoquer les réussites autant que les échecs !

On évoque toujours la solution d'un ministère de l'industrie, alors qu'il faudrait plutôt un ministère de l'entrepreneuriat. On oublie toujours qu'il y a aussi en France des entreprises agricoles. Celles-ci n'ont pas accès aux financements d'Oséo, par exemple, alors que les chefs de ces entreprises ont également besoin de garanties.

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Votre souhait de ne pas séparer formation d'ingénieur et formation commerciale, monsieur Myard, est en partie satisfait par notre proposition n° 7 visant à étendre l'accompagnement des chefs d'entreprises récemment créées aux formations aux métiers commerciaux et à la gestion des ressources humaines » et par notre proposition n° 18 visant à étendre l'expérience des « pôles entrepreneuriat étudiant » à l'ensemble des universités et des IUT, ainsi qu'aux apprentis.

C'est aussi la raison pour laquelle nous proposons de rendre l'accompagnement obligatoire, en subordonnant le bénéfice de tout avantage public au suivi d'un accompagnement par le porteur de projet ou le créateur d'entreprise. Cet accompagnement doit permettre au créateur d'entreprise d'avoir une vue d'ensemble de sa future activité, intégrant les aspects commerciaux et les ressources humaines. En effet, ce n'est pas tant la création de l'entreprise qui pose problème que sa survie au-delà des cinq premières années. Il arrive même que des entreprises viables meurent, faute de capitaux propres, et c'est pourquoi nous proposons d'orienter les fonds déposés sur les livrets d'assurance-vie vers le financement de la création d'entreprises innovantes. La survie des entreprises nouvellement créées peut également être menacée par une forme de frilosité de leur créateur, qui ne sait pas recruter les bonnes personnes au bon moment. L'accompagnement que nous proposons vise à remédier à l'ensemble de ces difficultés.

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On a tendance à confondre deux types de créations d'entreprises, qui répondent à des motivations différentes. Dans certains cas, des personnes au chômage veulent exploiter une idée d'activité, sans nourrir pour autant une importante ambition de développement et donc de financement. Mais elles ont besoin d'acquérir rapidement une culture de gestion afin de ne pas, par exemple, être surprises, au bout de dix-huit mois ou de deux ans, par le paiement des charges sociales, ce qui peut avoir des conséquences dramatiques. Ce profil correspond-il particulièrement, et pour quelle part, aux 50 % d'entreprises qui disparaissent dans leurs premières années ? Le dispositif mis en place en faveur des autoentrepreneurs pour le paiement mensuel ou trimestriel des charges sociales devrait être élargi à toutes les entreprises, quel que soit leur statut.

La deuxième catégorie de créations d'entreprises résulte d'idées innovantes portées par un jeune diplômé, qui n'entend pas rester seul et souhaite développer son activité à plus grande échelle, notamment en embauchant des salariés. Celui-ci n'a besoin ni des mêmes aides ni du même accompagnement que dans le cas précédent.

Un expert-comptable ne saura pas forcément appuyer également les deux types de création d'entreprises. Il faudrait donc essayer d'analyser plus finement encore la segmentation des motivations à l'origine de la création d'entreprises.

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Il paraît en effet difficile d'appliquer le même dispositif à des parcours très différents, de celui du diplômé d'une grande école jusqu'à celui du jeune chômeur vivant dans une zone peu industrialisée. Il convient donc d'identifier cette diversité et de comprendre qu'il ne saurait exister de guichet unique pour tous ni de formules générales d'accompagnement systématique.

Il existe deux grandes familles de candidats : ceux qui ont un métier et doivent apprendre à gérer, ceux qui savent gérer et doivent apprendre un métier. Nos artisans passés à l'ère industrielle, notamment dans le secteur des salaisons, ont souvent éprouvé la difficulté d'intégrer à leur activité les méthodes de gestion, le changement de dimension de leur clientèle, les négociations avec la grande distribution.

Lorsqu'il s'agit d'apprendre la gestion et le développement « en marchant », de découvrir les techniques propres à un métier, on se heurte à des obstacles variés et on a donc besoin d'accompagnements différenciés.

Les échecs d'entreprise sont aujourd'hui trop lourdement pénalisés. S'il est normal d'éviter des aventures hasardeuses ou irresponsables, il faut aussi que le statut, notamment pénal, de l'entrepreneur n'empêche pas celui-ci, lorsqu'il est de bonne foi, de prendre les risques consubstantiels à l'économie de marché. Les modèles anglo-saxons sont beaucoup plus ouverts à cet égard. Un premier échec, surtout s'il est instructif, ne devrait pas s'opposer à ce que la même personne puisse tenter une deuxième fois sa chance, notamment auprès des financeurs.

