Intervention de Alain Vidalies

Réunion du 4 juin 2013 à 17h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Alain Vidalies, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement :

Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, je suis heureux de répondre à l'invitation de votre Commission, où les échanges, je le sais d'expérience, sont toujours intéressants et de grande qualité.

Les deux projets de loi que je vous présente visent à mettre en oeuvre un principe politique que nous connaissons tous, celui de la confiance que doivent avoir les citoyens en ceux qui gouvernent, jugent ou administrent. Cette confiance, au fondement même de la République et de la démocratie, ne saurait prospérer que si l'intégrité et l'impartialité des responsables publics ne peuvent être mises en doute. Or la défiance manifeste de nombre de nos concitoyens à l'endroit de certains de leurs représentants trouve notamment sa source dans des comportements et des pratiques de certains agents publics, comportements et pratiques qui ne correspondent pas aux valeurs affichées de primauté de l'intérêt général, de neutralité et d'impartialité. Même si les cas avérés d'infractions pénales sont peu nombreux – il faut toujours le souligner –, ils entretiennent la suspicion dans l'opinion publique. Le souverain, c'est-à-dire le peuple, ne peut en effet accepter de déléguer ses pouvoirs à des gouvernants que s'il a l'assurance que ces derniers servent exclusivement l'intérêt général, et non leurs intérêts propres.

Il convient d'observer que le législateur, sous toutes les majorités, est presque toujours intervenu à la suite d'affaires ou de révélations. Depuis 1988, une douzaine de lois ou de décrets ont ainsi été adoptés sur le sujet dont nous parlons. Sans remonter aux précédentes Républiques ou à des temps plus anciens encore, on peut rappeler l'affaire de la Garantie foncière dans les années soixante-dix ou, dans les années quatre-vingt, les affaires Noir, Botton et Urba. Plus récemment, les révélations sur de possibles liens entre un ministre du Budget et une grande fortune française ont été à l'origine d'un rapport remis au Président Nicolas Sarkozy, le rapport de la commission Sauvé pour la prévention des conflits d'intérêts dans la vie publique. Nombre des recommandations de ce rapport comme du rapport de la commission Jospin sont d'ailleurs reprises dans les deux présents textes.

Restaurer le lien de confiance, que les événements récents impliquant un ancien ministre du Budget ont altéré, telle fut la volonté du président de la République lorsqu'il a demandé au Gouvernement de préparer plusieurs projets de loi – quatre au total. Le Premier ministre, de son côté, a rappelé devant votre assemblée, lors des questions au Gouvernement du 10 avril dernier, que ces textes « ont pour objectif de redonner à nos concitoyens confiance dans les institutions de la République et dans les représentants du peuple, quel que soit le niveau des responsabilités qu'ils exercent ».

Je tiens cependant à souligner que ces projets de lois ne sont pas des textes de circonstance, même si certaines circonstances ont bien entendu accru la nécessité d'un dispositif nouveau, plus efficace pour traiter les situations de conflit d'intérêts et compréhensible par nos concitoyens : lorsqu'elles se sont présentées, je travaillais déjà depuis plusieurs semaines sur la base des recommandations de la commission Jospin et, surtout, des engagements clairs, pris par le président de la République pendant sa campagne, en faveur d'une République exemplaire. Ces engagements, toujours consultables en ligne, attestent de notre volonté ancienne d'agir pour prévenir les conflits d'intérêts dans la vie publique, pour renforcer les règles d'inéligibilité des élus condamnés pour corruption – engagement n° 49 du projet de M. François Hollande –, pour encadrer le lobbying, pour organiser un contrôle citoyen en matière de déontologie de la vie publique ou pour permettre aux associations anti-corruption de mettre en oeuvre l'action publique – mesure qui sera proposée dans un autre texte.

Les deux projets de loi traduisent notre ambition de doter la France de moyens effectifs de prévention, de contrôle et de sanction des obligations de probité et d'intégrité qui s'imposent à tous ceux qui exercent des responsabilités publiques, à savoir non seulement les élus, mais aussi, par exemple, les membres des cabinets ministériels ou des autorités administratives indépendantes.

Cette transparence, qui n'est qu'une forme continuée de la souveraineté populaire et du respect dû à nos concitoyens, est une exigence républicaine et non une concession à la mode ou aux nouvelles technologies. De façon synthétique, les présents textes tendent à améliorer quatre éléments de notre législation en la matière : la prévention des conflits d'intérêts ; l'amélioration de leur détection et de leur contrôle ; le renforcement des mesures tendant à la transparence financière ; le renforcement, enfin, des dispositifs répressifs.

