Nous rencontrons tous des maires, et pas seulement de petites communes rurales, qui nous rapportent les difficultés considérables qu'ils rencontrent pour appliquer certaines normes, en particulier lorsqu'elles exigent de se doter d'équipements coûteux. Il n'est d'ailleurs pas nécessaire de cumuler des mandats locaux pour le constater ; un seul suffit !
Je partage d'autant plus volontiers les objectifs du présent texte que nombre d'études internationales ont montré que la France, tous gouvernements confondus, battait des records en matière de production de normes. L'on me disait même l'autre jour que l'Allemagne ne serait pas engagée par les normes ISO, mais je n'ai pas encore eu l'occasion de le vérifier.
La proposition de loi qui nous est soumise ne peut manquer de me rappeler fortement celle du sénateur Doligé, que j'ai rapportée lorsqu'elle a été présentée au Conseil d'État il y a exactement un an. Et je suis au regret de constater qu'elle encourt le même risque d'inconstitutionnalité.
L'article 21 de la Constitution confie le pouvoir réglementaire au Premier ministre, et toute la jurisprudence constitutionnelle enseigne que l'on ne peut y déroger que de manière extrêmement précise et dans des cas particuliers. En principe, le pouvoir réglementaire de droit commun ne se partage pas. Ce que le Conseil constitutionnel admet, c'est que la loi elle-même prévoit, de manière très encadrée, ses propres critères de dérogation. S'agissant notamment de l'accessibilité des bâtiments aux personnes handicapées, le Conseil constitutionnel a rendu en juillet 2011 une décision particulièrement sévère, considérant que les critères de dérogation envisagés dans la loi n'étaient pas assez précis et que la violation du principe d'égalité était donc manifeste. Avec des gardiens aussi vigilants du pouvoir réglementaire de valeur constitutionnelle du Premier ministre et du principe d'égalité, je crains sincèrement que la présente proposition de loi ne passe pas la rampe de la censure constitutionnelle.
Faut-il pour autant se résoudre à ne rien faire ? À titre personnel, je considère qu'il n'est pas impossible d'insérer dans l'article L. 1111-5 du code général des collectivités territoriales (CGCT) la disposition d'affichage qui est proposée puisque, dans ce premier chapitre du CGCT, le législateur se fait à lui-même des prescriptions pour l'avenir, en disposant notamment qu'une collectivité ne peut pas exercer la tutelle d'une autre. Dès lors, pourquoi ne pas insérer un article disposant que le législateur doit toujours prévoir des dérogations précises et utiles, au regard notamment de la taille des communes ou de leurs capacités financières ? Un tel article d'affichage pourrait être greffé dans le CGCT à l'occasion d'une autre loi, sous réserve que cela ne soit pas un cavalier.
Enfin, il faut distinguer le stock et le flux. S'agissant du flux, le législateur peut s'imposer certaines contraintes d'adaptabilité. Quant au stock, il convient de s'en remettre à la CCEN, qui fait du bon travail. Peut-être faudrait-il simplement prévoir d'en « doper » les moyens.
Si ce texte répond à une bonne intention, le moyen constitutionnel qu'il propose de retenir n'est malheureusement pas le bon.