Séance en hémicycle du 5 juin 2013 à 15h00

Résumé de la séance

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La séance

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La séance est ouverte à quinze heures.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Nous commençons par une question du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur le Premier ministre, nous vous parlerons encore du quotient familial.

Demain, pour le même niveau de vie, une famille avec enfant paiera beaucoup plus d'impôts qu'un ménage sans enfant ou qu'un célibataire. Est-ce que c'est bien ?

Oui, monsieur le Premier ministre, il faut réduire les déficits. Bruxelles et le bon sens vous le commandent. Au lieu de cela, vous répondez en augmentant les impôts. Est-ce que c'est bien ?

« Non ! » sur les bancs du groupe UMP.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Avec François Hollande, vous promettiez en mai de ne pas augmenter les impôts. Déjà, début juin, vous déchirez votre promesse. Vous prenez le risque d'une révolte des contribuables. Est-ce que c'est bien ?

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Vous inquiétez les Français, vous déstabilisez un fondement de la politique familiale. Est-ce que c'est bien ?

Déjà, monsieur le Premier ministre, en 1981, 1998 et 2012, avec la gauche, vous avez abîmé le quotient familial. Aujourd'hui, vous en rajoutez. Vous violez même l'engagement n° 16 du Président de la République qui indiquait ne pas le modifier pour plus de 5 % des foyers fiscaux. Est-ce que c'est bien ?

La dose est pleine. Nous reviendrons sur ces décisions. Vous jouez les Français les uns contre les autres. Plus de 7 millions de personnes sont impactées par cette nouvelle augmentation d'impôts. Sont-ils tous riches ? Vous créez des clivages sur le dos de la politique familiale. Est-ce que c'est bien ?

Oui, monsieur le Premier ministre, il faut faire des économies. Nous faisons des propositions : diminuer les coûts de gestion, réorienter les aides au logement en donnant moins aux promoteurs, exiger des contreparties aux aides sociales.

Alors, monsieur le Premier ministre, respectez vos promesses, renoncez à la remise en cause du quotient familial !

Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La parole est à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.

Debut de section - Permalien
Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé

Monsieur le député, oui, il faut faire des économies. Et s'il faut faire des économies, c'est parce que vous nous avez laissé des déficits considérables

Exclamations sur les bancs du groupe UMP. – Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Oh, arrêtez ! Ce refrain est lassant, à la fin !

Debut de section - Permalien
Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé

Notre responsabilité est de faire en sorte que les familles de demain ne soient pas pénalisées par les déficits que vous avez laissé se creuser au cours des dix dernières années.

Exclamations sur les bancs du groupe UMP.

Debut de section - Permalien
Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé

La branche famille accuse plus de 2 milliards d'euros de déficit. Nous avons donc pris nos responsabilités, monsieur le député Mariton, qui sont celles de l'exigence financière et de l'exigence sociale : 12 % des familles – 12 % des familles – vont voir leur aide fiscale diminuer, mais dans le même temps, leurs allocations familiales, elles, ne sont absolument pas impactées.

Debut de section - Permalien
Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé

On ne peut donc pas faire comme s'il y avait là un changement dans leur niveau de vie ou dans leurs perspectives

Exclamations sur les bancs du groupe UMP.

Debut de section - Permalien
Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé

Notre volonté a été celle de la concertation.

Debut de section - Permalien
Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé

Nous avons entendu les associations familiales, qui ont indiqué qu'elles préféraient que la solidarité s'exerce par le biais du quotient familial plutôt que par la remise en question du niveau des allocations familiales.

Deuxième exigence qui a été la nôtre, celle de la justice : 12 % des familles sont concernées par la modification du quotient familial mais dans le même temps nous renforçons les aides aux familles monoparentales et aux familles en situation sociale difficile.

Troisième exigence : répondre aux évolutions de la société française. Les femmes travaillent, monsieur le député. Elles veulent des places en crèche et à l'école, et des assistantes maternelles pour garder leurs enfants. C'est à cette triple exigence – responsabilité financière, responsabilité sociale, égalité entre les hommes et les femmes – que nous avons répondu.

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La parole est à M. Alain Claeys, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur le Premier ministre, la semaine prochaine, Yannick Moreau vous remettra un rapport examinant en détail la situation de nos régimes de retraite. Ce rapport préconisera également des pistes de réforme pour assurer l'équilibre du système tout en préservant le principe et les fondements du modèle par répartition. Notre système garantit la solidarité entre les générations, à laquelle nous Français sommes légitimement attachés. Il faut le préserver et le renforcer.

Chers collègues, les projections financières sont alarmantes. Le déficit des régimes de retraites devrait dépasser les vingt milliards d'euros en 2020 si rien ne change. Encore une fois, il revient à notre famille politique de régler les problèmes laissés en suspens par les gouvernements précédents.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Quel culot ! C'est la première fois que vous faites une réforme des retraites !

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur le Premier ministre, le rapport Moreau servira de base aux négociations des partenaires sociaux qui se tiendront les 20 et 21 juin prochains dans le cadre de la conférence sociale. Comme pour la sécurisation de l'emploi, comme pour les contrats de génération, la majorité de gauche sollicitera le dialogue social, qui permet l'adhésion la plus large au changement.

Nous en sommes convaincus : pour assurer la pérennité de notre système de retraite, l'effort doit être justement réparti.

Monsieur le Premier ministre, pouvez-vous nous donner le calendrier et la méthode choisis par le Gouvernement pour mener à bien cette nécessaire réforme des retraites ?

Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.

Debut de section - Permalien
Jean-Marc Ayrault, Premier ministre

Monsieur le député Alain Claeys, vous avez raison.

Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP.

Debut de section - Permalien
Jean-Marc Ayrault, Premier ministre

Les Français, attachés au système de retraite par répartition, se préoccupent de son avenir, et je les comprends. Il y a les retraités d'aujourd'hui, qui veulent voir leurs pensions garanties. Il y a les jeunes, qui sont en activité et commencent à cotiser, et qui se demandent si cette cotisation sera utile pour avoir une retraite digne et juste. Et puis il y a ceux qui ne travaillent pas encore, et qui s'interrogent aussi sur l'avenir de la retraite.

Tel est le défi qui est devant nous. Malheureusement, ce qui renforce la préoccupation, c'est qu'en 2003, il y a eu une réforme des retraites, qui devait tout régler. Il y en a eu une autre en 2010, qui elle aussi devait tout régler. Malheureusement, les problèmes sont encore là.

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.

Debut de section - Permalien
Jean-Marc Ayrault, Premier ministre

Non seulement les problèmes financiers ne sont pas résolus, avec 20 milliards de déficit à l'horizon 2020 – et il faudra bien payer les retraites –, mais les inégalités face à la retraite se sont creusées,…

Debut de section - Permalien
Jean-Marc Ayrault, Premier ministre

…pour les femmes, pour les polypensionnés – autrement dit ceux dont les carrières ont été multiples –, pour ceux qui ont fait des études longues. Enfin, si ceux qui attendent aujourd'hui de percevoir leur retraite souhaitent que celle-ci soit garantie, il n'est pas pour autant acceptable de dire aux jeunes que leur retraite sera payée par emprunt, par la dette. C'est pourtant la situation dans laquelle nous sommes, la situation que vous avez acceptée, mesdames et messieurs les députés de la droite, fin 2012

Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP

Debut de section - Permalien
Jean-Marc Ayrault, Premier ministre

, en prolongeant la durée d'amortissement de la dette sociale de quatre ans. Eh bien, il faut tourner cette page, il faut arrêter de faire payer par la dette le régime par répartition, c'est-à-dire ce qui est au coeur du système social français.

Alors, il existe une méthode. Après les deux rapports du Conseil d'orientation des retraites, la commission Moreau va présenter des hypothèses de solution. Elles seront multiples. Il appartiendra au Gouvernement de choisir celle qui lui paraîtra à la fois la plus efficace, la plus durable et la plus juste.

Mais auparavant, il y a des rendez-vous. Le premier, c'est la conférence sociale des 20 et 21 juin.

Debut de section - Permalien
Jean-Marc Ayrault, Premier ministre

Il y aura une table ronde spécialement consacrée aux retraites,…

Debut de section - Permalien
Jean-Marc Ayrault, Premier ministre

…où les partenaires sociaux, les représentants de la fonction publique débattront et discuteront des meilleures réponses, des meilleures solutions.

Ensuite, la concertation se poursuivra. Il n'y aura pas de décision prise au coeur de l'été comme ce fut le cas en 2010, ; j'en prends l'engagement. Ce n'est qu'après l'été, après la concertation, que le Gouvernement annoncera la ligne qu'il aura choisie, et le Parlement sera saisi pour prendre ses responsabilités.

Mais l'objectif est clair : maîtriser les déficits, c'est l'intérêt des retraités d'aujourd'hui et de demain ; mais, en même temps, corriger les inégalités et les injustices, ne pas déstabiliser ce qui existe déjà et qui marche,…

Debut de section - Permalien
Jean-Marc Ayrault, Premier ministre

…aussi bien dans le privé que dans le public ; enfin, garantir dans la durée un système qui fasse que les retraites soient accordées à tous, à tous les Français d'aujourd'hui, à tous les Français de demain. C'est cela, le modèle social français. Nous avons montré comment nous étions capables de le réformer sans lui faire perdre son âme et son identité ; je suis sûr que, pour les retraites, nous procéderons de la même façon, dans le respect des partenaires sociaux, avec le sens des responsabilités, mais aussi dans la justice.

Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La parole est à M. Ary Chalus, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Ma question, à laquelle j'associe Mme Gabrielle Louis-Carabin, s'adresse à M. Manuel Valls, ministre de l'intérieur.

Nous assistons depuis le début de l'année à une recrudescence des faits de violence dans les territoires de la République. La sécurité demeure une compétence régalienne, et les collectivités locales ne parviendront jamais à obtenir de résultats satisfaisants sans le concours effectif des services de l'État.

Monsieur le ministre, dans les territoires ultramarins, et singulièrement en Guadeloupe, on compte dix-sept homicides et vingt blessés graves depuis le début de l'année, qui font tristement écho aux onze homicides perpétrés en Corse. On note une évolution de cette violence. Elle s'est transformée, avec la constitution de gangs et la professionnalisation du trafic de drogue. Plus grave encore, nous observons une gradation dans les faits commis, au niveau des armes utilisées : trois braquages ont été commis en deux jours la semaine dernière.

La situation nécessite une réponse audible et ferme. La protection des biens et des personnes appelle à la même attention, à la même vigilance outre-mer qu'en métropole. L'urgence induite par des affaires relativement graves survenues récemment me conduit à vous dire que nous ne saurions attendre les effets escomptés de la zone de sécurité prioritaire récemment mise en place par le Gouvernement.

Afin d'obtenir un résultat immédiat, il semble nécessaire d'accroître plus rapidement les effectifs et les moyens existants. Certaines communes n'ont que deux policiers pour plus de 8 000 habitants. Il manque des moyens en termes de forces de l'ordre. Au-delà de cette zone de sécurité prioritaire, qui montera progressivement en puissance, il convient de prendre des mesures fortes pour faire face à la recrudescence de la délinquance et assurer la sécurité des biens et des personnes.

Monsieur le ministre, nous connaissons votre volontarisme et votre engagement. Quelles mesures concrètes et immédiates le Gouvernement entend-il prendre au profit des forces de l'ordre en Guadeloupe, à l'instar des dispositifs exceptionnels que vous avez récemment mis en place dans certaines villes de l'hexagone ? Pourquoi ne pas permettre aux ultramarins policiers qui attendent une mutation de rentrer et renforcer les effectifs en place ? La Guadeloupe attend votre réponse.

Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, ministre de l'intérieur

Monsieur le député Ary Chalus, le Gouvernement a pleinement conscience de la situation que vous décrivez, de la réalité, du sentiment, aussi, d'insécurité que peuvent éprouver les Guadeloupéens. Victorin Lurel, qui s'est rendu à Saint-Martin et en Guadeloupe ces derniers jours, a lui-même réuni les forces de sécurité autour de ces questions.

Nous avons décidé, en décembre 2012, de créer à Pointe-à-Pitre une zone de sécurité prioritaire. La lutte contre les vols à main armée, contre les trafics de stupéfiants, contre le port d'armes – sujet majeur, vous le savez, aux Antilles – est au coeur des objectifs de cette ZSP. Une cellule anti-vol à main armée associant les effectifs de police et de gendarmerie a été créée.

Dans cette zone de sécurité prioritaire, nous avons maintenu les moyens nécessaires alors que la circonscription de police avait connu, au cours de ces dernières années, une saignée de cinquante postes. S'il faut mettre des moyens supplémentaires, nous le ferons, parce que nous sommes évidemment à l'écoute des élus et des habitants qui subissent cette insécurité. Le Gouvernement, monsieur le député, agit outre-mer comme en métropole. Les violences que vous mentionnez, peut-être moins médiatisées ici, méritent la même attention. D'ici à la fin du mois, le Premier ministre ira aux Antilles ; il fera de la sécurité, notamment à la Martinique et en Guadeloupe, une priorité. Vous le voyez, monsieur le député : les préoccupations que vous exprimez retiennent toute notre attention. La sécurité est une priorité, en métropole comme dans les outre-mer, notamment en Guadeloupe.

Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La parole est à M. Gabriel Serville, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Ma question s'adresse à M. le ministre délégué chargé de l'économie sociale et solidaire et de la consommation.

Monsieur le ministre, c'est avec une réelle satisfaction que j'accueille votre décision de réformer et de moderniser notre droit de la consommation, afin notamment de protéger les consommateurs. Rétablir l'équilibre dans les relations commerciales, lutter contre les clauses abusives, créer un recours collectif pour réparer les préjudices : ces mesures permettront incontestablement de combattre les abus dont sont victimes les consommateurs.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Du coût des billets d'avion à la téléphonie mobile – notamment les SMS surtaxés –, de l'inexécution des obligations de fourniture d'énergie aux monopoles de fait, en passant par les crédits à la consommation abusifs, les citoyens de Guyane, que je représente, avaient déjà suffisamment de motifs d'exaspération. Aujourd'hui, ce sont les stations d'essence qui ne remplissent plus leurs obligations. Les files d'attente s'allongent sans que les consommateurs aient le moindre recours contre cette privation imposée. Une fois de plus, les consommateurs et l'économie de la Guyane sont pris en otages. C'est pourquoi, parallèlement aux négociations qui se tiennent actuellement, dont nous espérons ardemment qu'elles aboutiront à une issue favorable, je souhaite vous soumettre deux propositions.

Premièrement, instaurer un service universel de la distribution d'essence et l'intégrer au projet de loi sur la consommation que nous allons bientôt examiner. Ainsi, sur le modèle de la loi bancaire de 1984, ce service minimum permettra aux consommateurs d'être en mesure de s'approvisionner quelles que soient les revendications avancées par les gérants de stations-service. Deuxièmement, étendre le champ de l'action de groupe en créant une action de groupe en exécution forcée afin de permettre aux consommateurs, d'une part, d'accéder aux prestations, et d'autre part, d'agir directement contre ces pratiques abusives en attaquant collectivement les entreprises fautives.

Monsieur le ministre, sur ces deux points précis, pouvez-vous nous donner des réponses concrètes, qui seront autant de garanties pour les consommateurs ?

Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur quelques bancs du groupe SRC.

Debut de section - Permalien
Victorin Lurel, ministre des outre-mer

Monsieur le député, je vous remercie pour l'appréciation positive que vous avez portée sur le projet de loi de Benoît Hamon, qui vise à moderniser notre droit de la consommation. Vous nous invitez à aller plus loin, en instaurant un service universel de la distribution de carburants, et en ouvrant une voie d'action de groupe, notamment en cas de fermeture des stations-service.

Vous le savez, une réglementation précise s'applique au secteur des carburants. Le Gouvernement a décidé de réformer cette réglementation des prix, qui a donné les résultats que vous connaissez. Cet après-midi, au moment où je vous parle, après que les grandes orientations de la réforme ont fait l'objet d'un arbitrage, mes services reçoivent l'intersyndicale des gérants de stations-service. Les 7 et 13 juin, nous recevrons les représentants des compagnies pétrolières actives dans tous les départements d'outre-mer.

À notre sens, compte tenu de la réforme en cours, il n'y a pas lieu d'ajouter, si j'ose dire, une dose supplémentaire d'administration dans ce secteur. Nous croyons au contrat, nous croyons au dialogue, et nous sommes persuadés qu'à l'issue de la concertation approfondie qui a été engagée, nous parviendrons à une réforme équilibrée, préservant les marges des gérants de stations-service, mais préservant aussi le pouvoir d'achat des consommateurs.

Vous avez évoqué la possibilité d'ouvrir une action de groupe à l'encontre des stations-service en cas de fermeture. Pour que les consommateurs demandent une réparation collective dans le cadre d'une action de groupe, nous estimons qu'il leur faudrait se prévaloir de la mauvaise exécution d'un contrat commercial. Il n'y a donc pas lieu d'ouvrir une voie d'action de groupe à l'encontre de gérants qui ont décidé de fermer leur entreprise.

Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La parole est à Mme Virginie Duby-Muller, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur le Premier ministre, permettez-moi de vous rappeler, préalablement à ma question, que les précédentes réformes des retraites, menées en 1993, 2003, 2008 et 2010 ont été conduites par la droite, là où la gauche faisait seulement des Livres blancs et des colloques !

Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Plusieurs députés du groupe SRC. Quel a été le résultat ?

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Les mesures que vous avez arrêtées hier en matière de politique familiale sont catastrophiques. Elles relèvent moins de la vision d'avenir que l'on attend d'un Président de la République et d'un Premier ministre, que de la vision purement comptable d'un chef de bureau à la direction du budget.

Vous prenez sciemment le risque de démanteler une politique familiale qui fonctionne bien – et qui est saluée à l'étranger –, avec une démographie dynamique, grâce notamment au meilleur taux de natalité d'Europe, et un taux d'activité des femmes élevé.

Plutôt que de conforter cette dynamique, vous faites le choix de faire des familles un punching-ball fiscal, en attaquant non seulement les familles aisées, mais aussi celles des classes moyennes. Il y a quinze jours, le Président de la République disait pourtant : « Plus de hausses d'impôts. ». Aujourd'hui, par manque de courage, vous faites les poches des familles, à hauteur de 1 milliard d'euros !

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

En outre, je m'étonne du silence assourdissant de Mme la ministre chargée des droits des femmes. En raccourcissant drastiquement, de six mois, le congé parental pour le premier enfant, vous vous en prenez directement aux femmes. Vous attaquez un dispositif qui leur permet de conjuguer vie familiale et vie professionnelle !

Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Vous pénalisez donc les femmes actives alors que par ailleurs vous voulez promouvoir la parité : quel manque de cohérence !

Quant à vos promesses de créations de places de crèche, ce sont des mots, des paroles, bref, du vent. Croyez-vous sérieusement que les communes vont investir au moment où vous diminuez leurs dotations de 4,5 milliards d'euros – en vous essuyant les pieds, là encore, sur les engagements de M. Hollande ?

En conclusion, j'ai envie de vous dire : ne touchez pas aux familles ! La France n'a peut-être pas de pétrole mais elle est riche de femmes, d'hommes, de parents et d'enfants. Vous devriez le savoir, au moment même où

Applaudissements sur les bancs du groupe UMP

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Merci.

La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de la famille.

Debut de section - Permalien
Dominique Bertinotti, ministre déléguée chargée de la famille

Madame la députée, je me tourne vers vous et vers les rangs de la droite pour vous appeler à beaucoup plus de modestie !

Exclamations sur les bancs du groupe UMP.

Debut de section - Permalien
Dominique Bertinotti, ministre déléguée chargée de la famille

Vous devriez avoir la mémoire moins courte, et vous rappeler des propos tenus au sein de vos propres rangs. Ainsi, par exemple, Bruno Le Maire expliquait qu'il était favorable à la fiscalisation des allocations familiales. Je le cite : « Je l'ai proposé en 2011, et je n'ai pas changé d'avis. Je sais que je suis minoritaire au sein de ma famille politique sur ce sujet, mais je suis attaché à notre système de protection sociale ».

Debut de section - Permalien
Dominique Bertinotti, ministre déléguée chargée de la famille

Je voudrais aussi citer Xavier Bertrand :…

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

C'est donc que vous n'avez pas grand-chose à dire vous-même !

Debut de section - Permalien
Dominique Bertinotti, ministre déléguée chargée de la famille

…« Le discours de vérité, c'est qu'on ne fera croire à personne que dans les années qui viennent, on pourra donner tout à tout le monde. Si on veut tenir un discours de vérité, il faut dire que dans les années qui viennent, pour les Français les plus riches, les plus fortunés, les plus aisés, il ne faudra plus verser les allocations familiales. » Vous voyez donc que le débat a lieu dans vos propres rangs.

Debut de section - Permalien
Dominique Bertinotti, ministre déléguée chargée de la famille

Je pourrais également citer des propos d'Alain Juppé qui sont sur ces mêmes positions.

Debut de section - Permalien
Dominique Bertinotti, ministre déléguée chargée de la famille

Tous justifiaient ces positions au nom de la défense de notre système de protection sociale. Chez vous, cela n'est resté que des mots ; chez nous, ce sont des actes ! Je vous rappelle que cela concernera moins de 12 % des familles, les plus aisées.

Il faudrait rappeler les sondages qui démontrent que l'opinion publique est favorable à ce que notre système de protection sociale, en ces temps de crise et de précarisation, s'adresse d'abord à ceux qui en ont le plus besoin.

Quant aux places de crèche, pensez-vous pouvoir, en tant que maire, mener une politique en expliquant à vos concitoyens que vous ne ferez rien à ce sujet ? Je vous donne rendez-vous aux municipales, en 2014 !

Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.

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La parole est à M. François-Michel Lambert, pour le groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.

Un débat silencieux, mais fondamental pour nos services publics, se déroule, en ce moment, au sein de l'Union européenne. La directive « concessions » présentée en décembre 2011 par la Commission européenne continue son cheminement procédural. Elle sera présentée à la commission des affaires économiques du Parlement européen le 10 juin prochain. Tous les services publics sont concernés : déchets, nettoyage urbain, transports, santé, services sociaux, énergie et, surtout eau. Ces services risquent de se retrouver dans des situations de privatisation inacceptables. L'initiative citoyenne européenne Right2Water « L'eau est un droit humain » compte, aujourd'hui, plus d'un million et demi de signatures partout en Europe. Cette initiative demande une remunicipalisation de la gestion publique de l'eau, auparavant confiée à des entreprises privée, pour avoir une meilleure gestion patrimoniale économe de l'eau, moins chère et de bonne qualité. L'eau et l'assainissement sont des enjeux d'urgence, comme le précise, d'ailleurs, l'agence de l'eau Rhône Méditerranée Corse qui a tout simplement intitulé son plan d'investissements et de mobilisation « Sauvons l'eau ».

L'ensemble du groupe écologiste soutient cette toute première initiative. Au-delà d'une déclaration de principe, l'objectif est aussi de faire obstacle au processus engagé à Bruxelles. Il s'agit bien du droit d'une collectivité locale à décider d'exercer ses compétences dans le domaine de l'eau et de l'assainissement sous la forme d'un service public. Le parlement allemand, par un vote de blocage, a réduit toute marge de manoeuvre de son gouvernement jusqu'aux élections de septembre. Quelle position va adopter la France en la matière ? Le millier de communes dont les contrats de délégation de service public arrivent à leur terme chaque année, bénéficieront-elles d'un service d'accompagnement adapté ? À ce titre, la mission sur l'eau présidée par mon collègue Michel Lesage doit être poursuivie sous forme de programme quant à la politique française de l'eau.

Que pensez-vous de la mise en place d'une commission de régulation de l'eau sur le modèle de la commission de régulation de l'énergie ?

Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et sur plusieurs bancs du groupe SRC.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La parole est à Mme la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.

Debut de section - Permalien
Delphine Batho, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie

Monsieur le député François-Michel Lambert, permettez-moi tout d'abord de saluer cette mobilisation sur un bien public essentiel. Cette pétition « L'eau est un droit humain » a en effet été signée par plus d'un million de personnes au niveau européen.

Comme vous le savez, en France, l'eau et l'assainissement sont obligatoirement un service public qui fonctionne soit en régie, soit en délégation de service public. Ce choix relève de la compétence des collectivités locales. Nous défendons ce modèle à l'échelle européenne. Arnaud Montebourg y travaille dans le cadre des discussions en cours sur la directive « concessions » qui doit effectivement être finalisée dans les quinze prochains jours. C'est également le modèle que nous essayons de promouvoir dans le monde, grâce au travail accompli par Pascal Canfin sur l'accès à l'assainissement et à l'eau partout dans le monde dans le cadre de notre politique de développement.

Nous devons aussi travailler au renforcement du service public en France : c'est le sens des dispositions de la proposition de loi de François Brottes relative à la mise en place d'un tarif social de l'eau et qui prévoit l'expérimentation d'un tarif social de l'eau par les collectivités territoriales. Comme vous le savez, la politique de l'eau qui a ses forces – la gestion par bassin –, mais aussi ses faiblesses, notamment les pollutions diffuses par les nitrates et les pesticides, fait l'objet d'un important travail dans la perspective de la prochaine conférence environnementale, avec la mobilisation du Comité national de l'eau, présidé par Jean Launay, que je salue, les travaux parlementaires de Philippe Martin, de Michel Lesage, sans oublier un important rapport du Conseil économique, social et environnemental. Nous prendrons un certain nombre de décisions pour la modernisation de la politique de l'eau en septembre prochain.

Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur quelques bancs du groupe écologiste.

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La parole est à Mme Valérie Lacroute, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Ma question s'adresse à M. le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. La situation est grave, monsieur le ministre. L'attractivité industrielle est en recul, le pouvoir d'achat des Français en berne, le chômage en pleine explosion, les emplois d'avenir au plancher.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Tous les clignotants sont au rouge. Notre vieux pays recule au troisième rang européen, perd des parts de marché au profit du Royaume-Uni et de l'Allemagne, selon le rapport Ernst & Young. Et comme si cela ne suffisait pas, la France est désormais entrée en récession. Avec plus de 1 000 demandeurs d'emplois, chaque jour, notre pays a malheureusement atteint un triste record historique avec près de 3,3 millions de chômeurs. L'inversion de la courbe du chômage, ce n'est donc pas pour maintenant…

Pourtant, votre programme politique avait de l'ambition : réenchanter le rêve français.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Ce « rêve français » devait créer des emplois, favoriser la croissance économique et renforcer l'indépendance nationale face à la mondialisation. Vous avez alors proposé une alternative : les contrats de génération et les emplois d'avenir pour les seize - vingt-cinq ans.

Exclamations sur les bancs du groupe SRC.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Six mois plus tard, le dispositif peine à se mettre en oeuvre. Dans ma circonscription, sur 186 contrats d'avenir envisagés, seuls dix-huit sont opérationnels.

Exclamations sur les bancs du groupe SRC.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Les missions locales sont harcelées, la DIRECCTE sous pression, les représentants de l'État transformés en VRP, sans que vous ayez pour autant atteint vos objectifs.

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Aujourd'hui, les jeunes ne rêvent plus. Et un pays qui oublie ses jeunes, c'est un pays qui se meurt.

Monsieur le ministre, je vous le demande solennellement : que vous reste-t-il dans votre boîte à outils ?

Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La parole est à M. le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

Debut de section - Permalien
Michel Sapin, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Madame la députée, je n'ai pas entendu l'ensemble de votre question

Exclamations sur les bancs du groupe UMP

Debut de section - Permalien
Michel Sapin, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

, mais j'ai bien compris que le sujet que vous vouliez aborder avait trait au taux de chômage en France. Vous devriez toujours commencer, en posant vos questions, et celle-ci est légitime, par rappeler la situation dans laquelle vous avez mis la France.

Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.

Debut de section - Permalien
Michel Sapin, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Vous nous parlez sans cesse des 1 000 chômeurs de plus par jour ! Savez-vous qu'à certains moments, durant les cinq ans qui ont précédé, ils n'étaient pas 1 000 ni 2 000, mais 3 000 ou 4 000 ? Le chômage de masse a commencé il y a cinq ans, avec une croissance zéro durant ces cinq dernières années ! La croissance zéro, c'est vous !

Exclamations sur les bancs du groupe UMP.

Debut de section - Permalien
Michel Sapin, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Le retour de la croissance, ce sera nous, grâce à un travail en profondeur

Exclamations sur les mêmes bancs

Debut de section - Permalien
Michel Sapin, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

, avec le soutien à l'investissement des entreprises, avec le soutien de la croissance au niveau européen !

Mêmes mouvements.

Debut de section - Permalien
Michel Sapin, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Vous avez parlé des outils que sont le contrat de génération et les emplois d'avenir. Pour commencer, je ne vous félicite pas, madame la députée

Exclamations sur les bancs du groupe UMP

Debut de section - Permalien
Michel Sapin, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

, car je connais beaucoup de députés ici dont les circonscriptions voient fleurir les emplois d'avenir ! N'est-il pas normal que l'administration française et l'ensemble des acteurs se mobilisent pour que le plus de jeunes possible – des jeunes sans formation, des jeunes en marge de l'emploi – trouvent enfin un avenir ? Oui, nous demandons aux préfets, aux sous-préfets, à Pôle Emploi et à tous ceux qui le veulent de se mobiliser.

Exclamations sur les bancs du groupe UMP.

Debut de section - Permalien
Michel Sapin, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Rejoignez-nous, madame ! Au lieu de critiquer, vous apporterez des réponses concrètes à ces jeunes à la recherche d'un emploi, à ces jeunes qui sont à la porte de l'entreprise et qui ne peuvent pas y entrer. Le contrat de génération le leur permettra !

Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.

Debut de section - Permalien
Michel Sapin, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Pour être utile à son pays, il ne faut pas critiquer, Il faut se mobiliser !

Vifs applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur de nombreux bancs du groupe RRDP.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La parole est à M. Christian Bataille, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Alep, Damas, Homs et tant d'autres : dans les villes de Syrie, monsieur le ministre des affaires étrangères, un peuple est pris en otage par un pouvoir prêt à tout pour se maintenir aux responsabilités.

L'utilisation du gaz sarin par les forces de Bachar el-Assad, aujourd'hui établie,…

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

…place la communauté internationale face à ses responsabilités. Elle est la nouvelle révélation d'une série d'horreurs et de brutalités qui sont allées croissant depuis le début de la guerre civile en 2011.

Nous sommes confrontés à un conflit meurtrier, qui change chaque jour de nature et nous rappelle les pires heures de l'histoire de l'humanité.