Ce qu'on appelle le coworking, consistant à faire travailler de jeunes chefs d'entreprise dans une même salle commune, en open space, et non dans des petits bureaux cloisonnés comme ceux des pépinières d'entreprises, ne devrait-il pas être davantage encouragé ? Dans ma ville, 200 créateurs d'entreprise peuvent ainsi, dans un climat d'émulation, échanger des informations, s'entretenir mutuellement de leurs expériences et rencontrer des experts.

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Parmi les principales causes de la disparition d'entreprises au cours de leurs cinq premières années d'existence, il faut bien sûr signaler l'insuffisance de l'accompagnement, mais aussi l'impossibilité de se constituer un fonds de roulement, ce qui entraîne des impayés de charges, interdit de réagir rapidement à un aléa du marché et fait basculer l'entreprise dans une spirale infernale. Or les aides publiques interviennent le plus souvent pour le financement d'investissements, mais rarement en faveur du fonds de roulement.

Il faut aussi évoquer le prélèvement des cotisations sociales en fonction des disponibilités de trésorerie. Trop souvent, la liquidation des dettes sociales se présente à un moment de faiblesse financière à court terme, ce qui provoque des difficultés qu'une prise en compte plus réaliste de la situation de l'entreprise permettrait de résoudre sans drame.

Enfin, je crois également à la vertu du partage des informations entre entreprises. Nous l'avons éprouvé dans le secteur agricole – qui, plus que tout autre, a réduit le nombre des entreprises en difficulté –, au travers de l'obligation d'études prévisionnelles assorties d'une validation, de la formation professionnelle et de la mutualisation des informations dans le cadre de groupements de développement. Les espaces de coworking pourraient apporter quelque chose de comparable au monde industriel et commercial. L'État n'a pas à se substituer aux entreprises, mais doit créer un cadre favorable à l'émergence des initiatives, notamment associatives, et à une meilleure collaboration avec les organismes consulaires. À cet égard, il serait souhaitable que les entreprises y trouvent des interlocuteurs économiques véritables plutôt que des techniciens ne parlant que du financement de leur institution.

Pour l'ensemble de ces questions, le présent rapport fournit une solide base de réflexion.

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Les problèmes diffèrent en fonction des besoins, selon qu'il s'agit d'un amorçage de quelques centaines de milliers d'euros ou d'un financement de plusieurs dizaines de millions d'euros pour accompagner la transformation d'une PME en entreprise de taille intermédiaire. Il faut en tout cas rétablir une certaine logique économique, qui – les auditions auxquelles Karine Berger et moi-même avons procédé l'ont révélé – fait encore défaut. Partout, nous avons senti une aversion générale pour le risque : ce ne sont pas seulement les ménages qui le refusent pour leur épargne, mais aussi les banquiers, les assurances-vie, les sociétés de gestion et même parfois les sociétés de capital investissement. La mobilisation de l'épargne exige que l'on examine a priori les perspectives de réussite et de rentabilité de l'entreprise au financement de laquelle on contribue.

Entre le rapport de la Cour des comptes et ce qu'en retient le présent rapport, je relève deux orientations essentielles : l'accompagnement et la gouvernance.

L'aide à la création d'entreprises recouvre des réalités hétéroclites. Quel rapport y a-t-il entre un jeune de quartier désirant créer son entreprise de bâtiment, un chômeur de quarante ans qui se met à son compte, un élève ingénieur travaillant dans une junior entreprise et un élève de dernière année d'école de commerce ? Une politique publique poursuivant plusieurs objectifs à la fois éprouve nécessairement des difficultés à centrer les mesures adaptées à chacun des dispositifs correspondants.

Pour éviter un taux d'échec trop important, il faut faire en sorte qu'aucun engagement ne soit pris à la légère. Tous les élus locaux sont confrontés au même problème : comment freiner des projets sans débouché économique prévisible ? Une bonne idée – et on nous en présente beaucoup – n'exclut d'ailleurs pas des défaillances ultérieures. Pour obtenir des taux de réussite plus importants, il convient de mieux sélectionner les projets, de les assortir d'un accompagnement, de préférer les prêts aux subventions. Il vaudrait mieux, pour cela, réduire le nombre d'actes de création d'entreprises.

Simplifier et unifier la gouvernance est une exigence qui ne saurait cependant préjuger du contenu du prochain projet de loi consacré à cette question. S'il est normal que l'État exerce une responsabilité stratégique, il n'a pas pour autant vocation à intervenir directement sur le terrain. Rien n'étant plus local que la création d'une entreprise, le renforcement du poids des régions en la matière passe par une contractualisation avec l'État, que décline ensuite une chaîne d'accords couvrant des périmètres plus restreints et associant d'autres acteurs, tels que les organismes consulaires et les réseaux associatifs. Pour autant, le souci de proximité ne doit pas aboutir à un désordre juridique provoqué par la confusion ou la juxtaposition des dispositifs, ou par des actions parallèles menées par les différents niveaux des collectivités locales, chacune voulant imprimer sa marque.

