Je remercie l'ensemble des orateurs qui, chacun avec leur tempérament, ont exprimé leurs convictions.
M. le rapporteur a soulevé des questions très pertinentes : comment définir les activités de conseil et quelles conséquences en tirer quant aux interdictions professionnelles ? Les juridictions ordinales chargées du contrôle des conflits d'intérêts n'ont à ma connaissance jamais assuré une prévention efficace de ceux-ci. Nous savons tous, par exemple, que la situation d'un ancien président de groupe politique devenu avocat a été évoquée par la formation permanente du conseil de l'Ordre du barreau de Paris sans qu'aucune recommandation particulière ait été formulée.
En droit positif, M. Houillon l'a rappelé, les activités des avocats parlementaires ne sont limitées que par les dispositions de l'article L.O. 149 leur interdisant de plaider dans un certain nombre d'affaires dont vous connaissez le détail. Le rapport des sénateurs Jean-Jacques Hyest et Alain Anziani de 2011, comme le rapport Jospin de 2012, ont souligné l'inadaptation de ce régime d'encadrement des activités de conseil. La loi, en effet, ne définit nullement celles-ci et deux décisions seulement du Conseil constitutionnel évoquent la question. Cette absence de définition pouvant susciter des interrogations sans fin, de même d'ailleurs – et cela vaut mutatis mutandis pour d'autres secteurs comme la médecine – que la distinction entre l'activité de conseil et la plaidoirie, le projet de loi rend en pratique incompatible la profession d'avocat avec l'exercice d'un mandat parlementaire. Cependant, d'accord en cela avec le rapporteur, le Gouvernement ne souhaite pas stigmatiser telle ou telle profession. Il reprendra donc à son compte certains amendements interdisant aux parlementaires de commencer ou de maintenir une activité de conseil. Nous mesurons tous en effet les inconvénients qu'il y aurait à reporter le traitement de cette question jusqu'à ce que survienne une nouvelle difficulté.
La composition de la Haute autorité, monsieur le rapporteur, n'aura en effet rien d'original mais tel n'était pas l'objectif ! Reprendre une composition semblable à celle de nombreuses autres autorités indépendantes comprenant des membres du Conseil d'État, de la Cour de cassation et de la Cour des Comptes constitue une garantie.
La question du déport est très importante. Ce texte rappelle et ajoute à la loi un certain nombre de principes, mais d'autres projets seront débattus qui traiteront spécifiquement de cette question pour les fonctionnaires et les magistrats.
L'obligation de déport doit-elle être considérée comme un principe déontologique – une sorte de « principe de précaution » réaffirmé par la loi – ou son non-respect doit-il entraîner des sanctions pénales ? Il faut avoir conscience que nous sommes ici dans ce que j'ai appelé une « zone grise », qu'on ne peut résorber que par un effort de déontologie, d'autant que des milliers de personnes sont concernées. En l'occurrence, la création d'une sanction ressemblerait fort aux réponses qui ont déjà été classiquement opposées alors que nous avons tout intérêt à faire le pari de la déontologie et de la prévention. Cela étant, il ne faut pas que cette nouvelle ambition collective qu'est l'inscription dans la loi de l'obligation de déport soit considérée comme secondaire au motif qu'elle serait trop peu normative.
Je vous rappelle, monsieur Geoffroy, qu'après le rapport Sauvé, un projet de loi avait été déposé par M. François Sauvadet, ministre de la Fonction publique, qui n'a jamais été inscrit à l'ordre du jour. Pour être approuvés par l'opposition, aurait-il donc fallu faire comme elle en déposant un texte sans en débattre ? Nous avons au contraire considéré que l'inaction n'était pas une réponse. D'autre part, vous vous êtes étonné des dispositions de l'article 1er, mais elles sont identiques à celles que M. Sauvadet avait préconisées dans son propre projet de loi ! Votre critique est donc sans fondement.