La volonté du régime syrien de tenir, armé, soutenu comme il l'est, jusqu'aux élections de 2014 pour tenter de se relégitimer risque de rendre indissociables la question syrienne et celle du nucléaire iranien. Si tel était le cas, c'est tout le Moyen-Orient qui risquerait la déstabilisation.

Dans ce contexte, la France tente de convaincre ses partenaires internationaux de la nécessité de ne pas abandonner le peuple syrien à lui-même. Plusieurs initiatives ont été engagées devant le Conseil de sécurité des Nations unies. Elles n'ont pas abouti.

Monsieur le ministre, quelles initiatives pensez-vous prendre pour la conférence de Genève 2, et sans doute au-delà de cette conférence encore en projet, pour éviter que 2014 ne soit l'année de tous les dangers dans cette région où l'influence de la diplomatie française demeure historiquement majeure ?

Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.

Debut de section - Permalien
Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères

Monsieur le député, j'ai annoncé hier que notre pays avait désormais la certitude que du sarin avait été utilisé en Syrie.

Debut de section - Permalien
Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères

Face à ces crimes, nous avions en effet un devoir de vérité.

Les tests réalisés par le laboratoire agréé du ministère de la défense sont formels :…

Debut de section - Permalien
Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères

…du sarin a été utilisé à Jobar entre le 12 et le 14 avril et à Saraqeb le 29 avril. La présence de résidus de sarin dans le sang et les urines recueillis sur six victimes démontre de façon certaine qu'elles ont été exposées à ce gaz, qui est 500 fois plus toxique que le cyanure.

Le régime de Bachar el-Assad est-il à l'origine de ces attaques ? La réponse est oui. Les éléments dont nous disposons s'agissant de Saraqeb permettent de relier avec certitude l'intoxication des victimes et le largage à basse altitude, le 29 avril, par un hélicoptère du régime, de petites munitions diffusant une fumée blanche.

Sans perte de temps, nous avons remis hier ces informations à la mission des Nations unies créée pour enquêter sur l'emploi d'armes chimiques en Syrie. Ce matin même, le gouvernement britannique a d'ailleurs confirmé disposer de preuves physiologiques que du sarin a été utilisé. La mission de l'ONU doit avoir accès immédiatement au territoire syrien.

J'ai indiqué hier que toutes les options étaient sur la table. Nous y travaillons avec nos partenaires. Notre objectif, c'est la paix. L'urgence, c'est que les négociations de Genève puissent démarrer et aboutir afin que les horreurs cessent en Syrie.

Dans cette situation tragique et complexe, l'attitude de la France est cohérente : vérité sur les faits, pression sur le régime, dont les crimes ne doivent pas rester impunis, détermination pour tenir la conférence de Genève 2, qui doit aboutir, dans l'intérêt du peuple syrien.

Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La parole est à M. Yannick Favennec, pour le groupe Union des démocrates et indépendants.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Ma question s'adresse à Mme la ministre du commerce et de l'artisanat.

Depuis plusieurs jours, nous assistons à un nouveau cafouillage dans la communication des ministres, concernant, cette fois, le statut des auto-entrepreneurs, ce qui met encore en lumière votre manque de préparation.

Madame la ministre, les auto-entrepreneurs ne sont pas une variable d'ajustement. Vos indécisions mettent le million d'auto-entrepreneurs dans une situation d'insécurité permanente depuis déjà plusieurs mois en raison d'un projet de loi bâclé.

Imaginé par Hervé Novelli, alors ministre des PME, ce statut permet de créer de façon simple et rapide une entreprise.

L'auto-entrepreneuriat a fait ses preuves : des étudiants, salariés, chômeurs ou retraités ont créé leur entreprise. Alors, par pitié, ne tuez pas cet esprit d'initiative !

Ce régime fiscalement avantageux est toutefois régulièrement dénoncé par les artisans, en particulier ceux du bâtiment, parce qu'il provoque des distorsions de concurrence préjudiciables.

Plusieurs députés du groupe SRC. Eh oui !

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Il est urgent que les uns et les autres y voient enfin clair dans vos projets.

Vous devez trouver un point d'équilibre qui permette de pérenniser l'auto-entreprise, tout en soutenant mieux nos artisans et commerçants, qui sont eux aussi des entrepreneurs.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Le groupe UDI a des propositions à vous faire. Revenez, par exemple, sur l'augmentation du taux de TVA dans le bâtiment, qui porte préjudice à cette activité et menace des milliers d'emplois, diminuez les charges qui pèsent sur nos artisans et les asphyxient au quotidien, allégez les normes trop contraignantes qui les découragent et libérez-les de tous les carcans qui freinent leur développement et fragilisent nos territoires.

Madame la ministre, qu'entendez-vous faire pour que l'esprit d'entreprise, seule source de création de richesses et d'emplois, puisse survivre dans notre pays, et nous permette de retrouver le chemin de la croissance ?

Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes UDI et UMP.

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La parole est à Mme la ministre de l'artisanat, du commerce et du tourisme.

Debut de section - Permalien
Sylvia Pinel, ministre de l'artisanat, du commerce et du tourisme

Vous m'interrogez, monsieur le député, sur les modifications que le Gouvernement entend apporter au régime de l'auto-entrepreneur. Je regrette simplement que vous ayez fait de la désinformation.

Vous dites que nous voulons tuer, casser ce régime. Il n'est naturellement pas dans les intentions du Gouvernement de casser, de supprimer ce régime, nous voulons simplement l'améliorer en comblant un certain nombre de lacunes. Il est d'ailleurs assez paradoxal que vous mettiez en avant ses bienfaits tout en pointant du doigt ces lacunes.

Plusieurs députés du groupe SRC. Eh oui !

Debut de section - Permalien
Sylvia Pinel, ministre de l'artisanat, du commerce et du tourisme

Ce sont précisément les dérives, le contournement du droit du travail, le salariat déguisé, que nous voulons corriger.

La méthode du Gouvernement, vous la connaissez, c'est la concertation. Je recevrai demain l'ensemble des parties prenantes sur ce dossier, les artisans, les fédérations d'auto-entrepreneurs, pour affiner les propositions que nous avons mises sur la table.

Il reste évidemment des sujets à traiter, comme les modalités d'accompagnement des auto-entrepreneurs, pour leur permettre de créer davantage de richesses, de dégager davantage de chiffre d'affaires. Le précédent gouvernement n'avait pas prévu de dispositif d'accompagnement. Nous souhaitons en mettre en place pour leur permettre de se développer.

Nous devons aussi définir les seuils intermédiaires de chiffre d'affaires, ainsi que les conditions et les modalités de transition vers un régime classique.

Vous le voyez, il est inutile de polémiquer sur ce sujet. La volonté du Gouvernement, c'est de trouver une solution équilibrée, juste, et, surtout, de réconcilier l'ensemble des acteurs économiques, qui participent tous à la croissance et au redressement économique de notre pays.

Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP et SRC.

Statut des auto-entrepreneurs

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La parole est à M. Jacques Kossowski, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

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Je voudrais signaler à M. le ministre du travail que ma collègue Valérie Lacroute, maire de Nemours, a pris trois contrats d'avenir ; elle souhaiterait que, dans sa circonscription, les communes socialistes fassent de même !

Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur le Premier ministre, le 10 avril dernier, votre la ministre de l'artisanat, du commerce et du tourisme a fait part de sa volonté de modifier le régime des auto-entrepreneurs, ce qui suscite depuis lors un légitime tollé.

En tant que députés, nous recevons tous, de gauche comme de droite, de nombreux témoignages, parfois émouvants. Celui-ci, par exemple : « J'ai cinquante-quatre ans, je suis ce que l'on appelle dans l'ombre des couloirs une accidentée de la vie : femme seule et soutien familial, sans soutien. Le statut d'auto-entrepreneur a été pour moi une occasion en or pour rebondir, garder ma dignité, sortir d'une précarité grandissante : pas de droits aux allocations chômage, juste un RSA à quémander ne me permettant pas de conserver mon logement et de me nourrir décemment. Je suis créatrice de sacs à mains et pochettes, et aujourd'hui quasiment autonome. Comprenez bien ceci : je n'ai pas le choix, je me débrouille seule ou je descends plus bas dans la précarité. »

Comme cette femme, près de 900 000 personnes sont concernées. Plus de la moitié des entreprises créées en 2012 l'ont été grâce à ce statut. Il a aussi permis à des Français de sortir du système de l'assistanat, de se réinsérer dans le monde du travail et de ne pas être au chômage.

Votre gouvernement s'en était déjà pris aux emplois d'aides à domicile ainsi qu'aux « pigeons », ces jeunes entrepreneurs travaillant notamment dans les nouvelles technologies. Les principales organisations représentant les « poussins » – c'est ainsi qu'ils s'appellent désormais ainsi sur les réseaux sociaux – dénoncent une grave erreur. Erreur qui risque d'ailleurs d'entraîner la disparition d'un régime social et fiscal simplifié qui a permis à des centaines de milliers de Français de se lancer dans le bain de l'activité. Monsieur le Premier ministre, il est encore temps de renoncer avant que les poussins ne se transforment en coqs de combat !

Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.

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La parole est à Mme la ministre de l'artisanat, du commerce et du tourisme.

Debut de section - Permalien
Sylvia Pinel, ministre de l'artisanat, du commerce et du tourisme

Monsieur le député, comme vous, j'entends les inquiétudes des auto-entrepreneurs et je lis un certain nombre de témoignages. J'entends aussi les artisans. L'objet de la concertation que nous menons, sur la base des propositions que le Gouvernement a formulées, c'est justement de trouver une solution juste et équilibrée. Je recevrai demain l'ensemble des fédérations d'auto-entrepreneurs, mais également les responsables des « poussins » et des organisations professionnelles artisanales. Je le redis : l'objectif de cette réforme est d'améliorer les lacunes, de rectifier les dérives et les excès que certains ont pointés.

Je m'étonne toutefois de votre question, sachant qu'en commission des affaires économiques plusieurs députés de votre groupe ont défendu la nécessité de corriger ce régime, et même déposé une proposition de loi à cet effet. Je ne comprends donc pas que vous rejetiez aujourd'hui en bloc la réforme que nous proposons.

Debut de section - Permalien
Sylvia Pinel, ministre de l'artisanat, du commerce et du tourisme

Êtes-vous contre l'accompagnement des auto-entrepreneurs pour leur permettre d'augmenter leur chiffre d'affaires ? Êtes-vous contre les mesures de clarification en vue de distinguer les deux finalités du régime ? Êtes-vous contre le contrôle des qualifications et des obligations réglementaires pour assurer le consommateur et client que la prestation qu'il demandera sera réalisée dans de bonnes conditions ?

Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI.

Debut de section - Permalien
Sylvia Pinel, ministre de l'artisanat, du commerce et du tourisme

Voilà, monsieur le député, les bases de travail que nous proposons.

Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.

Debut de section - Permalien
Sylvia Pinel, ministre de l'artisanat, du commerce et du tourisme

Nous conduirons cette réforme dans le dialogue et l'écoute, avec toutes les parties prenantes, dans l'intérêt du redressement de notre pays.

Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.

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La parole est à M. Philippe Gomes, pour le groupe Union des démocrates et indépendants.

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Monsieur le ministre de l'éducation nationale, comme vous le savez, notre pays pointe au dix-huitième rang sur les trente-quatre pays de l'OCDE, pour la performance de ses élèves.

Rires et exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.

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Plusieurs députés du groupe SRC. Grâce à qui ?

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Un rapport très instructif vient d'être rendu public par la Cour des comptes, intitulé « Gérer les enseignants autrement ». La Cour rappelle, je la cite, que « l'inefficience de notre système éducatif n'est due ni à un manque d'enseignants ni à un manque de moyens ».

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Elle rappelle également que « la réduction des effectifs au cours de la RGPP comme l'augmentation progressive des effectifs sur les cinq prochaines années sont vaines dès lors que les règles de gestion restent inchangées ».

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Ces conclusions, monsieur le ministre, sont donc strictement opposées à la réponse purement quantitative que vous apportez dans le cadre de votre politique, avec la création de 60 000 postes.

Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.

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La question aujourd'hui n'est pas de prévoir plus de moyens, plus d'enseignants, plus de postes, mais de changer de manière fondamentale les règles de gestion de nos enseignants. Il faut sortir d'une gestion, comme le dit la Cour des comptes, « uniforme et inégalitaire », qui mine notre système éducatif depuis plus de trente ans. Il faut mieux employer les enseignants, mieux les valoriser, mieux les accompagner.

De tout cela, monsieur le ministre, pas un mot dans la loi sur la refondation de l'école de la République ! Comme si répéter à l'envi « 60 000 postes, 60 000 postes », comme un rite incantatoire, allait véritablement traiter les problèmes de notre école !

Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur le ministre, ma question est donc la suivante : quand allez-vous abandonner cette vieille lune coûteuse de la création de plus de postes, au lieu de vous attaquer aux véritables racines du mal français, dont souffre notre système éducatif ?

Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.

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La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale.

Debut de section - Permalien
Vincent Peillon, ministre de l'éducation nationale

Monsieur le député, vous avez raison

« Ah ! » sur les bancs des groupes UMP et UDI

Debut de section - Permalien
Vincent Peillon, ministre de l'éducation nationale

Debut de section - Permalien
Vincent Peillon, ministre de l'éducation nationale

…de rappeler – c'est par là que vous avez commencé – la difficulté qui est aujourd'hui celle des élèves dans le système scolaire français et la dégringolade de notre pays dans toutes les évaluations internationales. Cette situation, il faut la stopper, et c'est pourquoi le Président de la République et le Gouvernement ont décidé de faire de l'école une priorité. Après cette séance de questions au Gouvernement, vous aurez l'occasion de voter en seconde lecture la loi de refondation de l'école de la République.

Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.

Debut de section - Permalien
Vincent Peillon, ministre de l'éducation nationale

L'analyse de cette situation est simple : les difficultés de nos élèves se créent dans les premières années de l'école primaire, au cours préparatoire et au CE1. La Cour des comptes comme l'OCDE rappellent que le taux d'encadrement de nos élèves dans ces classes est le plus faible de tous les pays européens et s'est détérioré ces dernières années. Il faut donc mettre des professeurs en face des élèves.

Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.

Debut de section - Permalien
Vincent Peillon, ministre de l'éducation nationale

Deuxièmement, l'élément le plus important pour la réussite éducative des élèves, c'est la formation des professeurs. Il faut donc remettre en place une formation des enseignants.

Troisièmement, la France est le pays qui donne aux élèves de l'école primaire le moins de temps scolaire et de temps éducatif de tous les pays du monde : cent quarante-quatre jours par an.

C'est pourquoi ce gouvernement a décidé de faire non des réformes quantitatives, mais de grandes réformes qualitatives, des réformes de structure

Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI

Debut de section - Permalien
Vincent Peillon, ministre de l'éducation nationale

, en accordant la priorité au primaire, ce qui ne s'est jamais fait, en transformant les programmes, les pédagogies, et bien entendu en remettant en place une formation des enseignants et en conduisant la réforme des rythmes. Nous opérons ainsi le redressement éducatif.

Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.

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La parole est à M. Philippe Armand Martin, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

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Ma question s'adresse à Mme la ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, de l'innovation et de l'économie numérique.

Si internet est un formidable vecteur de communication, un outil indispensable au commerce mondial qui contribue au développement et à la promotion des entreprises françaises, il n'en demeure pas moins que cet outil peut aussi constituer, en certaines circonstances, une entrave aux intérêts économiques des entreprises.

En effet, l'ICANN, dont la mission est de gérer le système des noms de domaine, entend élargir le nombre de noms de domaine de premier niveau – il en existe une vingtaine aujourd'hui, tels que .com, .fr ou .eu – afin de permettre à une communauté, à une marque ou à un territoire d'enregistrer une adresse internet spécifique.

Ainsi, de nouvelles extensions faisant référence à des espaces géographiques ou culturels pourraient être créées. En l'absence de toute protection des indications géographiques protégées, de nouveaux noms de domaine utilisant nos appellations géographiques pourraient faire l'objet d'une utilisation sans aucun rapport avec l'appellation concernée, sauf à en détourner la notoriété.

Il ne s'agit pas là d'une menace virtuelle : cette dernière est d'autant plus réelle que plusieurs sociétés ont d'ores et déjà déposé des demandes tendant à la création et à l'utilisation des noms de domaine .vin et .wine.

En l'espèce, vous l'aurez compris, madame la ministre, deux philosophies s'affrontent : celle des Européens et de certains pays d'Amérique latine, soucieux d'une certaine régulation tendant à la préservation de la notoriété d'espaces et des appellations géographiques, et celle des Américains, soucieux d'une ouverture plus grande de l'économie internet.

Considérant les enjeux importants liés à cette évolution des noms de domaine, et notamment la protection des appellations d'origine, pouvez-vous nous indiquer la position que défendra la France lors de la prochaine session de l'ICANN, en juillet, à Durban ?

Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.

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La parole est à M. le ministre du redressement productif.

Debut de section - Permalien
Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif

Monsieur le député, la France a une position tout à fait connue et traditionnelle sur la question des marques d'origine, et ce dans tous les domaines. Elle les défend dans le domaine agricole et elle les institue dans le domaine industriel, avec un projet de loi qui prochainement défendra, organisera, matérialisera les marques géographiques protégées pour les produits industriels. À l'échelle européenne, la France a constitué un bloc, avec beaucoup de partenaires européens, défendant ce que nous appelons le « made in ». Nous le faisons dans l'ordre de la production – made in Italy, made in Spain ou made in France.

Debut de section - Permalien
Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif

Nous ne parvenons pas, à ce stade, à convaincre les pays les plus libéraux, qui restent majoritaires, et qui souvent, d'ailleurs, appartiennent à la sensibilité politique à laquelle vous vous rattachez sur le plan européen, monsieur le député. Il est utile de noter que nous avons besoin de solidarité. Aussi vous demanderais-je volontiers de convaincre vos collègues des autres États membres, dans le groupe auquel vous appartenez au Parlement européen, pour que nous emportions la victoire dans la défense des marques d'origine.

Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.

Debut de section - Permalien
Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif

Enfin, s'agissant de la question importante que vous soulevez, monsieur le député, la France se situera dans cette tradition : les noms de domaine internet appartiennent à la question de l'identité. L'identité, elle est territoriale, elle est industrielle, elle est agricole, elle est gastronomique. Dans ce monde où les goûts se standardisent, elle appartient à notre histoire et à notre géographie. Vous avez compris : avec vous, nous la défendrons.

Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.

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La parole est à M. Jean-Pierre Le Roch, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

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Ma question, à laquelle j'associe Marcel Rogemont, député d'Ille-et-Vilaine, s'adresse à Mme Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication.

En 2009, une loi donnait au Président de la République, M. Sarkozy, le pouvoir de nommer et de révoquer les présidents de l'audiovisuel public. C'est une conception que nous ne partageons pas. Nous considérons que l'audiovisuel public n'appartient pas à une personne, fût-elle le Président de la République : il appartient à la nation tout entière.

Cette conception fait écho à votre conviction, madame la ministre, selon laquelle « l'audiovisuel a trop souvent été considéré en France comme un jouet dans les mains du pouvoir ». Ce matin, vous avez présenté en conseil des ministres le projet de loi relatif à l'indépendance de l'audiovisuel public. Il est le premier volet d'une réforme souhaitée et nécessaire.

Il ne s'agit pas de revenir en arrière, à une situation antérieure, il s'agit d'aller plus loin en termes d'indépendance, de modernisation et de transparence.

Indépendance, d'abord. Par la loi du 5 mars 2009, la droite a mis en danger l'une des missions essentielles du Conseil supérieur de l'audiovisuel, la plus à même de garantir l'émancipation et l'indépendance du secteur de l'audiovisuel public. Comment comptez-vous restaurer cette indépendance ?

Modernisation, ensuite : celle du fonctionnement de l'institution, par la réduction du nombre de ses membres et la réforme de son pouvoir de sanction. Pouvez-vous nous en dire davantage ?

Transparence, enfin, en conférant aux commissions parlementaires compétentes un pouvoir dans la désignation des membres du CSA. La question démocratique passe aussi par le respect de l'opposition. Comment comptez-vous associer l'opposition ?

Ce projet de loi concrétise l'engagement 51 du candidat François Hollande

Applaudissements sur les bancs du groupe SRC

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Merci, monsieur Le Roch.

La parole est à Mme la ministre de la culture et de la communication.

Debut de section - Permalien
Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication

Monsieur le député, parmi les mesures les plus contestables et les plus contestées prises à l'époque de Nicolas Sarkozy, il y avait la nomination des présidents de l'audiovisuel public directement par le Président de la République. Cela avait provoqué beaucoup d'émoi dans l'opinion publique, et y compris chez certains à droite de l'hémicycle. Nous avons aujourd'hui réparé cette anomalie démocratique, en rétablissant le mode de nomination des présidents de l'audiovisuel public par le CSA, l'autorité administrative indépendante chargée de réguler l'audiovisuel.

Debut de section - Permalien
Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication

Mais nous allons plus loin, puisque désormais, les membres du CSA eux-mêmes auront des garanties d'indépendance renforcées, …

Debut de section - Permalien
Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication

…en étant nommés, pour les six d'entre eux qui sont nommés par les présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat, sur avis conforme des commissions des affaires culturelles de l'Assemblée nationale et du Sénat, à une majorité, mesdames et messieurs de l'opposition, des trois cinquièmes.

Debut de section - Permalien
Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication

C'est-à-dire que nous associerons l'opposition parlementaire au choix des personnalités compétentes chargées de réguler l'audiovisuel public.

Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.

Debut de section - Permalien
Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication

Cette réforme est sans équivalent : c'est une grande avancée démocratique, c'est une grande avancée pour l'indépendance de l'audiovisuel. Qui plus est, c'est la première étape d'une vaste réforme de l'audiovisuel. Il fallait avoir ce socle : l'indépendance. Maintenant, nous allons travailler sur le fond, sur la régulation de l'audiovisuel. C'est le sens des Assises de l'audiovisuel que j'ai lancées ce matin et qui pourront déboucher l'année prochaine sur de grandes mesures permettant d'améliorer le fonctionnement de l'audiovisuel.

Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.

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La parole est à Mme Marianne Dubois, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

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Monsieur le ministre du travail, je souhaite vous interroger sur les disparités existant en matière d'ouverture dominicale en fonction de l'activité principale exercée.

Vous le savez : nos communes rurales, leurs élus, les associations et les acteurs économiques mettent tout en oeuvre pour maintenir une vie sociale et économique. Cela passe par une nécessaire adaptation aux nouveaux rythmes de vie des usagers et des consommateurs. Or il apparaît que les enseignes de bricolage connaissent des difficultés pour exercer leur activité dominicale, ce qui n'est pas le cas, par exemple, pour les jardineries. Ainsi, des bassins de vie dans nos territoires ruraux, situés à proximité de grands centres urbains, ne bénéficient pas des exceptions à l'ouverture dominicale accordées aux « périmètres d'usage de consommation exceptionnelle » ni à celles accordées à des zones touristiques.

Pour l'instant, vous ne m'avez répondu que par la polémique en arguant, le 23 avril dernier, que « cette situation est aussi l'héritage de la loi Mallié, qui, en plaçant la logique du fait accompli au coeur de la réglementation du travail du dimanche, c'est-à-dire en validant les ouvertures illégales, a encouragé les enseignes à pratiquer des ouvertures sauvages le dimanche, sans cadre légal et en instrumentalisant la volonté de leurs salariés ».

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Pourtant, le 25 avril dernier, soit deux jours plus tard, dix députés du groupe socialiste, dont son président, M. Le Roux, les mêmes qui avaient voté contre la loi Mallié, vous ont écrit pour demander des assouplissements supplémentaires en Île-de-France. La Commission européenne elle-même, dans ses recommandations concernant le programme de réformes de la France pour 2013 a préconisé un élargissement de l'ouverture des magasins le dimanche.

Ces éléments ont le mérite de montrer que nos arguments n'étaient pas si inopportuns !

Allez-vous écouter vos parlementaires, la Commission européenne et nous-mêmes afin de prendre un décret pour remédier à cette situation qui introduit des distorsions de concurrence entre territoires ?

Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.

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La parole est à M. le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

Debut de section - Permalien
Michel Sapin, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Madame la députée, votre question sur le travail intéresse l'ensemble des membres de cette assemblée, qui sont nombreux, vous l'avez signalé, à m'interroger sur le sujet, et à juste titre.

Mais lorsque j'ai souligné en vous répondant – comme quoi je réponds aussi à vos questions écrites – que l'incohérence d'aujourd'hui, celle que vous décrivez, est le résultat de la législation d'hier, celle que vous avez votée, c'est la vérité.

« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe SRC.

Debut de section - Permalien
Michel Sapin, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

En 2005, votre majorité a ouvert un secteur et pas un autre, et elle a fait de même en 2009. C'est ainsi que vous avez créé l'incohérence qu'aujourd'hui vous avez le culot de dénoncer !

Applaudissements sur divers bancs du groupe SRC. – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.

Debut de section - Permalien
Michel Sapin, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Oui, c'est vous et votre majorité d'alors qui avez créé cette situation, y compris en légalisant des ouvertures anormales et illégales auxquelles nous devons maintenant répondre.

Debut de section - Permalien
Michel Sapin, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Comment y répondre ? Il ne suffit pas de montrer que c'est vous les responsables, car c'est nous qui avons aujourd'hui cette difficulté à résoudre.

Exclamations sur les bancs du groupe UMP.

Debut de section - Permalien
Michel Sapin, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

C'est cela la responsabilité.

Debut de section - Permalien
Michel Sapin, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Tout d'abord, et cela pourrait recueillir un large accord dans cet hémicycle, il faut réaffirmer le principe du repos dominical.

Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.

Debut de section - Permalien
Michel Sapin, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

C'est fondamental. Il doit y avoir au moins un jour dans la semaine des hommes et des femmes pour faire autre chose que travailler : pour se retrouver soi-même, pour se retrouver en famille, entre amis… Réaffirmons au moins ensemble le principe du repos dominical.

Debut de section - Permalien
Michel Sapin, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Deuxièmement, utilisons, comme je l'ai demandé aux responsables de l'État dans les départements, les souplesses légales qui existent aujourd'hui : chaque situation est donc examinée avec attention afin de répondre aux préoccupations des uns et des autres.

Enfin, madame la députée, c'est par le dialogue social et uniquement par le dialogue social, pas par des arguments d'autorité, que nous pourrons trouver les bonnes solutions. Je demanderai donc aux partenaires sociaux de discuter de cette question pour essayer de les trouver.

Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.

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La parole est à M. Marc Goua, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

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Ma question s'adresse à M. le ministre délégué au Budget,

Monsieur le ministre, notre assemblée examinera prochainement un projet de loi relatif à la fraude fiscale et à la grande délinquance économique et financière. Ce texte majeur permettra à l'administration et à la justice de disposer de nouveaux moyens pour débusquer les fraudeurs et d'être mieux armés pour lutter contre un fléau qui coûte chaque année plusieurs dizaines de milliards d'euros à nos finances publiques.

La lutte contre la fraude est donc un enjeu financier évident. Mais c'est aussi un enjeu de justice car la fraude crée un déséquilibre et une injustice entre ceux qui assument leur devoir de contribuable et ceux qui, par tous moyens, tentent de s'en extraire.

Les États, notamment dans le cadre du G20, tentent de riposter à ces comportements en coordonnant mieux leurs efforts, en coopérant et en imaginant de nouveaux outils.

La France sur ce combat, comme sur tous les grands combats pour une meilleure régulation, est à la pointe. Le durcissement des sanctions et le renforcement des dispositifs opérationnels vont permettre à notre pays de mieux lutter contre la fraude et la corruption : ainsi l'extension de la compétence de la brigade nationale de répression de la délinquance financière, qui devient ainsi une véritable police fiscale

Le volontarisme de la majorité de gauche contraste de toute évidence avec la curieuse initiative du groupe UMP à l'Assemblée, qui présentera demain une proposition de loi pudiquement intitulée « Encadrement de la rétroactivité des lois fiscales »…

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…et qui, si elle venait à être adoptée, ne serait rien d'autre qu'une ristourne fiscale de grande ampleur. Est-ce vraiment la priorité ? Nous rejetterons cette proposition de loi comme nous rejetterions la proposition UMP, à l'initiative de M. Cinieri, d'amnistie fiscale.

Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.

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La parole est à M. le ministre délégué chargé du budget.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget

Monsieur le député, vous m'interrogez sur l'intensification de la lutte contre la fraude fiscale. Et vous avez raison de le faire : nous sommes dans une période de redressement de nos comptes publics qui met les administrations de l'État, les fonds publics et tous les Français à contribution. Dans un tel contexte, nous ne pouvons accepter que des Français paient leurs impôts pour permettre le fonctionnement des services publics et que, dans le même temps, la fraude fiscale reste impunie alors qu'elle est évaluée à 1 000 milliards d'euros au sein de l'Union européenne et à 70 milliards d'euros en France, à croire les organisations syndicales.

C'est pourquoi notre pays a multiplié les initiatives au sein de l'Union européenne, et il présentera devant l'Assemblée un projet de loi pour lutter plus efficacement contre la fraude fiscale. Le ministre de l'économie, Pierre Moscovici, a engagé une action au niveau de l'Union pour que soit établie une liste des États et territoires non coopératifs, pour que des conventions d'automaticité des échanges d'informations soient mises en place afin de rendre plus efficiente la lutte contre les fraudeurs, pour que des conventions de type FATCA puissent être négociées avec les pays tiers de l'Union européenne afin d'aller au bout de l'échange d'informations.

Parallèlement, nous voulons améliorer les moyens de notre police judiciaire en matière d'enquête fiscale : lorsqu'il y a des sociétés écrans, des comptes à l'étranger, il faut pouvoir durcir les sanctions. Nous appelons l'ensemble des fraudeurs, qui n'auront désormais d'autre perspective que de voir les sanctions pénales à leur encontre renforcées, à se mettre en conformité avec le droit en allant devant l'administration fiscale – dans les conditions de droit commun s'entend : car la cellule que nous leur promettons s'ils ne le font pas ne sera pas une cellule de régularisation. Aux termes de la loi qui sera présentée devant le Parlement, nous serons intraitables avec les fraudeurs, car la fraude ne peut justifier d'aucun encouragement, d'aucun bonus, d'aucune complaisance.

Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.

Fraude fiscale

La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de Mme Catherine Vautrin.

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L'ordre du jour appelle les explications de vote et le vote par scrutin public sur le projet de loi d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République (nos 1057, 1093).

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Au titre des explications de vote, la parole est à Mme Barbara Pompili, pour le groupe écologiste.