Il convient donc de bien distinguer l'échelon opérationnel, confié à des opérateurs locaux, et une contractualisation mettant chacun au niveau qui est le sien.

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Recentrons d'abord le débat : notre rapport concerne les aides publiques à la création d'entreprises, qui représentent environ 2,8 milliards d'euros, sans compter les aides induites et collatérales.

Créer une entreprise, ce n'est pas seulement tapoter sur le clavier de son ordinateur pour inscrire un nom au registre du commerce ou à la chambre des métiers. Les premières années qui suivent la naissance d'une entreprise sont précaires : une sur trois meurt au bout de trois ans et une sur deux au bout de cinq ans. Faut-il absolument définir avec précision ce qu'entend faire un porteur de projet ? Le plus difficile n'est pas forcément de créer une entreprise innovante, qui intéresse, aujourd'hui, nombre d'intervenants, mais d'ouvrir un salon de coiffure ou un atelier de menuiserie. Quand j'ai créé mon entreprise, les experts disaient que la production de plants potagers et de plantes aromatiques s'inscrivait dans un créneau trop étroit… Depuis, j'ai créé 140 équivalents temps plein !

L'accompagnement des entreprises ne réside pas seulement dans les aides publiques. Il consiste surtout à remplacer une logique de contrôle par un partenariat de confiance. J'ai entendu un jour le responsable d'une direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) déclarer à un chef d'entreprise qu'il n'était pas là pour l'aider, mais pour le contrôler et qu'il devait se mettre aux normes avant même de commencer à travailler. Mais avec quels moyens ? Ne vaudrait-il pas mieux désigner à l'entrepreneur un correspondant à la DREAL chargé de l'accompagner durant les cinq premières années et lui laisser une année de plus pour se plier aux normes ? L'accumulation des réglementations rend très difficile le choix d'un site industriel de production. On peut, demain, détruire l'usine PSA d'Aulnay-sous-Bois, mais il sera beaucoup plus dur de trouver, en France, un site où reconstruire une telle usine ! D'une façon générale, il y a trop de freins à la création d'entreprises, et ils ne sont pas forcément tous financiers.

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Voilà vingt ans que l'État n'a pas su concilier convenablement les trois objectifs qu'il s'est fixé : la création d'entreprises par les chômeurs, l'innovation et le développement du tissu économique local. En conséquence, les dispositifs en vigueur ne savent pas toujours s'adapter aux besoins.

Nous aurions pu, dans ce rapport, aller plus loin en ce qui concerne la gouvernance. C'est la région qui doit être chef de file, puisque le soutien et l'accompagnement ne peuvent que différer selon l'environnement régional : on ne crée pas une entreprise à proximité de la technopole de Grenoble comme au fin fond de la Lozère.

Cependant, nous avons ébauché quelques pistes complémentaires, comme le retrait du dispositif NACRE aux DIRECCTE : il fait doublon avec les prêts d'honneur de certains réseaux et la dispersion entre les opérateurs est si complexe qu'il mobilise 15 millions d'euros en frais de gestion.

Parvenir à ce que le préfet de région et le président du conseil régional réunissent deux fois par an les parties prenantes autour d'une table afin d'examiner l'offre de créateurs d'entreprises sur les bassins d'emplois correspondants et d'étudier les dispositifs propres à les accompagner constituerait donc un progrès certain et à moyens constants.

Les organismes consulaires devront également s'impliquer davantage auprès des régions, car leur participation et leur efficacité sont, comme l'a observé la Cour des comptes, très variables selon les territoires. Certaines chambres de commerce et de métiers ne pensent qu'à alimenter leur propre budget tandis que d'autres se préoccupent vraiment de l'intérêt des entreprises.

Le Comité autorise la publication du rapport d'information sur l'évaluation des dispositifs publics d'aide à la création d'entreprises.

– Examen du rapport de M. Denis Jacquat et M. Jean-Louis Touraine sur l'évaluation des politiques publiques de lutte contre le tabagisme.

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Le rapport sur l'évaluation des politiques de lutte contre le tabagisme que nous allons examiner a bénéficié d'une contribution de la Cour des comptes qui nous a été présentée le 13 décembre dernier.

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Le tabagisme, premier facteur de mortalité évitable, loin devant l'alcoolisme, l'addiction à d'autres drogues, le sida, les meurtres, les suicides et les accidents de la route, est la première cause de santé publique : 73 000 personnes en meurent chaque année dans notre pays. Un fumeur sur deux meurt prématurément des pathologies provoquées par la consommation de tabac. On s'est longtemps, bien à tort, accoutumé à ce méfait. Jusqu'à la Première Guerre mondiale, on n'y prêtait guère attention. Puis, le nombre de fumeurs augmentant fortement chez les hommes, on a commencé à en mesurer les conséquences, notamment cancéreuses et cardio-vasculaires. À la fin du XXe siècle, les femmes se sont également mises à fumer et l'addiction au tabac place aujourd'hui la France dans une mauvaise position sanitaire, par comparaison avec les pays voisins.

