Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Réunion du 26 septembre 2012 à 10h00

Résumé de la réunion

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La réunion

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La séance est ouverte à 10 heures.

Présidence de M. Jean-Jacques Urvoas, président.

La Commission examine, sur le rapport de M Pierre Morel-A-L'Huissier, la proposition de loi portant création des principes d'adaptabilité et de subsidiarité en vue d'une mise en oeuvre différenciée des normes en milieu rural (n°142 rectifié).

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Mes chers collègues, j'appelle votre attention sur le fait que Pierre Morel-A-L'Huissier est un redoutable parlementaire, qui, sous la législature précédente, parvenait à faire voter ensemble la droite et la gauche. J'incite donc chacun à la plus grande vigilance ! (Sourires)

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La prolifération des normes est devenue un sujet récurrent depuis une vingtaine d'années. Le diagnostic posé par le Conseil d'État dans son rapport public de 1991 en mettait en exergue les conséquences, tant en termes d'intelligibilité et de crédibilité du droit, de sécurité juridique que de coût pour les administrés chargés de l'appliquer. Sa conclusion est restée fameuse : « quand le droit bavarde, le citoyen ne lui prête plus qu'une oreille distraite ». Pourtant, quinze ans après, la même institution n'a pu que constater que le phénomène s'était encore développé, en appelant à un « autocontrôle » de l'État producteur de normes qui tarde à arriver.

Nous autres parlementaires sommes bien placés pour être parfois témoins et parfois contributeurs de ce phénomène. Ainsi, entre le projet présenté par le Gouvernement le 21 octobre 2009 et le texte promulgué le 16 décembre 2010, la loi portant réforme des collectivités territoriales est passé de 40 à 90 articles. Il est malheureusement politiquement plus aisé de proposer la création d'une nouvelle prescription normative que de déposer un amendement de suppression.

Trois rapports ont récemment mis en évidence le poids de cette inflation normative pour les collectivités territoriales: le rapport Belot, qui a remarquablement posé le diagnostic d'une « maladie de la norme » ; le rapport Doligé, qui a montré qu'il existait des solutions pour simplifier les normes applicables aux collectivités territoriales ; enfin, la mission que j'ai eue l'honneur de diriger avec nos collègues Daniel Fasquelle, Étienne Blanc et Yannick Favennec, sur l'impact de ces normes sur le développement des territoires ruraux.

La présente proposition de loi poursuit un même objectif, au moyen de l'ouverture de deux facultés d'adaptation complémentaires. Prenant en compte le constat d'une « maladie de la norme », ainsi que de l'échec des tentatives d'autolimitation de la production normative, elle propose de faire confiance à l'intelligence des territoires, de leurs élus et de leurs préfets, pour substituer aux normes réglementaires d'application des mesures adaptées à la réalité et à la diversité des situations locales.

En effet, le stock de normes applicables est devenu insupportable pour les personnes, publiques et privées, chargées de les mettre en oeuvre. Les symptômes de la « surproduction normative » ont du reste déjà été longuement et brillamment analysés – notamment par le Conseil d'État –, et il n'est donc pas nécessaire d'y revenir.

Si, selon l'Association des maires de France, les communes doivent respecter pas moins de 400 000 normes, qui touchent toutes les compétences locales, il convient de ne pas oublier que les autres personnes publiques et privées sont aussi confrontées à cet afflux.

Les prescripteurs de normes sont toujours plus nombreux. Ainsi, l'État porte une part de responsabilité indéniable dans l'augmentation du nombre de textes. Cette inflation trouve aussi bien sa source dans son rôle de législateur que dans le pouvoir réglementaire. Nous adoptons chaque année de nouveaux textes qui apparaissent forcément nécessaires ; ceux-ci font cependant porter sur les collectivités territoriales des charges nouvelles, que les lois de simplification adoptées sous la précédente législature sous l'impulsion du président Warsmann, n'ont que très partiellement compensées. Étienne Blanc, qui en fut le rapporteur, pourra en témoigner.

Les lois votées par nos assemblées imposent en outre l'adoption de mesures d'application qui se comptent par centaines et s'appliquent dans une large proportion aux collectivités. La loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement, dite « Grenelle II », n'appelle pas moins de 173 décrets d'application ! Et il en avait été de même de la loi relative aux territoires ruraux : si le Conseil des ministres avait présenté 74 articles, le Parlement en a adopté 240, dont 85 prévoyant un décret d'application.

Le rapport de la Commission consultative d'évaluation des normes a établi qu'en trois ans, 692 textes réglementaires ayant des incidences sur les collectivités territoriales ont été pris, ce qui représente un coût cumulé pour les collectivités de l'ordre de 2,34 milliards d'euros en année pleine. La moitié de ces coûts supplémentaires émanait de la mise en application des lois et des directives européennes. Seuls 17,9 % peuvent être imputés à l'activité normative propre du Gouvernement.

D'autres producteurs de normes ont émergé récemment : les institutions de l'Union européenne, bien entendu, mais aussi les organismes de droit privé investis d'un pouvoir réglementaire en vertu d'une délégation de service public, comme les fédérations sportives dont les règlements concernent aussi des personnes publiques. Peuvent être rattachées à cette catégorie les normes correspondant à de « bonnes pratiques », à l'instar de celles de l'Association française de normalisation (AFNOR), qui, sans être juridiquement contraignantes, s'imposent souvent en pratique aux collectivités.

Or plusieurs facteurs tendent à aggraver cette tendance. Nous sommes victimes d'un véritable « zèle normatif », lié à la croyance inconditionnelle dans les vertus de la norme et dans sa capacité à servir l'intérêt général. Cette dérive touche aussi bien les responsables politiques que les représentants d'intérêts particuliers, exerçant leur lobbying pour obtenir une loi emblématique, que les médias, qui mettent sous pression les responsables politiques pour les amener à légiférer dans l'urgence. La norme devient ainsi une tentative de légitimation de sa propre existence : « Je réglemente, donc je suis ».

Face à ce constat, les solutions fondées sur l'autolimitation ont montré leurs limites. Trois solutions ont été proposées au cours des dernières années : la création de la commission consultative d'évaluation des normes (CCEN), le moratoire instauré en 2011 et la nomination d'un commissaire à la simplification.

Créée en 2008, la commission consultative d'évaluation des normes doit obligatoirement être consultée sur les projets de textes réglementaires concernant les collectivités territoriales, ainsi que sur les propositions de textes communautaires ayant un effet technique et financier sur les collectivités. Elle exerce par conséquent un rôle préventif et pédagogique : désormais, les administrations centrales productrices de normes doivent prendre en compte l'impact financier de celles-ci sur les collectivités dès leur phase d'élaboration. Cependant, sur 672 textes, la commission n'a rendu que 12 avis défavorables en trois ans.

Un moratoire sur l'édiction de normes réglementaires concernant les collectivités territoriales a été prononcé par le Premier ministre dans une circulaire du 6 juillet 2010. Cependant, comme il ne s'applique pas aux textes qui transposent des normes supérieures et qu'il peut faire l'objet d'exceptions, il n'a finalement eu que peu d'effet. Ainsi, la CCEN a été saisie de plus de textes après qu'avant le moratoire, et 41 % d'entre eux sont issus d'une dérogation au moratoire.

Enfin, a été désigné, le 2 novembre 2010, un commissaire à la simplification placé auprès du Secrétaire général du Gouvernement et chargé de la maîtrise du « flux » comme de l'examen du « stock ». Il n'a cependant pas pu accomplir de miracle face à la montagne que représente notre production normative !

Les solutions fondées sur l'autorégulation ayant montré leurs limites, la présente proposition de loi fait confiance à l'intelligence des territoires, de leurs élus et de leurs préfets, en vue de substituer aux normes réglementaires d'application des mesures adaptées à la réalité et à la diversité des situations locales. Elle vise à mettre en oeuvre les principes d'adaptabilité et de proportionnalité de la norme par rapport à ses objectifs.

Depuis deux ans, plusieurs initiatives ont été engagées pour identifier des pistes de réduction du stock de normes. Elles sont cependant souvent restées sans suite. La mission Doligé et celle que j'ai moi-même coordonnée ont émis un total de 468 propositions. Le sénateur Doligé en a traduit une partie dans une proposition de loi mais celle-ci a été jugée trop aventureuse par certains de nos collègues sénateurs, qui ont préféré la renvoyer en commission le 15 février dernier.

La présente proposition de loi tend à introduire dans le droit français un principe simple de proportionnalité entre la norme envisagée et les effets qu'elle est susceptible de produire. Tout le monde est pour, mais personne ne semble prêt à passer à l'acte !

Un tel principe sera d'autant plus utile qu'il est souvent aisé de prendre des mesures d'adaptation au profit des territoires ruraux. Comme pour les départements et collectivités d'outre-mer, les spécificités du monde rural pourraient justifier que, chaque fois que l'objet de la loi s'y prête, un chapitre spécifique soit consacré aux dispositions ou aux aménagements particuliers qui doivent être retenus pour la bonne application de la loi.

Toutefois, ce n'est qu'à l'échelon local que pourra être prévue la nécessaire adaptation de la norme à la réalité locale. Seule une bonne connaissance des conditions de mise en oeuvre permet en effet d'apprécier valablement sa portée.

C'est pourquoi je vous demande de faire le pari de la subsidiarité, en confiant aux collectivités territoriales, autres personnes publiques et représentants locaux de l'État, l'adaptation des normes de mise en application de la loi.

La présente proposition de loi s'appuie sur les principes inscrits dans l'article 72 de la Constitution : un principe de subsidiarité, qui prévoit que « les collectivités territoriales ont vocation à prendre les décisions pour l'ensemble des compétences qui peuvent le mieux être mises en oeuvre à leur échelon » ; un pouvoir réglementaire autonome ou délégué – notre Constitution prévoit depuis 2003 que les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent se voir confier un pouvoir réglementaire d'application des lois se substituant au pouvoir exécutif. Cependant, depuis 2003, cette possibilité d'habiliter les collectivités locales à adapter ponctuellement certaines des obligations fixées par la loi a été très peu mise en oeuvre, à l'exception de dispositions d'expérimentation du revenu de solidarité active (RSA) et des contrats aidés.