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Madame la présidente, monsieur le ministre de l'éducation nationale, madame la ministre déléguée chargée de la réussite éducative, monsieur le président de la commission des affaires culturelles, monsieur le rapporteur, chers collègues, ce projet de loi pour la refondation de l'école est un premier pas, mais c'est un grand pas. Il marque une rupture avec dix années de politique éducative qui ont fait de l'école un lieu d'inégalités, de compétitions et de répressions. L'école s'était égarée : elle avait rompu avec sa fonction républicaine et n'était plus l'institution assurant notre cohésion sociale. Ce texte lui permet de renouer avec sa mission et se rapproche ainsi de l'idéal qu'elle porte. C'est déjà beaucoup !

Plusieurs mesures phares illustrent ce changement de cap.

Ce texte restaure la formation initiale des professeurs. Il réaffirme que l'école est le lieu où il faut apprendre à apprendre, même si j'aurais aimé que cette compétence essentielle soit écrite dans la loi. Il inscrit dans celle-ci, et pour la première fois, que les enseignants doivent être formés à la prise en charge des élèves en situation de handicap.

Ce texte accorde la priorité au primaire et permet une scolarisation dès deux ans.

Ce texte transforme nos modèles d'orientation et d'évaluation, pour que la stigmatisation de certains laisse place à la réussite de tous.

Enfin, ce texte pose les fondations d'une école décloisonnée, ouverte sur de nouveaux contenus et de nouveaux acteurs, notamment en y associant pleinement les parents.

Je veux saluer la démarche qui a guidé l'action du Gouvernement tout au long de cette séquence parlementaire : une démarche d'écoute, d'échange et d'élaboration collective. Je souhaite également souligner la qualité des débats en commission et en séance, tant avec nos collègues de la majorité qu'avec l'opposition. Lorsque les écologistes ne partagent pas la vision et l'ambition du Gouvernement sur un texte, ils l'assument et le disent – le récent débat sur l'enseignement supérieur et la recherche l'a d'ailleurs rappelé. Mais lorsque la majorité s'enrichit du pluralisme qui la compose, c'est le travail législatif qui en sort grandi. Il faut savoir s'en féliciter.

Au temps de l'élaboration de la loi succédera celui de son application. Il faudra alors être très attentif, car de nombreux rendez-vous nous attendent. Parce que notre rôle de parlementaires ne se limite pas à l'hémicycle, nous devons aussi porter cette refondation dans nos circonscriptions et veiller à sa bonne réalisation.

Il faudra ainsi s'assurer des modalités d'application de la réforme des rythmes scolaires. C'est l'un des enjeux majeurs de cette réforme.

Il faudra aussi être vigilant à la réalisation des projets éducatifs territoriaux, ou PEDT, dont le rôle est désormais reconnu. L'école telle que nous la voulons, plus inclusive et plus adaptée aux réalités locales, doit prendre en compte les spécificités territoriales. Ces PEDT garantissent des parcours scolaires adaptés, des temps éducatifs structurés et une meilleure articulation des activités scolaires, périscolaires et extrascolaires, en complémentarité et en incluant une pluralité d'acteurs : enseignants, éducateurs, parents, associations et collectivités. Ils sont un formidable outil de lutte contre les inégalités scolaires et d'ouverture du monde éducatif. Nous devons nous en féliciter.

À ce titre, je regrette beaucoup que le texte ne soit pas plus incitatif sur la question des PEDT. À l'heure où des résistances se font jour sur leur mise en place, le dialogue sur le terrain se serait enrichi utilement de précisions que nous souhaitions inscrire dans l'annexe.

Enfin, parce qu'elle est un premier pas, cette refondation de l'école appelle d'autres débats. Nous devons notamment aller plus loin dans notre réflexion sur les programmes en prolongeant la dynamique amorcée en matière de contenus, en renforçant les innovations pédagogiques et en rompant avec des modèles d'évaluation dépassés.

Le métier d'enseignant doit également être repensé pour être adapté à l'école du XXIe siècle. Il doit être revalorisé pour attirer des jeunes motivés et compétents. Il faudra d'ailleurs continuer à travailler sur la question de la formation continue, du concours et du prérecrutement.

Enfin, nous devons commencer à porter la réforme que le secondaire mérite et attend ; je pense notamment à la réforme du baccalauréat. Car la refondation de l'école et de l'éducation donnée à nos enfants ne sera réelle que lorsque les collèges et les lycées en auront eux aussi bénéficié.

Les thèmes de réflexion sont multiples. Lors de ces nombreux prochains rendez-vous, les écologistes porteront une fois encore des mesures fortes, cohérentes et ambitieuses pour notre système éducatif.

Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste, SRC et RRDP.

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La parole est à M. Thierry Braillard, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

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Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le ministre, madame la ministre déléguée, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, chers collègues, le constat est amer. Malgré les efforts financiers déployés ces dernières années, malgré les réformes successives, – notamment celle de 2005 –, malgré les déclarations affichées, l'école va mal aujourd'hui. Elle n'assure pas son rôle majeur de meilleur vecteur de mobilité sociale dans notre société. Elle ne nourrit plus la méritocratie républicaine à laquelle nous sommes tant attachés.

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Pire, elle est devenue le lieu de reproduction des inégalités sociales et spatiales.

L'école de la République est donc en panne. Elle remplit mal sa mission de transmission du savoir. Elle ne parvient pas à lutter contre l'échec scolaire. Les statistiques sont inquiétantes : année après année, l'école laisse trop de jeunes sur le bord du chemin, désarmés face aux défis de notre temps et ne disposant même pas des bases de connaissances minimales en lecture ou en écriture. Le constat est là, implacablement attristant, implacablement réaliste.

Même si nous pourrions disserter longuement sur les erreurs commises ces dernières années, sur cette gestion trop comptable et coupable de l'éducation, le moment est venu, nous semble-t-il, de redonner des bases solides à notre système éducatif. C'est l'objet même de la refondation.

Refonder, ce n'est pas du verbiage, comme j'ai pu l'entendre sur certains bancs de l'opposition. Refonder, c'est au contraire rappeler haut et fort que l'école est une priorité de la nation et qu'il convient de reconstruire des bases qui se sont, peu à peu, délitées.

Aussi, le projet de loi d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République était devenu nécessaire, indispensable. Il se devait surtout d'être ambitieux.

Monsieur le ministre, votre texte, amendé par le Parlement, répond à cette formidable attente et à ce besoin impérieux. Il affiche surtout un dessein pour l'avenir qui reprend les bases et les fondations républicaines de l'éducation, comme l'exprimait très bien Jean Zay à cette tribune. Selon lui, l'enseignement devait consister à former le caractère par la discipline de l'esprit et le développement des vertus intellectuelles, à apprendre à bien conduire sa raison, à garder toujours éveillé l'esprit critique, à démêler le vrai du faux, à douter sainement, à observer, à comprendre autant qu'à connaître, à librement épanouir sa liberté.

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Les députés du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste soutiennent ce texte de loi volontariste, qui met notamment en exergue la priorité donnée à l'école primaire, la lutte contre l'échec scolaire, le socle commun de connaissances, de compétences et de culture, la réforme de l'orientation, le service public du numérique éducatif, l'effort en matière de recrutement de personnels en direction notamment du primaire, l'indispensable réforme de la formation initiale des enseignants avec la création des écoles supérieures du professorat et de l'éducation, ainsi qu'une nouvelle façon d'appréhender les rythmes scolaires de l'enfant en portant une attention particulière au périscolaire.

Ce texte prévoit également l'enseignement de la morale laïque, devenue aujourd'hui tellement indispensable dans notre pays, et sur laquelle nous misons beaucoup pour former des esprits libres et responsables. Il nous semble important de rappeler à cette tribune que c'est bien à l'instituteur, principalement et à personne d'autre, qu'il appartient de transmettre ces valeurs et ce savoir.

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Quel beau métier que celui d'enseigner ! Il faut le dire ! Il apparaît indispensable de le revaloriser, pas uniquement de façon comptable, même si les engagements que vous avez pris, monsieur le ministre, en matière de recrutement vont dans le bon sens. Comment peut-on contester le manque criant de maîtres en primaire ? Comment peut-on oublier l'importance de postes RASED dans certains établissements ?

Mais valoriser le métier d'enseignant passe également par un discours politique plus clair sur l'importance que l'on donne à ces femmes, à ces hommes et à leurs talents pédagogiques. C'est l'esprit de ce projet de loi.

Un tel texte, si important pour notre pays, aurait mérité l'unanimité de notre assemblée pour montrer aux Français que, devant de tels enjeux, les différences partisanes peuvent s'estomper. Tel n'est pas le cas : nous le regrettons.

Monsieur le ministre, madame la ministre, gardez le cap que vous vous êtes fixé, forts de notre soutien, et suivez ce conseil avisé donné par l'un de vos illustres prédécesseurs. La politique politicienne, disait-il, « ce n'était pas elle qui inspirait l'effort de réforme, uniquement dicté par des nécessités évidentes et qui n'ont cessé de s'imposer. Mais ce fut elle qui chercha à l'entraver, à le suspecter, à le discréditer. Des polémiques tendancieuses ou haineuses, l'avenir ne laissera rien subsister. Il ne fera pas disparaître les besoins auxquels ont voulu répondre un travail de bonne foi, qui dura des mois, au milieu des tempêtes du monde extérieur. Et quand ces tempêtes, qui durent encore, sans cesse plus dramatiques, se seront enfin apaisées, la grande oeuvre scolaire leur survivra, oublieuse des hommes et de leurs passions éphémères. » Ces propos, très contemporains, ont été prononcés en 1937 par Jean Zay, illustre ministre radical de gauche de l'instruction publique qui – j'en ai la certitude – n'aurait rien renié de nos ambitions communes pour redonner à l'école de la République le rôle qui doit être le sien pour l'avenir de notre pays.

Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP, SRC et écologiste.

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Mes chers collègues, je fais d'ores et déjà annoncer le scrutin sur l'ensemble du projet de loi dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Dans la suite des explications de vote, la parole est à Mme Marie-George Buffet, pour le groupe Gauche démocrate et républicaine.

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Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la ministre déléguée, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, chers collègues, les inégalités sociales et territoriales se sont aggravées ces dix dernières années et l'école n'a pas été épargnée par les choix libéraux qui ont été effectués. Loin de permettre à tous et toutes de réussir, quelle que soit son origine sociale ou territoriale, les critères qui ont présidé aux destinées de notre éducation nationale ont maintenu la ségrégation. Ainsi, en 2011, la Seine-Saint-Denis présentait un taux de réussite au baccalauréat inférieur de huit points au taux national.

Cela n'est dû ni à la fatalité, ni au hasard, mais bien à une politique – celle de la droite au pouvoir – qui s'est traduite par la suppression de 80 000 postes d'enseignants…

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Cela nous manquait ! Cela faisait longtemps !

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…et par une stigmatisation de leur travail, tout en les privant de formation professionnelle du fait de la fermeture des IUFM. L'ancienne majorité a mis à mal notre éducation nationale.

Ainsi, malgré l'engagement des équipes éducatives au quotidien, des dizaines de milliers de jeunes n'ont pu disposer du droit à la réussite scolaire que doit leur assurer la République, voire ont quitté le système éducatif sans diplôme.

Vu l'ampleur des dégâts, il était effectivement urgent d'ouvrir en grand le chantier de la refondation de l'école – de la maternelle à l'université.

Il était temps de rompre avec les réductions de moyens pour libérer tous les potentiels des enfants vivant en France.

Cette refondation a soulevé d'immenses attentes. Pour y répondre, il était nécessaire de conjuguer l'orientation et la programmation au sein d'un même texte de loi : vous l'avez fait, monsieur le ministre. Nous nous sommes particulièrement réjouis de la décision de créer sur cinq ans 60 000 postes d'enseignants.

Il faudra poursuivre cet effort pour obtenir, comme la loi le prévoit, plus de maîtres que de classes, pour remplacer tous les absents ou pour ouvrir de nouvelles classes.

Par ailleurs, dans le cadre de la politique familiale, 75 000 places d'accueil en maternelle pour les moins de trois ans ont été annoncées. Avec seulement 16 postes prévus pour ces élèves en Seine-Saint-Denis à la prochaine rentrée, va-t-on vraiment atteindre l'objectif fixé ? Je l'espère.

Le projet de loi acte la nécessité de revenir à une formation professionnelle par la création des écoles supérieures du professorat et de l'éducation, ce dont nous nous félicitons.

Cependant, nous restons au milieu du gué, en raison de l'absence d'un véritable prérecrutement, aussi bien dans ce projet de loi que dans celui sur l'enseignement supérieur et la recherche.

Par ailleurs, nous regrettons que nos amendements sur l'allocation d'autonomie pour les étudiants et les actions à mener contre la précarité des personnels n'aient pas été retenus, comme nous regrettons que la logique du socle commun demeure, malgré – chose positive – l'élargissement de son contenu obtenu au Sénat.

Nous demeurons pour notre part persuadés qu'il faut maintenir l'objectif d'assurer à tous les enfants une culture commune de haut niveau. Nous réitérons notre souhait de voir la scolarité obligatoire élargie de trois à dix-huit ans, d'autant que l'obligation de scolarisation à trois ans est conforme à la volonté affirmée du Gouvernement de considérer l'école maternelle comme une école à part entière.

Depuis la première lecture, le projet qui nous est soumis a évolué positivement concernant notamment le rapport entre l'État et les régions, en ce qu'il permet de conserver le caractère national de notre éducation et n'ouvre pas la porte à des inégalités supplémentaires entre territoires en matière de formation professionnelle.

Toutefois, beaucoup reste à faire pour revaloriser l'enseignement professionnel et technologique, d'autant que le projet de loi relatif à l'enseignement supérieur et à la recherche n'est pas allé au terme des possibilités quant à l'accueil des jeunes de ces filières dans les STS et les IUT et quant à leur parcours dans l'enseignement supérieur.

On le voit, au-delà de l'enseignement de premier degré, qui est, à juste titre, le coeur de cette loi de refondation, il va nous falloir, monsieur le ministre, madame la ministre déléguée, chers collègues, poursuivre et élargir le chantier ouvert, car les collèges et les lycées ont eux aussi besoin que l'on se penche sur leur avenir.

Je me félicite de la qualité de notre débat, mais beaucoup de travail demeure à accomplir si l'on veut répondre pleinement aux attentes et aux besoins du pays et de ses enfants.

Lors de l'examen de ce texte, nous nous sommes efforcés de répondre pleinement aux attentes de la communauté éducative, et certaines de nos propositions ont été prises en compte. C'est pourquoi, après nos collègues du Sénat, nous voterons ce projet de loi afin de capitaliser les acquis du débat et d'appeler à de nouvelles mobilisations destinées à poursuivre la refondation de l'école

Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.

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Mes chers collègues, je vous prie de bien vouloir laisser les orateurs s'exprimer dans le calme. La parole est à Mme Martine Faure.

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Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la ministre déléguée, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous arrivons au terme d'un long et fructueux travail partagé, engagé depuis plusieurs mois, sur le projet de loi d'orientation et de refondation de l'école.

Nous allons voter aujourd'hui un texte extrêmement cohérent, qui porte haut les valeurs de la République, un texte à l'architecture solide, largement enrichi par l'apport d'amendements émanant des députés comme des sénateurs. Plus de 170 amendements ont été intégrés au texte et au moins 200 heures d'échanges et de travail ont eu lieu. Je vous en remercie, monsieur le ministre.

Je tiens surtout à rappeler quelques-unes des raisons essentielles de soutenir et de voter cette ambitieuse loi d'orientation et de programmation.

Pour remédier à la désorganisation, aux troubles et aux défaillances engendrés par les 80 000 suppressions de postes de ces dernières années – faites, je veux le redire, à l'aveugle, –

Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP

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…60 000 postes seront recréés d'ici à 2017, dont 27 000 permettront de remettre en place les formations initiale et continue qui ont été purement et simplement supprimées, grâce à la création des écoles supérieures du professorat et de l'éducation (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Le projet de loi accorde une place fondamentale à l'école maternelle et à l'école primaire, moments primordiaux qui préparent à la réussite scolaire. Ainsi, 7 000 postes seront-ils attribués à l'école primaire, dans le cadre de la mise en place du dispositif « plus de maîtres que de classes » qui accompagnera la refondation pédagogique absolument indispensable.

Le projet de loi crée des passerelles entre les différents niveaux afin de garantir la continuité dans les apprentissages, d'assurer les liens entre les cycles, de prévenir ainsi les risques de décrochage et de gommer au mieux les difficultés des élèves.

Le projet de loi prévoit d'accueillir les enfants de moins de trois ans, et de réduire ainsi la distance culturelle entre l'école, les enfants et leur famille, et cela dans des conditions éducatives et pédagogiques adaptées à leur âge, comme l'indique très clairement l'article 5 du texte.

Par ailleurs, 4 000 postes seront également créés pour assurer un rééquilibrage territorial et pour réduire encore davantage les inégalités sociales.

L'accueil de tous les enfants, sans distinction, sera désormais possible au sein d'une école inclusive, où l'accompagnement des élèves en situation de handicap sera assuré par des personnes disposant de compétences reconnues et nommées à cet effet.

Grâce à cette loi, les outils numériques dans toutes leurs composantes accompagneront l'indispensable refondation pédagogique. L'éducation à la citoyenneté et à l'égalité entre filles et garçons sera désormais assurée.

Cette loi permettra également de développer l'habileté linguistique grâce à l'apprentissage des langues étrangères dès le CP, ainsi que l'apprentissage des langues régionales.

Pour le dire en quelques mots, ce texte replace l'enfant au coeur de nos préoccupations et l'élève au coeur du dispositif éducatif.

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L'école publique, gratuite, laïque et obligatoire !

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Aussi je reste convaincue qu'il doit rassembler tous les défenseurs de l'école républicaine. C'est pourquoi j'invite chacun d'entre vous à voter en toute confiance ce texte, qui constitue bel et bien la première étape de la reconstruction de la maison « école », de la maternelle à l'université. Il est porteur d'espoir, de nouvelles ambitions pour notre système éducatif et, partant, pour l'avenir de nos enfants et le redressement de notre pays

Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.

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La parole est à M. Frédéric Reiss, pour le groupe Union pour un mouvement populaire.

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Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la ministre déléguée, chers collègues, ce projet de loi, dont le groupe UMP persiste à dire qu'il n'a de refondation que le nom, vient d'être examiné en deuxième lecture par notre assemblée.

La majorité s'est félicitée des apports du Sénat, qui a adopté le texte avec cinq voix d'avance. En réalité, le groupe socialiste, échaudé par la déconvenue subie sur le projet de loi relatif à l'enseignement supérieur et à la recherche, a fait bon nombre de concessions à ses alliés communistes, écologistes et radicaux de gauche

Exclamations sur les bancs du groupe UMP.

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Après des travaux en commission rendus difficiles par des délais contraints, ce texte ignore les défis de l'école du xxie siècle.

Quelques avancées doivent certes être reconnues : l'apprentissage précoce des langues vivantes étrangères, l'enseignement bilingue en français et en langue régionale, désormais inscrit dans la loi, la création d'un service numérique éducatif, la promotion de la santé comme droit à l'éducation et un élan patriotique qui se traduit par le pavoisement des façades au moyen de drapeaux français et européens et par l'apposition de la devise de la République.

Malheureusement, le projet que vous nous proposez, monsieur le ministre, n'est pas à la hauteur des enjeux.

La majorité se félicite de la création de 60 000 postes, en présentant cette promesse démagogique du candidat Hollande comme la solution à tous les maux de l'école. Pourtant, est-il bien raisonnable d'augmenter durablement les dépenses alors que le Gouvernement augmente les impôts à tout va et que certaines familles vont perdre la réduction d'impôt liée aux frais de scolarité ?

Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.

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Supprimons l'éducation nationale, cela coûte trop cher ! Essayons l'ignorance !

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Le Gouvernement et la majorité, voulant à tout prix adopter une grande loi et la marquer du sceau du progrès, se sont jetés goulûment sur la réforme de l'école de la République. On allait voir ce qu'on allait voir !

En « super-héros », ils se sont empressés de détruire tout ce que la droite avait fait, abrogeant bon nombre de dispositifs qui marchaient et supprimant les évaluations en tout genre.

Mais les « refondators », lors du festin qu'ils proposaient à la nation tout entière, ont dû avaler une potion bien amère : je veux parler du dernier rapport de la Cour des comptes

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP

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selon laquelle « le ministère de l'éducation nationale ne souffre pas d'un manque de moyens budgétaires ou d'un nombre trop faible d'enseignants, mais d'une utilisation défaillante des moyens existants. »

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Ce rapport étaye magistralement les arguments que les groupes UMP et UDI ont défendus inlassablement depuis la première lecture : en effet, il reconnaît qu'il convient de redéfinir le métier d'enseignant en adaptant les obligations réglementaires de service et en valorisant les ressources humaines, tout en assurant une gestion de proximité.

La Cour a aussi évoqué des enseignants nombreux mais comparativement moins rémunérés, alors que le gouvernement Fillon avait revalorisé les débuts de carrière et défiscalisé les heures supplémentaires

Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.

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Il est symptomatique qu'à l'image du ministre et des président et rapporteur de la commission, aucun des quatre orateurs précédents n'ait fait référence à ce rapport. C'est dire le désarroi de la majorité.

La majorité a d'ailleurs ignoré un autre rapport de la Cour des Comptes qui préconisait en 2010 d'accroître la responsabilité des établissements et la part du financement consacrée à l'école primaire, ainsi que d'améliorer le pilotage du système.

Comment peut-on vouloir refonder l'école sans reconsidérer la situation des pilotes que sont les directeurs d'école ? Ils sont les grands oubliés de cette réforme ! Leurs missions ne cessent de croître et de se complexifier, et ils seront en première ligne concernant la mise en place des nouveaux rythmes scolaires – réforme déstabilisante pour les élus locaux et les familles, qui ne concernera finalement que 20 % des élèves à la rentrée prochaine.

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Il s'agit là d'une question de méthode, sans doute !

Priorité au primaire, oui ! Mais pas sans les directeurs !

Le socle de connaissances, de compétences et de culture a été vidé de son contenu et sera défini par décret, occultant ainsi le travail parlementaire.

Ce socle, facteur de cohésion nationale, ne limite pas ses ambitions à combattre l'échec scolaire : il vise non seulement la poursuite des études, mais aussi l'insertion professionnelle.

Dans ce domaine, le groupe UMP regrette l'abrogation de la loi Cherpion, qui avait institué un dispositif d'initiation aux métiers en alternance dès quatorze ans et sous statut scolaire, ce qui permettait de revaloriser les voies professionnelle et technologique.

Les IUFM, tellement décriés en leur temps, ressuscitent sous le nom d'ESPE, alors qu'il faudrait développer une réelle formation professionnelle, permise par la mastérisation.

Le Haut conseil de l'éducation, dont l'indépendance et l'efficience étaient reconnues, disparaît au profit de deux instances pilotées par le ministère : le Conseil supérieur des programmes et le Conseil national d'évaluation du système scolaire. Décidément, le compte n'y est pas !

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Le groupe UMP, pour qui le goût de l'effort, le travail et le respect de l'autre sont des valeurs essentielles pour la réussite de tous les élèves, n'a pas été entendu et votera contre ce texte

Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP.

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La parole est à M. Philippe Gomes, pour le groupe Union des démocrates et indépendants.

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Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la ministre déléguée, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la réforme que nous devons voter aujourd'hui porte en elle plusieurs péchés originels.

Le premier est peut-être celui de prétendre refonder l'école de la République. Guizot et Ferry l'ont fondée, certes ; Haby, Jospin, Fillon, chacun à leur manière, ont apporté une nouvelle pierre à cette fondation avec le collège unique, la création des cycles, la création du socle commun de connaissances et de compétences. Mais en l'espèce, on ne peut pas considérer que le texte que nous avons à examiner constitue une véritable refondation de notre école. C'est une réforme orientée plus particulièrement vers l'enseignement primaire.

Le deuxième péché originel, c'est que ce texte a été bâti sur un postulat majeur : tout est la faute de la droite.

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Si nous sommes aujourd'hui dix-huitième sur trente-quatre en matière de performances des élèves au sein des pays de l'OCDE, c'est la faute de la droite.

« Oui ! » sur plusieurs bancs du groupe SRC.

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Si nous sommes vingt-septième sur trente-quatre en matière d'équité scolaire – notre école, au lieu de rétablir l'égalité des chances, conforte les inégalités de naissance –, c'est la faute de la droite

« Oui ! » sur de nombreux bancs du groupe SRC.

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Et si je vous dis que, selon les évaluations effectuées dans le cadre de la Journée défense et citoyenneté, 20 % des jeunes lecteurs aujourd'hui sont inefficaces, ce serait aussi la faute de la droite

« Oui ! » et applaudissements sur les bancs du groupe SRC.

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En réalité, la responsabilité de l'échec de notre système éducatif est collective : ce sont les politiques publiques de droite et de gauche de ces trente dernières années qui, bien qu'ayant été animées des meilleurs sentiments, nous ont conduits à la situation actuelle.

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Le troisième péché originel c'est que, telle une pierre philosophale, la réponse apportée est quantitative : 60 000 postes, voilà la réponse pour résoudre les problèmes de notre système éducatif !

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La Cour des comptes a pourtant indiqué de manière magistrale par la voix de l'un de nos ex-éminents collègues que la question est celle non pas de l'insuffisance des moyens ou du nombre de postes, mais d'une gestion « uniforme et inégalitaire » – je reprends les termes de la Cour des comptes – des enseignants. Nous consacrons en effet à notre système éducatif des moyens équivalents ou supérieurs à ceux de nombreux pays européens.

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Le quatrième péché originel de cette réforme tient à ce que le Parlement est finalement dessaisi de l'essentiel. Les cycles, sujet trop important pour le Parlement, ne figurent pas dans la loi, si ce n'est dans le rapport annexé. S'agissant du socle, on nous propose d'en modifier le titre, en ajoutant aux termes « connaissances » et « compétences » le terme « culture », mais sa définition, qui est une affaire sérieuse, revient au ministère. Quant aux rythmes scolaires, ils sont décidés, eux aussi, dans le dos du Parlement. Finalement, l'essentiel de cette réforme s'est passé ailleurs, sur l'initiative du ministre, mais sûrement pas devant la représentation nationale.

Au total, nous ne pouvons pas considérer que la loi qui nous est proposée répond véritablement aux enjeux actuels du système éducatif. Pour autant, tout n'est pas à jeter. La réforme – et non pas la « refondation » – qui nous est proposée comporte des éléments positifs.

Oui, il fallait agir pour la formation initiale. J'espère toutefois que les nouvelles écoles que le projet de loi vise à créer ne se transformeront pas en IUFM, établissements dont on connaît les désastres.

Oui, la scolarisation pour les moins de trois ans peut être une mesure utile pour les populations défavorisées dans un certain nombre de quartiers.

De la même façon, dans le domaine du numérique, il était important que nous engagions une démarche nouvelle, même si le service proposé ici ne me paraît pas adapté à un monde en perpétuel changement.

Hélas, cependant, rien n'est proposé sur la gestion, alors que celle-ci est stigmatisée par la Cour des comptes et qu'elle constitue probablement la racine du mal français en matière d'éducation. Le projet de loi ne prévoit rien non plus au sujet du statut des établissements, rien – ou si peu – sur les collèges, rien sur les lycées, rien sur tout ce qui fonde pour une large part l'école de la République.

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Les membres du groupe UDI auraient souhaité que cette loi sur la refondation de l'école de la République fasse l'objet d'un véritable consensus national : nous considérons que, sur ce sujet comme sur celui de l'emploi, nous devons être capables dans cette Assemblée de nous rassembler au-delà des schémas partisans. Ce n'est pas le cas, et nous le regrettons. Nous voterons donc contre ce projet,

Exclamations sur les bancs du groupe SRC

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considérant que c'est une véritable occasion ratée pour notre pays.

Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.

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Je vais maintenant mettre aux voix l'ensemble du projet de loi d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République.

Il est procédé au scrutin.

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Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 507

Nombre de suffrages exprimés 507

Majorité absolue 254

Pour l'adoption 304

Contre 203

Le projet de loi est adopté.

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La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale.

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Vincent Peillon, ministre de l'éducation nationale

Madame la présidente, monsieur le président de la commission des affaires cultuelles, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, le Président de la République a souhaité faire de la jeunesse et de l'école la priorité parce que notre République s'est construite avec et par son école pendant deux siècles. L'abandon de cette école et les résultats désastreux de nos élèves, l'accroissement des inégalités sociales à l'école – au-delà d'une simple reproduction, c'est une aggravation – non seulement pénalisent l'avenir de notre jeunesse mais marquent aussi la dépréciation de l'idée républicaine dans notre pays.

Nous savons évidemment que la refondation de l'école de la République ne s'arrêtera pas à une loi. Elle nécessitera du temps, de l'endurance, de la persistance, le respect des acteurs locaux, la constance dans nos orientations et dans l'attachement à nos valeurs.

Cette loi aurait dû rassembler tous ceux qui sont attachés à l'avenir de notre jeunesse, c'est-à-dire à l'avenir de notre pays et aux valeurs qui réunissent normalement la nation française dans les grands moments. C'est une profonde déception pour moi que la droite ne soit pas à ce rendez-vous une fois encore, auprès de la jeunesse et pour la défense des valeurs qui doivent nous réunir.

Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.

Debut de section - Permalien
Vincent Peillon, ministre de l'éducation nationale

Mais c'est une grande joie d'avoir pu, grâce au dialogue permanent, mais aussi en écoutant, par l'intermédiaire de la représentation nationale, à l'Assemblée nationale et au Sénat, ceux qui devaient être écoutés, rassembler les socialistes et, plus largement, la gauche, sur ce sujet. Je tiens donc à saluer tous les parlementaires de gauche, quelle que soit leur famille politique.

M. Thierry Braillard a cité Jean Zay : il n'y a d'avenir que pour ceux qui savent s'inscrire dans une tradition.

Debut de section - Permalien
Vincent Peillon, ministre de l'éducation nationale

La tradition de notre école fait honneur à la France et permet le rayonnement de la République.

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Vous ne cessez de tuer les traditions ! Vous tuez la France !

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Vincent Peillon, ministre de l'éducation nationale

Je ne suis pas étonné que la gauche ait su se rassembler autour de ce texte. Nous avons à rester unis pour sa mise en oeuvre, pour son approfondissement et pour le redressement républicain que nous appelons de nos voeux. Je vous remercie tous chaleureusement. Nous allons poursuivre le travail.

Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.

Vote sur l'ensemble

La séance, suspendue à seize heures cinquante, est reprise à seize heures cinquante-cinq.

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L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de résolution de M. Bruno Le Roux et de plusieurs de ses collègues aux fins d'améliorer le processus de recrutement à la tête des grandes institutions culturelles. (540)

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Dans la discussion générale, la parole est à M. Patrick Bloche.

