Intervention de Philippe Houillon

Réunion du 4 juin 2013 à 17h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Houillon :

Je salue votre talent, monsieur le ministre délégué : vous êtes parvenu à ne jamais citer le nom de Jérôme Cahuzac au cours de votre exposé et à nous expliquer que les textes que vous proposez n'ont qu'un rapport lointain avec l'affaire du même nom.

Ces textes sont une mauvaise manière faite aux élus. L'affaire Cahuzac a considérablement embarrassé la majorité, comme d'autres affaires ont pu le faire sous de précédents gouvernements, y compris de droite. N'ayant pas de réponse à apporter, vous utilisez la loi comme un tract. Or vous faites ainsi rejaillir la faute sur l'ensemble des élus et, compte tenu de la légitime médiatisation des textes que vous proposez, vous ancrez encore un peu plus dans l'esprit de nos concitoyens la conviction que les hommes politiques sont « tous pourris ». De plus, M. Geoffroy l'a très bien dit : ces textes n'auraient en rien empêché l'affaire Cahuzac s'ils avaient été en vigueur au moment des faits. Quant à la déclaration de principe selon laquelle les élus exercent leurs fonctions avec impartialité, elle est désormais sans conséquence, toute la promotion Voltaire étant maintenant casée !

Nous ne refusons pas d'aller plus loin dans la définition des règles qui s'imposent aux élus, mais nous regrettons que vous ayez pris la lourde responsabilité, pour faire face à un événement conjoncturel et donner un os à ronger à l'opinion, d'impliquer l'ensemble des élus et de laisser planer la suspicion sur eux.

Vous allez d'ailleurs aboutir à un résultat exactement inverse à celui recherché. En effet, vous allez vous arrêter au milieu du gué : alors que le Gouvernement a parlé de « transparence totale », la majorité va revenir sur la publication du patrimoine des élus. Que l'opinion publique va-t-elle en retenir ? Que les parlementaires s'opposent à la transparence ! Tel est en effet le message simple que vont véhiculer les médias. En définitive, vous n'aurez fait que jeter un peu plus l'opprobre sur les élus. Ce n'est ni conforme à l'intérêt général, ni dans l'intérêt de notre démocratie.

D'autre part, je m'interroge, à l'instar du rapporteur, sur un point plus particulier : à quoi renvoient les fonctions de conseil que vous prévoyez de rendre incompatibles avec le mandat de député ? Cette disposition vise non seulement la profession d'avocat – que nos collègues écologistes veulent interdire aux élus d'exercer –, mais aussi – vous l'avez dit, monsieur le ministre délégué – celles d'expert-comptable, d'huissier de justice, de notaire. À la limite, toutes les professions, dès lors que ceux qui les exercent formulent des conseils, sont concernées !

S'agissant des avocats investis d'un mandat de député, il leur est actuellement interdit, aux termes de l'article L.O. 149 du code électoral, de consulter ou de plaider pour le compte d'une entreprise publique ou d'une entreprise privée rémunérée, financée ou subventionnée par une personne publique, s'ils n'en étaient pas déjà le conseil avant leur élection. Le projet de loi organique prévoit de supprimer les mots « ou de consulter ». Est-ce à dire que l'on distinguerait la plaidoirie et la fonction de conseil ? Cela n'aurait guère de sens dans le cas des avocats. Il convient de clarifier les choses sur ce point.

Enfin, un amendement de M. Dosière vise même à interdire à un parlementaire de commencer à exercer une activité professionnelle qui n'était pas la sienne avant le début de son mandat. Un jeune député n'aurait donc pas le droit d'entreprendre quoi que ce soit ! Surtout, je nourris une inquiétude plus générale : l'effet conjugué de cette mesure, de la limitation du cumul des mandats – à laquelle on peut éventuellement être favorable – et de l'instauration d'une dose de proportionnelle nous conduira tout droit à une République de fonctionnaires ou d'apparatchiks ! Ce n'est, là encore, ni conforme à l'intérêt général, ni dans l'intérêt de notre démocratie. Je peux comprendre qu'il soit nécessaire pour le Gouvernement et la majorité, dont la cote de confiance n'est pas au plus haut, de réagir rapidement après le séisme qu'a constitué l'affaire Cahuzac, mais il eût été sage de réfléchir davantage et de penser aux conséquences à long terme.

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