Ce texte permet de faire confiance à l'échelon local pour appliquer les lois en tenant compte des réalités du terrain. Il instaure deux régimes distincts de dérogation aux normes réglementaires prises par les administrations centrales pour l'application d'une loi, tout en s'appuyant sur des critères similaires : en application de leurs prérogatives constitutionnelles et dans le cadre de l'exercice de leur compétence propre, les collectivités territoriales, mais aussi les autres personnes publiques, pourront décider d'arrêter des mesures adaptées, alors que les personnes privées pourront solliciter une dérogation auprès du préfet, après avis d'une commission multipartite de médiation.

Dans les deux cas, la faculté de s'affranchir des dispositions réglementaires est strictement encadrée. Le critère permettant d'invoquer le nouveau régime de dérogation est celui de l'inadaptation, pour les personnes publiques, ou de la disproportion, pour les personnes privées, entre les moyens – matériels, techniques ou financiers, notamment lorsqu'il s'agit de petites collectivités – nécessaires à la mise en oeuvre d'une réglementation et les objectifs déterminés par la loi, eu égard à la configuration particulière et aux besoins constatés localement.

C'est donc uniquement lorsque la norme réglementaire édictée par les administrations centrales aboutirait à des résultats absurdes contrevenant à l'esprit de la loi et à la volonté du législateur que celle-ci pourrait faire l'objet d'adaptations. Seuls les actes réglementaires pris pour l'application d'une loi seraient concernés. Les textes se bornant à transposer une directive européenne ou un autre engagement de la France seraient exclus de ce régime.

En application de l'article 1er du présent texte, les personnes publiques, dont les collectivités territoriales et leurs groupements, pourront, dans le cadre de l'exercice de leurs compétences, décider d'écarter la norme réglementaire pour arrêter elles-mêmes des mesures nécessaires à la mise en application de la loi. Elles ne pourront pas s'exonérer de l'application de la loi, mais seulement en adapter les conditions pratiques afin que les objectifs du législateur soient mis en oeuvre.

En application de l'article 2, toute personne privée, physique ou morale, mais aussi une personne publique devant appliquer une norme réglementaire en dehors de son champ de compétence propre, pourra saisir le préfet pour faire constater le caractère disproportionné des mesures à prendre et proposer d'autres solutions permettant d'atteindre les objectifs de la loi tout en prenant en compte les réalités locales. Le préfet pourra alors valider cette demande de dérogation, dans le cadre d'une commission départementale de médiation, instance de concertation regroupant élus et anciens élus, fonctionnaires en poste ou honoraires et dont un décret en Conseil d'État précisera l'organisation.

Mes chers collègues, seule cette évolution – et non révolution – de notre modèle permettra de faire face à l'inflation normative. Il ne s'agit pas de mettre en cause l'unité de la République, mais de multiplier les expériences prenant en compte la réalité du terrain, en particulier dans les territoires ruraux, pour les faire ensuite remonter via le réseau de proximité que constitue l'administration déconcentrée de la République. C'est ainsi que s'engagera le cercle vertueux d'une production normative maîtrisée.

Mon but n'est pas de faire adopter une loi qui porte mon nom mais de faire oeuvre utile, comme je crois l'avoir fait pour les sapeurs-pompiers volontaires, au bénéfice desquels droite et gauche ont su se réunir. L'avenir de nos territoires commande que nous sachions surmonter les clivages idéologiques.

Dans le cadre de la mission que m'a confiée le Président de la République, j'ai consulté le Conseil constitutionnel et le Conseil d'État, lesquels m'ont rappelé qu'il était toujours possible, dans le flux des nouveaux textes, de prendre diverses dispositions d'adaptation aux situations locales, à l'instar de ce qui se fait pour l'outre-mer ou pour la Corse. S'agissant par contre du stock, il est impossible de revenir sur tout ce qui a déjà été voté.

Entre le principe d'égalité et le principe de précaution, notre idée est de créer un principe d'adaptabilité, de portée normative locale, en vue d'assouplir ou de déroger à la règle commune. Si, en tant que juge administratif, le Conseil d'État se déclare avant tout attaché au respect du principe d'égalité, le Conseil constitutionnel considère pour sa part que si le législateur adoptait un nouveau principe d'adaptabilité au niveau local, cela ne soulèverait pas forcément un problème de constitutionnalité. Tels sont les derniers éléments que je tenais à porter à votre connaissance, la présente proposition de loi n'ayant pas été examinée par le Conseil d'État.

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Chacun d'entre nous sait que ce texte fait référence à un véritable problème et ce ne sont pas les conversations que nous pouvons avoir en ce moment avec les maires à l'occasion des états généraux organisés par le Sénat qui le démentiront. Tout le monde se trouve aujourd'hui empêtré dans une jungle de normes, pour pertinentes qu'elles soient souvent ! Les nouvelles possibilités ouvertes dans l'article 72 de la Constitution n'ont peut-être pas été suffisamment exploitées, même si elles appellent certaines précisions. Je vous propose par conséquent de débattre largement de ce texte, sans vous cacher qu'il suscite, au moins dans la majorité, quelques petites sources d'inquiétude.

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Nous rencontrons tous des maires, et pas seulement de petites communes rurales, qui nous rapportent les difficultés considérables qu'ils rencontrent pour appliquer certaines normes, en particulier lorsqu'elles exigent de se doter d'équipements coûteux. Il n'est d'ailleurs pas nécessaire de cumuler des mandats locaux pour le constater ; un seul suffit !

Je partage d'autant plus volontiers les objectifs du présent texte que nombre d'études internationales ont montré que la France, tous gouvernements confondus, battait des records en matière de production de normes. L'on me disait même l'autre jour que l'Allemagne ne serait pas engagée par les normes ISO, mais je n'ai pas encore eu l'occasion de le vérifier.

La proposition de loi qui nous est soumise ne peut manquer de me rappeler fortement celle du sénateur Doligé, que j'ai rapportée lorsqu'elle a été présentée au Conseil d'État il y a exactement un an. Et je suis au regret de constater qu'elle encourt le même risque d'inconstitutionnalité.

L'article 21 de la Constitution confie le pouvoir réglementaire au Premier ministre, et toute la jurisprudence constitutionnelle enseigne que l'on ne peut y déroger que de manière extrêmement précise et dans des cas particuliers. En principe, le pouvoir réglementaire de droit commun ne se partage pas. Ce que le Conseil constitutionnel admet, c'est que la loi elle-même prévoit, de manière très encadrée, ses propres critères de dérogation. S'agissant notamment de l'accessibilité des bâtiments aux personnes handicapées, le Conseil constitutionnel a rendu en juillet 2011 une décision particulièrement sévère, considérant que les critères de dérogation envisagés dans la loi n'étaient pas assez précis et que la violation du principe d'égalité était donc manifeste. Avec des gardiens aussi vigilants du pouvoir réglementaire de valeur constitutionnelle du Premier ministre et du principe d'égalité, je crains sincèrement que la présente proposition de loi ne passe pas la rampe de la censure constitutionnelle.

Faut-il pour autant se résoudre à ne rien faire ? À titre personnel, je considère qu'il n'est pas impossible d'insérer dans l'article L. 1111-5 du code général des collectivités territoriales (CGCT) la disposition d'affichage qui est proposée puisque, dans ce premier chapitre du CGCT, le législateur se fait à lui-même des prescriptions pour l'avenir, en disposant notamment qu'une collectivité ne peut pas exercer la tutelle d'une autre. Dès lors, pourquoi ne pas insérer un article disposant que le législateur doit toujours prévoir des dérogations précises et utiles, au regard notamment de la taille des communes ou de leurs capacités financières ? Un tel article d'affichage pourrait être greffé dans le CGCT à l'occasion d'une autre loi, sous réserve que cela ne soit pas un cavalier.

Enfin, il faut distinguer le stock et le flux. S'agissant du flux, le législateur peut s'imposer certaines contraintes d'adaptabilité. Quant au stock, il convient de s'en remettre à la CCEN, qui fait du bon travail. Peut-être faudrait-il simplement prévoir d'en « doper » les moyens.

Si ce texte répond à une bonne intention, le moyen constitutionnel qu'il propose de retenir n'est malheureusement pas le bon.

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Ce texte a le mérite d'apporter une réponse à un enjeu prioritaire. Il pose d'abord le problème de l'inflation normative : 8 000 lois, 400 000 décrets, environ 10 000 engagements internationaux de la France, au titre de l'Union européenne ou des Nations unies. En 1871, cette anomalie avait déjà été repérée et le législateur de l'époque avait mis en place l'exception d'ignorance, qui s'appliquait aux contraventions, en considérant que le trop grand nombre de textes les rendait illisibles et donc inaccessibles à trop de Français. Depuis, la situation n'a fait que dégénérer.

Le deuxième problème, c'est celui de l'inadaptation des normes en raison des particularités locales. Dans la mission qu'a évoquée Pierre Morel-A-L'Huissier, nous avons été amenés à constater que, pour utiles qu'ils soient, nombre de textes étaient inapplicables, en particulier dans les communes rurales. Or cette question reste sans réponse car le représentant de l'État craint la procédure pénale ou la sanction du juge administratif.

Le texte que nous soumet aujourd'hui notre collègue apporte enfin une bonne réponse à cette question délicate.

D'abord, il limite de manière très étroite le champ et les possibilités de dérogation. Pour envisager de déroger, il faudra dresser le constat qu'il est impossible d'appliquer la norme, que son application éventuelle déboucherait sur une véritable absurdité, ou bien encore que le rapport entre l'objectif poursuivi et les coûts de mise en oeuvre est manifestement disproportionné. Je renvoie sur ce point à ce qui se pratique pour les déclarations d'utilité publique. À l'évidence, le présent texte a bien sérié le champ des exceptions envisageables.