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Madame la présidente, madame la ministre de la culture et de la communication, mes chers collègues, sujettes à pétitions, tribunes, manifestes, interpellations, déclarations, les nominations à la tête des grandes institutions culturelles de notre pays font trop régulièrement l'objet au mieux de controverses, le plus souvent de polémiques.

Cet état de fait souligne sans doute l'intérêt porté à ceux, et plus rarement à celles, qui dirigent ces établissements et qui participent par là même à la politique culturelle de notre pays. De manière plus profonde, beaucoup partagent le sentiment que les règles en la matière ne sont pas claires et que les nominations qui en sont la conséquence sont sujettes à contestation. D'où l'initiative qui nous réunit aujourd'hui dans cet hémicycle afin que l'Assemblée nationale puisse apporter sa contribution à une réflexion que le Gouvernement appelle lui-même de ses voeux.

Comment ignorer, en effet, que notre société aspire à toujours plus de transparence, de pluralisme, de renouvellement, de non-cumul ?

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Notre société souhaite toujours mieux comprendre les processus d'accession aux responsabilités et avoir ainsi la certitude que chacun peut avoir sa chance. Le temps présent est plus que jamais à l'ouverture et au décloisonnement car mêler les expériences est source d'inspiration et d'enrichissement partagé. La belle promesse républicaine de l'égalité à laquelle nous sommes, comme nos concitoyens, si attachés, comment ne pas la faire vivre dans le cadre culturel, alors même que les créateurs, les artistes sont si souvent les premiers à capter et à traduire les mouvements qui traversent en profondeur notre société ?

C'est donc à un changement de nature réellement démocratique que renvoie cette proposition de résolution dont le groupe socialiste, républicain et citoyen a souhaité prendre l'initiative et qui part d'un double constat.

Tout d'abord, il nous semble que, le plus souvent, les difficultés sont inhérentes au fait que la personnalité désignée, n'ayant pas été amenée à faire connaître préalablement sa vision pour l'institution concernée, voit sa légitimité contestée alors même que sa compétence n'est pas mise en cause. C'est la conséquence du fait que les logiques de personnes supplantent les logiques de projets.

Par ailleurs, les désignations effectuées font apparaître une assez faible diversité sur le plan de la formation et des parcours professionnels antérieurs comme sur celui des origines sociales et culturelles ou – j'y reviendrai – de la représentation des femmes. Cet état de fait crée une forme d'inégalité dans l'accès aux postes à responsabilité dans le secteur public de la culture.

C'est la raison pour laquelle cette proposition de résolution tend tout d'abord à rappeler que la mise en oeuvre d'une politique tendant à promouvoir l'égalité, la parité et la diversité apparaît d'autant plus indispensable dans le champ de la culture que celle-ci se doit d'être emblématique des valeurs et des principes qui sont au coeur du pacte républicain et qui fondent notre vivre ensemble.

Sur la seule question de la parité, les statistiques sont éloquentes et il nous a été rappelé encore ce matin par Mme Sophie Deschamps, lors des échanges que nous avons eus en commission des affaires culturelles et de l'éducation, qu'il faudrait neuf ans de nominations strictement…

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…paritaires pour atteindre le taux de 30 % de femmes représentées.

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C'est une préoccupation que vous partagez, madame la ministre, ainsi que votre collègue Najat Vallaud-Belkacem. Vous avez d'ailleurs déjà pris des mesures concernant la parité, qui ont été présentées et validées lors du comité interministériel des droits des femmes présidé par le Premier ministre le 30 novembre dernier.

Vous avez aussi installé auprès de vous un comité pour l'égalité entre les femmes et les hommes dans la culture et la communication, qui a pour vocation de suivre votre action, d'en apprécier les résultats et de vous faire toute proposition permettant d'avancer plus vite sur le chemin de l'égalité. Car le changement, c'est maintenant !

Sourires.

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Mais au-delà de la question centrale de l'égalité entre les femmes et les hommes, je crois essentiel aujourd'hui, dans l'intérêt même des personnes désignées à des postes de responsabilité, qu'elles puissent présenter préalablement le projet de gestion et de développement qu'elles forment pour l'établissement concerné.

Aussi, la proposition de résolution que le groupe socialiste a déposée vise à la fois « à réaffirmer le caractère fondamental du principe d'égalité et la nécessité d'assurer la diversité et la parité entre les femmes et les hommes dans tous les champs de l'action publique ». Elle estime « qu'il est aujourd'hui particulièrement nécessaire de mieux garantir cette diversité et cette parité dans le processus de désignation des dirigeants des grandes institutions culturelles ». Mais elle fait valoir aussi – c'est complémentaire, vous l'avez compris – « que la possibilité offerte aux candidats à ces postes de présenter leur projet et d'exposer leurs idées concernant l'avenir de l'organisme en cause constituerait un facteur d'émulation et contribuerait à asseoir la légitimité de la personne finalement désignée ».

La proposition de résolution a ainsi pour objectif de permettre qu'une réflexion soit engagée en vue d'instaurer des procédures de consultation préalable à la désignation de ces dirigeants qui pourraient, par exemple, passer par la mise en place de commissions aussi pluralistes que paritaires, chargées d'auditionner les candidats, d'étudier leurs projets et d'émettre des propositions visant à éclairer les décisions de nomination.

Il ne s'agit en aucun cas, j'insiste sur ce point, de réduire la liberté de choix de l'exécutif, que ce choix intervienne par un décret simple du Président de la République ou qu'il soit l'acte du Premier ministre ou d'un ministre, en l'occurrence, vous-même, madame la ministre. Il s'agit de fournir à l'exécutif un terreau à sa décision, qui puisse aussi la motiver, ce qui serait un progrès démocratique notable. Cela a été encore rappelé en commission ce matin : les décisions qui ne sont pas motivées créent une frustration démocratique certaine.

Je me permets d'évoquer, non pas comme un modèle mais comme un bon exemple, la procédure mise en place par Alain Seban, auditionné ce matin, pour recruter le futur directeur du musée national d'art moderne que vous serez amenée, madame la ministre, à désigner par arrêté.

Pour être en mesure de vous proposer le meilleur candidat possible à cette responsabilité culturelle majeure, une procédure garantissant une large ouverture et un traitement équitable et professionnel des différentes candidatures a été opportunément choisie. Elle prévoit naturellement l'envoi d'une déclaration de candidature, mais ajoute l'obligation de répondre, dans une note d'intention, à pas moins de vingt et une questions – presque vingt et une conditions ! –, autant d'enjeux auxquels sera confronté le futur directeur. Je précise que la liste des candidats ne sera pas rendue publique, permettant ainsi au plus grand nombre de répondre sans craindre une publicité pénalisante. Enfin, les dossiers sont examinés par le président du Centre Pompidou qui s'est entouré à cet effet d'un comité international composé de professionnels.

La piste est intéressante et pourrait utilement nous inspirer dans la recherche de procédures plus efficientes. Il ne s'agit pas pour nous de figer le mode de nomination, mais de savoir créer pour chaque nomination le cadre idoine, afin de trouver la meilleure candidate ou le meilleur candidat pour un poste, sur la base d'un projet, tout en poursuivant les objectifs de parité, de diversité et de renouvellement.

Tels sont les enjeux de ce débat. En tant que président de la commission des affaires culturelles et de l'éducation, je suis heureux que le groupe SRC en ait pris l'initiative. C'est une pierre apportée à l'édifice que vous êtes en train de construire, madame la ministre, afin de rompre avec ce qui est souvent dénoncé de manière excessive comme le « fait du prince », ainsi que l'a rappelé Emmanuel Wallon.

J'espère que cette résolution de l'Assemblée nationale vous aidera dans votre tâche, madame la ministre, et vous permettra – qui sait ? – de libérer dans votre agenda si chargé un temps utile pour les dossiers que vous êtes amenée à gérer.

Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.

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Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous examinons le texte d'une résolution proposée à la réflexion de la représentation nationale par le groupe majoritaire, à l'initiative du président de notre commission, Patrick Bloche.

Cette résolution affirme la volonté d'améliorer le processus de recrutement à la tête des grandes institutions culturelles, par le biais de l'instauration de commissions de sélection des candidats, lesquelles pourraient éclairer l'exécutif dans ses choix, sans le lier.

La proposition de résolution estime que deux prérequis devraient orienter la désignation des responsables des grandes institutions culturelles : le caractère fondamental des principes d'égalité et de parité ; la substitution d'une logique de projets à une logique de personnes.

Par cette proposition de résolution, le groupe majoritaire appelle l'attention du Gouvernement sur le mode de désignation des dirigeants des grands organismes culturels, dont le caractère discrétionnaire favorise une trop grande homogénéité.

Le vote des résolutions constituant l'une des voies d'affirmation du Parlement – il lui permet d'émettre un avis sur une question déterminée –, nous considérons cette démarche avec un intérêt bienveillant. Toutefois, madame la ministre, je voudrais vous faire part de quelques interrogations et constats.

La composition, l'indépendance et les moyens affectés à la commission pluraliste restent à déterminer, même s'il s'agit d'une déclaration d'intention. Comme l'a dit un membre de votre majorité, cette déclaration ne doit pas être une déclaration « d'illusion » : en effet, son pouvoir reste limité à une logique consultative puisqu'au final, l'exécutif demeurera seul décisionnaire.

S'il paraît opportun de lier le choix des responsables à la tête des grandes institutions culturelles à l'affirmation d'un projet artistique et culturel clairement pensé et ouvertement exposé, je ne crois pas que l'on passera pour autant d'une logique de personne à une logique de projet. Est-ce d'ailleurs souhaitable ?

La réussite dans la gestion, l'animation et le rayonnement d'une grande institution tient évidemment à la capacité à incarner un projet, à lui donner vie. Il faut des qualités personnelles avérées pour assumer une responsabilité artistique et culturelle et accomplir des tâches aussi variées que la gestion d'une structure et de ses personnels, la maîtrise des coûts de production, d'accueil, de gestion, dans le plus juste rapport aux objectifs artistiques et culturels.

Je juge plus pertinent de poser la question en combinant les deux logiques : quel homme ou quelle femme pour quel projet ? La distinction artificielle entre la personne et le projet m'oblige à cette évidence.

C'est d'ailleurs sur la reconnaissance d'une personnalité que se fonde la légitimité d'une institution. Lorsque Patrice Chéreau dirigeait le théâtre des Amandiers, on allait en confiance assister aux spectacles qu'il avait sélectionnés ou à ceux dont il avait assuré la mise en scène, sans se poser de question, sur la seule foi de l'aura du directeur et de la justesse éprouvée de ses choix.

Certaines légitimités se fortifient en cours de mission. On songe à Catherine Pégard, nommée à la tête de l'EPA du Château de Versailles – ce qui avait suscité bien des protestations – et dont la compétence est parfaitement reconnue aujourd'hui.

Des dirigeants d'institution peuvent être nommés par un gouvernement et reconduits sous un autre : Guy Cogeval a été nommé président du musée d'Orsay en 2008, puis président de l'établissement public du musée d'Orsay et du musée de l'Orangerie en 2010. Sa réussite à Orsay, dont la fréquentation a progressé de 15 % en 2012, lui donnait toute légitimité à être reconduit dans ses fonctions.

Ces quelques exemples montrent que tout ne va pas si mal dans le processus de nomination à la tête des grandes institutions culturelles et que la nomination par le Gouvernement n'est pas synonyme d'arbitraire aveugle ou de choix illégitimes que sous-entend l'expression parfois employée de « fait du prince ».

Reste la question de la parité, dont vous avez fait un objectif prioritaire, madame la ministre. Au sein des plus grandes institutions culturelles, moins de 20 % des postes et moins de 10 % des postes à haute responsabilité sont attribués à des femmes, alors que 74 % des étudiants dans la filière arts appliqués et beaux-arts, comme dans la filière lettres, sont des femmes.

Madame la ministre, vous avez affirmé vouloir faire de la place à une nouvelle génération. C'est ainsi que vous préconisez de ne pas dépasser trois mandats soit dix ans maximum. Cette question de la durée dans la fonction n'est pas évoquée dans la résolution. Pourtant, elle est intéressante car elle favoriserait le renouvellement et donnerait toute sa chance à la parité.

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Si je vous ai bien comprise, madame la ministre, il ne s'agit pas pour vous d'imposer une femme à tout prix mais d'enclencher un processus qui permette aux femmes d'entrer dans le jeu.

On le sait, cette volonté se heurte à des résistances. D'où l'opportunité, à vos yeux, de la démarche engagée par l'Assemblée nationale, qui vient appuyer votre souhait.

La satisfaction du premier objectif de cette résolution – favoriser la diversité des nominations – peut s'opérer parfois au détriment du second – améliorer la représentation des femmes. La récente nomination du directeur du Louvre en est un exemple éclairant.

Deux candidats étaient en lice : Jean-Luc Martinez, pur produit de la méritocratie, d'origine espagnole et de milieu modeste, est un historien de l'art talentueux, agrégé d'histoire, archéologue et conservateur en chef du Patrimoine ; Sylvie Ramond, brillante directrice du musée des beaux-arts de Lyon, historienne de l'art et professeure à l'École normale supérieure pouvait se prévaloir d'une plus grande expérience professionnelle.

C'est finalement Jean-Luc Martinez qui a été choisi par le Président de la République. Certains prétendent, madame la ministre, que la directrice du musée des beaux-arts de Lyon aurait pu être pénalisée par votre volonté, ouvertement affichée, de privilégier une candidature féminine. Un comble !

Debut de section - Permalien
Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication

Effectivement !

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D'autres pensent que la candidature interne a été préférée afin d'éviter les tensions que suscite parfois l'arrivée d'une personnalité extérieure, comme cela s'est vu dans certains musées. La prudence aurait alors prévalu.

Nous pouvons en tout cas nous accorder sur le fait que ces deux candidatures étaient remarquables. Aussi, madame la ministre, permettez-moi un conseil : attention de ne pas affaiblir les candidatures féminines du label de « candidate paritaire » !

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Comme l'a préconisé Alain Seban, que nous avons auditionné ce matin, il faut veiller à l'équité dans le processus de nomination. Je souscris à cette idée : l'équité englobe la notion de parité.

En conclusion, cette résolution soulève des interrogations intéressantes même si la question de la parité apparaît réductrice, non pas sur le fond mais parce que, comme toujours, elle polarise le débat. La nomination à la tête des grands établissements culturels soulève pourtant d'autres questions : celle de la diversité des parcours, de la durée dans les postes, de l'ouverture à la nomination des candidats étrangers.

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Mais la question majeure est de savoir si le système discrétionnaire qui prévaut aujourd'hui est un bon système ou non. La nomination des dirigeants des grandes institutions culturelles relève de la responsabilité du ministre ou du Président de la République et c'est une prérogative fondamentale. Un grand ministre est un ministre qui sait faire de bonnes nominations. C'est du reste ainsi que bon nombre de pays européens fonctionnent. Seul le monde anglo-saxon a établi un réel système indépendant. Ailleurs le pouvoir veille à la nomination des responsables des institutions culturelles tant l'impact en est important. Dès lors que ce principe, que l'UMP juge positif, n'est pas remis en question, cette résolution conserve un pouvoir limité et c'est pourquoi notre groupe s'abstiendra.

Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.

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D'entrée je dirai, puisque ce texte est un texte d'intention, comme on nous le rappelait ce matin en commission, que nous partageons vos intentions, monsieur le président de la commission. Nous rendrons par conséquent un avis favorable.

Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.

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Je ne voulais pas faire souffrir votre impatience !

Concernant le texte lui-même, l'exposé des motifs de votre proposition de résolution et les interventions précédentes ont déjà suffisamment illustré, chiffres à l'appui, la réalité des questions que vous avez identifiées, pour nous dispenser d'être itératifs.

Ordonné autour de deux éléments principaux, l'article unique appelle en premier lieu à promouvoir dans le processus de désignation des dirigeants des grandes institutions culturelles la diversité et la parité. Je ne suis pas certain que la première exigence – celle de la diversité – ne soit pas au moins aussi importante, grande et difficile, que la seconde. Il nous invite en second lieu à revisiter le mode de désignation des candidats au vu de leurs projets.

À cet égard, des commissions pluralistes seraient chargées d' « auditionner les postulants ». Comment seront-elles composées ? Quelle sera la nature de leur pluralisme ? Statutaire ? Idéel, pour ne pas dire idéologique ? Quelles seront leurs attributions ? Sélectives ? Jusqu'à quel point ? Consultatives ? Jusqu'à quel point ? En d'autres termes, quelle synthèse attendre, si synthèse il doit y avoir, entre le pouvoir réglementaire de nomination, qui revient à l'exécutif – nous ne le contestons surtout pas – et celui de co-instruction dévolu aux commissions comme le souhaite ce texte ?

Qu'attendre, sinon d'abord une légitimité mieux assise parce que plus largement préparée et reconnue – ce qui est déjà une bonne chose – des nominations envisagées ? Qu'attendre, sinon également une attention si ce n'est plus grande du moins mieux partagée au projet – ce qui nous renvoie au fond même du sujet.

Oui, il y a, dans ce pays notamment, et cela ne date pas d'aujourd'hui, un risque de captation politique ou mandarinale au niveau des nominations prestigieuses. Un certain nombre de nominations, d'expositions – je songe à l'affaire récente du Grand Palais mais je n'ai peut-être pas besoin de m'étendre – ont pu poser question. Je m'empresse de préciser que les talents des personnalités ne sont nullement en cause, mais on est en droit de se demander si dans un certain nombre de cas ne s'exerce pas une sorte de droit de tirage de certains grands établissements publics sur certains lieux d'exposition.

N'existe-t-il pas pourtant dans l'université, d'autres lumières ? Dans le corps des conservateurs, des érudits séduisants ? À l'étranger, des commissaires capables d'organiser des expositions éblouissantes ?

Bref, on le voit bien, le risque, qui n'est pas seulement celui de notre pays, mais celui tout de même d'un État fortement centralisé, est toujours le même : celui d'un système qui, par esprit de système, favorisera plutôt un art officiel ou un certain conformisme dans lequel on s'accommode d'une forme de soumission à un monde culturel dont la domination s'exerce en réalité ailleurs, y compris à travers certains marchés dans le cadre de la mondialisation.

Cela étant, ce texte, j'y insiste, est bon. Il est intéressant en ce qu'il pose des questions pertinentes s'agissant d'un système très centralisé – ce qui n'est pas propre à la culture. Il offre probablement une certaine protection par rapport à ce que certains ont décrit comme l'un des dangers de notre fonctionnement, à savoir qu'un système centralisé offre, beaucoup plus qu'un système éclaté ou décentralisé, la possibilité pour un petit nombre d'en capter les leviers en oubliant parfois les rêves initiaux au nom desquels il a été établi.

Ce texte, de ce point de vue, remet en question ce système, mais sans le dire, paisiblement, avec beaucoup de componction dans le choix des termes. Ce n'est pas là son moindre mérite.

Si nous le votons, c'est parce qu'il remet entre vos mains, madame la ministre, la responsabilité de ces enjeux, parce qu'il donne un sens aux nominations à venir, parce qu'il propose autre chose qu'une réponse simplement conforme à l'esprit du temps.

Il ne nous reste plus peut-être qu'à souhaiter que l'on se souvienne, au-delà de ce texte, de Vitez, de Vilar, de Jack Lang et de son festival de Nancy, de Martinelli, Françon, Marcel Maréchal, Laclotte, Faivre d'Arcier, Pontus Hulten.

Bref, la proposition de résolution peut rouvrir le champ des interrogations, ce qui n'est pas son moindre mérite s'agissant de la culture.

Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.

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La conclusion a été plus heureuse que la précédente !

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Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, cette proposition de résolution est une très bonne idée, pour trois raisons.

Premièrement, elle part du constat que les postes de direction de nos institutions culturelles sont occupés en très large majorité par des hommes aux parcours professionnels peu diversifiés, ce qui est un problème en termes à la fois d'égalité des chances et d'efficacité du travail accompli. Des dirigeants aux parcours similaires proposeront des solutions identiques à nos institutions, ce qui laisse peu de place à l'imagination et à l'originalité dans les stratégies appliquées.

Deuxièmement, elle propose de régler ce problème en le traitant à la base, au moment du recrutement.

Troisièmement, elle ne traite pas que du problème du sexisme dans le recrutement. Elle est bien plus large et vise à accroître la diversité des profils des directeurs.

J'ai entendu d'étranges remarques en commission ce matin. Ainsi, la parité serait inapplicable au niveau de la sélection parce que le problème viendrait de l'amont du processus du recrutement, c'est-à-dire des candidatures. En effet, aujourd'hui, les femmes postulent nettement moins à des postes de direction. C'est un fait que nous reconnaissons. Il est cependant crucial de s'intéresser à ce faible nombre de candidatures féminines.

Brigitte Laloupe, coach de cadres dirigeants, a déclaré qu'« une femme ne répondra, par exemple, à une annonce que si elle possède au moins 80 % des compétences demandées,…

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…alors qu'un homme se contentera de 25 % ».

Sourires.

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Une des causes majeures de cette autolimitation est l'intégration des stéréotypes associés aux hommes et aux femmes dans notre société.

Nous en avons longuement débattu hier soir, lors du débat sur le projet de loi de refondation de l'école. Les stéréotypes sont nuisibles à notre vie en société.

C'est dès le plus jeune âge que l'on demande aux filles d'être douces, gentilles et modestes. C'est toute leur vie que les Françaises sont confrontées à un monde où les postes à responsabilité sont confiés aux hommes. Dès cette année, de nombreux partis politiques paieront des amendes pour insuffisance de parité chez leurs candidats aux élections législatives. Nous ne sommes qu'un quart de femmes dans cette assemblée, pourtant censée représenter la diversité des citoyens français. Encore ce faible nombre est-il un record historique ! Il faut de l'imagination pour qu'une jeune femme s'imagine être élue un jour, lorsqu'elle n'entend parler que de « monsieur le maire », « monsieur le conseiller général », « monsieur le député » et « monsieur le sénateur ». Il faut de l'imagination pour s'imaginer docteur, lorsque seul « infirmière » est prononcé au féminin.

En l'espèce, il faut de l'imagination pour s'imaginer directrice d'opéra, lorsque 96 % – 96 % ! – des opéras sont dirigés par des hommes.

Comme le dit Olga Trostiansky, fondatrice du Laboratoire de l'égalité : « Certains métiers sont considérés comme féminins, notamment ceux qui ont trait aux services à la personne. Si les femmes sont très majoritaires sur ces emplois peu qualifiés ou précaires, c'est en grande partie en raison des stéréotypes, des représentations. La femme est censée prendre soin des plus faibles, les enfants et les personnes âgées en particulier ».

Lors du débat sur le budget de 2013, M. le ministre Laurent Fabius nous apprenait qu'il avait fixé un quota de 40 % de femmes pour les nouveaux recrutements d'ambassadeur. Cette résolution participe du même effort. C'est par la loi que nous devons imposer une parité au plus haut niveau de toutes nos institutions publiques. Par cette contrainte, nous parviendrons à déverrouiller les stéréotypes qui cantonnent aujourd'hui les Françaises à des emplois présentés comme féminins.

Dans ce contexte, inclure plus de transparence dans les procédures de nomination est donc une excellente chose. Pourtant, la résolution aurait pu être un peu plus ambitieuse.

L'on peut tout d'abord déplorer que l'avis des commissions « ne lie pas l'autorité de nomination mais soit susceptible de l'éclairer dans son choix ». Elle ne supprime donc pas les possibilités de nomination sur le « fait du prince ».

De surcroît, cette résolution ne précise pas la composition de ces futures commissions. Il faudrait pourtant imposer tout d'abord qu'elles soient paritaires.

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Il est inutile d'invoquer le principe de parité si on ne l'applique pas. La meilleure manière de susciter des recrutements paritaires est de constituer des commissions de sélection paritaires. Il faudrait aussi qu'elles soient composées à la fois de professionnels du secteur, de personnalités qualifiées ainsi que d'usagers. Ces institutions sont des institutions publiques, aussi est-il indispensable d'inclure le public ainsi que les habitants du lieu à leur gestion.

Par ailleurs, il est essentiel que des critères de sélection soient établis. Parmi ceux-ci, la sélection des dirigeants sur des projets d'établissements est essentielle. Il est en effet indispensable que les dirigeants des grandes institutions culturelles soient sélectionnés en fonction de projets établis dans un esprit de coopération avec les partenaires. Ces projets permettent aussi d'établir une forme de contrat avec les dirigeants qui peuvent ensuite être évalués sur ces projets afin qu'ils rendent des comptes aux acteurs de ces institutions – partenaires, collectivités, usagers...

Enfin, une telle résolution aurait dû aborder d'autres éléments, demandés notamment en 2012 par le Conseil national du Syndeac – le syndicat national des entreprises artistiques et culturelles –, comme l'encadrement des rémunérations des dirigeants ou encore l'interdiction du cumul des mandats.

On peut aussi citer l'absence de réflexion sur la mobilité des directeurs recrutés. En effet, on peut se demander s'il est normal que le directeur de la plus grosse Scène nationale de France soit resté vingt-trois ans à la tête de l'établissement… Comme le dit François Deschamps, « au-delà de la pluralité des directeurs et directrices en France, se pose aussi la question de la pluralité des lignes artistiques. »

Malgré ces quelques oublis, nous soutiendrons cette proposition de résolution.

Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.

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Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, rendons à César ce qui appartient à César : je veux remercier la commission des affaires culturelles, plus particulièrement notre collègue, le président Patrick Bloche, de son initiative avec cette proposition de résolution tendant à améliorer le processus de recrutement à la tête des institutions culturelles.

Cette initiative permet de mettre un coup de projecteur sur les modalités de désignation des responsables de grands équipements culturels, comme les grandes bibliothèques, les musées constitués sous forme d'établissements publics, les grands centres nationaux ou encore les théâtres, les opéras etc. Quelles sont ces modalités ?

Au niveau de l'État, les nominations sont faites par l'exécutif, en général sur proposition du ministre de la culture et de la communication.

Quand l'institution est cofinancée par les collectivités territoriales, le ministère doit en outre trouver un accord avec la collectivité qui pèse le plus, en général le maire ou le président de l'agglomération.

Quand la structure est gérée par une association, c'est, en théorie, le conseil d'administration qui procède officiellement à la désignation.

Il est évident qu'à côté de ces règles, la constitution de jurys, une présélection par dossier, des auditions où la subjectivité du jugement peut prédominer sur la qualité du projet, justifient pleinement les interrogations posées par la présente proposition de résolution, car, comme souvent, c'est celui qui finance qui est le décideur final.

Plus de transparence, plus d'égalité, plus de pluralisme, tels sont les priorités affichées par le texte qui met en exergue un véritable problème, une anomalie durable : l'absence de diversité dans le secteur public de la culture, et en particulier sur le principe d'égalité entre les femmes et les hommes. Comment, aujourd'hui, ne pas être contrarié par le fait que plus de 80 % des postes dirigeants de l'administration culturelle en 2012 se trouvent occupés par des hommes ?

À l'heure où notre pays, de façon assez unanime, se rassemble en faveur de l'égalité femmes hommes, où Najat Vallaud-Belkacem fait de nombreux efforts, dont le dernier en date concerne la mobilisation du Conseil supérieur de l'égalité professionnelle, il n'est pas normal que si peu de femmes dirigent nos grandes institutions culturelles.

En politique, la parité a été un long combat et il a fallu le caractère coercitif pour l'imposer.

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L'inscription de la parité dans les textes de loi a fait ses preuves et a montré une avancée manifeste des mentalités. La proposition de résolution, respectant nos principes constitutionnels, lance des pistes qui mériteraient d'être précisées, car l'audition au sein d'une commission ne doit pas non plus ne donner que de l'illusion.

L'objectif est fixé, et je sais, madame la ministre, connaissant vos valeurs, que vous serez à nos côtés pour faire sauter ce verrou.

Cette proposition de résolution permet également de poser la question de la mobilité des directeurs des grandes institutions culturelles qui, souvent, une fois qu'ils sont désignés restent en poste parfois plusieurs dizaines d'années, figeant ainsi la politique culturelle et la liberté créatrice attachée à l'équipement qu'ils président. C'est une autre observation qui mérite également, selon nous, une réflexion approfondie.

Mais pour en rester au texte présenté, nous soutenons les quatre principes affichés qui, quoi qu'il advienne, vont dans le bon sens pour l'État français.

Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.

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Madame la présidente, madame la ministre, chers collègues, nous sommes appelés à examiner une proposition de résolution visant à améliorer le processus de désignation des responsables des grandes institutions culturelles, les objectifs affichés étant la diversité d'expériences et de parcours et la parité entre les femmes et les hommes.

Sur ce dernier point, les chiffres sont éclairants : 81 % des postes dirigeants de l'administration culturelle sont occupés par des hommes, 70 % de ceux des centres chorégraphiques nationaux, 85 % de ceux des centres dramatiques nationaux, 96 % pour les opéras, etc. – on peut en effet mieux faire !

Les décrets de la présidence de la République et les nominations de ministres n'ont, semble-t-il, ces dernières années, été marqués ni par l'audace ni par le souci de l'égalité entre les femmes et les hommes. Il est donc judicieux que notre assemblée puisse s'emparer de la question. Nous le faisons sous la forme d'une résolution – c'est un début ! Mais à quand une vraie réforme du mode de désignation, aujourd'hui à la discrétion de l'exécutif dans le domaine culturel ?

Cette résolution est-elle un prélude au traitement des processus de désignation dans une prochaine loi ? Dans l'affirmative, nos débats seront utiles. Sinon, cette résolution gardera un intérêt, celui d'alerter une fois encore sur les inégalités entre les hommes et les femmes. Alors, parlons-en.

Je partage complètement l'objectif de réaffirmer le principe d'égalité comme un principe fondamental pour l'action publique. Il n'est pas inutile de rappeler les raisons qui fondent l'exigence de parité dans le domaine abordé ici, mais aussi en politique, et plus généralement dans tous les lieux où un pouvoir s'exerce.

La parité oblige au partage des responsabilités entre les hommes et les femmes – qui représentent la moitié de l'humanité –, alors que tous les lieux de pouvoir dans la sphère publique ont été construits et occupés au masculin au fil de l'histoire, notre société patriarcale ayant longtemps confiné les femmes à la sphère privée, la femme au foyer dans les rôles d'épouse et de mère. Le foyer, donc pas la cité ni la politique.

Je vous conseille, chers collègues, de vous replonger dans les comptes rendus des débats au Sénat entre 1925 et 1935 dès lors que venait une proposition de loi sur le droit de vote des femmes. Les sénateurs s'inquiétaient de ce que le fait de faire de la politique allait rendre les femmes stériles et surtout que celles-ci allaient apporter de la déraison en politique. Quel merveilleux compliment !

