L'état des lieux est grave et je tire la sonnette d'alarme. Trois ans après 2010, année européenne de la lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale, le constat est en effet alarmant au niveau européen. Même si nous ne disposons pas encore des derniers chiffres d'Eurostat, je rappelle qu'en 2011 120 millions d'européens étaient menacés de pauvreté, soit une augmentation de 4 millions depuis 2009, que 25 millions d'enfants vivant dans la pauvreté étaient menacés d'exclusion et que 10 millions n'avaient pas de quoi s'habiller décemment. Quarante millions de personnes vivaient encore dans des situations de dénuement extrême, sans accès aux premiers biens et services essentiels – logement, chauffage ou alimentation équilibrée. Ce nombre est inquiétant, car il représente environ 340 000 personnes supplémentaires en situation de pauvreté chaque année depuis 2010. On compte en outre plus de 4 millions de sans-abri en Europe, et encore ce chiffre est-il sous-évalué.
L'augmentation de la pauvreté s'accompagne d'un accroissement du chômage, qui atteint cette année le taux record de 12 % dans l'Union européenne. L'aggravation de la précarité est majeure et les inégalités se creusent. Avec la crise, le niveau de vie des personnes les plus modestes baisse fortement et, de conjoncturelle, la pauvreté est devenue structurelle.
Le visage des premières victimes de la crise a changé : il s'agit de plus en plus souvent de femmes isolées, de jeunes, de femmes sans enfants, de personnes âgées et de migrants. La privation matérielle et alimentaire constitue une forme grave de violation des droits humains, garantis notamment par les textes européens, dans des sociétés d'abondance.
Quels outils l'Europe met-elle en oeuvre pour régler cette question prioritaire ?
Tout d'abord, l'Union européenne s'est engagée dans la stratégie « Europe 2020 », dont tous les États doivent respecter l'objectif d'une réduction de 20 millions du nombre de pauvres d'ici à 2020 – chiffre qui ne peut être atteint avec les politiques mises en oeuvre par certains États. L'un des moyens prévus pour atteindre cet objectif est la « plate-forme de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale », une initiative phare créée en 2011 en vue de permettre l'échange de bonnes pratiques entre les États membres et le développement de l'apprentissage mutuel dans les domaines de la formation, de l'accès à l'emploi, de l'inclusion sociale et de la lutte contre les discriminations.
Les fonds européens donnent lieu à une véritable bataille entre le Parlement européen et le Conseil. Nous avons demandé que, pour la prochaine programmation, 20 % de tous les programmes du Fonds social européen soient consacrés à la lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale et dédiés à l'inclusion des personnes en situation de pauvreté et menacées d'exclusion. Nous, les écologistes, insistons pour que cette proportion de fonds structurels soit portée à 25 %.
L'Union européenne envisage trop souvent les politiques de lutte contre la pauvreté du strict point de vue de l'accès à l'emploi, alors que le nombre de travailleurs pauvres explose aujourd'hui. Le travail ne protège plus de la pauvreté, ce qui a poussé le Parlement européen à demander à la Commission européenne, pour la première fois de son histoire, une directive de revenu minimum pour toutes et tous, quel que soit leur âge. Nous attendons que la Commission nous remette une feuille de route sur cette question.
Je suis par ailleurs l'auteur de la première stratégie européenne en faveur des sans-abri, qui définit des axes forts que tous les États auront l'obligation de mettre en place.
Quant aux aides alimentaires, nous avons voté en Commission des affaires sociales le dernier règlement instituant notamment le Fonds européen d'aide aux plus démunis. La grande majorité des membres de la Commission a voté pour que le montant du budget reste de 3,5 milliards d'euros – montant à partir duquel les chefs d'État et de gouvernement devront négocier. Nous avons aussi décidé que la participation à ce fonds devrait être obligatoire, malgré les réticences de certains pays. La solidarité européenne est pour tous et ne se fera jamais à la carte. Nous avons également fixé des normes de qualité pour les données distribuées, car les pauvres ont droit à une alimentation saine.
Nous avons voté ce rapport, mais en raison d'une majorité insuffisante, il n'y a pas de mandat de négociation avec le Conseil : le rapport devra donc repasser en séance plénière, où les votes ne sont pas toujours les mêmes qu'en commission. La bataille, notamment sur la participation obligatoire, ne fait donc que commencer.
D'un point de vue administratif, il est nécessaire que la France simplifie ses procédures. Monter des projets et récupérer l'argent auprès du FSE prendra énormément de temps – le nouveau fonds sera sans doute en place, avec des mesures transitoires, le 1er janvier 2014. Il faut donc nous interroger : voulons-nous maintenir les structures actuelles du FSE, ou bien demandons-nous à la France de mettre en place une nouvelle autorité dédiée à la gestion de ces fonds, notamment pour aider les associations ?
Dans notre rapport, le Fonds d'aide aux plus démunis concerne l'aide alimentaire, et plus généralement l'aide en biens matériels, ce qui concerne notamment les sans-abri. Contrairement à ce qu'avait demandé la Commission, il n'y aura pas de cible : le Fonds pourra venir en aide à tous ceux qui en ont besoin, travailleurs pauvres, femmes seules avec des enfants, personnes âgées…
Nous encourageons enfin les associations à travailler sur les circuits courts de production et de consommation, qui permettent de développer les solidarités locales et de préparer l'après 2020 : 2020, c'est demain ; soyons prêts à toutes les éventualités, y compris une coupure des crédits par la Commission.