Il organise en outre une mécanique administrative judicieuse et équilibrée, avec l'intervention du préfet de région ou de département et d'une commission chargée d'examiner les conditions de mise en oeuvre de la dérogation, ainsi que l'adéquation de la dérogation proposée aux objectifs poursuivis comme à la situation locale.

Il s'agit d'un sujet pointé de longue date par le Conseil constitutionnel, le Conseil d'État et la Cour de cassation. Au sein de la commission des Lois aussi, nous avons posé le diagnostic depuis longtemps, sans être capables d'apporter une réponse.

Aussi, tout en n'ignorant pas le risque constitutionnel que vient de soulever notre collègue socialiste, je considère que le désastre est tel qu'il n'est que temps de s'atteler à la recherche d'une solution. C'est pourquoi je soutiens sans réserve le texte de notre collègue Pierre Morel-A-L'Huissier.

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Je souscris aux propos d'Étienne Blanc et je félicite Pierre Morel-A-L'Huissier pour ce texte qui constitue l'aboutissement de la mission que nous avons menée avec Yannick Favennec. Nous nous sommes rendus partout en France, et, au-delà des acteurs des collectivités territoriales, nous avons rencontré des représentants des sapeurs-pompiers, du monde agricole, des chasseurs, … Que nous ont-ils dit ? Qu'ils ployaient sous 400 000 normes qu'il est matériellement impossible de connaître toutes et d'appliquer à bon escient. Surtout, ces normes ne sont pas toujours adaptées au monde rural. Lorsque nous adoptons un texte à Paris, il s'applique de la même façon à une métropole dotée de services juridiques pointus qu'à un village de cinquante habitants où n'intervient qu'un secrétaire de mairie pendant quelques heures par semaine ! Il faut entendre le message de la France rurale.

S'il faut faire diminuer le nombre de textes, il convient aussi de prendre en compte qu'ils ne peuvent s'appliquer partout de la même façon, au risque de provoquer des absurdités. Et je ne parle même pas des textes anciens que l'on exhume parfois alors qu'ils sont en contradiction avec les nouveaux !

Au coeur du présent texte, il y a aussi le bouleversement qui consiste à raisonner en termes d'objectifs plutôt que de moyens. Il faut renoncer à la culture qui consiste à appliquer les procédures coûte que coûte, même lorsqu'elles sont manifestement inutiles ou disproportionnées.

Ce qui compte, c'est que l'on atteigne l'objectif recherché par la loi ou par le texte réglementaire, pas que l'on coche les bonnes cases. N'utilisons pas des moyens disproportionnés.

L'ensemble de ces raisons m'amène à soutenir sans réserve ce texte de bon sens.

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Qu'il me soit tout d'abord permis de rassurer notre rapporteur en lui disant qu'il n'y aura pas entre nous de clivage idéologique sur l'inflation normative. Au fil du temps, les textes sont devenus trop nombreux et parfois inapplicables. Néanmoins, si l'exposé des motifs et la visée générale du texte ne posent pas problème, nombre d'interrogations surgissent rapidement. Si la rédaction s'est améliorée pour ce qui concerne l'appréhension de la ruralité, la notion de « moyens disproportionnés » reste vague et subjective. Je note cependant que des amendements sont prévus pour tenter d'y remédier.

S'agissant du pouvoir d'adaptation ou de substitution conféré au préfet, l'approche nous semble intéressante mais périlleuse à mettre en oeuvre. Ne risque-t-on pas de donner au représentant de l'État un pouvoir d'appréciation et d'opportunité manifestement excessif ? Qu'il s'agisse du contrôle de légalité ou du pouvoir de police générale, un tel pouvoir d'appréciation risquerait aussi de le soumettre à des pressions locales ou à des interactions éminemment préjudiciables.

Comme l'a relevé Mme Bechtel, nous sommes également préoccupés par les atteintes au principe d'égalité devant la loi ou d'accès aux services publics dont ce texte pourrait être porteur. À cet égard, faire référence à la situation des outre-mer n'est pas satisfaisant dans la mesure où la Constitution comporte des dispositions différenciées à leur profit.

Nous considérons aussi que la référence au quatrième alinéa de l'article 72 de la Constitution ne suffit pas pour retenir un tel principe d'adaptabilité, puisque cet article se borne à prévoir des possibilités d'expérimentation et non de déclinaison adaptée de la norme commune.

Ces considérations nous amènent à donner un avis défavorable à l'adoption des trois articles que comporte le texte. Cela ne signifie évidemment pas que la question de l'applicabilité des normes ne se pose pas, d'autant que le contexte budgétaire contraint et les pertes de ressources qui affectent les collectivités ne manquent pas d'inquiéter cruellement les élus.

Si le texte qui nous est soumis procède d'une intention louable, sa rédaction et sa nature le rendent inapplicable et irrecevable. Il ne serait pas responsable d'adopter un texte aussi fragile. Par contre, nous invitons ses auteurs à travailler avec nous à l'occasion des prochains textes de décentralisation. Le Président de la République et le Premier ministre ont pris des engagements en ce domaine et ils mesurent le poids des normes pour les collectivités. Le Premier ministre a récemment réitéré son engagement d'installer un Haut conseil des territoires, instance de concertation chargée de travailler en lien avec le comité des finances locales, ainsi que celui de renforcer le CCEN.

Nous aurons du reste l'occasion d'y revenir avec Marylise Lebranchu, ministre en charge du dossier, dans le cadre de « l'acte III de la décentralisation ».

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Pour conclure, je regrette que notre rapporteur n'ait pas pu – ou voulu ? – soumettre ce texte à l'examen du Conseil d'État, dont les conclusions eussent été précieuses. Enfin, contrairement à notre collègue Étienne Blanc, je ne pense pas que l'ampleur du problème justifie de passer outre le risque d'inconstitutionnalité. Il n'est déjà que trop de textes porteurs d'instabilité juridique pour prendre un tel risque.

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Je vais donner la parole à M. Jacques Bompard qui est d'ailleurs également signataire de cette proposition de loi.

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Il me semblait que l'Assemblée tout entière reconnaissait qu'il y avait trop de lois et trop de normes, et je considère pour ma part que ces excès attentent à la liberté des élus locaux. La multiplication des textes a aussi un coût, estimé à un milliard d'euros en 2010 et à 728 millions en 2011, ce qui n'est pas rien ! Il est donc important que l'on trouve une solution et cette proposition de loi allait dans le bon sens pour nous aider à « dé-normaliser » et à « dé-légiférer » en affirmant le principe de subsidiarité. La floraison de textes dont nous pâtissons fait peut-être plaisir à leurs auteurs mais elle nuit au bon fonctionnement de notre société.

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Je salue le travail de réflexion intéressant effectué par notre collègue. Il n'est que temps que la volonté partagée de simplicité et de pragmatisme l'emporte sur la frénésie législative qui débouche, en particulier dans nos territoires ruraux, sur des normes souvent irréalistes et disproportionnées. Comme l'a dit notre collègue Dussopt, il reste à savoir comment nous pourrons mettre en place des exceptions ou des adaptations raisonnables et je fais miennes aussi les observations juridiques très pertinentes de notre collègue Marie-Françoise Bechtel. Il conviendra enfin que nous puissions être très étroitement associés aux futures lois de décentralisation, que nous attendons avec impatience et dans un esprit extrêmement constructif.

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Comme l'ont dit nombre d'orateurs précédents, le présent texte répond à un besoin réel, si l'on songe que les normes imposent parfois d'engager des études dix fois plus onéreuses que les travaux à réaliser ! Cela pose le problème de l'efficacité de l'action locale et de la bonne utilisation des deniers publics. J'ai bien entendu les analyses juridiques de certains de nos collègues et je ne peux que déplorer que le champ des expérimentations semble à ce point limité.

Ce texte tout à fait intéressant pourrait s'inscrire dans les futures lois de décentralisation, lesquelles devraient aller plus loin encore en donnant aux régions des pouvoirs d'adaptation locale de la norme commune. Souvent taboue en France, cette proposition ne l'est pas chez nos principaux voisins européens, lesquels disposent tous de régions dotées de pouvoirs réglementaires et législatifs.

Le rôle de l'État est de définir les grands principes auxquels on ne peut déroger. Mais il faut ensuite laisser aux collectivités locales le soin de les appliquer. Je rappelle enfin que les lois de décentralisation doivent être liées au « bouclier rural » tel que l'avait proposé François Hollande lors de la dernière campagne présidentielle.

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Les critiques de notre collègue Dussopt à l'encontre de ce texte m'ont paru un peu rapides et injustes. Ce n'est pas très sympathique pour notre collègue Morel-A-L'Huissier et c'est surtout faire fi du travail de longue haleine accompli par nombre de missions qui aboutissent toutes aux mêmes conclusions. Le rapport public du Conseil d'État de 1992 ne déplorait-il pas déjà « la logorrhée législative et réglementaire » ?

Lors de la dernière campagne législative, je puis témoigner qu'à l'occasion de chacune des 169 réunions publiques que j'ai tenues dans ma circonscription rurale, le thème de l'applicabilité des normes a été abordé.

Aujourd'hui, les articles 72 et 21 de la Constitution me semblent de nature à nous permettre d'avancer très sérieusement. Le respect des principes d'égalité devant la loi ou d'accès égal aux services publics n'est plus de nature à bloquer le processus. Je rappelle que le Conseil constitutionnel reconnaît lui-même des possibilités de déroger à l'égalité pour des motifs d'intérêt général, lorsque se présentent des situations manifestement différentes. Tel est le cas en l'espèce puisque le milieu urbain n'est pas comparable au milieu rural. Le principe de mutabilité des services public est également reconnu pour permettre des adaptations locales. Il est donc possible d'aller plus loin pour permettre aux milieux ruraux de mieux vivre, de bénéficier de la simplification administrative qu'ils appellent de leurs voeux et, in fine, de mieux utiliser l'argent public. N'oublions pas que trop de normes tue la norme, surtout lorsqu'elle est inapplicable !