Je ne suis pas étonnée de ce quasi-monopole des hommes dans les lieux de pouvoir dans le domaine culturel, car, au refus du partage du pouvoir, s'ajoute au fil de notre histoire une difficulté à reconnaître la place des femmes dans la création,…

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…à obtenir qu'elles aient la même visibilité, qu'elles soient peintres ou qu'elles exercent d'autres arts, à recourir à la féminisation des titres, et donc, à faire en sorte que les jeunes filles puissent penser que, demain, elles pourraient être directrices d'un opéra.

Souvent, lorsque je parlais de ces questions de féminisation du vocabulaire en politique, je faisais réfléchir en expliquant qu'il était difficile de dire : « Le ministre est enceinte ! ». C'est tout cela qu'il faut bouger !

Le combat pour les droits des femmes a besoin, pour obtenir des avancées, de la mobilisation des femmes pour changer les mentalités et les réalités. Mais toute l'histoire du combat féministe en témoigne, la loi doit acter chaque avancée pour que la société évolue durablement. Ce fut le cas pour la contraception comme pour l'IVG.

La parité aux élections sur liste a fait que 48,8 % des conseillers régionaux, 43 % des députés européens, 48 % des conseillers municipaux dans les communes de plus de 3 500 habitants sont des femmes. Mais, faute de proportionnelle, faute de lois adaptées, nous sommes seulement 26,9 % à l'Assemblée nationale.

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À chaque fois que la parité s'impose, certains s'inquiètent – on l'a encore vu lors de la loi sur l'enseignement supérieur et la recherche : a-t-on suffisamment de femmes compétentes, ou de talent, pour siéger à parité ? Je veux rassurer les inquiets : elles sont aussi nombreuses que les hommes et leurs places seront bien occupées !

Légiférer pour rompre avec l'exclusion des femmes des lieux de décision en matière culturelle est donc une exigence. D'autant que si l'on gagne la parité, elle sera source de diversité. Car je partage également le deuxième objectif de la résolution : diversifier les parcours humains et professionnels et les expériences des personnes appelées à diriger les institutions culturelles. La culture est, en effet, le contraire de l'uniformité. Elle se construit dans le partage, l'altérité, le mouvement et la critique. Donc, sortir des candidatures modèles en matière de carrière, d'expérience, de culture, voire de milieu, pour choisir ces dirigeantes et dirigeants est salutaire pour l'objet même de leur fonction.

Pour faire avancer les institutions culturelles au rythme de l'évolution de nos sociétés, au rythme des anticipations que nécessite tout projet culturel, au rythme des prises de risques indispensables, comme celles ayant conduit à la création du centre Beaubourg-Georges Pompidou, de l'Opéra-Bastille ou du Louvre à Lens, nous avons besoin de femmes et d'hommes porteurs d'une vision de l'intérêt général et respectueux des statuts des personnels. Ces rappels sont, pour moi, nécessaires pour dire la responsabilité de la République – donc, de l'État – dans la création culturelle et son développement, dans l'audace nécessaire dont il faut faire preuve pour être à la hauteur des défis du XXIe siècle en matière culturelle. C'est pourquoi notre résolution d'aujourd'hui me paraît un peu timide.

Vous nous proposez en effet, face à l'opacité des nominations, de mettre en place des « commissions de sélection appelées à émettre un avis préalable à la désignation des principaux responsables. » Un avis qui « ne lierait pas l'autorité de nomination, mais serait susceptible de l'éclairer dans son choix ».

La nomination reste donc encore le fait du prince – ou de la princesse –, même si elle devient plus éclairée. Une mobilisation parlementaire sur un très beau sujet, avec un très bel objectif, débouche finalement sur peu de chose !

Ce qui est en jeu, en fait, n'est-ce pas tout simplement la démocratie ? Le fait que l'élaboration d'un choix et la prise de décisions soient, en tous domaines, entre les mains de celles et ceux qui sont en premier lieu concernés par les choix à faire. Cela pose, pour ce qui nous occupe aujourd'hui, deux questions. Même si M. le président de la commission nous a rappelé ce matin que c'était une résolution et qu'il ne s'agissait pas de réglementer. Mais je pense que ces questions visent aussi à enrichir le contenu de cette résolution.

Première question : comment sont formées ces commissions ? De quelles personnes sont-elles composées et sur quels critères ? Je pense aux personnels, aux élus des collectivités : sont-ils eux-mêmes à parité ?

Seconde question : pourquoi ne pas leur conférer le réel pouvoir de nomination aux postes de direction ?

Ces deux questions me semblent primordiales pour dépoussiérer ces désignations et faire couler le sang neuf de la démocratie.

Madame la ministre, chers collègues, le débat est toujours utile et source d'avancées. Souhaitons que ce débat permette qu'elles se concrétisent un jour prochain ! Je veux y croire.

Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.

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Madame la présidente, madame la ministre, chers collègues, il est particulièrement opportun, le jour où se tiennent aux Grand Palais les assises de l'audiovisuel, d'examiner une proposition de résolution déposée par le groupe socialiste, à l'initiative de Patrick Bloche, à propos des nominations à la tête des grandes institutions culturelles.

Emmanuel Vallon, Sophie Deschamps et Alain Seban se sont fait l'écho ce matin, lors d'une table ronde, avec des orientations différentes, de préoccupations semblables qui rejoignent celles de la proposition de résolution : trop d'opacité dans les nominations, absence de parité, peu de valorisation des projets – pardonnez-moi de vous refaire le coup du fait du prince… ou de la princesse !

L'adoption de ce texte permettrait de donner plus de clarté et peut-être plus de cohérence à la République des lettres et des arts et de légitimité aux choix qui reviennent à la discrétion de l'exécutif.

Si des règles prévalent dans ce domaine, elles souffrent beaucoup trop d'exceptions. Ainsi, le processus de nomination passe par des publications de fiches de poste. Il est soumis à des contraintes sur la limite d'âge, mais elles sont variables ; les durées de mandat diffèrent selon les institutions et le renouvellement de ces mandats varie d'un établissement à l'autre. En outre, malgré les possibilités offertes, les postes sont généralement attribués à des Français, sans prise en compte des talents venus de l'étranger – M. Seban y a insisté ce matin.

Celles ou ceux qui président aux destinées – la liste n'est pas exhaustive – de l'établissement public de Versailles, du musée du Louvre, de la Comédie française, du Festival d'Avignon, de l'Opéra de Paris, de la BNF et de bien d'autres, sont nommés par l'exécutif sur proposition du ministère de la culture, avec avis des collectivités locales dans les cas de cofinancement. Ce processus, quelles que soient les nominations, parfois contestables, souvent justifiées, fait qu'à peine ces dernières connues, des tribunes fleurissent dans la presse pour les contester.

Comment se satisfaire d'un système qui permet qu'en 2012, 81,5 % de l'administration culturelle, 75 % des directeurs de théâtre et 96 % des directeurs d'opéra soient des hommes ? Comment accepter, madame la ministre, que les femmes, aussi nombreuses, si ce n'est plus nombreuses que les hommes dans notre société, soient si peu talentueuses, au point d'être si peu présentes aux postes de responsabilité dans les institutions culturelles ?

La prise en compte de la diversité des origines ethniques et sociales ainsi que du parcours et de la formation professionnels, appelle des remarques de même ordre. De même, on peut s'étonner que des personnalités passent aisément et sans régulation apparente d'une direction d'institution.

Face à ces constats et ces interrogations, vous avez plaidé, madame la ministre, pour « des choix ouverts et plus transparents » dans les colonnes du Figaro. Le groupe socialiste propose quant à lui que les dossiers des candidats soient étudiés par des commissions pluralistes dont les critères de sélection seraient l'ambition du projet et les compétences en termes de créativité et d'innovation, le tout dans le respect de la parité et de la diversité. Si la procédure formulée par la proposition de résolution est retenue, elle n'entravera pas le pouvoir exécutif tout en fortifiant le soutien à la personne désignée et sa légitimité.

Il importe que les nominations ne s'apparentent plus, comme l'a écrit Bernard Faivre d'Arcier en 2011, à « un bricolage fait d'opportunités et d'arbitraire » et qu'à la personne on préfère dorénavant le projet qu'elle défend. J'espère que nous adopterons la proposition de résolution, qui, loin d'être timide, ouvre de véritables pistes de réflexion.

Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.

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Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission, chers collègues, la proposition de résolution dont nous débattons aujourd'hui nous permet de parler de culture, ce qui n'est malheureusement pas souvent le cas ici. Le sujet que nous abordons est fondamental, car le pouvoir de nomination a toujours façonné l'histoire du ministère de la culture. Toutes ses grandes époques sont associées à un ministre capable d'imprimer une forte identité à sa politique, en particulier par le biais des nominations. Or le pouvoir de nomination compte encore davantage aujourd'hui, car nos grands établissements publics culturels ont pris une certaine forme d'indépendance. Le moment de la nomination est donc encore plus crucial.

Les questions qui ont été soulevées en la matière, celles de la parité et de la constitution de commissions spéciales, appellent de ma part deux remarques.

Tout d'abord, en matière de parité, nous ne doutons pas de votre entière sincérité, madame la ministre, mais un regret nous habite. Il existe sur ce point un décalage entre la parole et les actes, entre le discours et l'action du Gouvernement. Le bon fonctionnement de nos institutions veut en effet que les nominations soient faites par le ministre mais que les propositions soient élaborées par les directeurs généraux, bons connaisseurs de leurs directions et spécialistes de la question, sous l'égide du secrétaire général.

Ainsi, André Malraux est associé aux noms notamment de Landowski ou d'André Holleaux, directeur général du centre national de la cinématographie. Quant à Jack Lang, exemple que vous ne sauriez récuser, son nom est associé à celui de Robert Abirached, qui d'une certaine façon n'était pas voué à devenir directeur du théâtre. Il s'est agi d'un choix très intelligent, car sa bonne connaissance du secteur lui a permis d'identifier des personnes pour le compte du ministre qui furent par la suite de dignes représentants du théâtre français et surtout de la création. Il en fut de même de Maurice Fleuret à la direction de la musique et de Christian Dupavillon, qui après un cursus étonnant a conféré à la direction du patrimoine une identité propre devenue celle du ministre.

Qu'en est-il aujourd'hui ? Vous avez fait de la parité une priorité, madame la ministre. Telle est, et c'est tout à fait respectable, votre marque ou plutôt l'une de vos marques. Mais lors du recrutement de vos directeurs généraux, vous aviez la possibilité de recruter des femmes. Or trois postes sur quatre sont aujourd'hui occupés par des hommes, dont deux nommés par vous-même. Ce sont des gens de qualité, respectés dans leurs administrations respectives, mais dépourvus de véritable cursus culturel et d'expérience de direction culturelle. Vous auriez pu alors imprimer votre marque, madame la ministre, puisqu'ils étaient appelés à vous conseiller !

Au fond, le vrai enjeu dont nous débattons, c'est la façon dont un ministre de la culture peut assumer une politique culturelle et imprimer fortement sa marque à la tête de ce grand ministère. Afficher la parité comme on le fait actuellement fait courir le risque d'aboutir à l'inverse de ce que nous souhaitons tous : entendre dire qu'une femme est nommée à la direction d'un établissement public culturel parce qu'elle est une femme. Vous savez bien, madame la ministre, que cela sera malheureusement le cas.

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C'est aussi ce que l'on dit des députées et des ministres !

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Gardons-nous d'afficher la parité – préoccupation qu'au fond nous partageons car il faut en effet nommer des femmes – pour finalement ne pas la mettre en oeuvre ! Pourquoi en effet ne l'avez-vous pas faite, madame la ministre, comme votre qualité de ministre vous en donnait la capacité ? On évoquait ce matin le cas de Mme Equilbey, femme de très grand talent que j'apprécie beaucoup : elle peut être nommée par le ministre. Il faut donc, je le répète, préférer l'action à l'affichage !

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Ma seconde remarque porte sur la proposition de constituer des commissions spécialisées, formulée par Patrick Bloche. Il est toujours intéressant de réfléchir à des sujets fondamentaux de la politique culturelle. Mais là encore, je me pose des questions. Comme Hugues Gall le proclamait avec toute la force de ses convictions et de son immense expérience : « Que les ministres prennent leurs responsabilités et que le Président de la République assume les siennes ! ». La grande politique culturelle française a toujours été assimilée à des gestes forts de nomination.

Au risque d'être politiquement incorrect – ce qui importe peu car ce sont l'intérêt général et celui de la culture française qui nous guident –, il me semble que l'on reproche au fait du prince la nomination politique mais jamais la nomination inspirée. Voilà le vrai problème : une commission n'est pas nécessairement inspirée !

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Voilà toute l'histoire de notre politique culturelle. Comme on le disait ce matin, Alain Crombecque n'aurait jamais été nommé patron du festival d'Avignon : il est timide et n'aime pas s'exprimer en public. Il faut donc avoir la capacité d'assumer une politique.

J'évoquais aussi, même si cela faisait sourire certains car je suis maire de Versailles, Molière et Lully. Ils n'auraient jamais été les grands artistes qu'ils ont été sans le choix du roi contre les avis de tous les spécialistes culturels de l'époque !

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Je formulerai une seconde mise en garde relative à l'instabilité susceptible de naître d'une divergence entre le ministre et les commissions de sélection, surtout si celles-ci se transforment en commissions parlementaires déguisées. On imagine bien que la personne nommée serait terriblement fragilisée, au moins pendant les six premiers mois. Je vous parle d'expérience, comme vous savez.

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Vous ne parlez là que des institutions du spectacle vivant !

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Je parle des institutions culturelles en général. Un tel projet de commission doit faire l'objet d'une discussion détaillée et attentive.

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J'y pense, madame la présidente.

Je regrette un peu que nous débattions d'une proposition sans avoir fait un vrai travail au fond. Faisons-le ! Une question essentielle, par-delà la démagogie du moment, c'est le rapport avec les collectivités territoriales. En effet, telle est bien la révolution de la politique culturelle : l'État, qui en France est puissant en matière de politique culturelle, doit aujourd'hui discuter avec les élus locaux. Ce n'est même pas évoqué dans l'exposé des motifs ! Sur ce point également, il me semble que l'on passe à côté de l'essentiel.

Je suis pour ma part très favorable à la nomination des femmes, mais que le ministre le fasse ! Inutile de faire de l'affichage, utilisons les moyens qui existent. Et que les éventuelles commissions fassent des propositions au ministre sans ordre de priorité afin de vous éviter, madame la ministre, d'être un jour en porte-à-faux avec une commission, situation dont l'exploitation médiatique causerait de grands dommages aux institutions.

Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, les grandes institutions culturelles font la richesse de notre patrimoine matériel et immatériel et participent au rayonnement de la France. Certaines ont traversé les siècles comme le palais Garnier ou la Bibliothèque nationale de France, suscitant parfois des polémiques à l'instar de la construction de la bibliothèque François Mitterrand sur le site de Tolbiac, d'autres sont nées avec le siècle nouveau, comme le musée du quai Branly. Lieux de mémoire, de création et d'innovation, elles protègent et présentent le patrimoine français aussi bien que celui des autres nations, car la culture n'est ni une mémoire morte ni un repli sur soi. La création de telles institutions témoigne de notre ambition collective d'honorer les arts, la culture et les enseignements artistiques tout en portant un message universel dépassant leurs contempteurs ou leurs laudateurs.

Le projet de résolution dont nous débattons propose de mieux organiser le recrutement des hommes et des femmes qui ont la responsabilité de diriger ces institutions. En vérité, je devrais ne parler que des hommes, car nous avons constaté ce matin encore que la place des femmes à leur tête compte pour à peine 20 %. Le portrait-robot de ces responsables dessine un homme blanc de plus de cinquante ans, certes talentueux, passionné bien sûr, cultivé forcément. Peu de femmes accèdent aux mêmes responsabilités. Pourtant, des femmes talentueuses, passionnées et cultivés, notre pays en compte autant que d'hommes – et peut-être même plus !

Sourires.

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L'exigence de parité dont notre société a besoin pour faire sens s'impose aussi à la nomination des responsables de ces institutions. Bien sûr, il s'agit de l'application élémentaire du principe républicain d'égalité, mais il faut y ajouter l'exigence de la diversité afin de mieux prendre en compte la formation, l'origine sociale et territoriale, les expériences et les talents.

L'idée de réserver la nomination des hauts responsables à l'exécutif relève davantage de l'habitude et de la tradition de notre pays. Ce n'est pas une mauvaise idée et nos institutions culturelles ont été dirigées par des gens très compétents, mais c'est aujourd'hui une idée un peu petite et qui doit le rester. La grande idée, c'est la participation d'autres autorités au choix des responsables afin de passer d'une logique de personnes à une logique de projets. C'est aussi la préparation des recrutements par des commissions pluralistes composées d'administrateurs, de professionnels et de personnes qualifiées extérieures à l'établissement. Elles seraient chargées d'auditionner les postulants sur la base de leurs projets pour l'institution, comme nous le faisons pour certaines d'entre elles, France Télévision par exemple. Nos collectivités locales ont l'habitude de telles procédures pour leurs établissements culturels. Prenons exemple sur elles, ce n'est pas si difficile ! Je parle par expérience, ayant pu constater le bien-fondé et l'intérêt d'un tel mode de fonctionnement.

Ces nominations ne doivent plus donner l'impression, parfois à tort, de servir de cadeau de départ, de lot de consolation ou de placard doré. Combien ont été nommés et, à peine installés dans leurs fonctions, ont vu leur autorité et leur légitimité contestées ? Cela affaiblit leur action et l'image de l'institution.

Il s'agit d'éviter le fait du prince – ou de la princesse ! – et d'éviter d'entacher la probité du candidat d'un soupçon de favoritisme. Cette méthode renforcerait au contraire la légitimité d'un candidat ou d'une candidate, lui permettant d'accéder à la direction d'un établissement par un parcours de recrutement transparent et de faire partager le projet qu'il souhaite porter pour l'établissement et son projet personnel. L'implication des équipes de professionnels est une condition trop négligée de la réussite d'un projet d'établissement.

Bien sûr, la composition de ces commissions sera en elle-même un enjeu de diversité des compétences, des points de vue, des expériences. Pourquoi ne pas envisager la présence de parlementaires de la majorité et de l'opposition ?

Après une mise en place de ces nouvelles règles qui prévoient un avis préalable, il faudra poser la question de passer à une seconde étape, celle d'un avis conforme. Mais chaque chose se faisant par étape, prenons celle qui se présente à nous à travers cette proposition de résolution et actons une modification des règles de nomination à la tête des grandes institutions culturelles. C'est le sens même de leur existence : faire vivre la diversité de notre culture aussi dans l'incarnation de leurs hauts responsables.

Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.

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Qui ne se souvient pas de la nomination du directeur de l'Odéon ? On vire un directeur qui n'avait pas démérité et qui voulait poursuivre son projet, pour nommer une personne sous une forme que nous dirons volontiers tout à fait discutable. Bien sûr, on pouvait se rappeler les conditions de la nomination de celui qui était alors en exercice à l'Odéon. Cependant, le voilà viré en dehors de toute consultation et nommé, là encore sans consultation et sous la pression médiatique, à la direction du festival d'Avignon, sans même s'être demandé si l'équipe en place souhaitait ou non poursuivre un travail que nous savons de très grande qualité.

Il y a quelque chose d'indécent à voir s'étaler dans la presse ce jeu de chaises musicales qui n'a pas lieu d'être dans une République. Dès lors, je veux saluer le projet de résolution de notre collègue Patrick Bloche, qui pose la question de la nomination aux directions des institutions culturelles de notre pays.

Ce projet de résolution m'offre l'occasion d'aborder ces sujets en quelques points : l'importance donnée à la personnalité et au projet ; le parcours professionnel des femmes ; le rapport entre la transparence et la confidentialité des candidatures ; l'ouverture des recrutements à des non-Français ; le renouvellement des titulaires de ces postes.

Premier point : quelle place donne-t-on à la personnalité du postulant et donc à son cursus professionnel ? Quelle place donne-t-on au projet qu'il envisage ? Il y a un équilibre à trouver entre les deux termes. Même si des nominations de dirigeants à la tête des institutions culturelles s'effectuent sur décision du chef de l'État ou du ministre, il convient que la décision repose sur des éléments objectifs.

Dès lors, il est nécessaire de lancer un appel d'offre sur la base d'une orientation générale dessinée pour l'établissement. Les candidats pourront alors présenter des projets qui donnent corps à cette orientation générale et le choix se fera, aussi, en fonction de la qualité des projets proposés. Autrement dit, ce n'est pas seulement la personne qui est choisie mais aussi le projet qu'elle envisage pour l'établissement.

Venons-en au parcours professionnel des femmes. Pour que des femmes puissent être désignées à la tête de grandes institutions culturelles, encore faut-il qu'elles aient la possibilité d'avoir un parcours professionnel qui leur permette de candidater utilement. Pour cela, on voit bien qu'il ne s'agit pas seulement d'organiser le mode de désignation mais aussi d'être attentif au parcours professionnel des femmes. Il est nécessaire d'intervenir en amont pour favoriser leur parcours professionnel.

Peut-être serait-il opportun, madame la ministre, de mettre en place des dispositifs normatifs ? On pourrait, par exemple, inscrire dans les contrats d'objectifs et de moyens des centres dramatiques, des orchestres, des scènes nationales et des opéras d'accueillir une quotité d'artistes féminins pour chaque saison.

Comment se fait-il, par exemple, qu'il n'y ait pas une seule femme chef d'orchestre ? Mes collègues ont rappelé les pourcentages d'hommes et de femmes aux postes de direction dans l'administration culturelle. Ces proportions sont inadmissibles. Ce n'est pas seulement par sexisme que l'on aboutit à ce résultat. Chacun comprend alors que pour féminiser les nominations, il faut d'abord favoriser le parcours artistique des femmes, afin qu'elles soient en situation de se porter valablement candidates à la tête de ces institutions. Nous attendons, madame la ministre, des propositions sur le sujet.

Un autre équilibre est à trouver entre la confidentialité et la transparence. La confidentialité est nécessaire car les candidats non retenus vivront mal un refus public qui pourrait nuire à leur carrière. Se pose donc la question du rapport entre la confidentialité et la transparence dans les procédures de recrutement : où placer le curseur pour trouver le juste équilibre entre l'exigence de transparence et la nécessité de confidentialité, surtout avec l'instauration de différentes commissions de sélection ?

S'agissant de l'ouverture des recrutements à des profils européens, citons l'exemple donné par le Musée des arts décoratifs de Londres qui a recruté Martin Roth, jusqu'alors directeur général des collections d'art de Dresde. Comment nous saisir de cette question alors que les nominations intéressent très peu de personnalités extérieures à la France ?

Il convient, en dernier lieu, d'être attentif au nombre de mandats successifs des dirigeants des institutions culturelles. « La seule manière de protéger sa culture, c'est d'accepter de la mettre en danger », disait l'architecte Paul Andreu. Eh bien, mettons-la en danger par le biais du renouvellement !

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Bien sûr.

Pour promouvoir la culture, de nouvelles scènes, de nouvelles générations d'artistes sont nécessaires. Il convient d'assurer ce renouveau, même si les personnes quittant leur place et postulant à d'autres aventures artistiques pourraient diriger d'autres institutions. Ainsi, la limitation du nombre de mandats et de la durée de direction d'une institution permettrait d'instaurer une respiration des politiques culturelles.

Madame la ministre, vous envisagez qu'aucun directeur ne puisse faire plus de quelques mandats.

Debut de section - Permalien
Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication

Trois et exceptionnellement quatre.

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Pourquoi pas ? En tout cas, en proposant l'amélioration du processus de recrutement à la tête des grandes institutions culturelles, la résolution veut renforcer le socle même de notre culture.

N'oublions pas en effet que ces grandes institutions ne sont autres que les maîtres d'oeuvre de notre politique culturelle. « La culture ne s'hérite pas, elle se conquiert », disait André Malraux. Alors, ouvrons les portes à la conquête !

Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.

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Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes unanimes pour affirmer qu'elles sont rares ces femmes qui, comme Muriel Mayette, première administratrice générale de la Comédie française, sont à la tête de grands établissements culturels.

Le constat est similaire dans le premier état des lieux dressé par l'Observatoire de l'égalité sur lequel s'appuie le Comité ministériel pour l'égalité des femmes et des hommes dans la culture et la communication : « quel que soit le type de structure, » l'Observatoire relève « un accès limité des femmes aux plus hautes responsabilités » et souligne que les rares structures dirigées par des femmes « reçoivent des subventions plus faibles que celles dirigées par des hommes. »

Les inégalités criantes entre hommes et femmes dans le domaine artistique et culturel sont enfin rendues visibles : malgré la présence de celles-ci au niveau des recrutements dans les écoles supérieures, la surreprésentation masculine est particulièrement marquée dans l'accès à la direction des établissements culturels publics.

Le secteur artistique et culturel ne serait-il pas l'expression d'une société ouverte, toujours en mouvement ? La culture, qui a vocation à influencer notre société, a-t-elle quitté son rôle de précurseur pour devenir réactionnaire ? Elle se doit, au contraire, de montrer la voie et d'évoluer vers une vraie mixité, une vraie parité. « L'amour de la démocratie est celui de l'égalité », nous disait Montesquieu. Démocratisons donc la culture par cette parité.

Il est indispensable que l'État et les pouvoirs publics se mobilisent et prennent des mesures fortes. La culture n'est pas l'apanage des hommes, il nous faut nous élever contre ces conservatismes. Cela passe par l'adoption de politiques de nominations à la tête des établissements culturels plus conformes à l'objectif de renforcement de l'égalité entre les hommes et les femmes.

À l'instar de Juliette Drouet et de Blanche Hoschedé, nombre de femmes ont marqué de leur empreinte la vie culturelle française et n'ont pas eu la reconnaissance qu'elles méritaient. En effet, les femmes se heurtent à de nombreux obstacles, à de nombreux stéréotypes qui incitent même les plus jeunes d'entre elles à se censurer, à se sous-estimer. Nombreuses sont celles qui renoncent à prétendre à la direction d'une instance culturelle et à se projeter dans ces fonctions.

Or la désignation des directeurs d'institutions culturelles est un élément important car de sa qualité dépendent le rayonnement et le dynamisme de l'établissement. Le service public, en favorisant la mixité en matière de recrutement, permettra à ces institutions de rester le terrain d'expérimentation d'idées nouvelles.

La culture est une reconstruction permanente, elle ne peut rester figée sur d'anciens modèles. Si le secteur culturel veut continuer à jouer un rôle déterminant dans notre société, l'exigence de renouvellement est une condition sine qua non. L'amélioration de la place des femmes et, plus largement, l'assurance d'une diversité socioculturelle sont par conséquent indispensables.

Cela peut, certes, sembler minime au regard des inégalités qui pèsent encore sur les carrières féminines. Néanmoins, nous pouvons d'ores et déjà nous réjouir de la prise de conscience de ce problème ainsi que de l'engagement, avec cette proposition de résolution de notre collègue Patrick Bloche, d'une réflexion sur les procédures de consultations préalables à la nomination de ces dirigeants.

La culture doit s'adresser au plus grand nombre, à des citoyens de tous âges, issus de milieux différents. La politique culturelle publique doit s'inscrire dans un projet large de développement démocratique tenant compte des évolutions sociétales.

C'est en réduisant l'inégalité dans l'accès aux postes à responsabilité dans ces grands organismes publics, que ceux-ci pourront correspondre aux réalités actuelles. C'est également par ce biais qu'ils seront en mesure de rencontrer, voire d'anticiper les attentes et sensibilités d'une population et de créer une vraie connexion entre l'art et le citoyen.

« L'admission des femmes à l'égalité parfaite serait la marque la plus sûre de la civilisation, et elle doublerait les forces intellectuelles du genre humain » : c'est en ces termes que Stendhal prônait non pas la discrimination positive mais un rééquilibrage fondamental. Alors le secteur public de la culture sera. Et la diversité des talents, des origines et des expériences à la tête de ces institutions sera la pertinence du secteur public de la culture.

Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.

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Théâtres, musées, centres chorégraphiques, cinéma, où sont les femmes, madame la ministre, mes chers collègues ? Dans les directions de l'administration culturelle, on ne compte que 18 % de femmes ; 8 % dirigent des théâtres et 4 % des maisons d'opéra. Seulement six des vingt musées nationaux sont dirigés par des femmes. Dans les théâtres ou les centres chorégraphiques, on est loin, très loin de la parité.

Or dans leur majorité ces désignations à la tête des grandes institutions culturelles sont le fait de l'exécutif et elles le resteront après la création de ces commissions.

Au regard de cette situation, la résolution – que je remercie Patrick Bloche d'avoir proposé – réaffirme qu'il est nécessaire de mieux garantir la parité dans tous les champs de l'action publique, et notamment dans le processus de désignation des dirigeants des grandes institutions culturelles.

Ces fortes inégalités se retrouvent dans l'emploi des artistes et tous les métiers liés à la culture. Les places dans les programmations sont largement occupées par des hommes : 97 % des compositeurs sont des hommes ; 85 % des textes joués au théâtre sont écrits par des hommes ; 95 % des concerts sont dirigés par des hommes. Dans ce dernier domaine précis, il nous a été rapporté que les auditions pour accéder à certains conservatoires doivent avoir lieu derrière un rideau pour rendre les candidats anonymes et limiter les discriminations. Il est même conseillé aux femmes de ne pas mettre de chaussures à talons pour ne pas être reconnues.

Sourires.

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C'est une réalité, malheureusement !

S'y ajoute une répartition discriminante des financements. Comment expliquer que le coût moyen d'un spectacle peut varier du simple au double, dans une même institution, selon qu'il est mis en scène par une femme ou par un homme ? On retrouve là un phénomène de discrimination dans les financements déjà observé dans la recherche à l'université : les équipes de recherche féminines ont moins d'argent que les équipes masculines.

Le milieu de la culture n'est pas hors de notre société. On y véhicule les mêmes préjugés. On y développe les mêmes violences sexistes. Ces phénomènes de discrimination et d'exclusion des femmes diffèrent peu de ceux que l'on observe dans d'autres secteurs.

Cela peut surprendre. Est-ce que la culture n'a pas aussi vocation à être non-conformiste, voire subversive, à casser les codes plutôt qu'à les reproduire et à renforcer les stéréotypes ?