Pour mettre en oeuvre une politique de lutte plus efficace contre le tabagisme, nous préconisons une double action : diminuer la prévalence chez les nouveaux fumeurs, notamment en rendant le tabac moins attractif pour les jeunes, et faciliter le sevrage des fumeurs.

Je remercie chaleureusement les administrateurs de l'Assemblée nationale qui nous ont apporté une aide précieuse pour l'élaboration de notre rapport.

Je remercie également la Cour des comptes qui nous a aidés dans l'évaluation des politiques de lutte contre le tabagisme et nous a permis de disposer d'un état des lieux précis. À partir de cette expertise, nous avons mené nos propres travaux, avec une quinzaine d'auditions et de tables rondes, dont l'une consacrée au tabagisme des jeunes, phénomène très préoccupant. Nous avons également recueilli des éléments d'information complémentaires auprès de la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS), de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) et du commissaire européen chargé de la santé, M. Tonio Borg.

Nous avons également pris en compte les travaux parlementaires antérieurs, notamment ceux de la mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS), mais aussi les textes présentés ou adoptés récemment, en particulier la proposition de directive sur le tabac de la fin décembre 2012.

Dans ce rapport, nous soulignons tout d'abord la nécessité d'accroître l'efficacité des politiques de lutte contre le tabagisme, et présentons à cette fin quinze propositions concrètes, guidées par la volonté d'agir en direction des fumeurs, pour soutenir au mieux ceux d'entre eux qui souhaitent s'arrêter et pour donner envie aux autres de s'engager dans la démarche de sevrage, ainsi qu'en direction des non-fumeurs, pour éviter la première cigarette.

Nous entendons aussi mettre en oeuvre des mesures volontaristes et efficaces, mais aussi réalistes et opérationnelles, en cherchant à comprendre au mieux les difficultés qui peuvent se poser concrètement sur le terrain, et à associer davantage tous les acteurs concernés, qui sont nombreux.

Ces propositions s'inscrivent dans le cadre d'une stratégie de réforme fondée sur deux axes : d'une part, rénover le pilotage et la gouvernance de la politique publique afin d'engager dans la durée une action globale et coordonnée ; d'autre part, agir sur tous les leviers de l'action publique en mobilisant largement les acteurs sociaux.

Agir plus efficacement pour diminuer la consommation de tabac suppose tout d'abord de poser le bon diagnostic, autrement dit d'identifier les forces et les faiblesses du dispositif actuel, et de mesurer dans quelles conditions les objectifs fixés ont été atteints.

Dans cette perspective, la première partie du rapport présente une analyse des objectifs, des moyens et des principaux résultats observés en matière de lutte contre le tabagisme. Cette évaluation est d'autant plus nécessaire qu'il s'agit là d'un enjeu majeur pour la collectivité.

Si un fumeur sur deux meurt prématurément d'une maladie liée au tabac, l'enquête réalisée par l'Institut français d'opinion publique (IFOP) fait toutefois apparaître une grave sous-estimation de ces risques par les Français, notamment par les jeunes.

Le tabagisme représente un coût élevé pour la collectivité. Ainsi, une étude réalisée par la CNAMTS à la demande de la Cour des comptes estime, dans une évaluation qui reste très partielle, à plus de 12 milliards d'euros par an la charge pour la seule branche maladie du régime général de sécurité sociale. Ses effets indirects et différés ne font toutefois pas l'objet d'une analyse fine. De plus, en prenant notamment en compte les pertes liées aux décès prématurés des fumeurs, les incidences négatives pour la collectivité ont été estimées à plus de 45 milliards selon une étude datant de 2006. Cela pourrait donc approcher les 50 milliards actuellement. Par comparaison, la ressource publique globale issue du tabac atteint 15 milliards d'euros en 2012, soit moins du tiers de son coût. Autrement dit, le coût global du tabagisme pour la collectivité est bien supérieur au montant des recettes fiscales qu'il génère. Il n'en reste pas moins nécessaire de réactualiser ces estimations et d'évaluer plus méthodiquement les incidences négatives du tabac, qui présente un coût humain considérable et un coût économique désastreux.

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J'espère que notre rapport débouchera sur des décisions concrètes, car nous avons observé que, malgré la loi Évin et la loi relative à la politique de santé publique de 2004, les objectifs et les dispositions de la lutte contre le tabagisme étaient peu lisibles et fluctuants.