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Je salue à mon tour la qualité du travail de Pierre Morel-A-L'Huissier et des autres signataires de cette proposition de loi. Le diagnostic est partagé : il y a trop de textes et la plupart ne sont pas adaptés à la situation des communes rurales. L'intérêt du présent texte est de mettre un verrou à l'inflation normative et de faire en sorte que puissent se mobiliser autour du préfet des facultés d'adaptation. Lorsque vous avez la chance d'avoir un préfet d'une certaine envergure, il n'est pas rare qu'il essaie de lui-même de rendre la norme applicable, mais cela reste trop dépendant de la personnalité des responsables locaux.

Il convient donc d'adapter le droit et je ne reçois pas l'argument très conservateur du « bon moment ». À entendre certains, ce n'est jamais le bon moment ! Au contraire, il faut agir, surtout dans la situation économique et sociale gravissime que nous connaissons actuellement. Dans ce contexte, il est du reste essentiel que la commande publique joue son rôle. Engageons nos collègues à investir et à lancer des projets car, lorsqu'on est un élu, on n'a pas le droit d'ajouter la crise à la crise en étant trop timoré.

L'intérêt général commande par conséquent d'adopter ce texte car il permettra de débloquer des projets dans le monde rural. Il faut faire l'union sacrée pour empêcher la récession dans notre pays. C'est pourquoi je soutiens ce texte, tant pour des raisons de fond qu'au regard de la conjoncture.

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Certains de nos collègues ont invoqué une intention louable : oui, si l'on veut pulvériser le principe d'égalité ! Loin de moi l'idée de plaider pour une uniformité normative mais les lois de la République ne sont-elles pas déjà adaptées à la spécificité des territoires, à l'instar de la « loi montagne » ou de la « loi littoral » ? En outre, les collectivités disposent déjà d'un pouvoir réglementaire d'adaptation de la loi qui leur procure des marges de manoeuvre.

Plutôt que de poser la question de l'applicabilité des normes, ne faudrait-il pas s'interroger sur le fonctionnement de notre millefeuille institutionnel ? Sont-ce les normes qui sont inadaptées ou les structures chargées de les appliquer qui ne le sont plus ? Dépourvue de service juridique, une commune de 200 ou 300 habitants a forcément du mal à appliquer la norme !

En outre, la présente proposition de loi comporte un trop grand nombre d'imprécisions. À côté des collectivités territoriales, il semble que le nouveau droit serait ouvert à « toute personne de droit public », au risque d'un éclatement proprement inimaginable du nombre de bénéficiaires du pouvoir réglementaire ! Dans tous les États – comme l'Espagne ou l'Italie – où l'on reconnaît un pouvoir normatif local, celui-ci n'est donné qu'à un seul échelon, en vue de préserver la lisibilité de l'ordonnancement juridique. Il me semble délirant d'imaginer de conférer un pouvoir normatif local à nos 36 500 communes, en sus des établissements publics locaux et des intercommunalités !

Toute la jurisprudence du Conseil constitutionnel démontre que la fragilité constitutionnelle du texte ne fait aucun doute. Il n'y a pas d'encadrement dans le temps ni de référence à l'expérimentation, et le nombre de bénéficiaires est beaucoup trop élevé. À cet égard, je partage l'opinion d'Olivier Dussopt : si vous aviez accepté de saisir le Conseil d'État, nous aurions pu faire l'économie de la discussion d'un texte qui ne passera jamais sous les fourches caudines du Conseil constitutionnel.

Au final, je m'étonne que vous sembliez négliger les possibilités offertes par le quatrième alinéa de l'article 72 de la Constitution découlant de la loi organique relative à l'adaptation normative locale. Il était tout à fait loisible de donner, à titre expérimental et sous certaines conditions, une telle faculté d'adaptation locale, en prévoyant son évaluation avant une éventuelle extension. Des dispositions existent. Je plaide pour que dans le cadre de l'acte III de la décentralisation, nous desserrions les contraintes juridiques qui font obstacle à leur application.

Beaucoup a été dit sur la profusion de textes, mais c'est par l'ajout d'un nouveau texte que l'on nous propose d'y remédier. C'est toujours un peu paradoxal !

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Je confirme que les 162 maires de communes rurales de ma circonscription m'ont interpellé sur le thème que nous abordons aujourd'hui. Permettez au nouvel élu que je suis de faire part de quelques interrogations, notamment sur l'opportunité politique de défendre ce texte aujourd'hui après dix ans passés dans la majorité.

Au plan juridique, je suis pour le moins étonné que l'on n'ait pas soumis ce texte au Conseil d'État car sa constitutionnalité pose à l'évidence problème. Pour louable que soit l'intention qui le porte, il est en outre très imprécis et risquerait d'entraîner une rupture d'égalité flagrante.

Enfin, le pouvoir d'appréciation donné au préfet me semble tout à fait excessif et risque de le soumettre à des pressions insupportables, chaque maire se sentant fondé à lui demander une dérogation.

Pour moi, cette question essentielle doit être traitée dans le cadre des futures lois de décentralisation, lesquelles doivent amener à une réflexion beaucoup plus globale sur l'organisation institutionnelle de notre pays.

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Ce texte, qui s'inspire des conclusions de la mission « ruralité », à laquelle appartenait notre collègue du groupe UDI Yannick Favennec, est de nature à rassurer les élus locaux. En dépit des objections de nature constitutionnelle ou tenant à son opportunité, le groupe UDI le votera sans réserve, surtout s'il s'enrichit des amendements présentés par le rapporteur.

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Une norme a vocation à protéger. Ses dispositions touchent à l'être humain, à son environnement, au cadre dans lequel il vit, produit et agit. Par nature, elle est universelle, même si elle doit pouvoir être adaptée selon les conditions géographiques, morales ou éthiques.

Mais les normes, ce n'est pas que du droit. Leur élaboration requiert une forme d'expertise et repose sur des considérations techniques et scientifiques, particulièrement lorsque l'objectif est d'assurer la sécurité alimentaire, environnementale ou médicale. Dès lors, les adapter nécessitera la mobilisation, au niveau local, d'expertises non seulement juridiques, mais aussi d'ordre technique – par exemple en matière d'écosystème ou de microbiologie. En avons-nous les moyens, compte tenu de la santé économique dont notre pays a hérité ?

Le principe même des normes est de définir ce qui est le mieux pour tout le monde dans le plus grand espace possible. Les lois de décentralisation seront sans doute l'occasion de s'interroger sur l'échelle d'intervention et sur le meilleur niveau où déployer dans de bonnes conditions l'expertise nécessaire. Mais ce niveau n'est certainement pas celui de la commune, ni même celui des préfets de départements, qui ne disposent pas des moyens nécessaires ; ce serait une erreur profonde.

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Nous vivons tous, au quotidien, les conséquences de l'inflation normative, un phénomène dont les causes sont multiples : application excessive du principe de précaution, « politique du parapluie » qui conduit à légiférer sur tout et n'importe quoi… Nous devons trouver une solution, mais celle-ci ne peut consister en l'adoption d'un article d'affichage, comme cela a été suggéré. Nous ne saurions en effet nous contenter d'une disposition purement déclarative.

Selon moi, le texte de la proposition de loi doit être versé au débat engagé dans le cadre des états généraux de la démocratie territoriale, une initiative qui a donné lieu à de très nombreuses consultations de terrain souvent conduites selon une logique bipartisane alors même qu'elle a été lancée par le président du Sénat. En effet, et même si je reprends à mon compte les critiques d'Olivier Dussopt, plusieurs points du texte me semblent intéressants.

Nous devons par ailleurs envisager un renforcement des décisions de la CCEN, la commission consultative d'évaluation des normes, composée d'élus de tous bords et de praticiens du droit, et dont les avis sont souvent pertinents et pragmatiques, même s'ils n'ont qu'une valeur consultative.

Enfin, le Parlement pourrait intensifier le travail de révision des normes auquel il procède régulièrement dans le cadre de son pouvoir d'évaluation.

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L'utilité d'une telle proposition ne fait pas débat – même si le terme « dé-légiférer » employé par notre collègue Bompard a de quoi susciter des interrogations. Cela étant, son application soulève quelques difficultés. Tout d'abord, le « monde rural » ne fait l'objet d'aucune définition. Ensuite, aucun critère n'est prévu pour apprécier le caractère inadapté ou disproportionné d'une norme. Il en résulte un risque de contentieux et d'insécurité juridique : seul le juge administratif pourra vérifier que les mesures de substitution ont été prises pour un motif légitime. Enfin, l'intervention du préfet donnerait à celui-ci un moyen de pression non négligeable.

La proposition de loi est donc louable dans son principe, mais ses dispositions doivent être approfondies.

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Au risque de paraître iconoclaste, je ferai remarquer que les méfaits de l'inflation normative touchent également le milieu urbain. Quelle que soit la taille des collectivités, l'application des normes en ville peut également poser des problèmes. À ne s'en tenir qu'au monde rural, on risque de ne traiter qu'une partie de la question.

Par ailleurs, en tant que membre de la commission des Lois, je ne peux qu'appeler à faire preuve de modération en matière d'activité législative. Je ne sais pas si la suggestion de gager toute nouvelle proposition de loi par la suppression d'une loi existante est réaliste, mais elle nous indique la direction à prendre : en finir avec les lois inspirées de faits divers, les lois prétextes, les lois « parapluies », qui ont été adoptées en nombre ces dernières années.

Mais surtout, notre Commission va bientôt examiner un texte très attendu, celui de l'acte III de la décentralisation. Or la question abordée à travers cette proposition de loi est justement celle de notre organisation territoriale globale. Quel est le bon échelon pour l'application des normes ou la réalisation de l'expertise ? Quel est le potentiel financier des collectivités chargées de cette application ? La question de la mise en oeuvre des normes ne peut pas, en effet, être traitée indépendamment de celle des ressources des collectivités, voire de celle de la péréquation – c'est-à-dire de la question plus générale de l'égalité entre territoires. De ce point de vue, les zones urbaines – et plus particulières les zones urbaines sensibles – sont également concernées.

