Intervention de Lionel Tardy

Séance en hémicycle du 1er octobre 2012 à 16h00
Tarification progressive de l'énergie — Motion de rejet préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLionel Tardy :

Que vont voir ceux qui feront l'objet d'un malus ? Une ligne supplémentaire sur la facture, du moins s'ils la remarquent – mais qui aujourd'hui lit en détail sa facture surtout quand les prélèvements sont mensualisés et automatiques ?

Si d'aventure ils s'intéressent à cette ligne, ils constateront qu'ils payent une taxe supplémentaire. Pourquoi ? Ils n'en sauront pas grand-chose, à moins d'appeler un numéro vert inscrit sur la facture. Combien feront la démarche, surtout si, comme vous nous l'avez dit en commission, les montants en jeu sont faibles ? Et si jamais ils appellent, que leur dira-t-on ? Comment le service administratif pourra-t-il déterminer si le malus est lié à un problème de performance énergétique du logement ou aux habitudes de consommation et savoir d'où vient le problème ? Franchement, je leur souhaite bonne chance.

Finalement, quel sera l'effet incitatif du dispositif ? Faible, sans doute très faible. Et quand on met cet aspect en parallèle avec la complexité du dispositif et son caractère intrusif, on voit tout de suite de quel côté la balance penche. Voilà donc un outil qui donnera peu de résultats, tout en présentant des effets secondaires fortement indésirables.

Le premier de ces effets est, disais-je, l'intrusion dans la vie privée des consommateurs. Il va leur falloir déclarer comment ils se chauffent mais aussi s'ils détiennent certains appareils consommateurs d'énergie comme les appareils médicaux d'hospitalisation à domicile. De cette manière, les consommateurs devront fournir aux administrations des informations personnelles sensibles sur leur état de santé, avec tous les risques de fuites que cela comporte. Le plus inquiétant, c'est que cela ne semble pas vous alarmer : ficher ainsi les Français ne vous pose pas problème. À ce train-là, dans cinq ans, quelle sera la longueur des déclarations de revenus ? Quelles lignes allez-vous encore ajouter ?

Vous pouvez toujours nous dire que toutes les garanties seront prises et que la CNIL suivra cela de près : permettez-moi d'avoir quelques doutes sérieux. Quand on voit comment étaient gérés des fichiers aussi sensibles que les fichiers de police – gestion que Mme la ministre n'a eu de cesse de dénoncer lors de la précédente législature –, on peut légitimement s'inquiéter de la constitution de fichiers sur la santé des Français par le biais des déclarations de possession d'appareils médicaux ou d'autres fichiers. L'accès à de telles informations intéresserait de nombreux acteurs privés, voire d'autres administrations ou même la sécurité sociale, à qui cela pourrait faciliter bien des contrôles.

Quant à la CNIL, j'ai rencontré sa présidente pas plus tard que la semaine dernière, en marge d'un colloque de l'ARCEP. Elle doit déjà faire face à tant de sujets qu'elle est déjà très occupée. Si nous pouvions éviter de la surcharger en créant de nouveaux fichiers comme ceux inclus dans cette proposition de loi, nous lui rendrions service.

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