Intervention de Joël Giraud

Séance en hémicycle du 11 juin 2013 à 21h30
Questions au ministre de l'agriculture de l'agroalimentaire et de la forêt

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJoël Giraud :

Monsieur le ministre, c'est en tant que nouveau président de la commission permanente du Conseil national de la montagne que je m'adresse à vous. Les hommes se sont toujours adaptés au milieu naturel et à ses contraintes, pour cultiver, élever et se nourrir. Ils ont montré combien ils étaient ingénieux pour trouver des solutions collectives pour rendre les terres fertiles.

En montagne, les canaux qui utilisent la pente et les lois de la gravité pour irriguer les parcelles agricoles, constituent non seulement un marqueur de paysage à haute valeur patrimoniale et pédagogique, mais aussi une solution qui reste adaptée aux enjeux du partage de l'eau et du maintien d'une agriculture locale de qualité. Ces ouvrages d'art, parfois longs de plusieurs kilomètres, qui se sont développés depuis le Moyen Âge contribuent également à la lutte contre l'érosion. Ils sont gérés collectivement, et leur mode de gouvernance collective est exemplaire à l'heure où l'on tente de faire dialoguer les différents usagers autour de cette ressource essentielle.

Dans tous les massifs de l'Hexagone, les canaux sont en train de s'assécher. Si le Gouvernement ne prend pas la mesure de cette catastrophe, ces savoirs écologiques paysans, les canaux d'irrigation, ne seront bientôt plus qu'un doux souvenir. Pourtant, ces canaux, qui ont survécu aux mutations les plus profondes – l'arrivée du tracteur, le remembrement –, constituent l'un des outils d'une agriculture de montagne durable.

Alors que nos partenaires italiens, autrichiens, allemands ou suisses ont bien compris la nécessité d'entretenir, de valoriser et d'utiliser ces systèmes d'irrigation séculaires, la France a fait des choix difficilement compréhensibles pour les élus locaux et pour les agriculteurs qui, malgré les difficultés, s'accrochent à leurs montagnes. Depuis la loi sur l'eau du 30 décembre 2006, qui généralise la redevance pour prélèvement de la ressource en eau, les systèmes d'irrigation qui prélèvent autant qu'ils restituent au milieu naturel l'eau qui descend des sommets sont aujourd'hui pénalisés voire condamnés. Cette redevance, dont l'application est complexe, a déjà découragé bon nombre d'associations syndicales agréées, associations qui sont animées par des bénévoles qui ont en charge l'entretien et la gestion collective de nombreux canaux, sous un mode qui est appelé celui de la corvée. Le résultat est contreproductif : quand il n'y a plus d'associations, il n'y a plus de redevance.

Ma question, monsieur le ministre, est la suivante. Dans le cadre de la loi sur l'agriculture, la spécificité des systèmes d'irrigation traditionnels et gravitaires sera-t-elle prise en compte ? La loi permettra-t-elle enfin de reconnaître l'utilité des canaux qui participent à la fois à la préservation de la biodiversité, à la lutte contre l'érosion, au maintien d'une agriculture de proximité ? La loi va-t-elle instaurer, avant qu'il ne soit trop tard, une exonération de redevance pour ces canaux ? Si tel n'est pas le cas, je déposerai une nouvelle fois, comme ma collègue Frédérique Massat, présidente de l'Association nationale des élus de la montagne, et d'autres députés ici présents, un amendement en ce sens. En ce cas, apporterez-vous votre soutien à cet amendement ?

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