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Il vous reste, monsieur le rapporteur, à répondre aux nombreuses questions concernant les fragilités de votre texte, même si le diagnostic, lui, fait l'objet d'un consensus.

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Nos collègues sont en effet unanimes pour constater la réalité des difficultés auxquelles cette proposition de loi cherche à répondre.

Tout d'abord, madame Appéré, le terme « ruralité » n'apparaît pas dans le texte. Mais il est vrai que la mission que j'ai menée pendant près d'un an concernait les problèmes de ruralité. Or les 4 000 acteurs locaux – dont 22 préfets – que nous avons rencontrés à cette occasion dans 11 départements ont souvent fait part de leur exaspération devant les difficultés à mettre en oeuvre un certain nombre de normes.

On peut certes se vouer au culte de la norme, madame Le Dain. Mais qu'il s'agisse des représentants d'associations, des élus locaux, des préfets, tous réclament un peu d'oxygène et demandent à pouvoir appliquer, sur tel ou tel sujet, des règles adaptées, assouplies, voire dérogatoires.

Sur le plan juridique, j'ai déposé des amendements qui répondent à toutes les objections formulées. La possibilité donnée aux collectivités locales d'exercer le pouvoir réglementaire se fonde en effet sur le droit d'expérimentation consacré par l'article 72 de la Constitution. Quant au recours au préfet, il est naturel en la circonstance, dans la mesure où les décisions à prendre peuvent dépasser la compétence technique de la personne instruisant le dossier. Les préfets ne sont-ils pas déjà chargés de coordonner l'action de l'État au sein du département ? Enfin, il n'est pas anormal que le juge administratif soit saisi pour vérifier la pertinence des critères invoqués pour justifier la dérogation. C'est la jurisprudence administrative qui permettra de préciser le droit.

Par ailleurs, un de mes amendements renvoie au Gouvernement le soin de fixer, par décret, les critères objectifs permettant de déterminer le caractère disproportionné des moyens matériels, techniques ou financiers nécessaires à la mise en application d'une disposition réglementaire. Le droit de prendre des mesures de substitution s'exercera donc dans un cadre juridique bien déterminé.

J'en viens au respect du principe d'égalité. Les membres du Conseil d'État que nous avions consultés nous ont précisé que la haute juridiction administrative, en tant que juge de la légalité, ne pouvait admettre l'application de mesures dérogatoires. Mais selon le président du Conseil constitutionnel, rien n'interdit au Parlement de poser un principe d'adaptabilité de certains dispositifs normatifs.

Je n'ai rien contre l'idée de renvoyer l'examen de cette question à la future loi sur la décentralisation, mais pourquoi attendre alors que le travail accompli est déjà très important ? Certes, pour des raisons de délais, M. le Président de l'Assemblée nationale n'a pas jugé possible de présenter formellement le texte de la proposition de loi devant le Conseil d'État. Toutefois je me suis servi, pour la rédiger, des travaux de M. Doligé, dont la proposition de loi, elle, a été soumise au Conseil d'État. En outre, l'adoption des amendements que je présente lui donnerait tous les fondements juridiques nécessaires.

Je rappelle à M. Blanc que la jurisprudence administrative a élaboré la théorie du bilan coûtsavantages et n'ignore pas la notion de disproportion.

Je remercie Jacques Valax de reconnaître que cette proposition de loi est justifiée dans son principe même.

M. Molac est également d'accord sur le principe, mais propose de renvoyer cette question à l'examen de la loi de décentralisation et à la mise en oeuvre du « bouclier rural ». Or ce dernier n'est rien d'autre qu'un concept – un joli concept, il est vrai. Il a certes fait l'objet d'un débat en mars 2011, mais ne recouvre aucune proposition concrète.

M. Warsmann a raison : c'est le moment d'adopter cette proposition de loi. Il y a quelque mois, quand nous avons décidé, contre l'avis du système administratif et de Bercy, de porter à 15 000 euros hors taxes le seuil au-delà duquel un marché public doit faire l'objet de publicité et d'une mise en concurrence, nous l'avons fait parce que nous estimions que c'était le bon moment.

Le texte qui vous est présenté est le fruit de nombreuses auditions et d'observations de terrain. Les amendements qui l'accompagnent permettent de répondre aux objections concernant le caractère expérimental de la procédure ou les critères de dérogation. Il est donc désormais possible de répondre à l'exaspération par l'espoir et de permettre aux territoires ruraux d'échapper à l'asphyxie et au cloisonnement.

La Commission en vient à l'examen des articles de la proposition de loi.

Article 1er : (art. L. 1111-5 du code général des collectivités territoriales) : Adaptation par les collectivités territoriales et autres personnes morales de droit public des dispositions réglementaires relevant de leurs compétences et inadaptées aux situations locales :

La Commission est saisie de l'amendement CL 1 du rapporteur.

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Dans la mesure où notre groupe va voter contre les trois articles de la proposition de loi, nous voterons également, par cohérence, contre les amendements présentés par le rapporteur, même s'il faut bien reconnaître que certains d'entre eux sont de nature à améliorer la rédaction du texte.

La Commission rejette l'amendement.

Elle examine ensuite l'amendement CL 2 du même auteur.

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Il s'agit de réserver aux seules collectivités locales et à leurs groupements la faculté ouverte par l'article 1er.

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Je note que, compte tenu des sujets évoqués, cette disposition de la proposition de loi aurait dû être de nature organique.

La Commission rejette l'amendement.

Puis, elle rejette l'amendement rédactionnel CL 3 du rapporteur.

La Commission est saisie de l'amendement CL 4 du rapporteur.

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Pour justifier une dérogation, le caractère disproportionné des mesures à prendre apparaît plus objectif que la notion d'inadaptation.

La Commission rejette l'amendement.

Elle examine ensuite l'amendement CL 5 du rapporteur.

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Seules sont visées les décisions prises par les collectivités territoriales dans le cadre de leurs compétences, il n'est donc pas nécessaire de viser les capacités financières des autres personnes. Les mots : « ou de celle des personnes tenues de s'y conformer » sont ici inutiles.

La Commission rejette l'amendement.

Puis elle rejette l'amendement de précision CL 6 du rapporteur.

La Commission en vient à l'amendement CL 7 du rapporteur.

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Le présent amendement vise à introduire des critères objectifs permettant de mesurer le caractère disproportionné des moyens à mettre en oeuvre pour appliquer une disposition réglementaire. L'amendement prévoit que ces critères sont définis par décret pour chaque texte.

La Commission rejette l'amendement.

Elle examine ensuite l'amendement CL 8 rectifié du rapporteur.

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Cet amendement permet de conforter la base juridique de la proposition de loi en donnant un caractère expérimental à la dérogation.

La Commission rejette l'amendement.

Elle rejette également l'amendement rédactionnel CL 9 du rapporteur.

Elle rejette enfin l'article 1er de la proposition de loi.

Article 2 : (art. L. 1111-5 du code général des collectivités territoriales) : Dérogations locales aux dispositions réglementaires créant des charges disproportionnées :

La Commission rejette successivement les amendements rédactionnels CL 10 et CL 11, l'amendement de précision CL 12 ainsi que les amendements rédactionnels CL 13 et CL 14, présentés par le rapporteur.

Puis elle rejette l'article 2 de la proposition de loi.

Article 3 : (art. L. 1111-5 du code général des collectivités territoriales) : Création des commissions départementales de médiation :

La Commission examine l'amendement CL 15 du rapporteur.

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Cet amendement tend à préciser que la composition et les modalités de désignation des membres des commissions départementales de médiation devront être fixées par décret en Conseil d'État.

La Commission rejette l'amendement.

Elle rejette ensuite l'article 3.

Aucun de ses articles n'ayant été adopté, la proposition de loi est rejetée par la Commission.

Amendements examinés par la Commission

Amendement CL1 présenté par M. Pierre Morel-A-L'Huissier, rapporteur :

Article 1er

À l'alinéa 2, substituer à la référence :

« présent article »

la référence :

« I ».

Amendement CL2 présenté par M. Pierre Morel-A-L'Huissier, rapporteur :

Article 1er

À l'alinéa 2, substituer aux mots :

« toute personne morale de droit public »

les mots :

« leurs groupements ».

Amendement CL3 présenté par M. Pierre Morel-A-L'Huissier, rapporteur :

Article 1er

I.- À l'alinéa 2, substituer aux mots :

« les textes adoptés par voie réglementaire pour l'application d'une loi »

les mots :

« des dispositions de nature réglementaire prises en application de dispositions législatives ».

II.- En conséquence, procéder à la même substitution à l'alinéa 2 de l'article 2.

Amendement CL4 présenté par M. Pierre Morel-A-L'Huissier, rapporteur :

Article 1er

À l'alinéa 2, substituer au mot :

« inadaptées »

le mot :

« disproportionnés ».

Amendement CL5 présenté par M. Pierre Morel-A-L'Huissier, rapporteur :

Article 1er

À l'alinéa 2, supprimer les mots :

« ou de celle des personnes tenues de s'y conformer ».

Amendement CL6 présenté par M. Pierre Morel-A-L'Huissier, rapporteur :

Article 1er

À l'alinéa 2, remplacer les mots :

«, à la condition que ces dernières satisfassent aux objectifs poursuivis par la loi. »

par un alinéa ainsi rédigé :

« Les actes pris dans ce cadre mentionnent les dispositions réglementaires concernées, les prestations ou travaux nécessités pour leur application, les difficultés particulières engendrées et les mesures de substitution prises pour mettre en application les dispositions législatives concernées. ».

