Il convient, dernier point, de veiller à ne pas mettre en danger nos entreprises face à leurs concurrents européens ou à saper leur compétitivité. C'est l'approche qui a prévalu, avec succès, pour les dispositions concernant la transparence pays par pays, par exemple. Ainsi, le Sénat a adopté un amendement qui élargit le champ des informations que les banques devront rendre publiques au titre de la transparence pays par pays. Je me souviens de nos débats ici. Nous nous sommes demandés si ce n'était pas trop. En vérité, nous tenons simplement compte des avancées obtenues par la France au niveau européen. Nous avons été précurseurs, mais nous sommes déjà rattrapés et les deux choses se confortent, en réalité, l'une l'autre.
Le vote de l'Assemblée nationale avait permis de débloquer le débat européen et l'insertion d'une mesure équivalente dans la directive dite CRD 4. Le Sénat a ainsi pu ajouter sans risque des obligations de transparence concernant le résultat net, les impôts payés et les subventions publiques reçues, reprenant les points ambitieux poussés par la France auprès de ses partenaires et généralisés à l'Europe.
On nous avait reproché de mettre en danger nos banques, de saper leur compétitivité. Il n'en est rien puisque, en parallèle de la discussion en France, nous progressions de manière spectaculaire, tout le monde le reconnaît, dans le débat européen, en nous appuyant justement, c'est un peu la dialectique que je souhaite engager, sur ce que nous faisons dans notre pays.
On voit bien ici l'articulation réussie entre le niveau européen et le niveau national, au service de la stabilité financière, de l'éthique et de la croissance.
J'en viens aux enjeux de la deuxième lecture. Sur ce projet, je ne vois pas cette nouvelle étape de la procédure législative comme une formalité, bien au contraire. Je souhaite, avec votre concours, pousser les feux sur trois thèmes éminemment politiques, sur lesquels notre action est, je crois, très attendue des citoyens, et je lance là un appel à tous les bancs.
Si je souhaite approfondir ces trois thèmes, c'est tout simplement parce que, entre le 20 mars, date de la discussion générale au Sénat en première lecture, après la vôtre, et aujourd'hui, le monde et l'Europe surtout ont continué d'avancer, sous impulsion française en particulier. Je tiens énormément à ce que nous puissions articuler de manière très fine, tout au long de cette procédure législative, nos initiatives européennes et nos démarches nationales. À mes yeux, je le répète, il y a un continuum quasi parfait entre les deux.
Le premier de ces trois thèmes, ce sont les bonus des dirigeants des banques et des traders. J'évoquais il y a quelques instants la directive CRD 4, adoptée à Bruxelles. Je n'entre pas dans le détail, mais ce texte instaure un dispositif pour plafonner les bonus des dirigeants des banques et des traders, dispositif que la France a d'ailleurs vigoureusement poussé auprès de ses partenaires européens, qui s'y sont ralliés. Nous avons travaillé dans d'excellentes conditions avec la Commission européenne et le commissaire Barnier.
Nous voulions cette mesure. Nous voulions aussi qu'elle soit européenne, nous souhaitions que nos banques ne soient pas les seules à faire plus et mieux : l'ambition législative est légitime, le suicide compétitif serait condamnable. Nous avons obtenu que ces avancées, que nous avons défendues, s'appliquent à l'échelle de l'Europe. Nous avons à présent l'occasion, avec cette deuxième lecture, de transposer en droit français cette mesure essentielle, que nos partenaires européens sont prêts à accepter, pour moraliser et comprimer l'incitation au risque pris dans les banques.
Le deuxième thème est la lutte contre la fraude fiscale internationale.
Une vague s'est levée, en Europe, au G20, au G7, et se lèvera dans quelques jours au G8, j'en suis sûr, en Grande-Bretagne, pour donner des coups de boutoir contre l'opacité financière, particulièrement insupportable dans un contexte où il faut à la fois faire face à la crise et redresser les comptes publics.
La France a été à l'avant-poste de ce combat, elle en a été le fer de lance déterminé, elle a poussé la Commission européenne, par plusieurs initiatives coordonnées avec ses grands partenaires européens – j'ai beaucoup travaillé avec Wolfgang Schäuble, avec les ministres italien et espagnol et même le ministre britannique, Georges Osborne –, à être à la manoeuvre pour faire refluer ce qui, au final, est une anomalie.
J'ai notamment demandé, dans une initiative commune avec ces quatre grands partenaires européens, que l'Europe se dote d'un mécanisme inspiré du FATCA américain, inspiré car il ne s'agit pas de faire la même chose. Nous avancerons ensemble, avec ce groupe d'États volontaires, sur un projet pilote qui ira dans ce sens.
L'enjeu est simple, c'est de faire de l'échange automatique d'informations sur l'ensemble des revenus la nouvelle norme, le nouveau standard au sein de l'Union, avant qu'il ne devienne – pourquoi pas simultanément ? – le nouveau standard mondial.
Aujourd'hui, nous avons des échanges d'informations à la demande, qui, évidemment, ne sont pas satisfaisants parce qu'ils dépendent de conventions, pouvant être trop limitées, de réponses qui peuvent tarder, alors qu'avec l'échange automatique d'informations, les choses, par définition, vont vite et sont générales. Le système actuel est trop aléatoire, il ne permet pas de lutter efficacement contre la fraude et l'évasion fiscales internationales. Il faut donc aller plus loin, comme s'y sont engagés les États membres lors du Conseil européen du 22 mai, notamment sous l'impulsion du Président de la République, François Hollande.
Pour marquer notre détermination et faire preuve de leadership sur ce projet, qui est d'abord au service de la justice fiscale, je vous propose que le projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires inclue un dispositif permettant l'application, lorsqu'ils entreront en vigueur, des accords d'échange automatique d'informations de type FATCA. Concrètement, cela se traduira par l'insertion d'un amendement instaurant l'obligation d'information, qui reposera dans le futur sur les banques. C'est la base légale à l'échange automatique d'informations que nous pourrions instaurer ensemble ici.
Dernière avancée forte, l'extension à toutes les grandes entreprises du dispositif de transparence pays par pays déjà applicable aux banques, grâce à vos travaux en première lecture. Les banques seront désormais soumises à une obligation de transparence élargie. Je soutiendrai l'amendement déposé par le groupe socialiste qui vise à étendre ce dispositif aux grandes entreprises,…