Selon Reine Prat, auteure, à la demande du ministère de la culture, de deux rapports sur l'égalité, « ce qui […] renforce la résistance au changement, dans le milieu du spectacle, réside sans doute justement dans son activité même et sa raison d'être : ayant à charge de produire et de proposer des représentations, il a tendance à illustrer et justifier l'organisation inégalitaire et ségréguée du corps social ». Si la culture représente notre société, il n'est pas surprenant que les femmes y soient discriminées, et qu'on y retrouve des comportements sexistes. Le poids des stéréotypes véhiculés par la culture et les médias n'est pas anodin. « À la télévision », et vous le savez, madame la ministre, « le temps de parole des femmes est très majoritairement consacré au témoignage alors que celui des hommes est la plupart du temps lié au savoir ».

Aujourd'hui, France Télévisions s'est dotée d'un répertoire de femmes pouvant être sollicitées, notamment en tant qu'expertes. Que les responsables des programmations s'en saisissent.

Au regard de son importance dans toute société, la sphère de la culture a potentiellement une influence, donc une responsabilité quant aux représentations qu'elle diffuse auprès des spectateurs, et donc de nos concitoyens.

L'impact des inégalités dans la culture est tel qu'il ne peut être ignoré. C'est une injustice flagrante qui est faite aux femmes, notamment artistes, dans notre pays, qui n'est pas compatible avec nos exigences républicaines. C'est un gâchis de compétences et de talents. C'est une limite au rayonnement artistique, et une entrave au développement économique du secteur. La société se prive de compétences, et, en ce qui me concerne, je n'aurais aucun problème à en trouver chez les femmes.

Faire progresser la place des femmes permettrait de renouveler et vivifier ce secteur, objectif important pour un pays qui défend l'exception culturelle. Et la parité pourrait être l'un des enjeux de cette exception culturelle française.

Enfin, si les représentations artistiques tendent aujourd'hui à renforcer les normes sexistes, je sais qu'elles peuvent aussi contribuer à l'invention de nouveaux rapports plus justes.

Du chemin reste à parcourir pour relever ces défis. La résolution que nous examinons doit constituer un pas important. Elle s'appuie sur une résolution du Parlement européen du 10 mars 2009.

L'État doit mettre en oeuvre le principe de parité et, au-delà des nominations, la place des femmes doit devenir une dimension forte des politiques publiques culturelles. Ce secteur est fortement subventionné. La puissance publique dispose d'outils pour faire appliquer la loi. L'intervention publique ne doit certes pas s'immiscer dans le processus de la création artistique, mais elle peut garantir la parité aux postes de direction, l'égal accès aux moyens de production et à la diffusion, la mixité des programmes, la déconstruction des représentations sexistes. Il faut inscrire l'égalité entre femmes et hommes dans les cahiers des charges, renforcer le rôle de l'observatoire de l'égalité que vous avez bien voulu, madame la ministre, créer au sein de votre ministère, mettre en place des statistiques sexuées qui nous permettraient de mesurer le phénomène. La mobilisation du Gouvernement est essentielle. Je sais qu'elle est au rendez-vous.

Nos imaginaires sont largement colonisés par les représentations inégalitaires, sexistes, transmises par les médias ou certaines créations artistiques. Cela commence dès le plus jeune âge. J'ai d'ailleurs mis en place cette année, dans ma circonscription, un prix des albums de jeunesse non sexistes.

La culture peut être un frein aux évolutions nécessaires vers une société plus juste, comme elle peut au contraire les favoriser.

Comme Virginia Woolf le déplorait déjà, la littérature est appauvrie, au-delà de ce que nous pouvons en juger, par toutes ces portes qui ont été refermées sur les femmes. Alors, madame la ministre, ouvrons-les !

Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.

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La discussion générale est close.

La parole est à Mme la ministre de la culture et de la communication.

Debut de section - Permalien
Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication

Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, je veux tout d'abord vous remercier – particulièrement M. le président de la commission des affaires culturelles – d'avoir inscrit cette proposition de résolution à l'ordre du jour.

Vous le savez, je souhaite réorienter l'action de mon ministère autour de deux axes majeurs.

Il s'agit tout d'abord de la refondation et de la réinvention du cadre d'intervention du ministère, avec un nouveau pacte culturel qui permettra de moderniser les outils de la politique culturelle, dans le domaine de l'audiovisuel, du spectacle vivant et du patrimoine. Cela concerne aussi l'exception culturelle et la définition des outils qui y sont attachés, à l'heure du numérique.

Le deuxième axe, vous le savez, c'est le lien nouveau entre, d'une part, l'art et la culture et, d'autre part, nos concitoyens, partout, dans toutes les régions ; c'est aussi le sens de la priorité que je donne à l'éducation artistique et culturelle. Nous y travaillons déjà et nous devons continuer à y travailler ensemble.

Ce nouveau pacte culturel doit aussi s'illustrer dans une politique volontariste et exemplaire en termes de nominations. Le Gouvernement est très attendu sur ce sujet. Je me félicite donc que l'Assemblée nationale s'en saisisse aujourd'hui.

La proposition de résolution le souligne : le bilan des désignations dans le monde culturel fait effectivement apparaître beaucoup d'insuffisances, notamment en ce qui concerne la représentation des femmes. Vous avez cité les chiffres, ils sont tristement éloquents. C'est grâce à l'Observatoire de la parité et au recueil de statistiques extrêmement fouillées que je mets en place au sein du ministère de la culture que nous pourrons voir ces indicateurs évoluer.

Mais, grâce au nombre important des mandats de direction et de présidence des institutions culturelles, nous avons déjà l'occasion de dessiner une évolution sensible du paysage culturel, une évolution propre à entraîner une meilleure adéquation de ces organisations avec leur époque, avec la société dans toute sa diversité.

C'est d'ailleurs un engagement du Gouvernement au titre de la priorité donnée à la jeunesse, au renouvellement des générations et à la parité. Il doit traduire le nouveau pacte culturel que j'ai évoqué et il doit permettre la réalisation de projets, qui soient à la fois cohérents avec ces objectifs et, surtout, innovants du point de vue artistique et esthétique.

La politique des nominations porte donc autant sur des questions de principe et d'organisation que sur des situations précises liées à des personnes. Autant il faut être exigeant sur ces principes et ces critères, autant nous devons être absolument irréprochables en ce qui concerne la liberté de programmation des choix artistiques, apanage et prérogative des seuls dirigeants des établissements culturels.

Depuis plusieurs années, des procédures cadrées sont en place pour l'ensemble des établissements subventionnés par des financements croisés de I'État et des collectivités territoriales, des établissements où, en tant que ministre, je tiens à le dire, je ne détiens d'ailleurs pas toujours le pouvoir de nomination stricto sensu. Il s'agit des centres dramatiques nationaux, des centres chorégraphiques nationaux, des scènes nationales ainsi que des structures associatives mais aussi des établissements publics de coopération culturelle, les EPCC.

Dans les établissements publics nationaux, pour lesquels je dispose du pouvoir de nommer ou de proposer des nominations au président de la République ou au Premier ministre, les statuts prévoient déjà un certain nombre de règles, mais une étape extrêmement importante va être franchie avec la mise en oeuvre de la circulaire du Premier ministre du 3 mai dernier. Celui-ci a en effet décidé que, pour chaque nomination à la discrétion du Gouvernement, trois noms doivent être proposés, dont celui d'une femme et celui d'une personne appartenant au vivier interministériel constitué à cet effet. Cela permettra de proposer des profils et des parcours professionnels plus variés, en parfaite adéquation avec les motifs qui fondent votre proposition de résolution. La réflexion que cette dernière préconise de mener sur ces procédures répond donc parfaitement aux nouveaux enjeux de transparence et de parité auxquels j'adhère absolument.

Je veux d'ailleurs m'inscrire en faux contre les critiques formulées par M. François de Mazières, à propos des nominations auxquelles j'ai pu procéder depuis mon arrivée au ministère de la culture. Il s'agit ici de questions de principe, et je trouve assez déplacé de critiquer des personnes. Certes, on peut prendre des exemples, mais je pense que la famille politique à laquelle vous appartenez, monsieur le député, n'a pas du tout été exemplaire, c'est peu de le dire, au cours des cinq années qui ont précédé.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je n'ai pas critiqué les personnes, j'ai dit qu'elles étaient compétentes, mais que vous aviez la possibilité de nommer des femmes !

Debut de section - Permalien
Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication

Marcel Rogemont a rappelé avec beaucoup de pertinence ce qui s'est passé, le jeu de chaises musicales qui s'est tenu dans une alcôve élyséenne à propos du théâtre de l'Odéon et du festival d'Avignon.

Debut de section - Permalien
Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication

À l'époque, on était d'ailleurs nommé à la discrétion non pas du ministre de la culture mais du Président de la République lui-même ! Cela a même été tout à fait officialisé dans le domaine de l'audiovisuel public, dont j'ai eu l'honneur de présenter aujourd'hui une réforme extrêmement importante, qui le rétablira dans toute son indépendance.

Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.

Debut de section - Permalien
Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication

Vous avez soulevé la question d'une plus grande formalisation des méthodes et procédures pour nos établissements publics nationaux. J'ai déjà pu m'entretenir avec un certain nombre d'entre vous à ce sujet. Je m'interroge néanmoins sur la mise en place systématique d'une commission de sélection pour ces nominations. Cela pose un certain nombre de problèmes et de questions ; vous le savez, car nous en avons parlé.

Tout d'abord, le cadre constitutionnel est très contraignant. Le Conseil constitutionnel a jugé à plusieurs reprises, en tout dernier lieu au mois de décembre dernier, que le principe de séparation des pouvoirs ne permet de subordonner l'exercice du pouvoir de nomination dévolu à l'exécutif à l'audition par les assemblées parlementaires que dans le cadre de dispositions constitutionnelles précises et limitatives. Vous le savez, cela concerne des domaines importants pour la garantie des droits et libertés ou pour la vie économique et sociale de la nation. Dans le domaine culturel, c'est uniquement le cas des présidences du CSA et de l'audiovisuel public. En l'état actuel de la Constitution, une telle procédure est donc fort peu susceptible d'être appliquée très largement, a fortiori lorsqu'il s'agit de décrets soumis à la signature du Président de la République, par exemple la nomination du président-directeur du musée du Louvre.

Par ailleurs, le relais d'un collège d'experts n'est pas toujours approprié. Tout d'abord, il importe que l'exécutif puisse assumer la responsabilité de ses choix, parce qu'il ne s'agit pas toujours de choisir un expert par l'intermédiaire d'experts, il s'agit aussi de choisir le chef d'un établissement qui est sous la tutelle de l'État, tout en sachant que le ministre ou la ministre reste comptable devant vous de l'accomplissement des missions exercées.

Le recours à une commission se révèle néanmoins extrêmement utile, notamment lors de successions difficiles, lorsque l'État rencontre une difficulté objective pour identifier les personnalités qui pourraient se porter candidates ou encore lorsque l'on souhaite d'emblée élargir le recrutement à un niveau international. Mais je ne crois pas que ce soit la réponse à toutes nos interrogations.

Il me semble donc d'ores et déjà indispensable de répondre à l'attente légitime d'une plus grande transparence et d'un certain formalisme afin d'éviter l'impression de favoritisme ou d'opportunisme dans le choix des responsables. Pour cela, nous devons poser un certain nombre de principes.

C'est ce que j'ai fait, en signant une circulaire qui porte sur toutes les structures en région : les centres dramatiques, les centres chorégraphiques, les scènes nationales, etc. Cette circulaire pose des principes simples. Tout en gardant à l'esprit que, pour le choix des projets qui sont proposés et donc des hommes et des femmes qui seront amenés à les conduire, un jury réunissant l'État et les collectivités territoriales partenaires sera constitué, il s'agit pour moi d'aller – ou d'orienter – vers la parité dans les jurys et dans les listes restreintes produites par ces jurys. Il s'agit là d'une réforme absolument indispensable.

J'ai également souhaité poser une limite claire à la durée cumulée des mandats, qui a été évoquée par certains d'entre vous. Le nombre maximum de mandats est fixé à trois. Il pourra être porté à quatre de manière exceptionnelle, mais cette exception est régie par des règles. Il faudra en effet, pour y recourir, respecter des critères très stricts : si, par exemple, l'établissement a subi des travaux qui ont entravé son fonctionnement pendant un certain temps. Le ministère appréciera ces critères.

Ces règles permettent d'assurer la fluidité des nominations et de faire bouger les lignes. Elles assureront un renouvellement des générations, et donneront également une plus grande place à la parité. Cela est indispensable pour tous les établissements qui relèvent du financement public : on en perçoit déjà les effets. Pour vous donner un exemple précis, sur les scènes nationales, la part des candidatures féminines s'élevait auparavant à peine à 30 %. Au cours des trois dernières procédures de sélection, 49 % des candidats étaient des femmes à Martigues, 52 % à Chambéry, et 56 % à Cavaillon. Sur 25 dossiers de candidature au Centre national de Béthune, dont la liste vient d'être établie, 13 ont été déposés par des femmes. J'ai procédé à quatre nominations dans les centres dramatiques nationaux, en respectant la parité : deux hommes ont été nommés à Sartrouville et à Dijon, Sylvain Maurice et Benoît Lambert, et deux femmes à Bordeaux et à Aubervilliers, Catherine Marnas et Marie-José Malis.

Les listes restreintes paritaires permettent, dans les procédures en cours à Lille, à Besançon et à Rouen, de renforcer la visibilité des femmes et de donner toute leur place aux nouvelles générations. Enfin, je viens d'agréer la nomination de Mme Catherine Dan à la tête du Centre culturel de rencontre de la chartreuse de Villeneuve-lès-Avignon.

Debut de section - Permalien
Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication

Enfin, en matière de gouvernance des associations, la parité est respectée dans les nominations de personnalités qualifiées aux conseils d'administration, comme par exemple au festival d'art lyrique d'Aix-en-Provence, à la présidence de plusieurs institutions, et prochainement à l'orchestre de chambre de Paris. Mon intention est de poursuivre cette démarche lors des renouvellements à venir.

Vous avez abordé le sujet de la musique classique. Il s'agit d'un milieu extrêmement masculin. Là encore, je prendrai le plus rapidement possible un certain nombre de décisions permettant d'améliorer la représentation des femmes.

Pour ce qui concerne la programmation, j'ai été très claire : la ministre n'a pas à s'immiscer dans ce domaine. Il faut respecter la liberté de programmation. En revanche, j'ai été à l'initiative de la « Saison égalité » qui permettra de valoriser nos établissements culturels qui s'engagent dans une démarche de promotion des femmes artistes. Cela commencera dès septembre prochain.

Debut de section - Permalien
Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication

Comme vous le voyez, nous avons déjà obtenu quelques résultats très concrets pour ce qui a trait aux nominations.

Pour répondre à M. de Mazières, je rappelle que la parité au sein de mon cabinet est plus que respectée. J'ai également parfaitement respecté la parité dans mes nominations aux postes de directeur régional des affaires culturelles et de directeur régional adjoint aux affaires culturelles.

Cette fluidité et cette transparence seront désormais des principes intangibles. Il faut aussi, bien entendu, informer préalablement le responsable en place de l'intention du Gouvernement quant à son renouvellement, puis faire connaître publiquement cette décision, pour susciter des candidatures. Trop souvent, des responsables candidats à leur propre succession semblaient s'imposer de manière naturelle, empêchant ainsi l'émergence d'autres candidats. Il s'agit aussi de définir des critères d'appréciation transparents, prenant notamment appui sur les textes réglementaires qui définissent les profils recherchés. Enfin, il s'agit d'assurer un traitement égal de tous les candidats, qui doivent être reçus de la même manière, et avoir la possibilité de défendre leur projet, qu'ils doivent remettre par écrit.

Ces principes s'appliquent bien sûr aux établissements publics nationaux : j'ai mis en oeuvre une telle procédure pour la présidence du Louvre. Les candidats reçus, auditionnés, avaient tous déposé un projet. Plus récemment encore, pour la présidence du musée Guimet, l'ensemble des candidats potentiels étaient parfaitement informés de la nomination à venir, des enjeux et des délais qui encadrent la procédure. Ils ont été invités à remettre un projet, ont été auditionnés de manière équitable. Je peux à présent vous proposer de rendre public le projet du candidat retenu.

L'année 2013 sera riche en nominations, particulièrement dans les établissements labellisés par le ministère. Il est donc important que les principes que je viens de décrire continuent d'être appliqués comme je le souhaite, même si cela suscite parfois, il faut le dire, quelques réticences. Malgré cela, il est indispensable d'appliquer ces principes pour rendre perceptible le changement de cap.

Énoncer clairement ces principes et ces mécanismes procéduraux devant la représentation nationale est déjà, à mon sens, une grande avancée. Le message que je veux vous faire passer n'est donc pas celui de l'immobilisme, de la fatalité ou du renoncement ; bien au contraire, nous avançons ensemble pour atteindre tous ces objectifs. Je crois que les objectifs de la circulaire, des instructions données par le Premier ministre et de votre proposition de résolution sont convergents. Cela correspond aux principes que vous avez posés. Je me félicite donc de cette initiative parlementaire, et du soutien que lui apportent non seulement les parlementaires SRC, mais aussi ceux d'autres groupes. Cela correspond à la fois mes préoccupations de ministre, et aux exigences de notre époque.

Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, Écologiste et RRDP.

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Nous en avons fini avec l'examen de la proposition de résolution.

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Dans les explications de vote, la parole est à M. François de Mazières, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

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Le groupe UMP s'abstiendra sur le vote de cette proposition de résolution.

Madame la ministre, je dois dire que j'ai été un peu surpris par votre réaction. Je n'ai pas du tout mis en cause – j'ai bien insisté sur ce point – la compétence des personnes nommées. J'ai simplement remarqué qu'il est étrange de nommer aux postes de secrétaire général et de directeur de patrimoine deux personnes issues de la mairie de Paris, et dont le cursus n'est pas culturel. Je n'ai dit que cela. Je les connais par ailleurs : ce sont des personnes compétentes. Vous me dites que je remets en cause leur compétence : ce n'est pas vrai, madame la ministre. Je n'ai pas du tout dit cela. J'ai simplement dit qu'en observant l'histoire du ministère de la culture, on se rend compte que les personnes qui jouent un rôle clé dans le processus de nomination, celles qui font des suggestions au ministre, sont les directeurs généraux – anciennement appelés directeurs.

Appliquer les exigences que vous avez très bien décrites – je le reconnais – à ces nominations-là aurait été un symbole fort. Il y a donc une contradiction. Voilà simplement ce que j'ai dit !

J'ai été par ailleurs un peu choqué de vous entendre évoquer les « alcôves élyséennes ». Je n'ai pas bien compris le sens de cette expression : il faudra me l'expliquer. Franchement, cela m'a choqué : j'aimerais savoir de quoi il s'agit. Il s'agit de choses assez graves !

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Mais enfin, c'est la réalité ! C'est ce qui s'est passé pour la nomination du directeur du théâtre de l'Odéon !

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Je ne vois pas en quoi on peut dire que cette nomination a été décidée dans les « alcôves élyséennes ».

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Ce n'était pas une alcôve, d'accord, mais une salle à manger !

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Un petit peu de calme, monsieur Rogemont, merci de laisser votre collègue s'exprimer.

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Il n'a pas à nous donner de leçons de morale.

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Je pense qu'il faut l'expliquer publiquement. Pardonnez-moi, mais quand on dit quelque chose comme cela devant la représentation nationale, il faut le justifier !

Je tiens à rétablir la vérité : je n'ai jamais critiqué ces fonctionnaires, qu'au surplus j'apprécie, car ce sont des personnes intelligentes. Cependant il faut bien dire que ce choix est tout de même étonnant ! On aurait pu choisir des personnes ayant une expérience dans le patrimoine, ou au ministère de la culture, et qui ne viennent pas du même endroit ! C'était l'occasion rêvée d'affirmer les principes de votre politique en matière de nominations – que je comprends par ailleurs très bien. Votre volonté de féminiser les nominations relève de votre entière liberté de ministre. On peut même dire qu'en soi, c'est une bonne chose.

Il faut cependant mener cette politique en respectant notre histoire, et celle de ce ministère. Vous avez tous les moyens pour cela, comme vous l'avez démontré au cours de votre intervention en énumérant les nominations auxquelles vous avez procédé.

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Dans les explications de vote, la parole est à M. Patrick Bloche, président de la commission des affaires culturelles, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

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Je m'exprimerai brièvement, car beaucoup de choses ont déjà été dites. Je profite de cette explication de vote pour, au nom du groupe SRC, me réjouir de la qualité des échanges qui ont eu lieu sur tous les bancs de cette assemblée. En disant cela, j'ai à l'esprit la décision prise par le groupe UMP de s'abstenir : j'y vois un signe, sinon d'ouverture, du moins d'intérêt.

Dans cette grande alcôve qu'est l'hémicycle de l'Assemblée nationale

Sourires

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,qui présente cet avantage que tout s'y passe de la manière la plus publique qui soit, la représentation nationale remplit son rôle. Nous sommes attachés aux valeurs et aux principes sur lesquels nous avons construit notre pacte républicain. Il s'agit donc pour nous, par cette proposition de résolution, de l'illustrer. Pour cela, nous avons parlé de diversité, de parité, en un mot : d'égalité.

C'est cette belle promesse d'égalité que nous souhaitons faire vivre en adoptant ce projet de résolution. Vous direz qu'il ne s'agit que d'une résolution, mais les articles 34 et 37 de notre Constitution définissent les domaines respectifs de la loi – dont l'édiction relève du Parlement – et du règlement – qui relève de la responsabilité du Gouvernement, et donc de Mme la ministre ici présente. Il est donc très difficile d'établir des normes de rang législatif en ce domaine, sauf à s'attirer les foudres du Conseil constitutionnel. Cela nous conduirait en effet à outrepasser nos compétences.

C'est la raison pour laquelle l'adoption d'une résolution – possibilité ouverte par la révision constitutionnelle de 2008 – est appropriée. Cela nous amène à faire non pas oeuvre normative, mais oeuvre législative, au service de l'intérêt général, de l'intérêt commun. Nous pouvons ainsi, d'une certaine manière, dire que dans tous les domaines, nous sommes là pour traduire le mouvement de la société et, quand il y a des résistances, donner les bons signes. Je pense que c'est ce que tous les groupes ont voulu exprimer. Je me réjouis que le Gouvernement ait adhéré avec tant d'enthousiasme à notre démarche.

Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.

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Merci, monsieur le président de la commission.

Chacun aura reconnu dans l'emploi du terme d'alcôve un signe de l'esprit littéraire de Mme la ministre, et aura compris qu'il fallait l'entendre dans son acception du XVIIe siècle.

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Je vais maintenant mettre aux voix la proposition de résolution.

La proposition de résolution est adoptée.

Vote sur l'ensemble

La séance, suspendue à dix-huit heures quarante, est reprise à dix-huit heures quarante-cinq.

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L'ordre du jour appelle la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires (n°s 838, 1091).

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La parole est à M. le ministre de l'économie et des finances.

Debut de section - Permalien
Pierre Moscovici, ministre de l'économie et des finances

Madame la présidente, monsieur le président de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire, madame la rapporteure de la commission des finances, mesdames, messieurs les députés, je souhaite, tout d'abord, vous dire mon plaisir et ma fierté, alors que s'ouvre la deuxième lecture du projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires.

Plaisir et fierté sur le fond, tout d'abord, car je suis, en effet, convaincu que, je l'espère, vous allez voter, va redessiner un paysage bancaire à la fois plus stable et plus éthique au service de la croissance et de l'économie réelle. C'est la juste place de la finance, sa juste mission : avec ce projet de loi, nous veillons ensemble à ce qu'elle la remplisse.

Plaisir et fierté sur la forme, aussi, car, sur ce texte, je crois pouvoir affirmer, et plusieurs d'entre vous m'ont fait l'amitié de le reconnaître, le Gouvernement et la représentation nationale ont travaillé main dans la main, ont véritablement fait oeuvre de coproduction et l'écoute et l'échange ont été exemplaires. La qualité du projet de loi que vous examinez, aujourd'hui, en est la résultante directe. Ce texte est, en réalité, largement le vôtre, mesdames, messieurs les députés, même si le Gouvernement y a, bien sûr, pris toute sa part.

Plaisir et fierté sur la méthode, enfin, parce que j'ai tenu, à chaque étape, à faire systématiquement le lien entre nos travaux, en France, et les travaux au niveau européen qui avançaient en parallèle, souvent sous impulsion française. Cette articulation fine permet à la France de faire preuve de leadership auprès de ses partenaires, tout en préservant la compétitivité de son économie. J'ai, en effet, toujours eu, au cours de ces discussions, le souci de veiller à ce que notre économie soit compétitive. C'est donc à la fois avec confiance, et aussi avec quelque impatience, que j'entame avec vous cette deuxième lecture du projet.

Je voudrais, tout d'abord, revenir très brièvement sur les principaux axes structurants de ce que je vois comme une grande réforme. Mon objectif depuis un an, au niveau national et au niveau européen, c'est de mettre la finance au service de la croissance. Cet objectif se décline, dans le projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires, autour de trois principes : stabilité financière, soutien à la croissance, justice.

Premier des grands axes de ce projet de loi : la stabilité financière ou, pour le dire autrement, la maîtrise des risques financiers. C'est, bien sûr, l'objectif de la séparation des activités, avec la mise en quarantaine dans une filiale des activités spéculatives que la banque mène pour compte propre, c'est-à-dire – sans la loi – au risque des dépôts de ses clients. La maison mère, je le rappelle, ne pourra pas davantage financer cette filiale en cas de difficulté, quitte à la condamner. Vous vous souvenez que, si nous avons choisi, avec ce texte, d'isoler spécifiquement ces activités, c'est parce que ce sont elles qui ont concentré le gros des pertes que les banques françaises ont essuyé sur les marchés pendant la crise. Le cantonnement – utilisons ce mot – protégera la maison mère et ses clients et empêchera que les activités pour compte propre ne retrouvent leur niveau d'avant la crise, lorsqu'elles menaçaient la stabilité financière.

Autre axe clé du projet pour prévenir l'instabilité financière : la prévention et le contrôle du risque systémique. Le texte propose, sur ce point, un ensemble très concret et très complet d'avancées. Je citerai, tout d'abord, le renforcement des structures et des compétences de l'Autorité de contrôle prudentiel qui devient Autorité de contrôle prudentiel et de résolution. Il y a surtout l'obligation, pour chaque établissement, de se doter d'un « plan préventif de résolution ». Qu'est-ce qu'un plan de résolution ? On peut le concevoir un peu comme un plan d'évacuation d'un bâtiment dans lequel un incendie se serait déclaré. Avec un plan d'évacuation incendie, on doit pouvoir répondre à des questions comme : « Que faut-il sauver ; où cela se trouve-t-il ? » – il faut, bien sûr, tout sauver ; « Comment organiser une évacuation relativement ordonnée et éviter le chaos ? » ; enfin, « Comment faciliter l'intervention des pompiers ? ». Un plan de résolution répond peu ou prou aux mêmes questions. Les avancées qu'il représente pour la stabilité du système bancaire français sont évidentes. J'évoquerai également la création d'une nouvelle autorité, le Haut conseil de stabilité financière qui sera doté de vrais pouvoirs d'intervention, ce qui manque énormément aujourd'hui dans le paysage, avec une double mission : la prévention et la surveillance des risques systémiques. Dernier aspect, l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution pourra interdire à un établissement la poursuite d'activités présentant des risques excessifs, soit pour lui-même soit pour le reste du système bancaire et financier. Il s'agit, en effet, de prévenir le risque individuel pour un établissement et le risque systémique. Voilà pour le volet « stabilité financière ».

Le deuxième volet de ce projet, c'est le soutien à la croissance. Il convient d'en avoir conscience : le secteur bancaire joue un rôle important pour le financement de l'économie – et je le dis sans aucune connotation idéologique –, pour l'appui aux décisions d'investissement des entreprises ou de consommation des ménages, composantes essentielles d'une croissance aujourd'hui atone. J'ajouterai qu'il doit jouer un rôle encore plus fondamental dans le financement de l'économie. Je souhaite que nos entreprises puissent continuer à trouver et trouvent davantage encore, demain, auprès du secteur bancaire les possibilités de financement dont elles ont besoin pour investir et se développer. C'est la raison pour laquelle j'ai fait le choix, assumé, de préserver le modèle français de banque universelle. Nous en avons traité, ici, pendant de nombreuses heures. Quand je dis que j'ai fait le choix de préserver le modèle français, je ne parle pas de le conserver en l'état, mais de le préserver en le réformant.

Dernière ligne de force qui traverse ce projet : la justice. Ce principe clé qui se cache derrière le volet « résolution » du texte, prévoit que l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution puisse faire peser les pertes d'une banque sur ses actionnaires et sur certains créanciers, plutôt que sur les épargnants ou les contribuables. Il s'agit de mettre un terme à cette étrange socialisation des pertes des banques en faillite en imputant d'abord les risques excessifs à ceux qui les ont pris, au lieu de le faire porter par la collectivité, selon le principe que j'ai énoncé, ici : « qui faute paie ». La justice, c'est également la boussole qui guide les dispositions du projet dans son volet « banque de détail ». Cela concerne, en particulier, les dispositions, que vous avez beaucoup améliorées, mesdames, messieurs les députés, qui protègent les clientèles, de l'encadrement des commissions d'intervention à l'amélioration de la procédure du droit au compte. La justice, enfin, c'est lutter contre tout ce qui sape l'équité dans les efforts que chacun doit consentir pour le redressement de l'économie du pays et, en particulier, son redressement budgétaire. Je pense à l'opacité financière, à l'évasion fiscale, au blanchiment d'argent. Parce qu'ils s'attaquent à la capacité des États à recouvrer l'impôt, parce qu'ils hypothèquent nos efforts de redressement des comptes en permettant à certains de s'y soustraire, ils doivent être combattus avec détermination. Avant de me rendre ici, j'ai participé, avec la garde des sceaux et avec le ministre délégué chargé du budget, à une réunion de la commission des lois qui examine le projet de loi de lutte contre la fraude fiscale. C'est, en réalité, un complément du texte dont nous discutons aujourd'hui. Le secteur bancaire doit, bien sûr, participer à cet effort, et c'est le sens des dispositions extrêmement ambitieuses issues de la première lecture sur la transparence pays par pays. Ces dispositions résultent, pour l'essentiel, des amendements proposés par des groupes Écologiste et SRC.

Stabilité, croissance, justice, telles sont les trois lignes de force du projet de loi.

Puisque nous examinons ce projet de loi en deuxième lecture, je veux à présent rapidement rappeler dans quel esprit la Chambre haute a mené ses travaux.