L'article 2 du projet de loi ordinaire définit, pour la première fois dans un texte de cette portée, la notion de conflit d'intérêts et donne des outils pour prévenir ce genre de situation, avec pour objectif de placer notre pays au rang des démocraties les plus avancées en la matière. Si l'article 1er du projet de loi reprend des obligations déjà consacrées par la jurisprudence, celui-ci entend traduire dans notre législation les principes fondamentaux de dignité, de probité et d'impartialité qui doivent guider l'action des acteurs publics. Il impose également à ces derniers de prévenir les situations de conflit d'intérêts et, si elles surviennent, d'y mettre fin, le meilleur contrôle étant l'autocontrôle, le pas de côté par rapport à son propre exercice professionnel, au service de l'intérêt général. Il s'agit là d'un point central, qui aurait même pu figurer dans l'intitulé de ce texte ; j'imagine que nous aurons des échanges sur ce thème, auquel sont consacrés plusieurs amendements.

La question des conflits d'intérêts est centrale dans l'ensemble des sociétés démocratiques avancées ; elle se résume à l'adage très ancien selon lequel « nul ne peut servir deux maîtres à la fois » – surtout, pourrait-on ajouter, lorsque l'un de ces maîtres est l'intérêt général et l'autre, sinon l'argent, du moins l'intérêt particulier. Les pays anglo-saxons, on le sait, prêtent une attention toute particulière à cette question. Cela s'explique peut-être en partie par les liens entre éthique protestante et esprit du capitalisme : du fait de son importance dans ces sociétés, le fait économique est appréhendé ab initio, avant même que ne soient posées les problématiques de gouvernement de la vie publique. Profondément liée à la théorie des apparences, la notion de conflit d'intérêts peut heurter notre conception légaliste de la norme, qui implique une ligne de partage stricte et imperméable entre le domaine pénal – dans lequel la norme a vocation à prohiber les actions effectivement nuisibles à la société – et le domaine déontologique. La question des conflits d'intérêts, qui se situe dans cette zone grise, est pourtant ancienne, même dans notre pays de droit latin : l'ordonnance royale de Charles VI qui, en 1388, interdisait aux gouverneurs des provinces de passer contrat avec leurs administrés en porte témoignage, de même que la description des agissements des frères Rougon dans La Curée de Zola.

Toutefois, la complexité des sociétés contemporaines conduit à une multiplication des situations exposant aux conflits d'intérêts, notion dont chacun s'accorde par ailleurs à reconnaître la complexité, si bien qu'il est difficile d'en donner une définition satisfaisante. En la matière, le système français est actuellement caractérisé par un régime de faveur prohibée, avec l'incrimination de prise illégale d'intérêts, et de faveur ignorée, cette dernière expression désignant l'ensemble des comportements, positifs comme négatifs, situé dans les marges du droit pénal. Dans une société démocratique avancée, c'est cette marge de non-droit qu'il faut faire régresser, afin que certaines situations soient organisées par le droit au lieu d'être ignorées.

À l'article 2 du projet de loi ordinaire, le Gouvernement a fait le choix d'une définition simple et fonctionnelle, qui fut celle de la commission Jospin, même si nos débats permettront d'améliorer le dispositif envisagé. Trois stratégies de traitement préventif de ces conflits peuvent être identifiées, car une prévention adéquate est toujours préférable, on le sait, à une répression par définition tardive. La première de ces stratégies consiste à imposer la révélation de la situation de conflit d'intérêts aux personnes concernées, sur le modèle des déclarations d'intérêts : c'est l'objet des articles 3, 4, 9, 10 et 11. La deuxième est de recommander, voire d'imposer, une attitude prédéterminée à la personne qui se trouve en situation de conflit d'intérêts, comme y tendent les articles 2 et 7. La troisième, enfin, est d'empêcher que survienne une telle situation, par l'interdiction de réaliser certains actes, comme c'est le cas pour les libéralités concédées aux médecins par leurs malades : c'est le sens des dispositions pénales et des incompatibilités nouvelles que nous vous proposons.

