C'est un texte de divertissement, au sens pascalien du terme, c'est-à-dire fait pour nous écarter du sujet de fond. Il vient à point nommé pour faire oublier les affres spectaculaires de l'un des nôtres, qui est d'abord l'un des vôtres, alors que le scrutin d'hier résonne comme une funeste coïncidence.
Vous rétorquez, monsieur le ministre, que ce texte a été préparé de longue date, depuis le 13 mars à vous en croire. Or je me souviens de la conférence de presse au cours de laquelle le chef de l'État, réagissant depuis le Maroc à ce qui arrivait à notre ancien collègue Cahuzac, décrétait que désormais les élus auraient obligation de publier leur patrimoine et qu'ils seraient inéligibles à vie en cas de fraude fiscale ou de délit financier.
Cette inéligibilité à vie, dont je constate qu'elle ne figure plus dans le texte que nous examinons, est une double fadaise. Elle est d'abord inconstitutionnelle, personne ne peut en douter ici, et les deux juristes éminents que vous êtes, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, n'ont, je suppose, pas manqué de le faire entendre au chef de l'État.
Accordez-moi ensuite qu'une telle sanction aurait curieusement bousculé la hiérarchie des peines : alors que, par le jeu de la réhabilitation, tout criminel peut en effet bénéficier à nouveau de ses droits civiques, nous punirions plus sévèrement un élu, en le condamnant à l'inéligibilité à vie, que n'importe quel autre coupable. Telle était l'intention initiale du chef de l'État, avant que nous en revenions, fort heureusement, à des dispositions plus prudentes et plus compatibles avec nos principes généraux du droit.
Entre-temps a eu lieu la publication du patrimoine des membres du Gouvernement puisque, selon votre raisonnement, elle est une condition sine qua non du rétablissement de la confiance. Or je suis au regret de constater que cette publication n'a rien arrangé. Si j'en crois les nombreux commentaires dans la presse ou sur les réseaux sociaux, en fait de rétablissement de la confiance, elle a surtout suscité, le sarcasme, la moquerie, voire le doute.
Vous n'avez donc pas atteint votre objectif, ce qui ne vous empêche pas de persister dans la volonté de rendre public ou de publier, avec accès restreint, le patrimoine des élus.
En fait de préparation, il faut surtout parler du travail de la commission et de celui du rapporteur…