Intervention de Pierre Morel-A-L'Huissier

Réunion du 26 septembre 2012 à 10h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre Morel-A-L'Huissier, rapporteur :

Nos collègues sont en effet unanimes pour constater la réalité des difficultés auxquelles cette proposition de loi cherche à répondre.

Tout d'abord, madame Appéré, le terme « ruralité » n'apparaît pas dans le texte. Mais il est vrai que la mission que j'ai menée pendant près d'un an concernait les problèmes de ruralité. Or les 4 000 acteurs locaux – dont 22 préfets – que nous avons rencontrés à cette occasion dans 11 départements ont souvent fait part de leur exaspération devant les difficultés à mettre en oeuvre un certain nombre de normes.

On peut certes se vouer au culte de la norme, madame Le Dain. Mais qu'il s'agisse des représentants d'associations, des élus locaux, des préfets, tous réclament un peu d'oxygène et demandent à pouvoir appliquer, sur tel ou tel sujet, des règles adaptées, assouplies, voire dérogatoires.

Sur le plan juridique, j'ai déposé des amendements qui répondent à toutes les objections formulées. La possibilité donnée aux collectivités locales d'exercer le pouvoir réglementaire se fonde en effet sur le droit d'expérimentation consacré par l'article 72 de la Constitution. Quant au recours au préfet, il est naturel en la circonstance, dans la mesure où les décisions à prendre peuvent dépasser la compétence technique de la personne instruisant le dossier. Les préfets ne sont-ils pas déjà chargés de coordonner l'action de l'État au sein du département ? Enfin, il n'est pas anormal que le juge administratif soit saisi pour vérifier la pertinence des critères invoqués pour justifier la dérogation. C'est la jurisprudence administrative qui permettra de préciser le droit.

Par ailleurs, un de mes amendements renvoie au Gouvernement le soin de fixer, par décret, les critères objectifs permettant de déterminer le caractère disproportionné des moyens matériels, techniques ou financiers nécessaires à la mise en application d'une disposition réglementaire. Le droit de prendre des mesures de substitution s'exercera donc dans un cadre juridique bien déterminé.

J'en viens au respect du principe d'égalité. Les membres du Conseil d'État que nous avions consultés nous ont précisé que la haute juridiction administrative, en tant que juge de la légalité, ne pouvait admettre l'application de mesures dérogatoires. Mais selon le président du Conseil constitutionnel, rien n'interdit au Parlement de poser un principe d'adaptabilité de certains dispositifs normatifs.

Je n'ai rien contre l'idée de renvoyer l'examen de cette question à la future loi sur la décentralisation, mais pourquoi attendre alors que le travail accompli est déjà très important ? Certes, pour des raisons de délais, M. le Président de l'Assemblée nationale n'a pas jugé possible de présenter formellement le texte de la proposition de loi devant le Conseil d'État. Toutefois je me suis servi, pour la rédiger, des travaux de M. Doligé, dont la proposition de loi, elle, a été soumise au Conseil d'État. En outre, l'adoption des amendements que je présente lui donnerait tous les fondements juridiques nécessaires.

Je rappelle à M. Blanc que la jurisprudence administrative a élaboré la théorie du bilan coûtsavantages et n'ignore pas la notion de disproportion.

Je remercie Jacques Valax de reconnaître que cette proposition de loi est justifiée dans son principe même.

M. Molac est également d'accord sur le principe, mais propose de renvoyer cette question à l'examen de la loi de décentralisation et à la mise en oeuvre du « bouclier rural ». Or ce dernier n'est rien d'autre qu'un concept – un joli concept, il est vrai. Il a certes fait l'objet d'un débat en mars 2011, mais ne recouvre aucune proposition concrète.

M. Warsmann a raison : c'est le moment d'adopter cette proposition de loi. Il y a quelque mois, quand nous avons décidé, contre l'avis du système administratif et de Bercy, de porter à 15 000 euros hors taxes le seuil au-delà duquel un marché public doit faire l'objet de publicité et d'une mise en concurrence, nous l'avons fait parce que nous estimions que c'était le bon moment.

Le texte qui vous est présenté est le fruit de nombreuses auditions et d'observations de terrain. Les amendements qui l'accompagnent permettent de répondre aux objections concernant le caractère expérimental de la procédure ou les critères de dérogation. Il est donc désormais possible de répondre à l'exaspération par l'espoir et de permettre aux territoires ruraux d'échapper à l'asphyxie et au cloisonnement.

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