Amendement CL7 présenté par M. Pierre Morel-A-L'Huissier, rapporteur :

Article 1er

Après l'alinéa 2, insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Des décrets peuvent déterminer des critères permettant de préciser le caractère disproportionné des moyens matériels, techniques ou financiers nécessaires à la mise en application de dispositions réglementaires au sens de l'alinéa précédent. »

Amendement CL8 rectifié présenté par M. Pierre Morel-A-L'Huissier, rapporteur :

Article 1er

Avant l'alinéa 3, insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Cette faculté est applicable pendant une durée de cinq ans aux dispositions réglementaires prises ou rendues applicables aux collectivités territoriales et à leurs groupements depuis moins de dix ans à compter de la promulgation de la loi no du portant création des principes d'adaptabilité et de subsidiarité en vue d'une mise en oeuvre différenciée des normes en milieu rural. ».

Amendement CL9 présenté par M. Pierre Morel-A-L'Huissier, rapporteur :

Article 1er

I.- Rédiger ainsi l'alinéa 3 :

« Cette faculté n'est pas applicable aux dispositions réglementaires organisant les conditions essentielles d'exercice d'une liberté publique ou d'un droit constitutionnellement garanti ou transposant des normes à caractère obligatoire édictées par l'Union européenne ou une organisation internationale. ».

II.- En conséquence, rédiger de la même manière l'alinéa 5 de l'article 2.

Amendement CL10 présenté par M. Pierre Morel-A-L'Huissier, rapporteur :

Article 2

I.- Au premier alinéa, substituer aux mots :

« L'article L. 1111-5 du même code »

les mots :

« Le même article L. 1111-5 ».

II.- En conséquence, procéder à la même substitution au premier alinéa de l'article 3.

Amendement CL11 présenté par M. Pierre Morel-A-L'Huissier, rapporteur :

Article 2

Après le mot :

« proposer »,

rédiger ainsi la fin de l'alinéa 2 :

« au représentant de l'État dans le département des mesures de substitution adaptées ».

Amendement CL12 présenté par M. Pierre Morel-A-L'Huissier, rapporteur :

Article 2

Après l'alinéa 2, insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Les propositions émises dans ce cadre mentionnent les dispositions réglementaires concernées, les prestations ou travaux nécessités pour leur application, les difficultés particulières engendrées et les mesures de substitution proposées pour mettre en application les dispositions législatives concernées. ».

Amendement CL13 présenté par M. Pierre Morel-A-L'Huissier, rapporteur :

Article 2

Après les mots :

« par le »,

rédiger ainsi la fin de l'alinéa 3 :

« représentant de l'État dans le département, après avis de la commission départementale de médiation. ».

Amendement CL14 présenté par M. Pierre Morel-A-L'Huissier, rapporteur :

Article 2

Rédiger ainsi l'alinéa 4 :

« Un décret en Conseil d'État détermine les modalités d'application du présent III. ».

Amendement CL15 présenté par M. Pierre Morel-A-L'Huissier, rapporteur :

Article 3

Rédiger ainsi l'alinéa 2 :

« Dans chaque département, la commission départementale de médiation est présidée par le représentant de l'État dans le département. La composition et les modalités de désignation des membres de cette commission sont fixées par décret en Conseil d'État. »

La Commission examine, sur le rapport de M. Bernard Gérard, sa proposition de loi visant à former aux cinq gestes qui sauvent face à un accident de la route lors de la préparation des permis de conduire (n° 144).

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« Sauver une vie, ça s'apprend ! » : nous connaissons bien ce slogan, lancé par une grande association nationale de secourisme. Et pourtant, alors que la route tue encore près de 4 000 personnes chaque année et en blesse 72 000, moins de la moitié des Français déclarent avoir déjà bénéficié d'une formation ou d'une initiation aux gestes de premiers secours.

C'est que si la nécessité d'une prise en charge immédiate d'un accidenté de la circulation est aujourd'hui présente dans les esprits, la formation aux notions élémentaires de secourisme reste le parent pauvre de la politique de sécurité routière. Alors même que cette dernière, développée de manière continue à partir des années 1970, a permis de diviser par quatre le nombre de tués sur les routes de France, l'apprentissage des gestes de premiers secours – les « gestes qui sauvent » – n'a jamais été privilégié.

Bien sûr, tout doit d'abord être fait pour lutter contre l'accidentalité elle-même. Mais la diminution de la mortalité routière constitue un objectif essentiel, que seule peut aussi permettre d'atteindre la mise en oeuvre plus systématique de politiques de formation aux connaissances élémentaires de secourisme.

Face à ce défi, le groupe UMP a choisi d'inscrire dans sa séance d'initiative réservée la présente proposition de loi, en préconisant une solution simple et pragmatique : l'inclusion dans les épreuves du permis de conduire d'une formation aux « cinq gestes qui sauvent » et qui consistent à alerter les secours, à baliser les lieux et à protéger les victimes, à ventiler, à comprimer l'hémorragie et, enfin, à sauvegarder la vie des blessés.

Loin de tout esprit partisan, cette proposition rejoint de très nombreuses initiatives qui ont émané de tous les bancs depuis plusieurs années : propositions de loi, amendements, questions au Gouvernement, etc. Au Sénat, une proposition de loi analogue a ainsi été déposée en février dernier par M. Jean-Pierre Leleux et M. Jean-René Lecerf. Je sais que le président de la commission des Lois du Sénat, M. Jean-Pierre Sueur, est très sensible au sujet, pour ce qui concerne tout particulièrement les conducteurs de transport routier de personnes.

En outre, dans certains pays voisins, plusieurs dispositifs comparables ont été retenus dès les années 1970, avec succès : il en va ainsi par exemple en Allemagne, en Autriche ou en Suisse.

L'objectif essentiel de ce texte est la lutte contre la mortalité routière. Les 4 000 morts sur les routes équivalent en effet à 30 catastrophes aériennes, pour reprendre une analogie qui figurait dans une résolution du Parlement européen de 2011. Or, en dépit de l'élaboration d'une large palette d'outils depuis le début des années 1970, la France se situe seulement dans la moyenne européenne s'agissant du nombre de personnes tuées rapporté à la population totale. De plus, parmi ces outils, la formation aux premiers secours occupe une place très marginale.

Il existe certes des formations de secourisme au profit de tout citoyen, en particulier la formation dite « de base », d'une durée de sept heures, sanctionnée par l'attribution du certificat PSC 1 – prévention et secours civiques 1. De même, en application de l'article L. 312-13-1 du code de l'éducation, institué en 2004, tout élève est supposé bénéficier, dans le cadre de la scolarité obligatoire, d'un apprentissage des gestes élémentaires de premiers secours. Cependant, alors même que cette formation a vocation à favoriser cet apprentissage par le plus grand nombre, elle ne touche aujourd'hui que 20 % des collégiens – qui de toute façon ont le temps d'oublier ces gestes avant de passer leur permis –, et laisse donc de côté 80 % d'une classe d'âge.

Dès lors, il n'est pas étonnant que l'on puisse déplorer un niveau général de connaissances aux gestes de premiers secours très insuffisant, seulement quelque 40 % de la population ayant reçu en la matière une formation diplômante ou bénéficié d'une initiation à un titre ou à un autre. Comme le souligne la Croix-Rouge, « les Français n'ont pas la culture du risque et de la prévention » et « possèdent un niveau de formation aux gestes qui sauvent largement insuffisant ».

Sans doute le législateur a-t-il commencé à se saisir de cette question, puisqu'aux termes de l'article 16 de la loi du 12 juin 2003 renforçant la lutte contre la violence routière, « les candidats au permis de conduire sont sensibilisés, dans le cadre de leur formation, aux notions élémentaires de premiers secours ». Mais le décret en Conseil d'État destiné à fixer ses modalités d'application n'a jamais été pris. D'ailleurs, les nombreuses auditions que j'ai conduites le confirment : dans les faits, cette sensibilisation est très insuffisante, voire inexistante.

Environ 1 million de permis de conduire sont délivrés chaque année. Inclure la formation aux notions élémentaires de premiers secours dans l'examen du permis de conduire permettrait donc de favoriser la formation d'un public particulièrement large.

En outre, et même si, par définition, une formation organisée dans le cadre de la préparation au permis de conduire resterait centrée sur l'accidentalité routière, les connaissances acquises à cette occasion pourraient ensuite être réutilisées, en cas d'urgence, dans de nombreuses circonstances de la vie quotidienne.

Une telle formation pourrait de surcroît induire un changement de comportement au regard de la prise de risque dans la conduite automobile. Elle contribuerait à une conduite plus apaisée, un avantage dont l'importance ne saurait être sous-estimée.

Enfin, en donnant une « feuille de route » au témoin d'un accident, elle permettrait de dédramatiser la situation.

La formation proposée pourrait être d'une durée de quatre heures. Son caractère simplifié permettrait une diffusion vers le plus grand nombre, sans coût excessif, ni en temps, ni en argent, pour les candidats au permis de conduire. Le message n'en serait que plus clair et plus efficace.

Afin d'offrir toutes les garanties requises, la dispense et la validation de cette formation, axée sur les aspects essentiels de l'accidentalité routière, seraient confiées aux associations de secourisme agréées, dont la compétence est bien établie. Plusieurs ont déjà formalisé des programmes relatifs aux gestes essentiels à pratiquer à la suite d'un accident – citons les « trois gestes pour la vie » de la Fédération française de cardiologie ou bien les « quatre étapes pour porter secours » de la Croix-Rouge française –, et certaines dispensent déjà des formations courtes.

J'en viens aux objections qui pourraient être opposées au dispositif et qui, selon moi, ne résistent pas à l'analyse.

On pourrait craindre premièrement qu'il ne soit coûteux et lourd à mettre en oeuvre, voire qu'il ne représente une nouvelle charge importante pour l'État. Mais la terminologie retenue – « épreuve » – ne doit pas induire en erreur et laisser penser qu'il s'agit d'organiser un examen spécifique, sur le modèle de ceux prévus pour sanctionner les apprentissages théorique et pratique. En réalité, la participation à la formation et sa validation seront prises en charge par les associations de secourisme agréées, qui remettront aux intéressés un document attestant de leur connaissance des notions élémentaires de premiers secours. Les inspecteurs du permis de conduire et de la sécurité routière ne se verront donc investis d'aucune mission nouvelle, ce qui supposerait une charge de travail plus lourde et une formation complémentaire. Un amendement tend à préciser le rôle des associations dans le dispositif ; un autre à supprimer l'article de gage, prévu à seul titre de précaution et désormais sans utilité.