Afin d'organiser la révélation de la situation de conflit d'intérêts, le Gouvernement propose que des déclarations publiques d'intérêts soient rendues obligatoires pour les personnes visées. Le projet de loi organique tend en outre à refondre les différentes obligations déclaratives incombant aux parlementaires. La déclaration de situation patrimoniale verrait son contrôle renforcé et sa publicité serait désormais assurée. Appelées à fusionner, la déclaration d'intérêts et la déclaration d'activités professionnelles ou d'intérêt général seraient également rendues publiques.

Les règles relatives au contenu de la déclaration de situation patrimoniale connaîtraient plusieurs modifications par rapport au droit actuel. En premier lieu, la déclaration serait effectuée « dans le mois » suivant l'entrée en fonction de chaque parlementaire, au lieu de deux mois depuis 1995 – et quinze jours de 1988 à 1995. Deuxièmement, elle serait personnellement adressée au président de la Haute autorité, et non plus simplement déposée auprès de l'actuelle Commission pour la transparence financière de la vie politique. Enfin, elle devrait être « exhaustive » – exigence qui n'est aujourd'hui qu'implicite.

Au-delà des obligations de déclaration d'intérêts rendues publiques par la Haute autorité, ce texte organise pour la première fois un système de déport imposant aux membres du Gouvernement, aux titulaires de fonctions exécutives locales et aux membres des autorités administratives indépendantes se trouvant dans une situation de conflit d'intérêts de s'abstenir de prendre part à l'affaire ou à la décision en cause. Serait ainsi généralisée une obligation déjà mise en oeuvre dans nombre d'autorités indépendantes, et dont la portée et la nouveauté méritent d'être soulignées ; en somme, elle donne une traduction moderne au vieil adage selon lequel on ne peut être juge et partie. Les membres de la nouvelle Haute autorité, qualifiée d'autorité administrative indépendante par l'article 12 du projet de loi ordinaire, seront, le cas échéant, également concernés par cette obligation d'abstention.

Le même projet de loi institue également un mécanisme nouveau de mandat de gestion, sans droit de regard de la part des intéressés pendant toute la durée de leurs fonctions, pour les intérêts financiers détenus par les membres du Gouvernement et les membres des autorités administratives indépendantes intervenant dans le domaine économique. Quel meilleur instrument pour prévenir les délits d'initié que ces mandats de gestion ? L'objectif est d'éviter la suspicion que peut faire naître la détention d'instruments financiers par des personnes exerçant des compétences dans les secteurs économique et financier ou, plus simplement, en position de bénéficier d'informations privilégiées dans ces domaines ; c'était d'ailleurs l'une des recommandations des rapports Sauvé et Jospin.

Le projet de loi contient également une avancée essentielle pour la protection des lanceurs d'alerte, dont on a pu mesurer l'utilité, notamment, à l'occasion de scandales sanitaires. La notion de « lanceur d'alerte » est au demeurant relativement récente en France. Aussi l'article 17 organise-t-il l'interdiction ou la nullité de mesures de sanction prises à l'encontre d'agents ou de personnes qui, ayant connaissance de faits constitutifs d'une situation de conflit d'intérêts, les porteraient de bonne foi à la connaissance de leur employeur ou des autorités judiciaires ou administratives. Cette protection ne serait cependant accordée, je le répète, qu'aux personnes de bonne foi : une déclaration de mauvaise foi exposerait aux sanctions prévues en matière de dénonciation calomnieuse.

Afin d'assurer le contrôle de ces différentes obligations, le Gouvernement vous propose aussi de créer une Haute autorité de la transparence de la vie publique, qui, disposant de pouvoirs effectifs, remplacerait l'actuelle Commission pour la transparence financière de la vie politique. Les principaux responsables politiques et administratifs de notre pays devront transmettre à cet organisme une déclaration de patrimoine en début et en fin de mandat, ainsi qu'une déclaration d'intérêts. Les sanctions pénales en cas de non-respect de ces obligations seront renforcées.

À l'origine, la Commission pour la transparence financière de la vie politique ne comprenait que trois membres de droit : le vice-président du Conseil d'État, le Premier président de la Cour de cassation et le Premier président de la Cour des comptes. La loi du 4 janvier 1996 a élargi cette composition à six membres titulaires et six membres suppléants, désignés pour une période de quatre années et renouvelables une fois. Organe de régulation plutôt que commission administrative, la Haute autorité comportera un président ainsi que six membres et six suppléants élus ; le président sera nommé par décret après avis des commissions parlementaires chargées des lois constitutionnelles, selon les conditions fixées par le dernier alinéa de l'article 13 de la Constitution. Les six membres titulaires et les six membres suppléants continueront d'être élus au sein des hautes juridictions.

