Intervention de Aurélie Filippetti

Séance en hémicycle du 5 juin 2013 à 15h00
Recrutement à la tête des grandes institutions culturelles — Discussion générale

Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication :

Vous avez soulevé la question d'une plus grande formalisation des méthodes et procédures pour nos établissements publics nationaux. J'ai déjà pu m'entretenir avec un certain nombre d'entre vous à ce sujet. Je m'interroge néanmoins sur la mise en place systématique d'une commission de sélection pour ces nominations. Cela pose un certain nombre de problèmes et de questions ; vous le savez, car nous en avons parlé.

Tout d'abord, le cadre constitutionnel est très contraignant. Le Conseil constitutionnel a jugé à plusieurs reprises, en tout dernier lieu au mois de décembre dernier, que le principe de séparation des pouvoirs ne permet de subordonner l'exercice du pouvoir de nomination dévolu à l'exécutif à l'audition par les assemblées parlementaires que dans le cadre de dispositions constitutionnelles précises et limitatives. Vous le savez, cela concerne des domaines importants pour la garantie des droits et libertés ou pour la vie économique et sociale de la nation. Dans le domaine culturel, c'est uniquement le cas des présidences du CSA et de l'audiovisuel public. En l'état actuel de la Constitution, une telle procédure est donc fort peu susceptible d'être appliquée très largement, a fortiori lorsqu'il s'agit de décrets soumis à la signature du Président de la République, par exemple la nomination du président-directeur du musée du Louvre.

Par ailleurs, le relais d'un collège d'experts n'est pas toujours approprié. Tout d'abord, il importe que l'exécutif puisse assumer la responsabilité de ses choix, parce qu'il ne s'agit pas toujours de choisir un expert par l'intermédiaire d'experts, il s'agit aussi de choisir le chef d'un établissement qui est sous la tutelle de l'État, tout en sachant que le ministre ou la ministre reste comptable devant vous de l'accomplissement des missions exercées.

Le recours à une commission se révèle néanmoins extrêmement utile, notamment lors de successions difficiles, lorsque l'État rencontre une difficulté objective pour identifier les personnalités qui pourraient se porter candidates ou encore lorsque l'on souhaite d'emblée élargir le recrutement à un niveau international. Mais je ne crois pas que ce soit la réponse à toutes nos interrogations.

Il me semble donc d'ores et déjà indispensable de répondre à l'attente légitime d'une plus grande transparence et d'un certain formalisme afin d'éviter l'impression de favoritisme ou d'opportunisme dans le choix des responsables. Pour cela, nous devons poser un certain nombre de principes.

C'est ce que j'ai fait, en signant une circulaire qui porte sur toutes les structures en région : les centres dramatiques, les centres chorégraphiques, les scènes nationales, etc. Cette circulaire pose des principes simples. Tout en gardant à l'esprit que, pour le choix des projets qui sont proposés et donc des hommes et des femmes qui seront amenés à les conduire, un jury réunissant l'État et les collectivités territoriales partenaires sera constitué, il s'agit pour moi d'aller – ou d'orienter – vers la parité dans les jurys et dans les listes restreintes produites par ces jurys. Il s'agit là d'une réforme absolument indispensable.

J'ai également souhaité poser une limite claire à la durée cumulée des mandats, qui a été évoquée par certains d'entre vous. Le nombre maximum de mandats est fixé à trois. Il pourra être porté à quatre de manière exceptionnelle, mais cette exception est régie par des règles. Il faudra en effet, pour y recourir, respecter des critères très stricts : si, par exemple, l'établissement a subi des travaux qui ont entravé son fonctionnement pendant un certain temps. Le ministère appréciera ces critères.

Ces règles permettent d'assurer la fluidité des nominations et de faire bouger les lignes. Elles assureront un renouvellement des générations, et donneront également une plus grande place à la parité. Cela est indispensable pour tous les établissements qui relèvent du financement public : on en perçoit déjà les effets. Pour vous donner un exemple précis, sur les scènes nationales, la part des candidatures féminines s'élevait auparavant à peine à 30 %. Au cours des trois dernières procédures de sélection, 49 % des candidats étaient des femmes à Martigues, 52 % à Chambéry, et 56 % à Cavaillon. Sur 25 dossiers de candidature au Centre national de Béthune, dont la liste vient d'être établie, 13 ont été déposés par des femmes. J'ai procédé à quatre nominations dans les centres dramatiques nationaux, en respectant la parité : deux hommes ont été nommés à Sartrouville et à Dijon, Sylvain Maurice et Benoît Lambert, et deux femmes à Bordeaux et à Aubervilliers, Catherine Marnas et Marie-José Malis.

Les listes restreintes paritaires permettent, dans les procédures en cours à Lille, à Besançon et à Rouen, de renforcer la visibilité des femmes et de donner toute leur place aux nouvelles générations. Enfin, je viens d'agréer la nomination de Mme Catherine Dan à la tête du Centre culturel de rencontre de la chartreuse de Villeneuve-lès-Avignon.

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