Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes unanimes pour affirmer qu'elles sont rares ces femmes qui, comme Muriel Mayette, première administratrice générale de la Comédie française, sont à la tête de grands établissements culturels.
Le constat est similaire dans le premier état des lieux dressé par l'Observatoire de l'égalité sur lequel s'appuie le Comité ministériel pour l'égalité des femmes et des hommes dans la culture et la communication : « quel que soit le type de structure, » l'Observatoire relève « un accès limité des femmes aux plus hautes responsabilités » et souligne que les rares structures dirigées par des femmes « reçoivent des subventions plus faibles que celles dirigées par des hommes. »
Les inégalités criantes entre hommes et femmes dans le domaine artistique et culturel sont enfin rendues visibles : malgré la présence de celles-ci au niveau des recrutements dans les écoles supérieures, la surreprésentation masculine est particulièrement marquée dans l'accès à la direction des établissements culturels publics.
Le secteur artistique et culturel ne serait-il pas l'expression d'une société ouverte, toujours en mouvement ? La culture, qui a vocation à influencer notre société, a-t-elle quitté son rôle de précurseur pour devenir réactionnaire ? Elle se doit, au contraire, de montrer la voie et d'évoluer vers une vraie mixité, une vraie parité. « L'amour de la démocratie est celui de l'égalité », nous disait Montesquieu. Démocratisons donc la culture par cette parité.
Il est indispensable que l'État et les pouvoirs publics se mobilisent et prennent des mesures fortes. La culture n'est pas l'apanage des hommes, il nous faut nous élever contre ces conservatismes. Cela passe par l'adoption de politiques de nominations à la tête des établissements culturels plus conformes à l'objectif de renforcement de l'égalité entre les hommes et les femmes.
À l'instar de Juliette Drouet et de Blanche Hoschedé, nombre de femmes ont marqué de leur empreinte la vie culturelle française et n'ont pas eu la reconnaissance qu'elles méritaient. En effet, les femmes se heurtent à de nombreux obstacles, à de nombreux stéréotypes qui incitent même les plus jeunes d'entre elles à se censurer, à se sous-estimer. Nombreuses sont celles qui renoncent à prétendre à la direction d'une instance culturelle et à se projeter dans ces fonctions.
Or la désignation des directeurs d'institutions culturelles est un élément important car de sa qualité dépendent le rayonnement et le dynamisme de l'établissement. Le service public, en favorisant la mixité en matière de recrutement, permettra à ces institutions de rester le terrain d'expérimentation d'idées nouvelles.
La culture est une reconstruction permanente, elle ne peut rester figée sur d'anciens modèles. Si le secteur culturel veut continuer à jouer un rôle déterminant dans notre société, l'exigence de renouvellement est une condition sine qua non. L'amélioration de la place des femmes et, plus largement, l'assurance d'une diversité socioculturelle sont par conséquent indispensables.
Cela peut, certes, sembler minime au regard des inégalités qui pèsent encore sur les carrières féminines. Néanmoins, nous pouvons d'ores et déjà nous réjouir de la prise de conscience de ce problème ainsi que de l'engagement, avec cette proposition de résolution de notre collègue Patrick Bloche, d'une réflexion sur les procédures de consultations préalables à la nomination de ces dirigeants.
La culture doit s'adresser au plus grand nombre, à des citoyens de tous âges, issus de milieux différents. La politique culturelle publique doit s'inscrire dans un projet large de développement démocratique tenant compte des évolutions sociétales.
C'est en réduisant l'inégalité dans l'accès aux postes à responsabilité dans ces grands organismes publics, que ceux-ci pourront correspondre aux réalités actuelles. C'est également par ce biais qu'ils seront en mesure de rencontrer, voire d'anticiper les attentes et sensibilités d'une population et de créer une vraie connexion entre l'art et le citoyen.
« L'admission des femmes à l'égalité parfaite serait la marque la plus sûre de la civilisation, et elle doublerait les forces intellectuelles du genre humain » : c'est en ces termes que Stendhal prônait non pas la discrimination positive mais un rééquilibrage fondamental. Alors le secteur public de la culture sera. Et la diversité des talents, des origines et des expériences à la tête de ces institutions sera la pertinence du secteur public de la culture.