Le dispositif d'observation mis en place est perfectible. Il lui manque des données régulières sur la prévalence tabagique, le baromètre santé n'étant publié que tous les cinq ans. Les estimations des achats de tabac en dehors du réseau des buralistes, tels que les achats transfrontaliers et sur internet, ne sont pas suffisamment bien établies. On sait toutefois qu'une personne sur cinq en France fume des cigarettes achetées par ces filières, dont 15 % à l'étranger et 5 % sur des marchés parallèles. Ces données sont pourtant nécessaires pour le pilotage de la politique, afin de permettre un suivi fin des inflexions de la consommation réelle et d'apprécier l'impact des mesures prises.

Les moyens mis en oeuvre restent dispersés et les crédits engagés – de l'ordre de 100 millions d'euros – extrêmement limités.

En France, le nombre de femmes enceintes qui continuent de fumer est élevé – elles sont 17 % chez nous, mais 4 à 10 % chez nos voisins. Il s'agit un véritable échec qui doit nous mobiliser, surtout quand on connaît les conséquences sur l'enfant à naître.

Le tabagisme touche particulièrement les jeunes. En France, en moyenne, les fumeurs fument leur première cigarette à quatorze ans et un mois. Nous savons également que dès qu'un jeune a fumé cent cigarettes, il devient dépendant.

Le tabagisme a par ailleurs de très graves conséquences sur les publics en situation de précarité qui cumulent souvent les problèmes physiologiques.

Si nous constatons que les politiques de lutte antitabac mises en oeuvre en Allemagne, au Royaume-Uni ou aux Pays-Bas sont plus efficaces que celles menées en France dans la même période, nous enregistrons heureusement quelques réussites. Ainsi, la lutte contre le tabagisme passif a produit de très bons résultats. Grâce au décret pris par M. Xavier Bertrand, alors ministre de la santé et des solidarités, on ne fume plus dans la plupart des lieux publics, comme les bars et cafés. Néanmoins, ces règles ne sont pas toujours respectées, en particulier dans les stades ou dans les gares.

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Au foisonnement et au cloisonnement qui caractérisent pour partie le système actuel, il faut opposer une remise à plat ordonnée, globale et cohérente de l'action publique, avec une vision stratégique s'inscrivant dans la durée.

Dans cette perspective, la gouvernance doit être simplifiée et la coordination renforcée. Une coordination interministérielle forte et constante est indispensable. Nous proposons d'instituer un comité interministériel, présidé par le Premier ministre et dont le ministre chargé de la santé serait le rapporteur général. Il est également nécessaire de renforcer le positionnement de la mission interministérielle de lutte contre les drogues et la toxicomanie (MILDT) qui pourrait être chargée du secrétariat du comité. Nous proposons également de prévoir la désignation d'un « Monsieur » ou d'une « Madame antitabac ».

Nous suggérons aussi de prendre plusieurs mesures en vue de clarifier les compétences des opérateurs et agences sanitaires, et de rapprocher certains organismes pour améliorer l'efficacité et la coordination des politiques de santé, qui doivent aussi être renforcées au niveau régional. Les agences régionales de santé (ARS) doivent en effet investir pleinement le champ de la prévention. Notre rapport comporte plusieurs recommandations en vue de soutenir le déploiement de politiques de santé publique territoriales et partenariales, visant en particulier le tabagisme. Le premier facteur de mortalité évitable doit constituer une priorité pour les ARS.

Parallèlement, il est impératif de renforcer l'efficacité du pilotage, en définissant une stratégie de moyen terme, avec un cap clairement fixé et un ensemble d'actions cohérentes s'inscrivant dans une trajectoire quantifiée de diminution du tabagisme. Pour cela, la prochaine loi de santé publique doit faire de la lutte contre le tabagisme une véritable priorité, en fixant notamment un objectif chiffré de réduction de la prévalence sur cinq et dix ans, global et par groupes cibles – femmes, jeunes, personnes en situation de précarité, notamment les chômeurs. Les orientations de cette loi devraient par ailleurs être complétées et déclinées dans un plan d'action gouvernemental.

Plus stratégique, le pilotage doit aussi être plus resserré et réactif. À cette fin, nous proposons d'établir au moins une fois par an un tableau de bord qui permettrait de mesurer régulièrement l'efficacité des leviers utilisés et de réagir immédiatement dès qu'un « clignotant » s'allume. Cela suppose de publier plus régulièrement des données sur la prévalence et les modes d'approvisionnement.

Pour un pilotage plus performant, il faut enfin améliorer l'information du Parlement, devant lequel le Gouvernement doit régulièrement rendre compte de son action et des résultats obtenus, avec le dépôt d'un rapport annuel sur le suivi de l'objectif quinquennal et des documents budgétaires étoffés en matière de tabagisme.

