S'il comprend le souci de renforcer la lutte contre la fraude fiscale et les manquements à la probité, le Gouvernement est cependant très défavorable à l'adoption de cet amendement. La création d'un délit nouveau serait en effet justifiée par deux séries de motifs qui nous semblent inopérants.
Cet amendement entend d'une part satisfaire les recommandations de l'Organisation des Nations unies (ONU) contre la corruption. Or, notre droit interne satisfait sur ce point aux exigences internationales – ce fut d'ailleurs la conclusion du rapport n° 2417 rédigé en 2005 par Mme Colot pour la commission des Affaires étrangères de votre assemblée et selon lequel « l'adhésion de la France aux autres traités internationaux de lutte contre la corruption a déjà nécessité des adaptations du droit français, qui est aujourd'hui compatible avec les dispositions de la Convention des Nations unies contre la corruption ». J'observe par ailleurs qu'aucune juridiction interne ou internationale, non plus que les associations intéressées, n'a eu d'analyse différente des implications en droit national de l'article 20 de la Convention de Mérida.
Cet amendement entend, d'autre part, instaurer un délit nouveau au motif que notre arsenal répressif, tant judiciaire que fiscal ou douanier, serait insuffisant. Telle n'est pas l'analyse du Gouvernement. Il nous semble en effet que cette intention est déjà satisfaite par le droit pénal, tant général que spécial. Il faut relever à cet égard que les infractions de recel et de blanchiment sont plus sévèrement punies que le délit proposé. Notre système juridique comporte déjà des outils efficaces pour répondre à l'objectif poursuivi. Il s'agit de l'infraction de non-justification de ressources, à l'article L. 321-6 du code pénal, qui permet d'exiger d'une personne en relations habituelles avec des délinquants qu'elle justifie de l'origine licite de son patrimoine, ainsi que des infractions de recel et de blanchiment. Il s'agit aussi de la peine complémentaire de confiscation élargie prévue à l'article 227-33 du code pénal, qui permet de confisquer entre les mains d'une personne condamnée pour tout délit passible de cinq ans au moins d'emprisonnement tous les biens dont elle est propriétaire ou dont elle a la libre disposition et dont elle n'est pas en mesure de justifier l'origine. On peut aussi évoquer les outils dont dispose Bercy – je pense ici à Tracfin.
Faute de préciser les comportements et actes positifs qui ne seraient pas déjà embrassés par tous ces dispositifs, l'ajout d'une incrimination nouvelle n'apparaît pas nécessaire au Gouvernement. Or, la nécessité de la loi pénale est un impératif pour le législateur.
Par ailleurs, la rédaction de cette incrimination nous semble soulever de sérieux problèmes de constitutionnalité. La limitation d'une telle infraction aux seuls agents publics et élus paraît susceptible de soulever des difficultés au regard du principe d'égalité devant la loi pénale. Ce système instaure en réalité une présomption de culpabilité et ferait des seuls élus des suspects permanents. L'instauration d'une telle loi des suspects n'a aucun lien avec des dispositions connues en droit interne et nous semble délicate. Le Gouvernement est, je le répète, défavorable à cet amendement et souhaiterait son retrait.