Intervention de Isabel Jonet

Réunion du 22 mai 2013 à 16h30
Commission des affaires européennes

Isabel Jonet, présidente de la Fédération européenne des banques alimentaires :

La situation de la pauvreté dans l'Union européenne est grave : en 2011, selon des données statistiques d'Eurostat, 120 millions de personnes, soit près d'un quart de la population européenne, étaient menacées de pauvreté et d'exclusion sociale. Ce taux avait déjà augmenté en 2009 et 2010.

La crise actuelle qui frappe l'Europe ne permet pas de penser que les choses se sont améliorées en 2012. Au contraire, le chômage ne fait que croître et le niveau de vie a chuté dans la plupart des pays européens. En 2011, 10 % de la population européenne n'avait pas de quoi acheter de la viande, du poisson ou l'équivalent en protéines, un jour sur deux.

S'il est vrai que certains pays sont plus touchés que d'autres, la moyenne européenne est très inquiétante et bouleversante. Le modèle social bâti en Europe de l'Ouest en période de croissance après la guerre n'est plus soutenable, compte tenu de l'évolution démographique et de la diminution de la prospérité économique. Ce modèle n'a par ailleurs jamais existé en Europe de l'Est, où les pensions de retraite et les prestations sociales sont beaucoup moins développées – ou n'existent même pas. Tout le modèle européen est menacé par les réalités et les lois sociales d'autres pays qui produisent beaucoup plus que nous avec des facteurs de production bien moins chers.

La pauvreté revêt de multiples facettes : pauvreté monétaire, privation matérielle sévère, très faible intensité de travail – autant d'aspects désormais pris en compte dans les indicateurs de suivi de l'Union européenne.

Au-delà des statistiques, les personnes concernées sont des enfants, souvent des familles nombreuses, des femmes seules, notamment âgées, des jeunes – diplômés ou non – sans emploi, des retraités connaissant des problèmes de santé de plus en plus nombreux dans une Europe vieillissante et des personnes qui ont travaillé toute une vie. Il s'agit aussi, bien sûr, de personnes sans-abri dans une situation d'extrême pauvreté, de migrants, souvent sans-papiers, qui ne figurent pas dans les statistiques et n'ont pas envie de retourner dans leur pays d'origine d'où ils ont fui des conflits armés et des conditions de vie misérables.

Toujours au-delà des statistiques, il faut prendre en compte cette nouvelle notion de pauvreté « relative », pauvreté cachée des personnes dont le niveau de vie a tellement baissé qu'elles ne peuvent plus se situer en référence à leur groupe de consommation d'origine. Ces personnes sont encore jeunes et ont toutes leurs capacités intellectuelles mais, lorsqu'elles ont perdu leur emploi à quarante-cinq ou cinquante ans, risquent de ne plus jamais retrouver de travail et sont frustrées dans leurs attentes à l'égard de l'idéal européen.

Les États membres de l'Union européenne ont été invités à améliorer l'efficacité de leurs politiques d'inclusion sociale en se focalisant sur l'emploi, l'adéquation des minima sociaux et l'accès aux biens et services essentiels, dont l'alimentation et la santé. L'emploi reste la priorité, car il conditionne l'accès au logement et la perte de ce dernier constitue le facteur d'entrée dans la grande pauvreté. Il ne faut cependant pas perdre de vue que de nombreuses personnes démunies, notamment des enfants, des personnes âgées et des personnes handicapées, ne sont pas ou plus employables et doivent être accompagnées. On parlera alors plutôt, dans ces cas, d'inclusion que d'insertion, d'accueil affectif et d'accompagnement.

Certains pays européens n'offrent toujours pas d'accès à un revenu minimal et, dans de nombreux pays, un grand nombre de personnes démunies ne sont pas en mesure d'exercer leurs droits en raison de la complexité des dispositifs ou parce qu'elles sont tellement stigmatisées dans l'opinion publique qu'elles choisissent de ne pas le faire.

Un tel taux de pauvreté est inacceptable dans un espace où la paix existe – paix acquise par la création de l'Europe, comme l'a rappelé le Prix Nobel attribué récemment à l'Union européenne. C'est tout un idéal de société solidaire qui est menacé. Il nous faut être bien conscients que les personnes en situation de pauvreté, surtout celles qui n'ont plus d'espoir, pourraient accorder moins d'importance que nous à cette paix que nous chérissons tant.

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