Deuxièmement, le dispositif pourrait être jugé trop coûteux pour les candidats. Naturellement, la somme qui serait à leur charge n'est pas négligeable – selon certaines estimations établies par les associations, elle pourrait être de l'ordre de 20 à 25 euros –, mais elle peut être considérée comme très raisonnable au regard de l'enjeu de sécurité routière et du coût global du permis de conduire.

Troisièmement, certains doutent que les associations de secourisme soient en mesure de dispenser une formation de masse. Mais les auditions que j'ai conduites m'ont permis de dénombrer quelque 35 000 moniteurs de premiers secours. Les grandes associations nationales ont d'ailleurs estimé que le défi pouvait tout à fait être relevé.

Quatrièmement, on pourrait estimer qu'il appartient à l'école de prendre en charge l'apprentissage de masse des gestes de premiers secours, conformément au dispositif mis en place en 2004. Mais je rappelle que celui-ci ne touche que 20 % d'une classe d'âge et qu'il intervient trop tôt. En attendant le jour où il concernera la majorité des élèves, pourquoi se priver d'un outil supplémentaire ? Quant à l'initiation dispensée chaque année à 800 000 jeunes dans le cadre de la journée « défense et citoyenneté », elle ne dure parfois que trois quarts d'heure et ne saurait se substituer à un véritable apprentissage.

Cinquième et dernière objection : le dispositif proposé aurait une valeur réglementaire. C'est vrai des différentes composantes du permis de conduire, qui relèvent de la partie réglementaire du code de la route. Mais un sujet de sécurité routière tel que la création d'un nouveau dispositif de formation aux premiers secours justifie l'intervention législative. C'est pourquoi je présenterai un amendement destiné à placer le nouveau dispositif non dans le code de la route, mais dans le cadre de la loi du 12 juin 2003 renforçant la lutte contre la violence routière, en lieu et place de l'actuel article 16 dont le décret d'application, je le rappelle, n'a jamais été publié.

Tel est le dispositif simple que nous vous proposons aujourd'hui.

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Toute personne ayant été témoin d'un accident de la circulation le sait : dans les premiers instants, on éprouve de la peur, de l'incertitude, on se pose de nombreuses questions. À cet égard, la proposition de notre collègue constitue une approche judicieuse.

Il y a quelques semaines, lors d'un entraînement de football dans la commune dont je suis maire, un joueur, victime d'un accident cardiaque, a été sauvé par un membre du club qui avait bénéficié d'une formation à l'utilisation d'un défibrillateur. Le préfet du département a jugé l'acte suffisamment rare pour justifier un hommage public. Il en est de même pour les « gestes qui sauvent » : alors que leur connaissance reste exceptionnelle, nous devons faire en sorte qu'elle devienne systématique, naturelle.

Dès lors que la route n'est pas apaisée, pour reprendre l'expression du rapporteur, tout conducteur doit être sensibilisé à ce qu'implique le fait de prendre la route, à tout ce qui engage sa responsabilité, parce qu'il peut être source de danger ou en être la victime.

Il convient de rappeler que le permis n'est pas un brevet de bonne conduite : c'est une autorisation de conduire. Or trop souvent, le titulaire estime qu'obtenir le permis équivaut à savoir conduire, au risque de se permettre n'importe quoi. Cela explique le nombre d'accidents impliquant les plus jeunes. Tout ce qui peut responsabiliser le futur conducteur doit donc être encouragé. Or le dispositif proposé va dans ce sens : rappeler à ce dernier qu'il conduit un engin certes de plus en plus sûr, grâce à la progression des technologies – et grâce aux normes… –, mais qui, s'il n'est pas maîtrisé, peut entraîner bien des drames. Il faut le répéter : l'accident, que l'on en soit responsable ou victime – voire les deux –, ne concerne pas que les autres.

C'est pourquoi nous devons unanimement soutenir cette proposition de loi.

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S'il est un objectif que nous partageons tous, c'est bien celui de réduire le nombre des victimes de la route. Il est donc essentiel de savoir bien réagir en cas d'accident. Cette proposition de loi vise à rendre obligatoire, pour prétendre à l'examen du permis de conduire, l'acquisition de connaissances en matière de premiers secours. L'intention est noble, mais le texte appelle plusieurs réserves.

Tout d'abord, la charge supplémentaire pour le candidat – estimée entre 25 et 50 euros – est loin d'être négligeable, sachant que le coût du permis de conduire est déjà exorbitant – entre 1 000 et 1 200 euros en moyenne –, que plusieurs millions de foyers sont à quelques euros de ne pas boucler leur budget, et que certains doivent recourir à un emprunt pour financer la formation.

Ensuite, la loi du 12 juin 2003 renforçant la lutte contre la violence routière prévoit déjà une telle mesure. L'article 16 dispose que « les candidats au permis de conduire sont sensibilisés dans le cadre de leur formation aux notions élémentaires de premiers secours ». Et selon l'arrêté du 23 janvier 1989 relatif au programme national de formation à la conduite, l'examinateur est en droit d'en vérifier l'assimilation.

Enfin, s'agissant d'une question de nature réglementaire, il appartient au ministre de l'Intérieur d'y apporter des réponses. En tout état de cause, il convient d'appliquer le droit existant avant de prendre de nouvelles dispositions.

Il serait souhaitable de privilégier la « formation tout au long de la vie » et donc d'améliorer les campagnes de sensibilisation menées à l'école ou à l'occasion de la journée « défense et citoyenneté ».

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Cette proposition de loi défend un principe qui nous est cher, celui de la prévention. Je m'attendais donc à ce qu'elle soit soutenue à l'unanimité des députés présents. Je suis surpris et déçu de découvrir que ce n'est pas le cas.

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Je salue l'initiative de notre collègue Bernard Gérard, car je préfère les gestes qui sauvent aux paroles qui blessent.

Le permis de conduire est un véritable examen ; il est donc stressant. Il est possible de rater une épreuve par manque de concentration ou parce que l'on rencontre des difficultés personnelles.

Faute d'une formation aux premiers secours, les témoins d'un accident risquent de ne pas pouvoir sauver les victimes, et je crains qu'elles n'en viennent à éprouver un fort sentiment de culpabilité. Moi-même, lorsque j'étais jeune conducteur, il m'est arrivé d'être présent le premier sur le lieu d'un accident. Heureusement, j'avais été formé aux gestes nécessaires dans le cadre du service militaire : je disposais donc, sinon d'un savoir accompli, du moins d'une certaine maîtrise. Le simple fait de pouvoir tenir des propos rassurants aux passagers est déjà important.

J'ajoute que, dans la mesure où l'examen du permis de conduire se compose de deux épreuves, l'une théorique, l'autre pratique, les connaissances nécessaires en matière de premier secours pourraient être acquises progressivement.

Pour ces raisons, je suis très favorable à la proposition de loi, et je regrette qu'elle ne fasse pas l'unanimité.

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Notre intention n'est pas de nous opposer à l'objectif visé par cette proposition de loi, qui résulte d'une initiative aussi heureuse qu'utile, mais simplement de constater qu'il ne relève pas du domaine législatif. En revanche, l'organisation d'une formation aux premiers secours pourrait faire l'objet d'un décret modifiant l'article R. 221-3 du code de la route, qui dispose que les examens du permis de conduire « comportent une épreuve théorique et une épreuve pratique ».

Par ailleurs, je suis préoccupée par le problème du coût. La liberté de conduire est une liberté importante, mais beaucoup, déjà, ne peuvent y accéder, faute de moyens pour passer le permis. Il serait donc souhaitable que la nouvelle formation ne s'accompagne pas d'une charge supplémentaire pour le candidat.

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L'intention est bonne, en effet, mais le texte suscite plusieurs réticences.

Tout d'abord, son application aurait pour effet d'augmenter la difficulté de l'examen du permis de conduire, que certains ont déjà beaucoup de mal à obtenir, alors que ce permis représente un élément d'insertion non négligeable et qu'il n'existe pas de formation publique.

Ensuite, le coût de l'apprentissage, même modique, viendrait s'ajouter au coût de la formation générale, déjà très important.

Troisièmement, la proposition de loi laisse de côté la question de la formation permanente. Peut-être faudrait-il se montrer plus ambitieux sur ce point.

Enfin, elle ne permet pas de remédier à la faiblesse de la formation française, en particulier en matière de secourisme.

Pour toutes ces raisons, nous sommes réticents à l'adopter, d'autant que le sujet relève largement du pouvoir réglementaire.

Des orateurs de l'opposition ont regretté l'absence d'unanimité sur ce texte. Je rappelle que celle-ci n'a que rarement été trouvée au cours des cinq années précédentes. On peut certes attendre de la nouvelle majorité qu'elle change de pratique par rapport à l'ancienne. Mais si nous sommes ouverts à l'idée de développer de nouvelles méthodes et de favoriser le travail en commun, tout cela mérite réflexion, et donc du temps. Or la législature ne fait que commencer.

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Je salue la qualité du travail de notre rapporteur et celle de la proposition qu'il nous soumet. Certains collègues de la majorité estiment que ce n'est pas le bon moment pour l'adopter, mais je récuse cet argument terriblement conservateur. Au contraire, il est temps de passer des bonnes intentions aux actes.

Notre position aussi, monsieur Raimbourg, peut évoluer. Si la majorité de nos collègues estiment qu'une épreuve supplémentaire rendrait trop difficile l'obtention du permis, on peut décider de ne rendre obligatoire que la formation elle-même.

En tout état de cause, les mesures que nous pourrions adopter ne prendraient effet que progressivement, avec l'augmentation du nombre de titulaires du permis ayant bénéficié de la formation. C'est une raison supplémentaire d'agir aussi rapidement que possible, et c'est pourquoi je soutiens totalement la proposition de loi.