Vous vous en souvenez certainement, le Sénat a adopté ce projet de loi en première lecture sans opposition, aucune voix ne s'étant élevée contre, je tiens à le souligner, après des débats que je n'hésite pas à considérer comme fructueux. Si je devais les résumer en une phrase, je dirais que l'orientation principale de ces discussions a visé, dans l'ensemble, à renforcer et à préciser les suggestions, les décisions, les amendements des députés. Ces travaux se sont inscrits dans le prolongement des vôtres, en les complétant utilement.

Certaines préoccupations ou priorités, partagées par les deux chambres, ont, je le crois, reçu, à l'issue de la première lecture, une réponse solide, et ont à présent atteint leur point d'aboutissement. Il vous reviendra, bien entendu, d'en décider.

Je citerai quelques préoccupations ou priorités sans être exhaustif. Plusieurs amendements, qui s'inscrivent dans la logique des travaux de cette Assemblée, ont renforcé le cantonnement des filiales spéculatives, en évitant toute forme de contournement. En matière de trading à haute fréquence, un sujet dont nous avons beaucoup discuté ici et que nous avons renforcé et partiellement renvoyé au Sénat pour qu'il l'examine, je souligne, là encore, la complémentarité de vos travaux avec ceux de vos collègues sénateurs. Ils ont, ainsi, amendé le texte pour parachever le dispositif que l'Assemblée avait commencé à mettre en place, en incluant des obligations très complètes à la charge des bourses et des plates-formes de négociation pour qu'elles se dotent de capacité pour limiter le volume des ordres de trading à haute fréquence. Il y avait, à l'évidence, un sujet qui méritait d'être précisé. Il a été traité et les précisions ont été apportées. J'aurais pu prendre d'autres exemples concernant le nouveau régime de résolution ou le contrôle macroprudentiel qu'assurera le Haut Conseil de stabilité financière, ou encore les relations entre les banques et leurs clients. À titre d'illustration, je mentionne ainsi les mesures votées par le Sénat pour compléter celles adoptées, ici, sur la protection des locataires et propriétaires surendettés. Là encore, les préoccupations des deux chambres se sont rejointes.

Dans l'ensemble, donc, les travaux des deux chambres ont convergé, ce qui a permis, à l'issue de cette première lecture où un travail extrêmement important a été accompli, de renforcer le projet de loi tout en préservant sa cohérence.

Alors que s'ouvre la deuxième lecture, je voudrais prendre le temps d'une pause, pour mesurer avec vous l'ensemble des progrès accomplis ensemble sur ce texte. Ces progrès sont, d'abord, le fruit du travail remarquable que nous avons su mener ensemble. Ils sont le fruit de l'implication résolue du Parlement sur ce projet. On se plaint, parfois, que la discussion parlementaire soit enserrée et que le Gouvernement laisse peu de libertés à la représentation nationale. Je pense qu'on ne peut pas l'affirmer pour ce texte, sauf à faire preuve de mauvaise foi, ce qui n'est le cas de personne ici. En effet, 280 amendements – retenez ce chiffre ! – ont été adoptés en première lecture, dont beaucoup d'amendements de fond. Je tiens, par conséquent, à saluer la qualité de ce travail considérable. Sur les points clés du texte – la séparation des établissements, les procédures de résolution, l'encadrement des frais bancaires – le Parlement a enrichi et renforcé le texte, avec mon soutien, bien entendu. Sur tous les aspects qui n'étaient initialement pas prévus dans le projet, et pour lesquels j'ai laissé des espaces pour le débat, comme la lutte contre les paradis fiscaux ou le blanchiment de capitaux, notre discussion collective a été très ouverte et toujours fructueuse ; elle a conforté la ligne défendue par le Gouvernement. Je veux vous en remercier, avant de vous dire mon souhait que la seconde lecture se passe dans le même esprit, même si, bien sûr, et c'est naturel après tout ce travail, les sujets qui demeurent ouverts sont moins nombreux.

Je dirai un mot, enfin, sur le sens des avancées que nous soutenons ensemble, dans leur contexte européen, avant d'en venir brièvement aux enjeux de cette deuxième lecture. Je suis convaincu que les travaux essentiels menés en première lecture, avec le concours infiniment précieux de la représentation nationale – et je veux saluer le travail considérable accompli par votre rapporteure – ont permis de valider le bien-fondé de la méthode que je porte, et qui est une petite fierté personnelle. Cette méthode, vous la connaissez, repose sur trois principes. Il convient, d'abord, d'élever le regard, pour prendre en compte ce qui se passe en Europe. J'ai la conviction constante que l'agenda national et l'agenda européen ne sont pas disjoints, que nous devons avancer ensemble sur ces deux terrains et que la France n'est pas un isolat. Il s'agit, ensuite, de pousser au maximum notre voix et nos vues à Bruxelles et tout faire pour que les mesures que nous y promouvons soient généralisées au niveau européen.

Debut de section - Permalien
Pierre Moscovici, ministre de l'économie et des finances

Il convient, dernier point, de veiller à ne pas mettre en danger nos entreprises face à leurs concurrents européens ou à saper leur compétitivité. C'est l'approche qui a prévalu, avec succès, pour les dispositions concernant la transparence pays par pays, par exemple. Ainsi, le Sénat a adopté un amendement qui élargit le champ des informations que les banques devront rendre publiques au titre de la transparence pays par pays. Je me souviens de nos débats ici. Nous nous sommes demandés si ce n'était pas trop. En vérité, nous tenons simplement compte des avancées obtenues par la France au niveau européen. Nous avons été précurseurs, mais nous sommes déjà rattrapés et les deux choses se confortent, en réalité, l'une l'autre.

Le vote de l'Assemblée nationale avait permis de débloquer le débat européen et l'insertion d'une mesure équivalente dans la directive dite CRD 4. Le Sénat a ainsi pu ajouter sans risque des obligations de transparence concernant le résultat net, les impôts payés et les subventions publiques reçues, reprenant les points ambitieux poussés par la France auprès de ses partenaires et généralisés à l'Europe.

On nous avait reproché de mettre en danger nos banques, de saper leur compétitivité. Il n'en est rien puisque, en parallèle de la discussion en France, nous progressions de manière spectaculaire, tout le monde le reconnaît, dans le débat européen, en nous appuyant justement, c'est un peu la dialectique que je souhaite engager, sur ce que nous faisons dans notre pays.

On voit bien ici l'articulation réussie entre le niveau européen et le niveau national, au service de la stabilité financière, de l'éthique et de la croissance.

J'en viens aux enjeux de la deuxième lecture. Sur ce projet, je ne vois pas cette nouvelle étape de la procédure législative comme une formalité, bien au contraire. Je souhaite, avec votre concours, pousser les feux sur trois thèmes éminemment politiques, sur lesquels notre action est, je crois, très attendue des citoyens, et je lance là un appel à tous les bancs.

Si je souhaite approfondir ces trois thèmes, c'est tout simplement parce que, entre le 20 mars, date de la discussion générale au Sénat en première lecture, après la vôtre, et aujourd'hui, le monde et l'Europe surtout ont continué d'avancer, sous impulsion française en particulier. Je tiens énormément à ce que nous puissions articuler de manière très fine, tout au long de cette procédure législative, nos initiatives européennes et nos démarches nationales. À mes yeux, je le répète, il y a un continuum quasi parfait entre les deux.

Le premier de ces trois thèmes, ce sont les bonus des dirigeants des banques et des traders. J'évoquais il y a quelques instants la directive CRD 4, adoptée à Bruxelles. Je n'entre pas dans le détail, mais ce texte instaure un dispositif pour plafonner les bonus des dirigeants des banques et des traders, dispositif que la France a d'ailleurs vigoureusement poussé auprès de ses partenaires européens, qui s'y sont ralliés. Nous avons travaillé dans d'excellentes conditions avec la Commission européenne et le commissaire Barnier.

Nous voulions cette mesure. Nous voulions aussi qu'elle soit européenne, nous souhaitions que nos banques ne soient pas les seules à faire plus et mieux : l'ambition législative est légitime, le suicide compétitif serait condamnable. Nous avons obtenu que ces avancées, que nous avons défendues, s'appliquent à l'échelle de l'Europe. Nous avons à présent l'occasion, avec cette deuxième lecture, de transposer en droit français cette mesure essentielle, que nos partenaires européens sont prêts à accepter, pour moraliser et comprimer l'incitation au risque pris dans les banques.

Le deuxième thème est la lutte contre la fraude fiscale internationale.

Une vague s'est levée, en Europe, au G20, au G7, et se lèvera dans quelques jours au G8, j'en suis sûr, en Grande-Bretagne, pour donner des coups de boutoir contre l'opacité financière, particulièrement insupportable dans un contexte où il faut à la fois faire face à la crise et redresser les comptes publics.

La France a été à l'avant-poste de ce combat, elle en a été le fer de lance déterminé, elle a poussé la Commission européenne, par plusieurs initiatives coordonnées avec ses grands partenaires européens – j'ai beaucoup travaillé avec Wolfgang Schäuble, avec les ministres italien et espagnol et même le ministre britannique, Georges Osborne –, à être à la manoeuvre pour faire refluer ce qui, au final, est une anomalie.

J'ai notamment demandé, dans une initiative commune avec ces quatre grands partenaires européens, que l'Europe se dote d'un mécanisme inspiré du FATCA américain, inspiré car il ne s'agit pas de faire la même chose. Nous avancerons ensemble, avec ce groupe d'États volontaires, sur un projet pilote qui ira dans ce sens.

L'enjeu est simple, c'est de faire de l'échange automatique d'informations sur l'ensemble des revenus la nouvelle norme, le nouveau standard au sein de l'Union, avant qu'il ne devienne – pourquoi pas simultanément ? – le nouveau standard mondial.

Aujourd'hui, nous avons des échanges d'informations à la demande, qui, évidemment, ne sont pas satisfaisants parce qu'ils dépendent de conventions, pouvant être trop limitées, de réponses qui peuvent tarder, alors qu'avec l'échange automatique d'informations, les choses, par définition, vont vite et sont générales. Le système actuel est trop aléatoire, il ne permet pas de lutter efficacement contre la fraude et l'évasion fiscales internationales. Il faut donc aller plus loin, comme s'y sont engagés les États membres lors du Conseil européen du 22 mai, notamment sous l'impulsion du Président de la République, François Hollande.

Pour marquer notre détermination et faire preuve de leadership sur ce projet, qui est d'abord au service de la justice fiscale, je vous propose que le projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires inclue un dispositif permettant l'application, lorsqu'ils entreront en vigueur, des accords d'échange automatique d'informations de type FATCA. Concrètement, cela se traduira par l'insertion d'un amendement instaurant l'obligation d'information, qui reposera dans le futur sur les banques. C'est la base légale à l'échange automatique d'informations que nous pourrions instaurer ensemble ici.

Dernière avancée forte, l'extension à toutes les grandes entreprises du dispositif de transparence pays par pays déjà applicable aux banques, grâce à vos travaux en première lecture. Les banques seront désormais soumises à une obligation de transparence élargie. Je soutiendrai l'amendement déposé par le groupe socialiste qui vise à étendre ce dispositif aux grandes entreprises,…

Debut de section - Permalien
Pierre Moscovici, ministre de l'économie et des finances

…avec un seuil à définir par décret. Ce sera la traduction, en France, des avancées obtenues par le Président de la République lors du dernier Conseil européen.

Cela dit, et je réaffirme aussi mon attachement à la compétitivité de nos entreprises, de notre système bancaire, comme l'adéquation avec le mouvement européen doit se faire dans les deux sens, je souhaite que nos travaux tiennent compte de l'état d'avancement des discussions européennes. Dans cette optique, l'extension de ce dispositif de transparence pays par pays devrait se faire en même temps que celle de la règle au niveau européen, qui est d'ailleurs en très bonne voie. Les choses vont vite en vérité. Ce n'est donc pas différé à l'infini, et cela évite de nous exposer inutilement. C'est, je crois, de bonne méthode pour préserver la compétitivité de notre économie, sans baisser le niveau de nos ambitions.

Plafonnement des bonus, lutte contre la fraude fiscale avec le FATCA, extension des obligations de transparence pays par pays, tels sont pour moi les enjeux de cette deuxième lecture, même s'il y a d'autres amendements de très grande qualité, auxquels je répondrai favorablement, ou moins favorablement, toujours avec sagesse, j'espère.

Je souhaite que nous puissions reproduire dans les prochaines semaines l'étroite collaboration entre l'exécutif et la représentation nationale qui a fait le succès de ce projet en première lecture et que, sur ces trois nouveaux thèmes hautement politiques, de portée nationale mais aussi européenne et internationale, qui, je le sais, vont beaucoup vous mobiliser, nous puissions là encore faire preuve de leadership en Europe.

L'enjeu, au fond, chez nous comme en Europe et dans le monde, est le même, c'est de redessiner un paysage financier au service de la croissance. Je pense que ce texte, à son échelle, y contribue.

Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La parole est à Mme Karine Berger, rapporteure de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, mes chers collègues, cette deuxième lecture de la loi de régulation et de séparation des activités bancaires nous permet de construire bien plus qu'une loi de régulation. Grâce aux nombreuses mesures ayant permis d'enrichir le texte adoptées par l'Assemblée nationale et le Sénat et à celles qui seront encore proposées cette nuit, notamment par vous, monsieur le ministre, nous pouvons en fait dessiner une nouvelle stratégie de politique économique en matière financière.

Cette stratégie avait d'ailleurs été martelée à cette tribune par tous ceux qui ont compris le message de John Maynard Keynes, et notamment Pierre Mendès France ici même il y a plusieurs dizaines d'années. Le monétaire, c'est-à-dire la finance, doit être subordonné à l'économique, l'économique doit être subordonné au social, et le tout est, en définitive, politique. Comme le soulignait Pierre Mendès France, « croire que l'on peut amender l'économique, le monétaire, sans poser les problèmes qui sont en rapport avec la structure même de la société et les actions et les interactions des classes sociales les unes sur les autres, c'est se tromper lourdement ». Après un siècle de tâtonnements, nous savons que l'autorégulation ne marche presque jamais et que la régulation est la seule façon d'agir.

Le mot « régulation » est dans le titre de ce projet de loi, la régulation qui s'oppose au laisser-faire. C'est la politique qui organise les actions et les interactions sociales, ce sont ces rapports de forces que cette loi et tout l'arsenal de régulation financière désormais en place vont organiser dorénavant.

Cet arsenal va même au-delà de ce projet de loi. Il comprend la taxe sur les transactions financières, une révolution, qui se construit jour après jour à Bruxelles sous l'impulsion de la France, et j'espère, monsieur le ministre, que vous nous confirmerez à l'occasion de ce débat que votre ambition est immense en la matière et que l'assiette de cette taxe englobera tous les instruments financiers dont l'abus a mis en danger il y a seulement cinq ans l'économie mondiale.

Cet arsenal comprend aussi les règles de Bâle III, qui sont transcrites en ce moment même dans les directives européennes CRD 4.

La France a décidé d'aller encore plus loin. Dans l'arsenal, nous plaçons une loi qui réinvente la régulation financière. Cette loi traduit six grands tournants de politique économique pour soumettre la finance à l'économie réelle. Elle comprenait à l'origine vingt-six articles, il y en a désormais soixante-dix en discussion compte tenu des travaux de l'Assemblée nationale et du Sénat.

Le premier grand tournant, c'est la séparation des activités bancaires pour une lutte contre la spéculation financière.

C'est l'article 1er, qui a été, je crois, injustement méprisé après la première lecture. Il organise bel et bien une séparation stricte, étanche, des activités spéculatives et des activités de crédit. Contrairement à ce que j'ai pu lire ici ou là, ce n'est clairement pas une partie minime des activités spéculatives qui seront concernées. C'est désormais au ministre de l'économie et des finances de décider lui-même quel sera le pourcentage des activités séparées. C'est vous, monsieur le ministre, qui trancherez, au sens propre et au sens figuré, si vous souhaitez que 50 % des activités de marché soient séparées de la « vraie banque ».

Le Sénat a confirmé l'équilibre du texte tel qu'il a été adopté par l'Assemblée nationale. Il a maintenu les amendements que nous avions votés, notamment sur la tenue de marché. Il a d'ailleurs ajouté des éléments sur la question des hedge funds.

Toujours dans la lutte contre la spéculation, des pas de géants ont été accomplis contre le scandale que constitue la spéculation sur les matières premières agricoles. Nous avons continué le travail en commission des finances en adoptant un amendement interdisant aux banques de détenir des stocks physiques de matières premières agricoles.

C'est un ensemble extrêmement complet pour lutter contre la spéculation qui est mis en place.

Deuxième grand tournant, la résolution bancaire et la stabilité macroprudentielle.

Je n'y reviens pas longuement car le Sénat a conservé l'économie du dispositif, ne procédant qu'à des ajustements marginaux, mais ces dispositions sont assez révolutionnaires et nous aideront rapidement dans les cas, j'espère improbables, de faillites bancaires.

Troisième grand tournant, la lutte contre les paradis fiscaux.

Un amendement historique a été adopté par l'Assemblée nationale en première lecture et complété par le Sénat, anticipant les prochaines règles communautaires. Seront rendus publics non seulement le chiffre d'affaires mais également le montant des bénéfices avant impôts, le montant total des impôts dus ainsi que les effectifs.

Mais, monsieur le ministre, nous allons débattre ce soir d'une avancée encore plus grande, en proposant que tous les groupes multinationaux, qui ont parfois la tentation de recourir à l'opacité pour leurs mécanismes d'optimisation fiscale, soient désormais soumis à cette transparence. La prise de conscience de l'importance de ces enjeux est notable et doit être soulignée une nouvelle fois.

Quatrième grand tournant, la limitation des frais financiers pour tous les Français.

C'est une mesure qui révolutionne la vie quotidienne de millions de Français. Le texte semble avoir atteint un équilibre, à l'exception d'un point, le plafonnement des commissions d'intervention.

L'Assemblée avait étendu le bénéfice de ce plafonnement à l'ensemble des clients des banques.

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Le Sénat, quant à lui, a instauré deux plafonds, le premier applicable aux plus modestes et le second aux autres clients. Sans trancher, la commission des finances a relevé les effets pervers de ce double mécanisme, qui se présente comme protecteur des plus modestes mais désavantage les classes moyennes.

Nous aurons le débat au moment de l'examen des amendements. Je voudrais simplement vous conter une anecdote. Ce week-end, dans ma circonscription, une dame est venue m'expliquer que son fils, qui, par ailleurs, souffre de handicaps, avait émis un certain nombre de chèques dépassant largement ses moyens. Aujourd'hui, cette dame essaye de couvrir l'argent manquant sur le compte de son fils. Elle gagne, avec sa retraite, 1 200 euros par mois. La banque en question, que j'aurais la gentillesse de ne pas nommer à cette tribune,…

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…prélève 1 400 euros par mois sur le compte de son fils : 1 200 euros de revenus, 1 400 euros de frais financiers prélevés ! Le scandale est énorme. J'espère qu'à l'issue de la discussion de cette loi, nombre de Français pourront retourner vers leur banque et dire : « Ces méthodes-là, ces méthodes de voyous, c'est terminé. »

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Cinquième tournant de cette loi : vous nous l'avez annoncé, monsieur le ministre, vous nous proposez de légiférer sur les rémunérations de la finance, les rémunérations des dirigeants de banques et traders.

Je l'ai dit en introduction, la régulation par la loi est incontournable lorsque les intérêts individuels ne s'apaisent pas. Nous sommes clairement dans ce cas, et vous démontrez par cet amendement, monsieur le ministre, que votre détermination et votre volonté politiques sont intactes. Vous démontrez aussi que, chaque fois que nécessaire, la loi peut intervenir pour obtenir ce que l'on n'obtient pas par la concertation. La même banque dont je parlais à l'instant, qui facture des frais de 1 400 euros par mois à une personne fragile, rémunère certains de ses collaborateurs avec des bonus annuels atteignant des millions d'euros. C'est pourquoi je crois que la France se place, par la régulation des bonus, à l'avant-garde de la lutte contre la finance immorale. Oui, je parle ici de moralité, car, pour citer André Malraux, « on ne fait pas de politique avec de la morale, mais on n'en fait pas davantage sans ».

Enfin, sixième et dernier grand tournant, vous venez de nous l'expliquer : l'application dans la loi française du principe FATCA. Notre pays se bat pied à pied au niveau européen pour imposer à certains de nos partenaires, qui traînent un peu sur la transparence financière et la levée du secret bancaire, une application à l'échelle européenne de ce régime. Je pense que c'est une grande avancée que nous puissions l'appliquer directement dans nos textes.

Mes chers collègues, la loi de séparation et de régulation des activités bancaires est un moment important. Nous allons faire en sorte de responsabiliser le monde en faveur de l'intérêt général, face à des intérêts particuliers qui vont parfois à son encontre. Au travers de ces six tournants majeurs, nous parvenons à un équilibre entre l'utilité de la finance pour l'économie et la protection contre les risques excessifs qu'une finance folle a pu faire peser sur cette même économie.

Je conclurai, monsieur le ministre, en revenant de nouveau quatre-vingts ans en arrière, à l'apostrophe de Pierre Mendès-France à propos de la crise de 1929 : « L'heure est venue de substituer au dogme du laisser-faire le statut économique de l'avenir, celui de l'État contre l'argent fort. »

Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.

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Dans la discussion générale, la parole est à M. Jean-François Lamour.

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Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, madame la rapporteure, mes chers collègues, notre assemblée est saisie en deuxième lecture de ce projet de loi dit de séparation et de régulation des activités bancaires, sur lequel le Gouvernement espérait sans doute un vote conforme. Je vous ai entendu, monsieur le ministre ; vous essayez aujourd'hui de faire bonne figure, mais vous avez été totalement dépassé par votre majorité parlementaire. Oui, mes chers collègues, j'ai le sentiment qu'il y a plus difficile à gouverner que les Français eux-mêmes : le groupe socialiste à l'Assemblée. Cela n'a été qu'allers-retours et amendements en pagaille…

Exclamations sur les bancs du groupe SRC.

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Grâce à vous, je vais en prendre, c'est sûr, monsieur Paul !

En janvier dernier, monsieur le ministre, vous avez présenté dans cette enceinte un texte que je qualifierai d'acceptable. Je dis « acceptable », dans son principe, et surtout pas « à propos », en raison de sa précocité par rapport à l'évolution des législations européennes. Je rappelle pour mémoire le contexte qui a présidé à son élaboration. Au Royaume-Uni, en Allemagne et au niveau de la Commission européenne, des initiatives se sont fait jour, dans le prolongement des rapports Vickers et Liikanen, afin de mettre en quarantaine, pourrions-nous dire, certaines activités pour compte propre. Or ces initiatives, il est important de le rappeler, trouveront une traduction législative au mieux à l'horizon 2019. Qu'à cela ne tienne, le Président de la République tenait à offrir des gages à son aile gauche, en donnant l'impression d'appliquer un de ses engagements de campagne, même fortement édulcoré, une espèce d'ersatz, une sorte de Glass-Steagall Act version light.

Le Parlement s'est finalement engagé dans l'examen d'un projet de loi qui, en pratique, imposera aux banques françaises des contraintes auxquelles les autres banques d'Europe et du monde ne seront pas soumises. C'est un fait.

Je ne m'étendrai pas sur les autres parties du texte, qu'il s'agisse du mécanisme de contrôle et de résolution ou de la protection du consommateur. Beaucoup des mesures prévues prolongent des dispositifs créés par la loi de régulation bancaire et financière de 2010 – votée, je le rappelle, sans les voix des socialistes –, en particulier l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, le Fonds de garantie des dépôts et de résolution, ou encore le Conseil de stabilité financière.

Il me paraît important de relever les problématiques liées à l'article 11 quater C, qui crée une agence de financement des collectivités locales, comme annoncé lors de l'examen en première lecture. Un certain nombre de questions appelleront des réponses lors de nos débats, en particulier la conformité de l'agence aux exigences de l'ACPR et surtout les modalités de sa coordination avec la Société de financement local.

Sur un certain nombre de points essentiels, le projet de loi a subi, depuis son dépôt sur le bureau de l'Assemblée, des transformations qui le durcissent et le dénaturent, notamment par la création d'obligations d'information à la charge des banques dans des conditions qui ne nous paraissent pas satisfaisantes. C'est le point que je voudrais approfondir à présent.

Vous avez, monsieur le ministre, parlé d'un « texte nourri par le travail parlementaire » ; je crois malheureusement que nous ne sommes pas loin du gavage ! Lors de la première lecture, certains de nos collègues de gauche ont ajouté au projet de loi un article 4 bis, qui fait l'objet, comme vous le verrez, d'amendements du groupe UMP – quatre seulement : vous ne pourrez pas nous reprocher de faire de l'obstruction et de ne pas travailler dans un esprit constructif !

Cet article 4 bis prévoyait dans sa rédaction initiale qu'« au plus tard six mois après la reddition de leurs comptes annuels, les établissements de crédit, compagnies financières et compagnies holding mixtes publient des informations sur leurs implantations et leurs activités dans chaque État ou territoire ». Les informations visées étaient le nom des entités et la nature de leur activité, le produit net bancaire, ainsi que les effectifs en personnel.

À l'époque, nous ne vous avions pas dit autre chose que ce que nous vous répétons aujourd'hui : ces obligations, qui portent sur la divulgation d'éléments parfois stratégiques, sont de nature à nuire à la compétitivité des banques françaises. Je vous rappelle en passant que nos banques financent une économie qui est déjà au plus mal et participent également à la création d'emplois sur notre territoire. Au vu de la courbe du chômage, cela devrait vous interpeller.

À ces dispositions, la gauche au Sénat en a ajouté de nouvelles. Le texte qui nous vient du Palais du Luxembourg comprend ainsi trois catégories d'informations complémentaires : le bénéfice ou la perte avant impôt, le montant total des impôts dont les entités sont redevables, enfin les subventions publiques reçues.

Je tiens à préciser le positionnement de l'UMP sur cet article. Nous ne sommes évidemment pas contre la création d'obligations de transparence à la charge des banques ; le principe a du reste été acté par les États de l'Union européenne sous la forme de la directive CRD 4, à laquelle vous avez fait référence, monsieur le ministre. Cependant, l'empressement en la matière ne nous paraît pas de mise. Il pourrait même s'avérer contre-productif si les banques françaises devaient en payer le prix, par un désavantage compétitif.

En commission, nous avons fait deux propositions ; toutes deux ont été rejetées. La première consistait à revenir sur les alinéas 9, 10 et 11 de l'article 4 bis, et de supprimer ainsi trois obligations qui fragilisent les banques françaises par rapport à leurs consoeurs européennes. Mesdames et messieurs de la majorité, puisqu'en commission vous vous êtes dits défavorables à cette modification, que n'aviez-vous inclus ces informations dans la première mouture de votre amendement ?

La seconde de nos propositions consistait à modifier l'alinéa 4, permettant ainsi que les informations dues au titre de l'article 4 bis soient communiquées au ministre de l'économie et des finances plutôt que d'être publiées en annexe des comptes consolidés. C'est au fond le même principe que celui qui prévaut pour la transparence de la vie publique : est-il à la fois plus utile et moins risqué de publier ces informations que de les transmettre directement au service qui les contrôlera ? Je ne le crois pas.

Mes collègues de l'UMP et moi-même espérons, monsieur le ministre, madame la rapporteure, que vous serez sensibles à ces arguments que nous défendrons à nouveau dans cet hémicycle.

Nous avons également déposé deux nouveaux amendements visant à modifier l'article 4 bis, toujours dans le souci d'aller vers plus de transparence, plus de contrôle, tout en préservant la compétitivité des banques françaises.

En premier lieu, nous vous proposerons de différer l'entrée en vigueur des obligations d'information, afin de la faire coïncider avec la mise en oeuvre de la directive CRD 4. Je vous rappelle en effet que cette directive est attendue pour 2015,…

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…et que la Commission européenne – c'est peut-être le plus important – s'est réservé la possibilité d'en reporter la survenance si elle juge que les obligations prescrites sont de nature à déstabiliser l'activité financière ou les flux d'investissement.

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Ce report devrait également s'appliquer à l'article 4 decies, qui prévoit d'encadrer la fixation de la rémunération des dirigeants, des preneurs de risques et de certains cadres et salariés. Nous sommes d'accord sur le principe de cette disposition, mais puisqu'elle ne fait que reprendre la substance de la directive, pourquoi ne pas la réserver également, dans l'attente de son applicabilité dans l'ensemble des pays membres ?

En second lieu, nous vous proposerons de soumettre ces obligations au principe de réciprocité. Je vous le répète, madame la rapporteure, votre intention de faire de la France une sorte de Liberté guidant les peuples est louable et ne peut que faire vibrer notre fibre patriotique, mais nous sommes avant tout pragmatiques et nous ne voterons rien qui serait de nature à défavoriser nos réseaux bancaires dans le système concurrentiel européen.

Monsieur le ministre, mesdames et messieurs de la majorité, je ne peux pas croire que parmi ces quatre amendements de bon sens, vous n'en trouviez pas un seul à votre goût.

Je souhaite enfin insister sur une initiative du groupe socialiste qui vise à étendre l'obligation de transparence comptable prévue par l'article 4 bis à « l'ensemble des entreprises multinationales ayant leur siège en France ». Madame la rapporteure, vous étiez cosignataire de l'amendement, avant de vous rétracter, lorsque vous avez compris que vous étiez placée face à vos propres contradictions.

Sur cet amendement dont l'adoption serait réellement catastrophique pour nos entreprises, vous vous êtes déclaré, monsieur le ministre, prêt au dialogue – vous l'avez encore répété tout à l'heure –, c'est-à-dire en fait prêt à céder à nouveau du terrain aux éléments les moins modérés de votre majorité.

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Pour l'heure, tout à fait, monsieur Paul.

Nous attendons de voir ce qui sortira de ce « dialogue » surréaliste qui prend corps, non pas entre majorité et opposition, mais entre majorité et Gouvernement, ce qui est tout de même un peu bizarre. La pertinence et l'utilité de notre amendement de réciprocité n'en sont que plus grandes.

Pour conclure, je précise à toutes fins utiles qu'au moment de l'examen du texte en commission, il n'y avait pratiquement aucun socialiste pour le défendre, et qu'il s'en est fallu de très peu que, comment dire, en cette période de finale Top 14, nous ne le « renvoyions dans ses 22 mètres ». S'il est examiné aujourd'hui dans l'hémicycle, la majorité de gauche ne le doit qu'à la mansuétude du président de la commission des finances, Gilles Carrez, à notre esprit de responsabilité, à notre désir de voir la discussion se poursuivre jusqu'au bout, et surtout à notre espoir d'aboutir, au terme de cette seconde lecture, à un texte plus conforme à la réalité économique et à l'évolution de la régulation bancaire dans l'Union européenne.

Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.

