Le tabagisme, premier facteur de mortalité évitable, loin devant l'alcoolisme, l'addiction à d'autres drogues, le sida, les meurtres, les suicides et les accidents de la route, est la première cause de santé publique : 73 000 personnes en meurent chaque année dans notre pays. Un fumeur sur deux meurt prématurément des pathologies provoquées par la consommation de tabac. On s'est longtemps, bien à tort, accoutumé à ce méfait. Jusqu'à la Première Guerre mondiale, on n'y prêtait guère attention. Puis, le nombre de fumeurs augmentant fortement chez les hommes, on a commencé à en mesurer les conséquences, notamment cancéreuses et cardio-vasculaires. À la fin du XXe siècle, les femmes se sont également mises à fumer et l'addiction au tabac place aujourd'hui la France dans une mauvaise position sanitaire, par comparaison avec les pays voisins.
Pour mettre en oeuvre une politique de lutte plus efficace contre le tabagisme, nous préconisons une double action : diminuer la prévalence chez les nouveaux fumeurs, notamment en rendant le tabac moins attractif pour les jeunes, et faciliter le sevrage des fumeurs.
Je remercie chaleureusement les administrateurs de l'Assemblée nationale qui nous ont apporté une aide précieuse pour l'élaboration de notre rapport.
Je remercie également la Cour des comptes qui nous a aidés dans l'évaluation des politiques de lutte contre le tabagisme et nous a permis de disposer d'un état des lieux précis. À partir de cette expertise, nous avons mené nos propres travaux, avec une quinzaine d'auditions et de tables rondes, dont l'une consacrée au tabagisme des jeunes, phénomène très préoccupant. Nous avons également recueilli des éléments d'information complémentaires auprès de la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS), de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) et du commissaire européen chargé de la santé, M. Tonio Borg.
Nous avons également pris en compte les travaux parlementaires antérieurs, notamment ceux de la mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS), mais aussi les textes présentés ou adoptés récemment, en particulier la proposition de directive sur le tabac de la fin décembre 2012.
Dans ce rapport, nous soulignons tout d'abord la nécessité d'accroître l'efficacité des politiques de lutte contre le tabagisme, et présentons à cette fin quinze propositions concrètes, guidées par la volonté d'agir en direction des fumeurs, pour soutenir au mieux ceux d'entre eux qui souhaitent s'arrêter et pour donner envie aux autres de s'engager dans la démarche de sevrage, ainsi qu'en direction des non-fumeurs, pour éviter la première cigarette.
Nous entendons aussi mettre en oeuvre des mesures volontaristes et efficaces, mais aussi réalistes et opérationnelles, en cherchant à comprendre au mieux les difficultés qui peuvent se poser concrètement sur le terrain, et à associer davantage tous les acteurs concernés, qui sont nombreux.
Ces propositions s'inscrivent dans le cadre d'une stratégie de réforme fondée sur deux axes : d'une part, rénover le pilotage et la gouvernance de la politique publique afin d'engager dans la durée une action globale et coordonnée ; d'autre part, agir sur tous les leviers de l'action publique en mobilisant largement les acteurs sociaux.
Agir plus efficacement pour diminuer la consommation de tabac suppose tout d'abord de poser le bon diagnostic, autrement dit d'identifier les forces et les faiblesses du dispositif actuel, et de mesurer dans quelles conditions les objectifs fixés ont été atteints.
Dans cette perspective, la première partie du rapport présente une analyse des objectifs, des moyens et des principaux résultats observés en matière de lutte contre le tabagisme. Cette évaluation est d'autant plus nécessaire qu'il s'agit là d'un enjeu majeur pour la collectivité.
Si un fumeur sur deux meurt prématurément d'une maladie liée au tabac, l'enquête réalisée par l'Institut français d'opinion publique (IFOP) fait toutefois apparaître une grave sous-estimation de ces risques par les Français, notamment par les jeunes.
Le tabagisme représente un coût élevé pour la collectivité. Ainsi, une étude réalisée par la CNAMTS à la demande de la Cour des comptes estime, dans une évaluation qui reste très partielle, à plus de 12 milliards d'euros par an la charge pour la seule branche maladie du régime général de sécurité sociale. Ses effets indirects et différés ne font toutefois pas l'objet d'une analyse fine. De plus, en prenant notamment en compte les pertes liées aux décès prématurés des fumeurs, les incidences négatives pour la collectivité ont été estimées à plus de 45 milliards selon une étude datant de 2006. Cela pourrait donc approcher les 50 milliards actuellement. Par comparaison, la ressource publique globale issue du tabac atteint 15 milliards d'euros en 2012, soit moins du tiers de son coût. Autrement dit, le coût global du tabagisme pour la collectivité est bien supérieur au montant des recettes fiscales qu'il génère. Il n'en reste pas moins nécessaire de réactualiser ces estimations et d'évaluer plus méthodiquement les incidences négatives du tabac, qui présente un coût humain considérable et un coût économique désastreux.