Certains de nos collègues ont invoqué une intention louable : oui, si l'on veut pulvériser le principe d'égalité ! Loin de moi l'idée de plaider pour une uniformité normative mais les lois de la République ne sont-elles pas déjà adaptées à la spécificité des territoires, à l'instar de la « loi montagne » ou de la « loi littoral » ? En outre, les collectivités disposent déjà d'un pouvoir réglementaire d'adaptation de la loi qui leur procure des marges de manoeuvre.
Plutôt que de poser la question de l'applicabilité des normes, ne faudrait-il pas s'interroger sur le fonctionnement de notre millefeuille institutionnel ? Sont-ce les normes qui sont inadaptées ou les structures chargées de les appliquer qui ne le sont plus ? Dépourvue de service juridique, une commune de 200 ou 300 habitants a forcément du mal à appliquer la norme !
En outre, la présente proposition de loi comporte un trop grand nombre d'imprécisions. À côté des collectivités territoriales, il semble que le nouveau droit serait ouvert à « toute personne de droit public », au risque d'un éclatement proprement inimaginable du nombre de bénéficiaires du pouvoir réglementaire ! Dans tous les États – comme l'Espagne ou l'Italie – où l'on reconnaît un pouvoir normatif local, celui-ci n'est donné qu'à un seul échelon, en vue de préserver la lisibilité de l'ordonnancement juridique. Il me semble délirant d'imaginer de conférer un pouvoir normatif local à nos 36 500 communes, en sus des établissements publics locaux et des intercommunalités !
Toute la jurisprudence du Conseil constitutionnel démontre que la fragilité constitutionnelle du texte ne fait aucun doute. Il n'y a pas d'encadrement dans le temps ni de référence à l'expérimentation, et le nombre de bénéficiaires est beaucoup trop élevé. À cet égard, je partage l'opinion d'Olivier Dussopt : si vous aviez accepté de saisir le Conseil d'État, nous aurions pu faire l'économie de la discussion d'un texte qui ne passera jamais sous les fourches caudines du Conseil constitutionnel.
Au final, je m'étonne que vous sembliez négliger les possibilités offertes par le quatrième alinéa de l'article 72 de la Constitution découlant de la loi organique relative à l'adaptation normative locale. Il était tout à fait loisible de donner, à titre expérimental et sous certaines conditions, une telle faculté d'adaptation locale, en prévoyant son évaluation avant une éventuelle extension. Des dispositions existent. Je plaide pour que dans le cadre de l'acte III de la décentralisation, nous desserrions les contraintes juridiques qui font obstacle à leur application.
Beaucoup a été dit sur la profusion de textes, mais c'est par l'ajout d'un nouveau texte que l'on nous propose d'y remédier. C'est toujours un peu paradoxal !