Enfin, pour concevoir des stratégies efficaces de réduction du tabagisme et mettre en oeuvre des politiques fondées sur les preuves, il faut pouvoir s'appuyer sur des données suffisamment robustes et scientifiquement validées. Dans cette perspective, une impulsion doit être donnée à la recherche et à l'évaluation des pratiques, en s'inspirant notamment du dispositif mis en place avec efficacité en Grande-Bretagne, avec le UK Centre for tobacco control studies.

Il convient d'élaborer un programme national de recherche pluridisciplinaire, sous l'impulsion de l'Institut national du cancer, en renforçant la coordination entre les différents organismes concernés. Il faut aussi faire réaliser dans ce cadre une nouvelle estimation du coût du tabagisme pour la collectivité, et développer les évaluations de l'impact des actions locales de prévention ainsi que la diffusion des expériences qui ont fait la preuve de leur efficacité. Il est également nécessaire de conforter l'indépendance de l'expertise, et de prévoir la mention des liens éventuels d'intérêt de leurs auteurs avec l'industrie du tabac ou l'industrie pharmaceutique.

Ces actions permettront de mieux étayer la décision publique et, ainsi, d'améliorer les résultats, mais aussi d'accroître la légitimité des actions de lutte contre le tabagisme. À elles seules, ces mesures précises, effectuées chaque année en temps réel, inciteront au progrès en vertu de l'adage selon lequel « tout ce qui se mesure s'améliore ».

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Il convient d'agir sur tous les leviers de l'action publique en mobilisant l'ensemble des acteurs. Un empilement de taxes et d'interdictions ne constitue pas une véritable politique de santé publique qui doit en revanche faire du renforcement de la prévention et de l'aide à l'arrêt de la consommation, en particulier celle des jeunes, une priorité.

La prise en charge doit être améliorée. Nous demandons le remboursement intégral des substituts nicotiniques, comme des médicaments, jusqu'à ce que le traitement soit efficace. Il existe aujourd'hui un forfait de 50 euros, mais la cure n'est aujourd'hui remboursée qu'une seule fois, alors que les résultats ne sont concluants que dans 23 % des cas. Je rappelle que les dépenses induites par les incidences négatives, sur le plan sanitaire et social, résultant des méfaits du tabac sont trois fois plus élevées que les recettes générées par les taxes perçues sur la vente de ce produit.

Nous préconisons également de mieux associer les professionnels de santé et d'améliorer leur formation initiale et professionnelle ainsi que la prise en charge des femmes enceintes.

Nous devons veiller à l'application stricte de l'interdiction de fumer dans les lieux fermés et couverts, et résoudre le problème des terrasses de café. Même à proximité de l'Assemblée nationale, des terrasses de café fumeurs sont totalement fermées et, en été, on trouve de plus en plus de terrasses dont les clients fument en extérieur, sans être séparés des tables voisines situées à l'intérieur.

L'interdiction de la vente de tabac aux mineurs peut être renforcée en prévoyant la présentation systématique d'une pièce d'identité par tous les consommateurs, de même que lorsque l'on règle par chèque ou que l'on prend l'avion. Cette mesure mettrait fin à la stigmatisation des buralistes qui sont accusés de vendre aux jeunes.

Nous proposons également de jouer sur le levier fiscal en taxant tous les produits du tabac au même niveau afin d'éviter les transferts de consommation d'un produit à l'autre en cas de hausse.

Nous suggérons de privilégier des modifications de la fiscalité entraînant une modification significative et dissuasive des prix, car nous avons constaté qu'une augmentation modérée n'a que peu d'impact.

L'amplification de la lutte contre les achats hors réseaux de buralistes est nécessaire, mais difficile. Si l'on peut souhaiter des harmonisations de la fiscalité et des prix au niveau européen, de telles décisions n'ont guère de chance d'être mises en oeuvre à court terme.

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Nous devons nous donner les moyens de faire respecter les lois déjà en vigueur, notamment l'interdiction de vente aux mineurs. Il faut aider au sevrage en sachant que plusieurs tentatives sont souvent nécessaires.

Il convient également de réduire l'attractivité du tabac en renforçant la réglementation sur les arômes et en élargissant les dispositions de la loi sur les cigarettes-bonbons aux autres produits. Les cigarettes très fines, dites « slims », qui semblent cibler un public féminin, devraient également être interdites.

Nous proposons par ailleurs d'augmenter la taille des avertissements sanitaires sur les paquets de cigarettes et d'évaluer les effets de l'introduction du paquet neutre en Australie. Enfin, un message de prévention devrait précéder la diffusion de films comportant une séquence valorisant des produits du tabac. Il faudrait par ailleurs interdire la promotion sur les lieux de vente.

