Au foisonnement et au cloisonnement qui caractérisent pour partie le système actuel, il faut opposer une remise à plat ordonnée, globale et cohérente de l'action publique, avec une vision stratégique s'inscrivant dans la durée.
Dans cette perspective, la gouvernance doit être simplifiée et la coordination renforcée. Une coordination interministérielle forte et constante est indispensable. Nous proposons d'instituer un comité interministériel, présidé par le Premier ministre et dont le ministre chargé de la santé serait le rapporteur général. Il est également nécessaire de renforcer le positionnement de la mission interministérielle de lutte contre les drogues et la toxicomanie (MILDT) qui pourrait être chargée du secrétariat du comité. Nous proposons également de prévoir la désignation d'un « Monsieur » ou d'une « Madame antitabac ».
Nous suggérons aussi de prendre plusieurs mesures en vue de clarifier les compétences des opérateurs et agences sanitaires, et de rapprocher certains organismes pour améliorer l'efficacité et la coordination des politiques de santé, qui doivent aussi être renforcées au niveau régional. Les agences régionales de santé (ARS) doivent en effet investir pleinement le champ de la prévention. Notre rapport comporte plusieurs recommandations en vue de soutenir le déploiement de politiques de santé publique territoriales et partenariales, visant en particulier le tabagisme. Le premier facteur de mortalité évitable doit constituer une priorité pour les ARS.
Parallèlement, il est impératif de renforcer l'efficacité du pilotage, en définissant une stratégie de moyen terme, avec un cap clairement fixé et un ensemble d'actions cohérentes s'inscrivant dans une trajectoire quantifiée de diminution du tabagisme. Pour cela, la prochaine loi de santé publique doit faire de la lutte contre le tabagisme une véritable priorité, en fixant notamment un objectif chiffré de réduction de la prévalence sur cinq et dix ans, global et par groupes cibles – femmes, jeunes, personnes en situation de précarité, notamment les chômeurs. Les orientations de cette loi devraient par ailleurs être complétées et déclinées dans un plan d'action gouvernemental.
Plus stratégique, le pilotage doit aussi être plus resserré et réactif. À cette fin, nous proposons d'établir au moins une fois par an un tableau de bord qui permettrait de mesurer régulièrement l'efficacité des leviers utilisés et de réagir immédiatement dès qu'un « clignotant » s'allume. Cela suppose de publier plus régulièrement des données sur la prévalence et les modes d'approvisionnement.
Pour un pilotage plus performant, il faut enfin améliorer l'information du Parlement, devant lequel le Gouvernement doit régulièrement rendre compte de son action et des résultats obtenus, avec le dépôt d'un rapport annuel sur le suivi de l'objectif quinquennal et des documents budgétaires étoffés en matière de tabagisme.
Enfin, pour concevoir des stratégies efficaces de réduction du tabagisme et mettre en oeuvre des politiques fondées sur les preuves, il faut pouvoir s'appuyer sur des données suffisamment robustes et scientifiquement validées. Dans cette perspective, une impulsion doit être donnée à la recherche et à l'évaluation des pratiques, en s'inspirant notamment du dispositif mis en place avec efficacité en Grande-Bretagne, avec le UK Centre for tobacco control studies.
Il convient d'élaborer un programme national de recherche pluridisciplinaire, sous l'impulsion de l'Institut national du cancer, en renforçant la coordination entre les différents organismes concernés. Il faut aussi faire réaliser dans ce cadre une nouvelle estimation du coût du tabagisme pour la collectivité, et développer les évaluations de l'impact des actions locales de prévention ainsi que la diffusion des expériences qui ont fait la preuve de leur efficacité. Il est également nécessaire de conforter l'indépendance de l'expertise, et de prévoir la mention des liens éventuels d'intérêt de leurs auteurs avec l'industrie du tabac ou l'industrie pharmaceutique.
Ces actions permettront de mieux étayer la décision publique et, ainsi, d'améliorer les résultats, mais aussi d'accroître la légitimité des actions de lutte contre le tabagisme. À elles seules, ces mesures précises, effectuées chaque année en temps réel, inciteront au progrès en vertu de l'adage selon lequel « tout ce qui se mesure s'améliore ».