Intervention de Jean-Jacques Urvoas

Séance en hémicycle du 17 juin 2013 à 16h00
Transparence de la vie publique — Motion de renvoi en commission

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Jacques Urvoas, président et, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République :

Quand on a l'honneur de représenter la nation, on ne peut pas le faire seulement quand on a un peu de temps libre. Quand on est député, on porte en permanence la parole de ceux qui nous ont fait confiance et nous ont conduits ici. Nous nous sommes beaucoup interrogés sur la manière de traduire cela dans le droit.

Nous n'y sommes pas arrivés, car il n'y avait en réalité que deux solutions manichéennes. Soit nous interdisions toute activité, et c'était faire le choix d'une Assemblée nationale composée de retraités et de fonctionnaires. Or tel n'était pas notre objectif. Dès lors qu'on n'interdit pas globalement, si l'on ne veut pas porter atteinte au principe d'égalité, on ne peut pas interdire seulement quelques professions – d'ailleurs certains problèmes ont déjà été jugés par le Conseil constitutionnel. Donc, nous tâtonnons. Évidemment, nous avons rejeté certains amendements en commission, préférant consacrer un peu de temps à la réécriture. D'autres reviennent en commission et ils auront d'ailleurs un avis favorable du rapporteur.

Vous dites qu'on ne peut pas interdire une activité à un parlementaire. Nous ne le faisons pas. Nous n'avons pas réussi à interdire des professions que nous pensons être incompatibles avec l'exercice d'un mandat. Il fut un temps – il y a quelques années – où certains parlementaires avaient des activités dont chacun s'accordait à considérer qu'elles étaient compatibles avec le mandat de parlementaire.

D'ailleurs, la déontologue, récemment, dans un débat sur la biologie médicale, a demandé à des parlementaires de dire qu'ils étaient potentiellement en conflit d'intérêts, et ils l'ont fait. Ils ne sont pas allés jusqu'au déport de leur vote, ce que je regrette à titre personnel. Mais ils ont indiqué qu'ils étaient en conflit d'intérêts. Donc, nous progressons. Nous allons restreindre les exercices, parce que nous pensons que l'activité parlementaire doit être pleine.

Je suis très choqué quand j'entends dire de certains collègues qu'ils sont au moins autant médecins que parlementaires. Les avocats ont une profession réglementée. Nous avons auditionné le Conseil national des barreaux, monsieur le député. Nous lui avons donné acte du fait qu'il y a une activité déontologique à l'intérieur du Conseil national des barreaux. Mais ils nous ont aussi dit combien on pouvait améliorer ce processus. D'ailleurs, le chantier que nous ouvrons pourra trouver des débouchés au sein des professions ainsi évoquées.

Nous avons un second désaccord qui porte sur les déclarations d'intérêt, et je suis heureux que vous en ayez parlé. Je crois que c'est une culture différente.

Je suis pour la transparence totale des déclarations d'intérêt. Quand je regarde celles qui sont publiées aujourd'hui sur le site du Sénat, je les crois positives. Il est utile de savoir quelles sont les activités annexes des sénateurs ; cela illustre parfois les positions qu'ils prennent et, demain, cela interdira le soupçon.

Un philosophe britannique libéral, Jeremy Bentham, a dit que l'oeil du public rendait l'homme d'État vertueux. S'agissant des déclarations d'intérêt, l'oeil du public rend l'homme d'État vertueux. Vous n'y êtes pas favorable, et c'est là un désaccord de fond entre nous. Il faut la publicité totale, pleine et entière des déclarations d'intérêt.

Continuons ce débat, rejetons la motion de renvoi en commission et débattons au fond sur les amendements qui sont utiles, pas sur les 120 000 que vous avez déposés !

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