Parallèlement, il est essentiel de développer des stratégies plus ambitieuses de prévention et de communication, en organisant régulièrement des campagnes d'information, relayées au niveau local. Elles devraient s'appuyer sur les ressorts de communication pertinents, et diffuser des messages plus offensifs et réalistes, mais aussi plus positifs, valorisant les non-fumeurs et l'arrêt du tabac. Des actions ciblées de prévention et d'accompagnement doivent également être développées en direction notamment des femmes et des jeunes. Il en va de même pour les actions d'éducation à la santé en milieu scolaire, en impliquant l'ensemble de la communauté éducative, les jeunes et les parents.

Ces mesures visent à poursuivre et à amplifier les efforts entrepris pour donner un nouveau souffle à la politique de réduction du tabagisme et placer la France dans le peloton de tête des pays les mieux protégés de ce fléau. Vouloir supprimer la mortalité liée au tabac peut sembler utopique. Pourtant, plusieurs organisations internationales, dont l'OMS, ont déjà envisagé un monde sans tabac. Nous vous proposons de parcourir les premières étapes de cette ambitieuse aventure humaine !

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Il est indispensable de mener très régulièrement des campagnes de communication. L'expérience de la prévention routière nous apprend que la répétition du message est essentielle.

Le comportement de l'État n'est pas toujours logique. Peut-être devrait-il chercher à réduire l'offre en diminuant le nombre de points de vente pour avoir des effets sur la demande ? Pour ma part, je suis maire d'une ville de 23 000 habitants qui compte trois bureaux de tabac !

Nous savons que le même processus physiologique et chimique rend dépendant au café, au chocolat, au jeu, à l'alcool ou au tabac. Il faut donc pousser les recherches pour parvenir à combattre efficacement ces dépendances.

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Monsieur Jacquat, avec quelle régularité et à quelle échéance devraient intervenir selon vous les augmentations significatives des prix du tabac que vous appelez de vos voeux ? Depuis la mise en oeuvre du premier Plan cancer, voulu par Jacques Chirac en 2003, les hausses sont annuelles et ne dépassent pas 5 à 6 %.

Les chiffres que vous nous fournissez montrent que les dépenses consacrées à la communication antitabac sont dix fois inférieures aux montants investis en faveur de la sécurité routière, alors que le tabagisme tue beaucoup plus que la route. Quelles mesures peut-on prendre pour améliorer l'information du public ? L'Éducation nationale ne devrait-elle pas jouer un grand rôle en la matière étant donné le risque couru par les mineurs ?

Pourquoi les indices de prévalence ne sont-ils publiés que tous les cinq ans ? Est-ce pour une raison financière ? La médiatisation régulière de ces chiffres actualisés aurait des vertus pédagogiques et permettrait de soutenir des actions de prévention.

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J'ai quelques souvenirs de l'époque où, conseiller au cabinet de Michel Rocard à Matignon, je travaillais à la préparation de la loi Évin sur le tabac et l'alcool. Je me souviens de réunions homériques avec des députés, élus de circonscriptions viticoles du sud de la France, et de la puissance des lobbies de l'industrie du tabac.

En 1990, nous préconisions que les avertissements sanitaires sur les paquets de cigarettes aient la taille qui est la leur aujourd'hui ; à l'époque, nous nous étions fait battre en arbitrage. Il ne faut jamais oublier que, hier comme aujourd'hui, des intérêts économiques extrêmement puissants sont à l'oeuvre – ils impliquent tous ceux qui vivent des financements de l'industrie du tabac.

Cette dernière adopte en permanence une stratégie simple : elle cible les plus jeunes. Au moment même où nous mettions en oeuvre la loi Évin, la SEITA a voulu lancer sur le marché une nouvelle marque de cigarettes, la « Chevignon », afin de créer une accoutumance chez les plus jeunes.

Nos marges de manoeuvre sont donc étroites, mais nous pouvons jouer sur trois leviers : le prix, la restriction de publicité et la réglementation.

Je rappelle que, avant 1990, on fumait dans les boîtes de nuit ou sur les quais de métro. Les choses se sont donc améliorées, en particulier sous l'impulsion du Président Jacques Chirac. Il faut une volonté politique ; il faut aussi une communication permanente et régulière. Tout en préservant la liberté individuelle, l'esprit public doit finir par considérer que ne pas fumer est la norme ; fumer doit être l'exception. L'ajustement des comportements devrait au moins permettre de sauver ceux qui sont exposés au tabagisme passif.

Il faut sans doute aussi renouveler les mesures prises et la communication, même si l'effet des « mesures-chocs » est souvent bref. Les fumeurs ont sans doute été traumatisés quelques jours par les photos dissuasives apparues sur les paquets de cigarettes ; aujourd'hui, ils ne les regardent même plus. Seule la répétition du message pourra modifier les comportements.

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La prévention est sans doute essentielle, en particulier à l'égard des trois populations cibles que sont les précaires, les femmes, notamment lorsqu'elles sont enceintes, et les jeunes.

