Intervention de Marcel Rogemont

Séance en hémicycle du 5 juin 2013 à 15h00
Recrutement à la tête des grandes institutions culturelles — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarcel Rogemont :

Qui ne se souvient pas de la nomination du directeur de l'Odéon ? On vire un directeur qui n'avait pas démérité et qui voulait poursuivre son projet, pour nommer une personne sous une forme que nous dirons volontiers tout à fait discutable. Bien sûr, on pouvait se rappeler les conditions de la nomination de celui qui était alors en exercice à l'Odéon. Cependant, le voilà viré en dehors de toute consultation et nommé, là encore sans consultation et sous la pression médiatique, à la direction du festival d'Avignon, sans même s'être demandé si l'équipe en place souhaitait ou non poursuivre un travail que nous savons de très grande qualité.

Il y a quelque chose d'indécent à voir s'étaler dans la presse ce jeu de chaises musicales qui n'a pas lieu d'être dans une République. Dès lors, je veux saluer le projet de résolution de notre collègue Patrick Bloche, qui pose la question de la nomination aux directions des institutions culturelles de notre pays.

Ce projet de résolution m'offre l'occasion d'aborder ces sujets en quelques points : l'importance donnée à la personnalité et au projet ; le parcours professionnel des femmes ; le rapport entre la transparence et la confidentialité des candidatures ; l'ouverture des recrutements à des non-Français ; le renouvellement des titulaires de ces postes.

Premier point : quelle place donne-t-on à la personnalité du postulant et donc à son cursus professionnel ? Quelle place donne-t-on au projet qu'il envisage ? Il y a un équilibre à trouver entre les deux termes. Même si des nominations de dirigeants à la tête des institutions culturelles s'effectuent sur décision du chef de l'État ou du ministre, il convient que la décision repose sur des éléments objectifs.

Dès lors, il est nécessaire de lancer un appel d'offre sur la base d'une orientation générale dessinée pour l'établissement. Les candidats pourront alors présenter des projets qui donnent corps à cette orientation générale et le choix se fera, aussi, en fonction de la qualité des projets proposés. Autrement dit, ce n'est pas seulement la personne qui est choisie mais aussi le projet qu'elle envisage pour l'établissement.

Venons-en au parcours professionnel des femmes. Pour que des femmes puissent être désignées à la tête de grandes institutions culturelles, encore faut-il qu'elles aient la possibilité d'avoir un parcours professionnel qui leur permette de candidater utilement. Pour cela, on voit bien qu'il ne s'agit pas seulement d'organiser le mode de désignation mais aussi d'être attentif au parcours professionnel des femmes. Il est nécessaire d'intervenir en amont pour favoriser leur parcours professionnel.

Peut-être serait-il opportun, madame la ministre, de mettre en place des dispositifs normatifs ? On pourrait, par exemple, inscrire dans les contrats d'objectifs et de moyens des centres dramatiques, des orchestres, des scènes nationales et des opéras d'accueillir une quotité d'artistes féminins pour chaque saison.

Comment se fait-il, par exemple, qu'il n'y ait pas une seule femme chef d'orchestre ? Mes collègues ont rappelé les pourcentages d'hommes et de femmes aux postes de direction dans l'administration culturelle. Ces proportions sont inadmissibles. Ce n'est pas seulement par sexisme que l'on aboutit à ce résultat. Chacun comprend alors que pour féminiser les nominations, il faut d'abord favoriser le parcours artistique des femmes, afin qu'elles soient en situation de se porter valablement candidates à la tête de ces institutions. Nous attendons, madame la ministre, des propositions sur le sujet.

Un autre équilibre est à trouver entre la confidentialité et la transparence. La confidentialité est nécessaire car les candidats non retenus vivront mal un refus public qui pourrait nuire à leur carrière. Se pose donc la question du rapport entre la confidentialité et la transparence dans les procédures de recrutement : où placer le curseur pour trouver le juste équilibre entre l'exigence de transparence et la nécessité de confidentialité, surtout avec l'instauration de différentes commissions de sélection ?

S'agissant de l'ouverture des recrutements à des profils européens, citons l'exemple donné par le Musée des arts décoratifs de Londres qui a recruté Martin Roth, jusqu'alors directeur général des collections d'art de Dresde. Comment nous saisir de cette question alors que les nominations intéressent très peu de personnalités extérieures à la France ?

Il convient, en dernier lieu, d'être attentif au nombre de mandats successifs des dirigeants des institutions culturelles. « La seule manière de protéger sa culture, c'est d'accepter de la mettre en danger », disait l'architecte Paul Andreu. Eh bien, mettons-la en danger par le biais du renouvellement !

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