Afin de garantir l'impartialité de la Haute autorité, quatre règles déontologiques seront applicables à ses membres : leur mandat sera incompatible avec tout mandat ou fonction dont les titulaires sont assujettis aux obligations déclaratives prévues par le projet de loi – en d'autres termes avec les fonctions de membre du Gouvernement, avec le mandat de représentant français au Parlement européen, avec des fonctions exécutives ou des fonctions de délégataire de signature de titulaires de fonctions exécutives des collectivités territoriales les plus importantes, avec les fonctions de membre de cabinet ministériel ou de collaborateur du président de la République.

Les membres de la Haute autorité ne pourront participer à ses délibérations ou vérifications lorsque celles-ci visent des « organismes ou personnes à l'égard desquels ils détiendraient ou auraient détenu, au cours des trois années précédentes, un intérêt direct ou indirect » ; son président et ses membres, concernés par l'article 10 du projet de loi ordinaire, seront à ce titre soumis à l'obligation de déclaration de situation patrimoniale et de déclaration d'intérêts, laquelle devra être examinée et publiée. Enfin, les membres de la Haute autorité seront tenus au respect du secret professionnel, secret protégé pénalement.

La Haute autorité aura un rôle élargi par rapport aux missions de l'actuelle Commission pour la transparence financière de la vie politique : elle sera dépositaire des déclarations de situation patrimoniale et contrôleur de ces déclarations, aura un rôle de conseil confidentiel – en particulier sur des questions de déontologie –, de recommandation et de définition de lignes directrices publiques en matière de déontologie et « pour l'application de la loi », et devra présenter un rapport public annuel ; elle donnera enfin son avis, non pas à titre consultatif mais obligatoire, sur la compatibilité d'une activité lucrative privée avec des fonctions gouvernementales ou exécutives locales.

On le voit, le projet du Gouvernement témoigne d'une réelle ambition pour cette Haute autorité, qui pourra être saisie par le Premier ministre, par le président de l'une des assemblées parlementaires ou par une association de lutte contre la corruption habilitée à se porter partie civile dans les affaires de manquement au devoir de probité. Elle pourra également se saisir d'office.

La Haute autorité contrôlera le respect de ces obligations et pourra demander des éléments complémentaires aux intéressés. L'article 14 organise ses prérogatives lorsqu'elle constate un manquement à une obligation légale : elle disposera des services fiscaux et se verra attribuer un pouvoir d'injonction – nous aurons à discuter des améliorations proposées sur ce point par votre rapporteur.

En outre, l'usage républicain de la vérification des situations fiscales des ministres sera désormais encadré par l'article 8 du projet de loi. Je veux insister sur les compétences nouvelles que nous vous proposons à ce sujet ; le Gouvernement restera néanmoins attentif à vos éventuels amendements. En tout état de cause, la Haute autorité pourra demander la transmission des déclarations fiscales souscrites par le conjoint séparé de biens, par le partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou par le concubin de la personne concernée. À défaut d'avoir obtenu directement communication de ces déclarations, elle pourra en demander copie à l'administration fiscale, comme elle pourra demander à celle-ci d'exercer son droit de communication, conformément aux dispositions de l'article L. 81 du livre des procédures fiscales. Les agents de l'administration fiscale seront déliés du secret professionnel à l'égard des membres de la Haute autorité. Une sanction pénale d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende pourra être prononcée en cas de refus de communication des déclarations fiscales.

La construction d'une « culture déontologique », pour reprendre les termes du rapport Sauvé, est une tâche ardue, qui suppose des évolutions normatives que le projet de loi tend précisément à introduire. Toutefois, comme l'affirmait un rapport d'information sénatorial relatif aux conflits d'intérêts, « contre ceux qui n'ont pas de principes, il faut avoir des règles » : c'est le sens des mesures d'amélioration du dispositif répressif.

Le projet de loi tend ainsi à mettre en oeuvre l'engagement n° 49 de François Hollande afin que l'ensemble des élus du suffrage universel, les membres du Gouvernement et leurs directeurs de cabinet ainsi que les titulaires des emplois nommés en Conseil des ministres puissent être condamnés à une peine complémentaire d'inéligibilité pouvant atteindre dix ans, voire être définitive, en répression des infractions portant atteinte à la moralité publique telles que la corruption, le trafic d'influence, la fraude électorale ou la fraude fiscale. Je crois que nos compatriotes sont très attachés à ce que nous puissions avancer sur ce point, dans le respect des normes constitutionnelles que notre proposition nous semble offrir.