Pour avoir récemment travaillé à une évaluation de la médecine scolaire, j'estime que l'éducation nationale devrait être davantage associée à la politique de prévention, par exemple grâce au travail des médecins ou des infirmières scolaires. Quoi qu'il en soit, il est clair que les « années collège » sont un moment crucial pour s'adresser aux jeunes sur ce sujet.

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La pédagogie, c'est la répétition. Les messages doivent être inlassablement répétés et reformulés. Pour s'adresser aux jeunes, il faut aussi utiliser des relais spécifiques, car ils sont peu sensibles à la communication institutionnelle. Le message sera plus efficace s'il est positif et s'il évite de culpabiliser les fumeurs.

Au sein de l'éducation nationale, il existe actuellement des initiatives isolées qui ne sont généralement pas évaluées. Nous avons eu néanmoins connaissance d'un résultat non conforme à nos attentes : on comptait un plus grand nombre de fumeurs chez des lycéens passés par une classe de collège ayant bénéficié d'une action de prévention que chez les autres ! Un message directement négatif adressé par les adultes à un public adolescent, tenté par la transgression, peut rendre attractif ce qu'il voulait disqualifier. Le contenu des actions doit donc être très sérieusement évalué.

Une volonté de réduire l'offre se heurterait au réseau des buralistes – dont il ne faut toutefois pas surestimer l'importance. Elle risquerait aussi de favoriser les trafics contre lesquels une action efficace devrait être menée en coordination avec le service des douanes – sachant que les buralistes grossissent le trait : hors ventes frontalières, les ventes parallèles ne représentent que 5 % du marché.

Monsieur Myard, une étude internationale montre que le tabac crée une dépendance bien supérieure à celle provoquée par le café ou le chocolat, et correspondant plutôt à celle créée par les drogues les plus dures. Nous savons que les récepteurs neuronaux des femmes sont plus sensibles que ceux des hommes : elles auront en conséquence plus de difficultés pour se sevrer. Cela devrait conduire à exploiter la première grossesse et à mobiliser le réseau des gynécos-obstétriciens pour qu'ils incitent fortement au sevrage.

La science nous montre aussi que la dépendance s'installe dès le cinquième paquet et que, plus le sujet est jeune, plus ses effets sont difficiles à combattre. Il est en conséquence très préoccupant de voir baisser l'âge de la première cigarette. La recherche nous a beaucoup appris et de nouveaux progrès doivent maintenant permettre de délivrer ceux qui sont victimes d'une addiction.

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Monsieur Myard, notre proposition n° 7 porte sur la nécessité de développer la recherche grâce à une approche globale. Un encadré dans notre rapport est consacré à la recherche au Royaume-Uni.

Le système français de distribution du tabac est spécifique et il faut rappeler que le nombre de buralistes a significativement diminué et qu'il y a eu des baisses du nombre de paquets de cigarettes vendus, mais aussi que la profession a d'autres activités, en particulier la vente de la presse et surtout des jeux.

Monsieur Bapt, la Cour des comptes a expliqué que le Baromètre santé n'était publié que tous les cinq ans pour des raisons de coût. Nous estimons qu'il faudra parvenir à publier un bilan annuel de la prévalence tabagique.

Les souvenirs de M. Dominique Lefebvre concernant la loi Évin sont exacts ; j'étais moi-même à l'époque l'un des porte-parole du groupe UDF sur le texte. Que de chemin parcouru depuis ! Il reste que 73 000 personnes meurent tous les ans en France à cause du tabac, qui tue donc beaucoup plus que la route.

Madame la présidente, nous avons constaté que des expériences très positives se déroulaient dans des collèges d'Île-de-France. Une fois ces jeunes entrés au lycée, nous avons moins de données sur l'impact des expériences en question. En tout état de cause, nos concitoyens ont très jeunes l'esprit frondeur.

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Si la loi Évin a été efficace, de même que le premier Plan cancer, nous n'avons pas enregistré depuis de véritable décrochage de la consommation. Certes, l'interdiction de fumer dans les lieux publics a fait régresser le tabagisme passif, et elle a eu un impact sur le nombre moyen de cigarettes fumées, mais elle n'a pas fait diminuer le nombre de fumeurs.

Les augmentations de prix ayant été trop faibles pour avoir un réel effet, des hausses de prix de plus de 10 % seraient souhaitables. Une augmentation de 15 % tous les trois ans sera plus incitative qu'une augmentation de 5 % par an.

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Je remercie les rapporteurs pour la qualité de leur travail et pour leurs propositions qui seront remises au Gouvernement.

Le Comité autorise la publication du rapport d'information sur l'évaluation des politiques publiques de lutte contre le tabagisme.

La séance est levée à douze heures cinq.