Qu'il me soit tout d'abord permis de rassurer notre rapporteur en lui disant qu'il n'y aura pas entre nous de clivage idéologique sur l'inflation normative. Au fil du temps, les textes sont devenus trop nombreux et parfois inapplicables. Néanmoins, si l'exposé des motifs et la visée générale du texte ne posent pas problème, nombre d'interrogations surgissent rapidement. Si la rédaction s'est améliorée pour ce qui concerne l'appréhension de la ruralité, la notion de « moyens disproportionnés » reste vague et subjective. Je note cependant que des amendements sont prévus pour tenter d'y remédier.
S'agissant du pouvoir d'adaptation ou de substitution conféré au préfet, l'approche nous semble intéressante mais périlleuse à mettre en oeuvre. Ne risque-t-on pas de donner au représentant de l'État un pouvoir d'appréciation et d'opportunité manifestement excessif ? Qu'il s'agisse du contrôle de légalité ou du pouvoir de police générale, un tel pouvoir d'appréciation risquerait aussi de le soumettre à des pressions locales ou à des interactions éminemment préjudiciables.
Comme l'a relevé Mme Bechtel, nous sommes également préoccupés par les atteintes au principe d'égalité devant la loi ou d'accès aux services publics dont ce texte pourrait être porteur. À cet égard, faire référence à la situation des outre-mer n'est pas satisfaisant dans la mesure où la Constitution comporte des dispositions différenciées à leur profit.
Nous considérons aussi que la référence au quatrième alinéa de l'article 72 de la Constitution ne suffit pas pour retenir un tel principe d'adaptabilité, puisque cet article se borne à prévoir des possibilités d'expérimentation et non de déclinaison adaptée de la norme commune.
Ces considérations nous amènent à donner un avis défavorable à l'adoption des trois articles que comporte le texte. Cela ne signifie évidemment pas que la question de l'applicabilité des normes ne se pose pas, d'autant que le contexte budgétaire contraint et les pertes de ressources qui affectent les collectivités ne manquent pas d'inquiéter cruellement les élus.
Si le texte qui nous est soumis procède d'une intention louable, sa rédaction et sa nature le rendent inapplicable et irrecevable. Il ne serait pas responsable d'adopter un texte aussi fragile. Par contre, nous invitons ses auteurs à travailler avec nous à l'occasion des prochains textes de décentralisation. Le Président de la République et le Premier ministre ont pris des engagements en ce domaine et ils mesurent le poids des normes pour les collectivités. Le Premier ministre a récemment réitéré son engagement d'installer un Haut conseil des territoires, instance de concertation chargée de travailler en lien avec le comité des finances locales, ainsi que celui de renforcer le CCEN.
Nous aurons du reste l'occasion d'y revenir avec Marylise Lebranchu, ministre en charge du dossier, dans le cadre de « l'acte III de la décentralisation ».