Ce texte a le mérite d'apporter une réponse à un enjeu prioritaire. Il pose d'abord le problème de l'inflation normative : 8 000 lois, 400 000 décrets, environ 10 000 engagements internationaux de la France, au titre de l'Union européenne ou des Nations unies. En 1871, cette anomalie avait déjà été repérée et le législateur de l'époque avait mis en place l'exception d'ignorance, qui s'appliquait aux contraventions, en considérant que le trop grand nombre de textes les rendait illisibles et donc inaccessibles à trop de Français. Depuis, la situation n'a fait que dégénérer.
Le deuxième problème, c'est celui de l'inadaptation des normes en raison des particularités locales. Dans la mission qu'a évoquée Pierre Morel-A-L'Huissier, nous avons été amenés à constater que, pour utiles qu'ils soient, nombre de textes étaient inapplicables, en particulier dans les communes rurales. Or cette question reste sans réponse car le représentant de l'État craint la procédure pénale ou la sanction du juge administratif.
Le texte que nous soumet aujourd'hui notre collègue apporte enfin une bonne réponse à cette question délicate.
D'abord, il limite de manière très étroite le champ et les possibilités de dérogation. Pour envisager de déroger, il faudra dresser le constat qu'il est impossible d'appliquer la norme, que son application éventuelle déboucherait sur une véritable absurdité, ou bien encore que le rapport entre l'objectif poursuivi et les coûts de mise en oeuvre est manifestement disproportionné. Je renvoie sur ce point à ce qui se pratique pour les déclarations d'utilité publique. À l'évidence, le présent texte a bien sérié le champ des exceptions envisageables.
Il organise en outre une mécanique administrative judicieuse et équilibrée, avec l'intervention du préfet de région ou de département et d'une commission chargée d'examiner les conditions de mise en oeuvre de la dérogation, ainsi que l'adéquation de la dérogation proposée aux objectifs poursuivis comme à la situation locale.
Il s'agit d'un sujet pointé de longue date par le Conseil constitutionnel, le Conseil d'État et la Cour de cassation. Au sein de la commission des Lois aussi, nous avons posé le diagnostic depuis longtemps, sans être capables d'apporter une réponse.
Aussi, tout en n'ignorant pas le risque constitutionnel que vient de soulever notre collègue socialiste, je considère que le désastre est tel qu'il n'est que temps de s'atteler à la recherche d'une solution. C'est pourquoi je soutiens sans réserve le texte de notre collègue Pierre Morel-A-L'Huissier.