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Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la rapporteure, mes chers collègues, nous allons aujourd'hui réexaminer ce projet de loi bancaire, après son passage au Sénat. Ce projet de loi a-t-il à présent plus de force ? A-t-il à présent plus de sens ? Nous ne le croyons pas.

Improprement appelé « projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires », ce texte, force est de le constater, ne sépare en réalité pas grand-chose. Nous sommes toujours très loin des grands discours enflammés du candidat François Hollande qui, au Bourget, disait vouloir partir en croisade contre « son véritable ennemi », « la finance sans visage ». Ce texte, que le Gouvernement voulait fondateur et précurseur, n'est que l'ombre des engagements défendus par François Hollande pendant sa campagne.

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Il signe avant tout un énième renoncement du Gouvernement, en l'occurrence, cette fois-ci, un renoncement à l'engagement n° 7 du projet présidentiel : « Je séparerai les activités des banques qui sont utiles à l'investissement et à l'emploi, de leurs opérations spéculatives. » L'Assemblée nationale est saisie d'une réforme timide, frileuse ; certains parlent même de non-réforme bancaire, bien loin du Glass-Steagall Act à la française que le Gouvernement nous avait promis.

Au-delà de ce nouveau reniement, les critiques du groupe UDI sur cette réforme sont doubles. Premièrement, le Gouvernement ne semble toujours pas avoir compris qu'il ne pouvait pas se passer de ses partenaires européens pour s'attaquer à la régulation du secteur bancaire – Jean-François Lamour vient d'en parler.

Vous avez choisi de ne pas attendre la directive européenne. Vous avez choisi de ne pas mener de concertation, alors que notre principal partenaire et concurrent, l'Allemagne, travaille en ce moment même à une réforme du système bancaire. Vous avez choisi de faire cavalier seul, condamnant par avance ce projet de loi à être revu et corrigé une fois la loi européenne adoptée.

Les députés du groupe UDI, profondément européens, vous le savez, ne croient pas en votre vision étriquée et franco-française.

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Pourquoi l'Allemagne l'applique-t-elle aussi, alors ?

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Nous ne croyons pas plus, à Paris comme dans la Creuse, monsieur Vergnier, à l'efficacité d'une réglementation financière nationale. À l'heure où les échanges sont mondialisés, où les transactions passent par New York, Londres, Tokyo, il est insensé d'imaginer qu'une réforme à l'échelle de la France fera l'affaire. Votre réforme, ce sera une sorte de ligne Maginot contre la finance mondiale.

Nous croyons que, face à une crise financière mondiale, la réponse doit être globale, et que seul l'échelon européen permettra à la France de faire entendre sa voix.

Il est nécessaire que deux priorités soient enfin inscrites à l'agenda international : d'une part, renforcer les fonds propres des banques et la réglementation qui leur est applicable, et, d'autre part, renforcer l'uniformité des règles et l'unicité du contrôle afin d'assurer la stabilité du système financier et son fonctionnement.

Il est donc regrettable de constater que votre projet de loi ne fera que pénaliser les banques françaises vis-à-vis de leurs concurrentes européennes et mondiales. En effet, les banques françaises se verront imposer des contraintes très fortes dès 2014, alors même que leur modèle a plutôt mieux résisté à la crise que d'autres. Cela ne pourra que nuire à leur compétitivité, déjà mise sous pression, comme celle de toutes les autres entreprises, dont chacun sait qu'elles subissent depuis un an un matraquage fiscal important.

À l'heure où les chiffres du chômage ne cessent de battre des records, est-il nécessaire de vous rappeler que l'industrie bancaire est l'un des premiers employeurs du secteur privé en France, avec près de 400 000 emplois ? Comme l'a très bien dit le président de la commission des finances Gilles Carrez, « nous devons avoir la même préoccupation pour l'industrie bancaire que pour le reste de l'industrie ». Au lieu de cela, les banques françaises verront leurs contraintes augmenter dès l'année prochaine, alors même que leurs concurrentes ne seront pas touchées, puisque la réforme bancaire n'entrera en vigueur qu'en 2015 en Allemagne, qu'en 2017 aux États-Unis et qu'en 2019 au Royaume-Uni. Pourquoi ce décalage ? Une fois de plus, c'est la compétitivité d'un pan entier de notre industrie que vous sacrifiez sur l'autel des dogmes et des promesses de campagne, dont nous voyons ce qu'il en reste.

Nous sommes également très critiques envers la faiblesse globale de ce texte, notamment en ce qui concerne le trading à haute fréquence et la spéculation sur les matières premières agricoles qui, contrairement à ce que vous prétendez, ne seront pas interdites par ce texte. Il est vrai que ces dispositions ont été améliorées par nos collègues sénateurs, et que le Gouvernement s'est timidement engagé à continuer de travailler sur le sujet. À nos yeux, un travail important reste à faire. Nous resterons donc très vigilants et nous nous inviterons dans le débat entre la gauche et sa gauche sur ce sujet.

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Nous voulons également vous dire notre inquiétude sur les dispositions prévoyant que le Fonds de garantie des dépôts devienne Fonds de garantie des dépôts et de résolution. C'est un petit mot de plus mais qui change fondamentalement la philosophie de cet outil, initialement prévu pour garantir les dépôts des épargnants en cas de faillite de leurs banques. Ce fonds est indispensable pour assurer la confiance des Français dans leurs établissements bancaires ; c'est grâce à la garantie qu'il apporte que des millions de Français acceptent de confier leur épargne à un établissement.

Or votre projet de loi, nous vous l'avons dit en commission, propose de faire un amalgame dangereux entre garantie des dépôts et mise en oeuvre de la résolution. Dès lors, comment conserver la crédibilité et la fiabilité de ce fonds, si l'on sait qu'il pourra également servir à la résolution des banques ? Nous l'avons dit lorsque nous étions dans la majorité, nous le disons aujourd'hui dans l'opposition : ce n'est pas aux contribuables de payer le prix des dérives de la finance. Nous demandons donc au Gouvernement de modifier le projet de loi sur ce point.

Je voudrais dire un mot du cantonnement des activités spéculatives, censé est la mesure phare de ce projet de loi. Nous l'avons répété à plusieurs reprises, ce cantonnement ne revient en aucun cas à séparer banques d'affaires et banques de dépôt. Il est certes utile en cela qu'il pourra contribuer à réduire la spéculation des banques, activité qu'elles ont déjà sensiblement diminuées au lendemain de la crise de 2008. Nous doutons cependant de l'efficacité du dispositif proposé. L'amendement de la rapporteure en première lecture, visant à donner au Gouvernement la possibilité de faire basculer des activités dans la filiale dès lors qu'elles dépassent un seuil fixé par arrêté, est venu apporter une première réponse. Il aurait toutefois été préférable qu'un seuil critique soit fixé par la loi, comme en Allemagne, plutôt que de laisser le ministre en décider, même si nous imaginons bien qu'il examinera la question attentivement avant de prendre une décision. Il serait donc opportun de procéder à cette modification dans l'hémicycle.

En revanche, si le projet de loi est faible sur le sujet qui devrait en constituer le coeur, nous souhaitons saluer les avancées concernant les droits des TPE et la protection des consommateurs, car nous ne sommes pas seulement dans une attitude critique. Les dispositions de renforcement des droits des TPE et PME vis-à-vis des banques sont particulièrement bienvenues, alors que nombreux sont les professionnels en situation de fragilité dont la trésorerie est engloutie par les frais bancaires.

Nous regrettons toutefois que nos amendements supplémentaires sur ce sujet n'aient pu être recevables, selon la procédure de la seconde lecture, puisqu'ils portaient sur des articles additionnels. Nous les présenterons à l'occasion du projet de loi sur la consommation, qui traitera également de ces sujets, comme vous nous l'avez confirmé, madame la rapporteure, pas plus tard qu'hier. Ce n'est pas une posture de notre part : cela fait plus de dix ans que nous déposons sur ce sujet proposition de loi après proposition de loi. Merci à nos collègues d'en attester.

Nous saluons également les avancées en matière de protection des consommateurs, notamment le plafonnement des frais bancaires. Nous proposerons en outre d'améliorer le projet de loi sur la possibilité de résiliation annuelle de l'assurance emprunteur. Vous n'en voulez pas mais nous défendrons tout de même nos amendements, et le débat démocratique s'instaurera, lors de l'examen des articles. Nous comptons donc, madame la rapporteure, monsieur le ministre, mes chers collègues, sur votre écoute.

Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.

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Il s'en est passé des choses en quatre mois, depuis la première lecture du projet de loi bancaire ! Cette période a été marquée par des événements importants : la déplorable affaire Cahuzac et la crise chypriote. Ces deux événements, auxquels il nous faut réagir, ont contribué à accélérer la prise de conscience et la décision, en Europe comme en France.

Ils illustrent une fois encore les dérives financières des banques auxquelles ce texte a justement l'ambition de s'attaquer. Les banques jouent un rôle nocif quand elles couvrent l'évasion fiscale. Face à celle-ci, il est plus que jamais pertinent de mener des opérations de transparence, ce à quoi ce texte s'attache également.

Bref, nous avons plus avancé en deux mois qu'en dix ans. Comme souvent – on peut le regretter où s'en réjouir – ce sont les crises qui nous font progresser et nous offrent l'occasion d'agir.

Mais ces évolutions ne passent dans les faits qu'après un travail patient d'explication et de proposition dans l'espace démocratique, et c'est bien ce qui a eu lieu depuis plusieurs années : Ou comment la ténacité et la patience finissent par l'emporter !

La première lecture a été l'occasion de mettre en application l'engagement du Président de la République de réguler la finance.

D'aucun ont considéré que les propositions étaient trop faibles, qu'elles n'étaient pas à la hauteur des espérances et insuffisantes pour se protéger, pour protéger le contribuable d'un nouveau tsunami bancaire.

Peut-être n'ont-ils pas totalement tort. Mais il faut également reconnaître que cette loi est la première du genre et les législateurs qui, en Angleterre et aux États-unis, ont annoncé des lois plus ambitieuses ne sont peut-être pas au bout de leur peine.

De plus, cette loi s'inscrit dans une dynamique. Elle n'est pas une fin en soi, mais une étape dans un processus dont on peut penser qu'il va s'accélérer au vu du contexte économique. J'y reviendrai, mais la seconde lecture peut précisément en être l'occasion.

J'en veux pour preuve ce qui s'est passé sur la transparence bancaire. L'amendement déposé à ce sujet a fait l'objet d'ajustements permanents, après que la question avait donné lieu à un riche débat en séance lors de la première lecture. D'aucuns ont considéré qu'il n'était pas assez ambitieux, arguant, une fois encore, que ce premier jet législatif français allait donner le « la » européen, et que émettre un « la » mineur découragerait des ambitions plus fortes.

Or c'est exactement le contraire qui s'est produit. Non seulement cet amendement n'a pas empêché l'Europe d'aller de l'avant, il a au contraire donné une impulsion. Dès lors le Sénat, se fondant sur le travail du Parlement européen, a inclus des critères que la France seule n'osait pas s'imposer. Aussi espérons-nous que cet article aura, à la fin de cette seconde lecture, une rédaction définitive encore plus ambitieuse, pour astreindre les banques, mais aussi les entreprises multinationales, à faire la transparence sur leurs activités pays par pays.

A l'inverse, quelques-uns, à droite de cet hémicycle, considèrent qu'il s'agit d'un amendement majeur et ils s'emploient à le détruire. Peut-être certains d'entre eux sont-ils à la recherche systématique de motifs pour s'opposer ou se sont-ils laissé convaincre par quelques dirigeants des banques que cet amendement constitue une horreur absolue. Pourtant, en commission, certains d'entre eux ont semblé être favorables à objectif recherché et demandé simplement de repousser la date d'application de la mesure…

Au fond on ne sait pas trop où l'opposition veut en venir ! Est-ce embarras, stratégie politicienne ? Si oui, c'est un moindre mal, et on pourra classer cet épisode au rang des postures politiciennes. Ou s'agit-il d'une opposition de fond ? Auquel cas, la bataille entre nous sera frontale. Et l'opposition apparaîtra très vite dépassée, alors que la Commission européenne, le Conseil et le Parlement se sont engagés résolument sur la voie de la transparence bancaire et de la lutte contre la fraude et l'évasion fiscale à travers la directive CRD 4. Mais je ne peux pas croire que cela vous ai échappé, chers collègues de droite…

Je reviens sur la question centrale de la résolution bancaire. La seconde lecture doit être l'occasion de renforcer la protection des contribuables face à une faillite bancaire. Le débat fait rage en Europe et la valse-hésitation à propos de la résolution de la crise chypriote témoigne à la fois des divergences d'appréciation des membres de l'Union et de tâtonnements sur le chemin de la protection du contribuable et du petit épargnant. La pression des possédants a fait long feu et il a bien fallu se résoudre à adopter un dispositif qui garantisse l'épargne des plus modestes.

Aussi, au-delà des améliorations acquises en première lecture qui ont conduit à renforcer l'étanchéité entre la filiale et sa maison mère, le groupe écologiste propose-t-il, dans un de ses amendements, d'inscrire de manière positive la participation des créanciers seniors à la résolution bancaire, en sacralisant en droit français la préservation des dépôts des épargnants en deçà de 100 000 euros comme cela est inscrit en droit européen. C'est la solution qui finalement été mise en oeuvre à Chypre

De même, il nous semble essentiel de prévenir une possible inconséquence du milieu bancaire en interdisant la distribution de bonus et de dividendes lorsqu'une banque se trouve en procédure de résolution.

Que ce soit sur la question de la transparence bancaire ou des procédures de résolution, cette seconde lecture est en parfaite résonance avec l'actualité. Elle nous offre une belle occasion de rebondir une fois encore sur le dialogue fécond entre la société civile et le parlement, entre la France et l'Europe.

Chacun des groupes de la majorité a proposé des amendements pertinents, que nous faisons nôtre pour l'essentiel.

Le Gouvernement, lui aussi, a voulu anticiper le dispositif d'échange automatique d'information que l'Union, à l'initiative de la France, a âprement négocié en ses rangs, en particulier avec le Luxembourg et l'Autriche. C'est là un « FATCA » européen qui rend hommage à l'initiative majeure prise par le Président Obama.

Pour expliquer cette accélération de l'histoire, il ne faut pas oublier un point essentiel, à savoir l'impasse financière et budgétaire dans laquelle se trouvent les États. Le débat se cristallise entre les tenants de la baisse de la dépense publique et ceux de l'augmentation des impôts. Mais les uns et les autres peuvent s'enfermer à l'excès dans des postures politiciennes simplistes. Pourtant, on voit aujourd'hui les plus libéraux, tel le premier ministre Cameron, à la tête d'un État qui a pourtant été un des pionniers et un plus zélés pour réduire la dépense publique, s'engager dans la lutte contre l'évasion fiscale, et, à l'inverse, les mouvements de gauche, dans leur diversité, mettre désormais la priorité sur le rendement de l'impôt plus que sur son augmentation.

Évidemment, c'est la question même des moyens pour retrouver la stabilité budgétaire qui est en jeu à travers la programmation pluriannuelle des dépenses publiques et le programme de stabilité budgétaire. Les sommes en jeu, plusieurs dizaines de milliards d'euros pour la France, des centaines de milliards pour l'Europe et des milliers de milliards pour le monde sont les mêmes qui expliquent pour partie la dette et qui manquent à notre économie, ainsi qu'au développement pour apaiser les tensions internationales en luttant contre les trafics et la délinquance internationale, la pauvreté et la faim, l'émigration subie, le changement climatique et l'atteinte à la biodiversité.

Bien entendu, le groupe écologiste reste partagé entre satisfaction du travail accompli et des évolutions constatées, et doutes sur le niveau atteint, sur l'efficacité du dispositif pour assurer l'étanchéité du système. Les progrès qui restent à réaliser sont considérables

Nous sommes également attentifs à la problématique des banques à qui l'on demande à la fois plus de sécurité par le renforcement de leurs fonds propres et de leurs liquidités, et plus d'engagement auprès des entreprises.

Rarement autant de modifications substantielles seront intervenues entre la première et la seconde lecture d'un texte. Je m'en félicite, tout d'abord parce que le temps et le débat parlementaire sont nécessaires au bon fonctionnement de la démocratie, mais surtout parce que notre travail a permis d'aller toujours plus loin dans la régulation des activités bancaires. J'ai déjà évoqué les apports du Sénat en faveur d'une meilleure transparence de ces activités. Des avancées ont aussi eu lieu dans la filialisation des opérations de tenue de marché, encore mieux encadrées.

Je tiens à souligner un autre domaine dans lequel la navette parlementaire a été particulièrement bénéfique : la lutte contre la spéculation sur les matières premières agricoles. En effet, on ne peut que se réjouir de l'insertion d'un nouveau chapitre sur la régulation du marché des matières premières et de l'adoption de limite de position sur les instruments financiers liés aux matières premières agricoles. Ces avancées sont notables et, nous n'en doutons pas, porteront leurs fruits. Néanmoins, nous pouvons faire un pas supplémentaire en interdisant les fonds indiciels indexés sur les matières premières agricoles.

C'est donc avec impatience et enthousiasme que le groupe écologiste aborde cette nouvelle lecture et se prépare au débat sur la fraude et l'évasion fiscales.

Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et sur plusieurs bancs du groupe SRC.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Madame la présidente, monsieur le ministre, chers collègues, depuis notre première discussion sur ce texte, force est de constater que l'ambiance générale sur ces questions, cela a été relevé tout à l'heure, n'est plus tout à fait la même ; quelques affaires ont réactivé l'aspiration des opinions publiques à clarifier le fonctionnement de nos systèmes bancaires et financiers. Les faits sont là, ils sont têtus : l'argent pour l'argent est un drame ; L'économie tourne en rond ; nos sociétés perdent le sens de l'humanité et la porte est ouverte à toutes les dérives, collectives ou individuelles. L'histoire récente nous le rappelle, celle qui commence aux États-Unis avec la faillite de Lehman Brothers et qui a emporté, comme une lame de fond, la plupart des économies occidentales. Aujourd'hui, les peuples payent la facture via le chômage, l'austérité ou la restriction des services publics. Quel gâchis vraiment !

Dès lors vouloir par la loi reprendre la main face à ces dérives et chercher à protéger l'État contre les risques pris par les établissements bancaires est tout à fait légitime, quoi qu'en disent l'UMP et l'UDI. Quoi de plus normal en vérité que de ne plus vouloir payer pour les folles aventures financières engagées par quelques-uns ?

Je reste fermement convaincu que nous n'avons pas à subir des marchés financiers qui prennent en otage les États et les peuples. Je le demeure, en dépit des pressions idéologiques qui s'exercent dans notre pays, en Europe et dans le monde.

De ce point de vue, j'observe que les choses bougent, y compris au sein du FMI où enfin on admet, certes à demi-mots mais tout de même, que la politique d'austérité généralisée n'est la bonne voie ni pour les peuples, ni pour l'économie réelle, ni pour l'emploi, ni pour la France.

De même, je me réjouis qu'au niveau européen, on commence enfin à vouloir tempérer, ne serait-ce qu'un peu, les ardeurs des tenants de l'orthodoxie ultralibérale qui voient en la déréglementation et le laisser-faire, en la main invisible, des règles immuables !

Oui, changeons les comportements, mettons des règles, appuyons-nous sur l'opinion publique internationale qui veut moraliser la finance !

Ce projet de loi s'engouffre donc dans la brèche ; certains disent timidement… Certes, mais au moins fait-il un premier pas et il s'appuie, vous l'avez rappelé, monsieur le ministre, sur une prise de conscience internationale. Je l'avais dit en première lecture : j'aurais souhaité que ce pas soit plus ferme encore face à la financiarisation de nos économies, qu'il marque un cap pour les autres pays européens, que la gauche au pouvoir en France montre sa détermination. Mais elle commence à le faire, ne boudons donc pas notre plaisir : les premières avancées sont bien réelles, saisissons-les.

Monsieur le ministre, vous l'aurez compris, si le groupe RRDP salue les intentions de ce texte, il aimerait tout de même l'enrichir, s'agissant tout d'abord de la séparation des activités qui est, de notre point de vue, trop réduite entre les activités utiles à l'économie et les activités spéculatives.

Nous voulons aussi renforcer les possibilités de contrôle et de sanctions.

Concernant la transparence financière, l'exécutif a exprimé sa fermeté, nous la partageons et proposons plusieurs amendements en ce sens, notamment celui visant à interdire le trading à haute fréquence.

De même, à propos des paradis fiscaux, nous souhaitons plus de fermeté, nous l'avions dit lors de la première lecture. C'est notamment l'objectif de notre amendement sur les filiales des banques ainsi que de notre amendement proposant que toutes les informations visant à lutter contre les paradis fiscaux soient publiées par les banques dès 2014 et non pas à partir de 2015.

Voilà donc, monsieur le ministre, mes chers collègues, les quelques remarques que je souhaitais émettre lors de cette deuxième lecture. Celle-ci peut conduire à de nouvelles règles plus strictes, utiles à notre économie ; c'est en tout cas le sens de nos amendements que vous présentera plus précisément mon collègue Joël Giraud.

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la rapporteure, mes chers collègues, la Commission européenne a lancé le 17 mai dernier une consultation sur la réforme structurelle du secteur bancaire européen qui s'achèvera le 3 juillet prochain. Cette consultation porte sur les éléments essentiels de la réforme envisagée : le champ d'action des banques, leur séparation et les modalités d'une éventuelle intervention des institutions publiques. Si la Commission a lancé cette consultation – je ne néglige nullement l'action de la France en ce domaine –, c'est que bâtir une union bancaire ne suffit pas, encore faut-il assainir les structures d'un système sérieusement ébranlé par la crise du système libéral, d'un capitalisme financier sans foi ni loi qui détruit les hommes et des territoires.

La crise actuelle a en effet amplement démontré que les activités de marché sont de véritables bombes à retardement et qu'il importe en particulier de réduire les garanties implicites accordées par les gouvernements et de diminuer le risque pour les États et les contribuables, et ainsi de rendre moins probables des prises de risque excessives dans les banques car les peuples n'en peuvent plus de payer pour elles.

La réforme qui nous est proposée et dont nous entamons ce soir la deuxième lecture, même si elle représente un pas essentiel et nécessaire, ne le fait pas de façon assez « ferme », comme dirait M. Carpentier.

En ce qui concerne la séparation des activités bancaires, les évolutions proposées sont en effet extrêmement limitées puisque l'essentiel des activités de marché n'a pas été distinguée et que, de ce fait, la part du produit net bancaire qui sera cantonnée dans les nouvelles filiales sera extrêmement réduite. Même si nous avons confiance en vous, monsieur le ministre, nous pensons qu'il serait plus efficace de préciser ce qui entre dans la structure de cantonnement. Nous demeurons convaincus que si la séparation des activités bancaires n'est pas une fin en soi, elle est un préalable indispensable à une nouvelle organisation du secteur financier, et que cette réorganisation est une nécessité. Sur les 8 000 milliards d'euros du total de bilan des banques françaises, moins du quart sert à financer les entreprises – 10 % – et les ménages – 12 %. Un tel constat suffit à souligner que dans les banques universelles, les activités liées à l'économie réelle ne sont qu'un prétexte pour financer les activités de marché, et non l'inverse.

Les banques prétendent avoir besoin de l'accès aux marchés financiers pour financer l'activité économique, mais en oubliant complètement la politique monétaire et les possibilités de création monétaire. Nous avons d'ailleurs en France deux exemples de banques qui jouent très peu sur les marchés et exercent pourtant convenablement leur métier de banque de détail : le Crédit Mutuel et la Banque Postale.

Les banques françaises n'ont cessé d'affirmer qu'elles sont solides, que le modèle de banque universelle est le meilleur et qu'elles n'ont rien coûté au contribuable… Tout cela est faux ! Nombre d'économistes lors des auditions ont rappelé que parmi les huit banques dont le risque de défaut est le plus grand, quatre sont françaises. Or si la plus grosse des banques américaines représente moins de 20 % du PIB américain, chez nous, BNP Paribas, c'est 100 % du PIB français et 750 milliards d'euros de dérivés de crédits en déconnexion avec l'économie réelle.

Les dirigeants des banques menacent aujourd'hui les États en disant : « Si nous mourons, vous mourrez avec nous. »

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

C'est une menace malheureusement crédible. Nous y voyons une raison supplémentaire de scinder d'urgence les banques, et c'est l'une des principales et des plus graves divergences d'appréciation que nous ayons avec vous, monsieur le ministre, et nous aurions aimé pouvoir vous convaincre. Mais manifestement mieux aurait valu, entre le sécateur et le coupe-ongles, une paire de ciseaux mieux aiguisés.

L'autre point de désaccord porte sur le mécanisme de résolution des crises bancaires. Le texte prévoit en effet la fusion du fonds de garantie des dépôts avec le fonds de résolution des défaillances bancaires. Cela veut dire qu'en cas de problème, la nouvelle autorité de contrôle prudentiel pourra puiser dans ce panier pour redonner de la solvabilité à une banque ou à un fonds spéculatifs, mais qu'au coup d'après, il ne restera rien dans les caisses pour garantir les dépôts en deçà de 100 000 euros. En d'autres termes, avec cette fusion, l'épargne des Français modestes sera moins sécurisée. Cette situation est d'autant plus choquante que nous savons que les banques bénéficient de la garantie de l'État destinée à préserver les dépôts des épargnants et que, grâce à cette garantie, elles peuvent emprunter sur les marchés à des taux très faibles et financer l'économie réelle à des taux plus élevés. Elles disposent ainsi d'une rente de quelque 48 milliards d'euros, une forme de subvention qui représente 6 milliards d'euros pour BNP Paribas, 12 milliards pour le Crédit Agricole, 5 milliards pour la Société Générale et 24 milliards pour le groupe BPCE Natixis ; ces montants sont à mettre en regard des 18 milliards d'euros de profits réalisés en moyenne chaque année par ces mêmes établissements et des 11 milliards d'euros d'impôts acquittés au total par les banques françaises. Pourquoi les profits de cette rente devraient être distribués aux actionnaires et les pertes assumées par les contribuables ? Une telle situation est inacceptable.

Les députés du Front de gauche auraient apprécié que le Gouvernement et l'ensemble des forces de gauche fassent preuve de la même volonté en matière de séparation des activités bancaires qu'en matière de lutte contre les paradis fiscaux. Nous saluons le changement concret en ce domaine, un changement qui fait honneur à la gauche, mais surtout qui fait honneur à la France. Les avancées obtenues en matière de lutte contre les paradis fiscaux sont majeures, et cette deuxième lecture devrait nous offrir l'occasion d'aller plus loin encore en obligeant notamment les grandes multinationales – pas seulement les banques – à publier, pays par pays, y compris dans les paradis fiscaux, leur chiffre d'affaires, leurs effectifs et le montant des impôts versés, et en mettant en place un échange automatique de données sur les contribuables, les banques françaises devant ainsi transmettre à l'administration fiscale française des informations sur les revenus et les actifs des contribuables étrangers en France. Ce sont là des progrès décisifs.

Nous savons tous en effet combien la lutte contre les paradis fiscaux et l'évasion fiscale sont des objectifs prioritaires : le manque à gagner pour les finances publiques se chiffre entre 60 milliards et 70 milliards d'euros. Près de la moitié de cette évasion est organisée par les banques : en 2009, les banques françaises disposaient de 460 filiales dans les paradis fiscaux, La BNP en possède 189 à elle seule ; la moitié des profits de la Société Générale dans le monde est localisée au Luxembourg.

Mais au-delà des recettes supplémentaires, c'est une question de respect de nos principes républicains, ceux qui fondent le consentement à l'impôt et donc le patrimoine commun. Contrairement à ce qu'ont affirmé les dirigeants des principales banques, en avril 2012, devant la commission d'enquête sénatoriale sur l'évasion fiscale, les banques françaises sont très loin d'être exemplaires ! Les fichiers Offshore Leaks ont permis de mettre en évidence que celles-ci contribuent activement à l'opacité financière internationale en supervisant la création de très nombreuses sociétés offshore. Aussi, la transparence ne saurait être qu'une étape dans la voie de la fermeture des filiales dans les paradis fiscaux, sous menace de retrait de la licence bancaire.

Nous nous réjouissons également de la transposition en droit français du plafonnement des bonus des banquiers, adopté à la mi-avril par le Parlement européen. Cette mesure, qui prévoit que leur rémunération variable ne pourra pas excéder le montant de leur rémunération fixe – le double du fixe si les actionnaires en sont d'accord –, est un premier pas.

Quand on sait que, depuis la crise, le PDG de la Société Générale a doublé ses revenus, qui atteignent désormais 2,5 millions d'euros, que le directeur général de la BNP a perçu 2,9 millions en 2012, dont 1,7 million de part variable, on comprend qu'il s'agisse d'une mesure d'assainissement indispensable. À titre de comparaison, rappelons que, tandis que le président de la BNP s'augmentait de 42 % il y a un an, les 20 000 techniciens ont été augmentés en moyenne de 2,8 % – la Société Générale ayant, quant à elle, récemment annoncé la suppression d'un millier de postes cette année, dont la moitié en France.

Concernant, enfin, la question des droits des usagers vis-à-vis de leurs banques, quelques avancées ont été introduites par le débat parlementaire, mais des obstacles demeurent sur la voie du rééquilibrage des rapports entre usagers et banquiers. Avant même la discussion du projet de loi sur la consommation, nous souhaiterions que la deuxième lecture de ce projet de loi soit l'occasion, d'une part, de résoudre les difficultés soulevées par la question de l'assurance emprunteur et, d'autre part, de permettre au client de pouvoir changer d'assureur tout au long de la durée de son crédit sans que le banquier soit en droit de le refuser.

Nous avons déposé, avec d'autres collègues, des amendements visant notamment à renforcer la lutte contre la spéculation, à filialiser l'intégralité des activités de prêt aux hedge funds, et à interdire les activités spéculatives menées sur les marchés de matières premières agricoles pour le compte de clients – même si, là encore, des avancées ont été enregistrées au Sénat.

Grâce, notamment, à l'esprit d'écoute dont ont su faire preuve le Gouvernement et Mme la rapporteure – une attitude que je tiens à saluer – le texte qui nous est proposé comporte, à ce stade de la discussion, des améliorations notables pour assurer une meilleure régulation des activités bancaires. Il n'en reste pas moins que, sur la séparation et la résolution, les députés du Front de gauche restent insatisfaits des solutions retenues. Nous adopterons cependant les avancées présentées dans le cadre de la discussion des articles.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Suite de la discussion en deuxième lecture du projet de loi relatif à la séparation et à la régulation des activités bancaires.

La séance est levée.

La séance est levée à vingt heures.

Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,

Nicolas Véron