Nous souhaitons également renforcer la répression du pantouflage. L'interdiction faite par le code pénal aux fonctionnaires de rejoindre, lorsqu'ils ont quitté leurs fonctions, une entreprise avec laquelle ils ont été en relation du fait de ces fonctions sera étendue aux membres du Gouvernement et aux titulaires de fonctions exécutives locales. Les peines encourues en cas de manquement à cette interdiction seront aggravées. De nouvelles infractions pénales sont ainsi prévues à l'article 18 du projet de loi. La première, spécifique aux membres du Gouvernement, serait la plus sévèrement réprimée ; d'autre part, aux termes de l'article 10, serait passible de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende le fait de ne pas déposer une déclaration de situation patrimoniale ou une déclaration d'intérêts, d'omettre de déclarer une partie substantielle de son patrimoine ou de ses intérêts, de fournir une évaluation mensongère de son patrimoine ou de ne pas déférer aux injonctions de la Haute autorité. Enfin, le fait de publier ou de divulguer, hors des cas prévus par la loi, « de quelque manière que ce soit, tout ou partie des déclarations ou des observations » effectuées en application de la future loi et de la future loi organique, serait punissable.

Dans le même objectif de transparence et de prévention des conflits d'intérêts, le Gouvernement propose de renforcer certaines dispositions relatives aux incompatibilités parlementaires en interdisant, par exemple, le cumul du mandat de parlementaire avec des fonctions au sein d'entreprises qui, pour une part importante de leur activité commerciale, dépendent de l'administration. Peut-on en effet, sans conflit d'intérêts ne serait-ce que potentiel, être marchand d'armes en activité et parlementaire ? J'ai bien noté que de nombreux amendements portaient sur l'article 2 du projet de loi organique, qui renforce les règles d'incompatibilités professionnelles applicables aux parlementaires en prohibant l'exercice de toute fonction de conseil. L'article L.O. 146-1 du code électoral interdit à tout parlementaire de commencer à exercer, après le début de son mandat, une fonction de conseil qu'il n'exerçait pas avant son élection. Introduite par la loi organique du 19 janvier 1995 relative à la déclaration de patrimoine et aux incompatibilités, cette mesure est issue des propositions du groupe de travail sur la clarification des rapports entre la politique et l'argent, présidé par Philippe Séguin, propositions destinées à encadrer plus strictement l'exercice d'activités susceptibles de créer entre les élus et le monde des affaires des liens discutables. La rédaction en vigueur précise cependant que cette interdiction ne s'applique pas aux membres des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé, tels que les avocats, les experts-comptables ou les commissaires aux comptes. Ce point a pu susciter quelques interrogations ; mais nos échanges permettront, je l'espère, de définir un dispositif amélioré, protecteur et satisfaisant.

Afin d'assurer une égalité de traitement entre les parcours professionnels privés et publics, les fonctionnaires élus au Parlement seront désormais placés en position de disponibilité, et non plus de détachement, pendant la durée de leur mandat ; quant aux ministres, ils ne bénéficieront plus que d'un mois d'indemnité de fin de fonction.

Ces deux projets de loi s'attachent à fixer un cadre commun de la déontologie de la vie publique, sans régir dans le détail le comportement des responsables publics. Dans cette phase de l'examen parlementaire, le Gouvernement est animé par un esprit de concertation et de collaboration avec votre Commission, esprit grâce auquel, j'en suis sûr, nous lèverons les interrogations que la rédaction actuelle du projet de loi organique a pu susciter. Je suis tout à fait confiant sur le fait que nous aboutirons à des dispositions équilibrées et raisonnables ; René Dosière comme Jean-Jacques Urvoas ont déjà accompli un remarquable travail à cet égard.

Mesdames et messieurs les députés, il nous appartient, comme d'autres l'ont fait lors des principales affaires qui éclaboussèrent les trois dernières Républiques, de proposer des solutions progressistes dont nous pourrons être fiers : en ces domaines qui sont au coeur du pacte républicain, l'inaction n'est pas une option. J'ai bien conscience que cela suppose également une évolution des comportements, car seule une culture déontologique, en prévenant efficacement ces conflits, peut éviter que « les vertus se perdent dans l'intérêt comme les fleuves se perdent dans la mer », selon la formule de La Rochefoucauld.

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