Intervention de René Dosière

Réunion du 4 juin 2013 à 17h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRené Dosière :

Je suis un peu surpris par l'analyse réductrice, polémique et partisane de M. Geoffroy. Le sujet mérite mieux que la caricature qu'il vient de donner. Et si sa conclusion laisse entendre qu'après examen, il atténuera peut-être son jugement, je n'y crois guère.

L'enjeu est pourtant important. Sans doute les circonstances ont-elles conduit à accélérer l'examen de ce texte, mais je puis témoigner qu'il était prévu et que, bien avant ces événements, le ministre m'avait consulté sur ce que pourrait en être le contenu. Au demeurant, c'est presque toujours après des faits plus ou moins scandaleux que la législation visant à moraliser la vie politique a été améliorée – et la ve République n'a pas fait exception.

Depuis 1988, l'hypocrisie est totale : alors que les premiers textes, certes corrigés en 1995, visaient à éviter l'enrichissement illicite de la part des élus et des fonctionnaires, la commission chargée de s'en assurer ne dispose d'aucun renseignement sur les revenus des élus. Il a fallu attendre la loi de 2011 pour qu'elle puisse, dans les cas les plus douteux – une quinzaine en vingt-cinq ans ! – demander la déclaration de revenus et celle relative à l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF). Quelles que soient la qualité et la capacité de travail de ses membres, on ne voit pas comment elle aurait pu s'acquitter convenablement de sa tâche. Cela est si vrai que, depuis une dizaine d'années, elle demande le renforcement de ses moyens, qui ne lui a jamais été accordé.

Nous sortons aujourd'hui de cette hypocrisie et créons les conditions permettant un contrôle effectif des évolutions de patrimoine : les déclarations de revenus et, le cas échéant, d'ISF seront jointes à la déclaration de patrimoine, et la Haute autorité aura les moyens, en cas de doute, de faire procéder à des vérifications en faisant appel aux services fiscaux. Dans les cas les plus difficiles, elle pourra indiquer publiquement, dans le Journal officiel, que tel élu ou tel responsable n'a pas été en mesure de justifier l'évolution de son patrimoine.

Le deuxième élément important à mettre à l'actif de ces projets a trait aux déclarations d'intérêts. La commission Sauvé a été créée lorsqu'on s'est avisé que le fait qu'un ministre du Budget soit en même temps trésorier d'un parti politique pouvait créer des « interférences », ce qui posait le problème général des conflits d'intérêts. Qu'avez-vous fait du remarquable rapport Sauvé ? Vous l'avez mis au placard – le Gouvernement a bien élaboré un texte de loi, mais en se gardant de le présenter à l'Assemblée ! Les présents projets tirent aujourd'hui les conséquences de ce rapport, ainsi que celles du rapport Jospin, venu le compléter dans l'intervalle, en en reprenant certaines propositions.

Nous compléterons ainsi des lois qui, si elles ont été prises surtout à l'initiative de la gauche – je dis « surtout » car Philippe Séguin, par exemple, a pesé de toute son autorité pour tenter de faire progresser la législation en 1995 –, l'ont souvent été dans un certain consensus entre les forces politiques, justifié dans la mesure où ces sujets concernant l'ensemble de la vie politique ne peuvent être traités de façon superficielle. On peut certes regretter que la procédure quelque peu accélérée nous laisse pour étudier ces projets moins de temps que nous n'en avons eu pour les textes précédents, mais nous avons néanmoins la possibilité d'avancer sur ces questions.

Effet de la séparation des pouvoirs, les parlementaires ne sont pas traités de la même manière que les autres élus concernés par les conflits d'intérêts. Il conviendra donc que la présidence et le bureau de l'Assemblée nationale se saisissent du sujet pour proposer des initiatives susceptibles de faire progresser les règles en la matière.

D'autre part, conformément à l'article 13 de la Constitution, la nomination du président de la Haute autorité par l'exécutif ne pourrait être rejetée que par un vote défavorable des trois cinquièmes des deux commissions compétentes – hypothèse bien improbable dans notre système majoritaire. Accepteriez-vous, monsieur le ministre délégué, de « renverser » cette exigence en disposant que cette nomination doit être validée par un vote à la majorité des trois cinquièmes ?

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