Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous examinons le texte d'une résolution proposée à la réflexion de la représentation nationale par le groupe majoritaire, à l'initiative du président de notre commission, Patrick Bloche.
Cette résolution affirme la volonté d'améliorer le processus de recrutement à la tête des grandes institutions culturelles, par le biais de l'instauration de commissions de sélection des candidats, lesquelles pourraient éclairer l'exécutif dans ses choix, sans le lier.
La proposition de résolution estime que deux prérequis devraient orienter la désignation des responsables des grandes institutions culturelles : le caractère fondamental des principes d'égalité et de parité ; la substitution d'une logique de projets à une logique de personnes.
Par cette proposition de résolution, le groupe majoritaire appelle l'attention du Gouvernement sur le mode de désignation des dirigeants des grands organismes culturels, dont le caractère discrétionnaire favorise une trop grande homogénéité.
Le vote des résolutions constituant l'une des voies d'affirmation du Parlement – il lui permet d'émettre un avis sur une question déterminée –, nous considérons cette démarche avec un intérêt bienveillant. Toutefois, madame la ministre, je voudrais vous faire part de quelques interrogations et constats.
La composition, l'indépendance et les moyens affectés à la commission pluraliste restent à déterminer, même s'il s'agit d'une déclaration d'intention. Comme l'a dit un membre de votre majorité, cette déclaration ne doit pas être une déclaration « d'illusion » : en effet, son pouvoir reste limité à une logique consultative puisqu'au final, l'exécutif demeurera seul décisionnaire.
S'il paraît opportun de lier le choix des responsables à la tête des grandes institutions culturelles à l'affirmation d'un projet artistique et culturel clairement pensé et ouvertement exposé, je ne crois pas que l'on passera pour autant d'une logique de personne à une logique de projet. Est-ce d'ailleurs souhaitable ?
La réussite dans la gestion, l'animation et le rayonnement d'une grande institution tient évidemment à la capacité à incarner un projet, à lui donner vie. Il faut des qualités personnelles avérées pour assumer une responsabilité artistique et culturelle et accomplir des tâches aussi variées que la gestion d'une structure et de ses personnels, la maîtrise des coûts de production, d'accueil, de gestion, dans le plus juste rapport aux objectifs artistiques et culturels.
Je juge plus pertinent de poser la question en combinant les deux logiques : quel homme ou quelle femme pour quel projet ? La distinction artificielle entre la personne et le projet m'oblige à cette évidence.
C'est d'ailleurs sur la reconnaissance d'une personnalité que se fonde la légitimité d'une institution. Lorsque Patrice Chéreau dirigeait le théâtre des Amandiers, on allait en confiance assister aux spectacles qu'il avait sélectionnés ou à ceux dont il avait assuré la mise en scène, sans se poser de question, sur la seule foi de l'aura du directeur et de la justesse éprouvée de ses choix.
Certaines légitimités se fortifient en cours de mission. On songe à Catherine Pégard, nommée à la tête de l'EPA du Château de Versailles – ce qui avait suscité bien des protestations – et dont la compétence est parfaitement reconnue aujourd'hui.
Des dirigeants d'institution peuvent être nommés par un gouvernement et reconduits sous un autre : Guy Cogeval a été nommé président du musée d'Orsay en 2008, puis président de l'établissement public du musée d'Orsay et du musée de l'Orangerie en 2010. Sa réussite à Orsay, dont la fréquentation a progressé de 15 % en 2012, lui donnait toute légitimité à être reconduit dans ses fonctions.
Ces quelques exemples montrent que tout ne va pas si mal dans le processus de nomination à la tête des grandes institutions culturelles et que la nomination par le Gouvernement n'est pas synonyme d'arbitraire aveugle ou de choix illégitimes que sous-entend l'expression parfois employée de « fait du prince ».
Reste la question de la parité, dont vous avez fait un objectif prioritaire, madame la ministre. Au sein des plus grandes institutions culturelles, moins de 20 % des postes et moins de 10 % des postes à haute responsabilité sont attribués à des femmes, alors que 74 % des étudiants dans la filière arts appliqués et beaux-arts, comme dans la filière lettres, sont des femmes.
Madame la ministre, vous avez affirmé vouloir faire de la place à une nouvelle génération. C'est ainsi que vous préconisez de ne pas dépasser trois mandats soit dix ans maximum. Cette question de la durée dans la fonction n'est pas évoquée dans la résolution. Pourtant, elle est intéressante car elle favoriserait le renouvellement et donnerait toute sa chance à la parité.