J'ai dit que cette loi n'était pas de circonstance, mais qu'elle avait été modifiée. Telle est bien la réalité des choses, en effet. Le 13 mars, alors que personne n'avait connaissance de l'affaire Cahuzac, le Premier ministre a fait une communication en conseil des ministres à propos des conflits d'intérêts et m'a donné pour mission de recevoir un certain nombre d'experts. C'est ce qui a été fait, ce travail étant ensuite revu à la lumière des événements. Voilà la vérité dont attestent d'ailleurs les comptes rendus du conseil des ministres.
Le texte que nous proposons aurait-il empêché ce que nous savons ? C'est une question légitime. On pouvait certes considérer qu'il n'y avait rien d'autre à faire que laisser la justice agir. Nous estimons, quant à nous, qu'il fallait ces projets, et qu'ils contiennent des éléments qui auraient permis de mieux protéger les intérêts de la République. M. Cahuzac n'a-t-il pas travaillé dans un cabinet ministériel ? Il n'était alors pas obligé de déclarer son patrimoine ou d'éventuels conflits d'intérêts. S'il en avait été autrement, peut-être aurions-nous pu disposer d'indices. La publication des déclarations d'intérêts et de patrimoine n'aurait-elle pas permis aussi de révéler des manquements ?
Enfin, malgré l'absence de publication systématique du patrimoine – conclusion à laquelle nous parviendrons peut-être à l'issue de nos débats –, la loi permettra aux personnes qui auront consulté cette déclaration d'alerter la Haute autorité. Si ce droit nouveau avait existé à l'époque, peut-être se serait-il trouvé des gens, parmi ceux qui auraient consulté celle de M. Cahuzac, pour alerter sur quelque dérive.
Cela étant, il n'est pas question pour nous de réécrire l'histoire. Mais je n'accepte pas l'idée selon laquelle ce texte ne changerait rien et vous ne pouvez pas nier l'apport constitué par ces trois nouveaux éléments.
Il aurait mieux valu, dites-vous, ne publier que les noms des personnes qui seraient en infraction. Mais c'est ce que prévoit le projet de loi ordinaire, dont l'article 14 donne à la Haute autorité le pouvoir de publier au Journal officiel un rapport spécial visant nommément une personne qui aurait manqué à ses obligations.
Monsieur Dosière, je suis évidemment d'accord avec votre propos. Ces projets répondent à une demande, restée sans suite, de la Commission pour la transparence financière de la vie politique suggérant dans son rapport annuel une modification de la loi. Mais, en ce qui concerne les parlementaires, il est exact que la séparation des pouvoirs nous interdisait de prendre des initiatives. De même, le « renversement », que vous appelez de vos voeux, d'une majorité négative des commissions en une majorité positive se heurte – et je suis sûr que vous en avez conscience – à l'obstacle de l'article 13 de la Constitution.
Monsieur Poisson, vous vous déclarez hostile par principe à certains aspects de la loi, mais il est un constat dont nul ne peut faire abstraction : nous ne sommes pas maîtres de l'image que nous avons dans l'opinion publique. Je répète donc qu'en la matière, le pire serait l'inaction.
Le code de procédure pénale prévoit vingt et un cas dans lesquels des associations agréées ont la possibilité de mettre en oeuvre l'action publique. La petite extension à laquelle nous procédons n'a donc rien d'original.
J'ai répondu partiellement à M. Houillon, mais nous aurons l'occasion de débattre à nouveau de la nature des activités de conseil.
Vous partez, monsieur Larrivé, du postulat que des manquements sont inévitables, qu'ils ne sont affaire que d'individus, qu'il faut se doter d'un arsenal pénal pour confondre ces fraudeurs et que la faute d'une personne ne doit pas conduire à jeter l'opprobre sur les autres. Mais que faites-vous depuis plusieurs semaines, sinon essayer de reporter la faute d'un seul sur l'ensemble des membres du Gouvernement à coups de questions d'actualité ? À quoi sert, dès lors, la commission d'enquête ? Si c'est la faute d'un homme, ce n'est pas celle de tous ! Peut-être avons-nous agi comme vous par le passé, mais il n'en demeure pas moins qu'il s'agit d'un problème appelant une réponse politique précise, et c'est ce à quoi nous nous sommes employés.
Présidence de M. Jean-Yves Le Bouillonnec, vice-président de la Commission.