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La mission locale pour les jeunes que je préside depuis des années intervient souvent pour faciliter le passage du permis de conduire. Cet examen qui, a bien des égards, marque le passage à la vie d'adulte, est devenu en effet de plus en plus coûteux, même s'il est toujours possible de trouver des solutions pour le financer. Mais c'est surtout devenu une réelle épreuve pour des jeunes qui ont parfois échoué dans leur scolarité et qui trouvent là une occasion de réhabiliter leur propre image, d'accéder à une plus grande mobilité, bien sûr, mais aussi d'augmenter leurs chances de trouver du travail. Or si les épreuves pratiques se passent plutôt bien, le « code » est devenu particulièrement compliqué. Nous-mêmes, dans cette Commission, ne serions sans doute pas certains de réussir cette partie de l'examen si nous devions le passer à nouveau. Il est une source importante de stress pour les jeunes concernés. Je suis donc réticent à l'idée d'ajouter une épreuve supplémentaire, même si j'ai compris qu'une modification du texte était envisageable sur ce point.

Par ailleurs, parmi les cinq « gestes qui sauvent », deux me paraissent de trop : la ventilation et la compression, qui exigeraient plutôt une formation de type continu. Il y aurait un risque, en effet, à laisser croire à des personnes qu'elles peuvent encore maîtriser de tels gestes plusieurs années après les avoir appris.

La proposition est bonne dans son principe mais son vecteur d'application – l'examen du permis de conduire – n'est pas nécessairement approprié. Il serait sans doute préférable de généraliser la formation dispensée au collège – quitte à la proposer plus tard, plutôt au niveau du lycée – et de la prolonger par une formation tout au long de la vie, à l'instar de ce qui se pratique dans de nombreux pays voisins.

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Décidément, l'opposition n'a pas de chance : qu'il s'agisse de l'adaptabilité des normes ou de la formation aux premiers secours, elle a de bonnes idées, mais ce n'est jamais le bon moment de les appliquer !

Je ne peux pourtant qu'insister sur l'utilité de cette proposition de loi – dont je suis d'ailleurs cosignataire –, d'autant que, comme l'a rappelé le rapporteur, son but est de diffuser un message clair, simple et compris de tous, et non pas de compliquer l'examen ni d'imposer une nouvelle épreuve.

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De nombreuses communes organisent des stages de sensibilisation à la sécurité routière, qui représentent toujours un profit pour ceux qui les suivent, car ils sont concrets et bien réalisés. Dans le même esprit, on pourrait prévoir une simple obligation, pour le candidat au permis de conduire, de suivre un stage de formation aux gestes qui sauvent avant de se présenter à l'examen. Peut-être cette suggestion permettrait-elle à M. Raimbourg de convaincre ses collèges de la majorité d'adopter la proposition de loi.

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Je trouve paradoxal de ne pas se satisfaire de la législation actuelle au seul prétexte qu'elle n'est pas appliquée. On sait ainsi que 80 % des collégiens n'ont pas accès à la session de sensibilisation prévue par le code de l'éducation, et que l'initiation proposée lors de la journée « défense et citoyenneté » reste insuffisante. Mais qui nous dit que l'État appliquerait mieux la nouvelle loi si nous l'adoptions ? Appliquons d'abord l'existant avant d'inventer autre chose.

Là n'est pourtant pas ma principale objection. Même le problème du coût supplémentaire, s'il est réel, ne m'apparaît pas décisif au regard du prix de la vie elle-même. Non, le principal obstacle, à mes yeux, est que cette question relève du règlement et non de la loi. C'est même précisément pour cette raison que l'article 16 de la loi du 12 juin 2003 prévoyant la sensibilisation des candidats au permis de conduire aux notions élémentaires de premiers secours n'a pas pu être codifié. Alors que nous appelons sans cesse à élaborer une loi de meilleure qualité, il ne convient pas d'adopter un texte empiétant sur le domaine réglementaire.

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Les amendements que je vous soumettrai me paraissent répondre à beaucoup de vos questions, mes chers collègues. Avant de m'engager dans cette démarche, je ne soupçonnais pas la qualité des auditions auxquelles la présente proposition de loi a donné lieu ; cela me conforte dans l'idée qu'elle devrait faire consensus.

Le temps me semble venu d'apporter des réponses concrètes : cela fait quarante ans que l'on réfléchit à l'idée d'une telle formation, et quarante ans qu'elle existe dans quinze pays d'Europe – parmi lesquels l'Allemagne, la Suisse et l'Autriche –, ainsi qu'en Turquie et en Australie, où l'on compte plus de 8 % de morts en moins sur les routes grâce à l'institution d'un dispositif voisin.

En gravant les dispositions concernées dans le marbre de la loi, on leur donnerait une solennité qui inciterait les candidats au permis à des comportements plus apaisés. Bien souvent, lorsque l'on est témoin d'un accident de la route, on ne sait comment hiérarchiser les priorités. De nombreuses personnes sont dans un tel état de panique que, lorsqu'elles appellent les pompiers ou le SAMU, elles en oublient de préciser où elles se trouvent ! Appeler les secours, baliser les lieux et protéger les victimes sont, dans cet ordre, les premiers des cinq gestes simples à effectuer avant la ventilation des blessés, puisque, comme me l'a expliqué un membre de l'Académie nationale de médecine, on ne doit plus parler de « réanimation ». Ainsi, les airbags évitent le coup du lapin mais provoquent une inclination de la tête, si bien que la langue peut se placer de façon à empêcher la respiration ; il suffit alors de relever la tête de la victime en lui soulevant le menton. En libérant ainsi les voies respiratoires ou en comprimant une hémorragie, on peut sauver des personnes. Nous ferions donc oeuvre utile en votant ce texte.

Mme Marie-Anne Chapdelaine, que je remercie pour sa présence à certaines auditions, a fait part de ses réserves, notamment sur le coût. Certes, la mesure a un coût. Mais je rappelle que l'on déplore tous les ans 4 000 morts et 72 000 blessés – dont 30 000 sont hospitalisés – sur les routes. De l'avis des associations concernées, la mesure que je propose coûterait entre 20 et 25 euros, soit de 1,5 à 2 % du coût du permis, puisque celui-ci avoisine en moyenne les 1 200 euros. J'ajoute que les compagnies d'assurance pourraient être les premières intéressées par de telles solutions, qui permettraient de diminuer le coût de l'accidentalité. Les maires s'y associeraient aussi très volontiers, comme me l'a confié le président de l'Association des maires de France. Rappelons que, lorsque l'on a commencé à installer des défibrillateurs dans les communes – le sénateur Alex Türk a beaucoup fait en ce domaine –, des médecins et des associations se sont aussitôt proposés pour participer à la formation. Bref, le coût ne me semble pas un problème.

Reste la question du véhicule juridique : loi ou règlement. L'un de mes amendements précise que la mesure concernée relève non du code de la route, mais de l'article 16 de la loi du 12 juin 2003 – laquelle ne prévoit qu'une « sensibilisation », si bien qu'elle ne fut en effet jamais appliquée –, à charge pour le Gouvernement de détailler ensuite, par voie réglementaire et après consultation des associations de médecins et de secourisme agréées, les gestes qui sauvent.

Le même amendement supprime la notion d'épreuve qui s'ajouterait aux deux qui existent déjà. Pour s'inscrire à un club de sport, il faut non seulement payer sa cotisation, mais aussi fournir un certificat médical et un contrat d'assurance. Dans le même ordre d'idées, l'attestation validant la formation proposée serait requise pour passer le permis, et pourrait au demeurant être fournie jusqu'au moment de ce passage.

Cette mesure raisonnable, dont je répète qu'elle existe déjà dans de nombreux pays, contribuerait assurément à lutter contre la spirale dramatique des accidents de la route.

Je tiens enfin à remercier M. Raimbourg, dont l'intervention laisse espérer quelque solution d'ici à l'examen en séance publique.

La Commission en vient à l'examen des articles.

Article 1er :(art. L. 222-1 [nouveau] du code de la route) : Épreuve sanctionnant la connaissance des notions élémentaires de premiers secours dans le cadre de l'examen des permis de conduire

La Commission est saisie de l'amendement CL 1 du rapporteur.

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L'amendement vise à réécrire les alinéas 1 à 4 en prenant pour référence l'article 16 de la loi du 12 juin 2003, puisque celle-ci me paraît mieux appropriée à un sujet de sécurité routière que le code de la route. Le décret d'application de cet article, qui ne prévoit qu'une simple sensibilisation aux notions élémentaires de premier secours, n'a jamais été publié ; j'en propose donc une nouvelle rédaction, toutes les précisions utiles devant être apportées par voie réglementaire. Cette mesure a reçu l'approbation des acteurs avec lesquels je me suis entretenu.

La Commission rejette l'amendement.

Elle procède ensuite à l'examen de l'amendement CL 2 du rapporteur.

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Cet amendement prévoit que l'apprentissage des « gestes qui sauvent », comme les modalités de sa validation, relèveront des associations de secourisme agréées : le texte n'alourdirait donc pas la charge de travail des inspecteurs du permis de conduire et de la sécurité routière et ne nécessiterait aucune formation nouvelle de leur part. Les conditions requises pour la remise de l'attestation seront définies par voie réglementaire.

La Commission rejette l'amendement.

Puis elle rejette l'article 1er.

Article 2 : Gage

La Commission examine l'amendement CL 3 du rapporteur.

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Compte tenu du rôle des associations de secourisme agréées dans la dispense de la nouvelle formation et sa validation, la proposition de loi n'engendre aucune charge supplémentaire pour l'État. L'amendement vise donc à supprimer le gage.

La Commission rejette l'amendement.

Elle rejette également l'article 2.

Aucun de ses articles n'ayant été adopté, la proposition de loi est rejetée par la Commission.

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C'est donc le texte initial de la proposition de loi qui sera examiné en séance publique. D'ici là, je soumettrai cette proposition de loi au président de la commission des Finances, afin de vérifier sa conformité à l'article 40 de la Constitution.

La séance est levée à 12 heures 10