Il convient tout d'abord de resituer les onzième et douzième rapports du COR dans le processus de préparation de la réforme des retraites dont le point de départ fut la feuille de route arrêtée à l'issue de la Conférence sociale de juillet 2012. Au cours de celle-ci, fut prévue, dans le domaine des retraites et en amont de la concertation avec les partenaires sociaux, une phase de diagnostic de notre système de retraite et de ses perspectives financières dont la mission a été confiée au COR. Ce sont donc ces travaux, publiés dans le délai imparti – c'est-à-dire à la fin de l'année 2012 et au tout début de l'année 2013 – que je vous exposerai ce matin. Sur le fondement de ce diagnostic, la feuille de route prévoyait ensuite qu'une commission composée de personnalités devrait proposer différents scénarios et pistes de réforme du système.
La composition du COR est telle qu'il nous est fort difficile d'y recueillir l'accord de tous, compte tenu des divergences entre les députés et sénateurs, entre les patrons et les organisations syndicales, ou encore entre les différents experts consultés. S'il nous est certes possible d'établir des diagnostics consensuels, ce qui est déjà beaucoup, nous ne sommes en revanche pas en mesure de définir tous ensemble des propositions de réforme. C'est pourquoi le Gouvernement a jugé nécessaire d'instituer une structure intermédiaire, sous la forme d'une commission présidée par mon prédécesseur au COR, Mme Yannick Moreau, et dont la composition a également été définie par le Gouvernement pour éclairer ses choix. La commission remettra son rapport à la fin de cette semaine. Et dès les 20 et 21 juin, le Gouvernement entamera une concertation avec les partenaires sociaux afin de présenter un projet de réforme des retraites à l'automne.
Dans un souci de clarté, nous avons présenté notre diagnostic dans deux rapports distincts.
Datant de décembre 2012, le onzième rapport, d'ordre plus quantitatif, est fondé sur les projections que nous produisons tous les cinq ou six ans sur les perspectives à moyen-long termes du système de retraite. Il importait en effet au Gouvernement de disposer d'une vision claire des perspectives financières de ce système à court terme mais aussi à l'horizon de 2020, 2030, 2040 et 2060.
Je vous présenterai d'abord les hypothèses économiques ayant sous-tendu nos projections, puis les résultats obtenus.
L'établissement de projections en matière de retraites doit tenir compte de trois grandeurs particulières et tout d'abord, d'hypothèses démographiques. Dans un régime de répartition, c'est en effet la démographie qui commande à la fois les dépenses et les recettes – soit l'évolution du nombre de retraités et de cotisants. Pour ce faire, nous nous sommes appuyés sur les chiffres de l'INSEE, à commencer par le taux de fécondité qui, à long terme, s'élèverait à 1,95 enfant par femme, même s'il est plus proche de 2 actuellement. Il importe en outre de disposer d'un taux de mortalité prévisible à long terme, ce taux commandant la durée de perception de la pension. Or, on constate que l'espérance de vie à 60 ans s'allonge d'environ un an tous les huit à dix ans, soit d'environ un trimestre tous les deux ans, l'espérance de vie à la naissance augmentant en revanche plus rapidement. Enfin, le solde migratoire – qui permet de calculer quelle sera la population active – s'élèverait à 100 000 personnes par an, selon une moyenne établie par l'INSEE.
La deuxième série d'hypothèses est d'ordre réglementaire : afin de connaître l'évolution de notre système de retraite, il nous faut en effet savoir en fonction de quelles décisions et règles les pensions seront fixées. Nous nous sommes fondés sur l'idée que nous ne pouvions travailler qu'à législation constante. En d'autres termes, nous avons donc pris en compte toutes les réformes et modifications adoptées jusqu'au début de nos projections, sans préjuger des futures décisions qui seraient prises. Cela inclut en particulier le principe d'allongement de la durée d'assurance prévu par la « loi Fillon » du 21 août 2003, dont les effets cesseront en 2020, le relèvement des âges légaux de départ à la retraite prévu par la loi du 9 novembre 2010, les possibilités ouvertes par le Gouvernement actuel de départ à 60 ans pour certaines catégories d'assurés et les hausses de cotisations prévues par celui-ci en juillet dernier.
Concernant les régimes complémentaires, nous avons simplement retenu deux hypothèses : celle d'un rendement constant jusqu'en 2060 et celle d'une baisse de celui-ci. Le rendement est constant lorsque la valeur d'achat et la valeur de service du point évoluent parallèlement, conformément aux prix. En revanche, nous n'avons pas pris en compte les décisions prises par les partenaires sociaux dans le cadre de l'accord du 18 mars 2011.
La troisième série regroupe des hypothèses économiques. En effet, l'évolution du système de retraite dépend bien évidemment de la conjoncture et tout particulièrement de deux grandeurs ayant un effet majeur sur le montant des cotisations : les taux de chômage et de productivité du travail. Or, nous ne saurions nous contenter d'une seule hypothèse de taux de chômage, surtout au-delà de 2020 – et a fortiori en 2030 ou en 2040.
Pourtant, si de manière globale, peu de critiques nous sont adressées, l'une des deux plus fréquentes que nous ayons entendues tend précisément à dénoncer l'excès d'optimisme dont nous aurions fait preuve en établissant nos hypothèses de taux de chômage, que j'estime pour ma part volontaristes et non optimistes – ce qui est fort différent – et que nous donc assumons pleinement.
Dans nos scénarios A et B, nous avons retenu l'hypothèse favorable d'un taux de chômage à 4,5 % : sans doute allez-vous me rire au nez mais il s'agit en réalité d'un retour à ce niveau à l'horizon 2030. En revanche, le maintien de notre taux de chômage à 10 % en 2030, 2040 et 2060 risquerait de poser un véritable problème à notre système de retraite et l'idée que l'on serait incapable de le faire baisser sur un demi-siècle est un défi que nous refusons d'assumer. Notre hypothèse C est donc fondée sur un taux de chômage à 7 % en 2030. Sans aller au-delà, la variante C' s'appuie sur une hypothèse plus défavorable en matière de taux de productivité. Je mets donc quiconque au défi d'affirmer que le COR aurait dû fonder ses hypothèses sur un taux de chômage de 10 % en 2060 ! Un organisme sérieux peut certes formuler une gamme d'hypothèses assez large, mais il serait irresponsable de sa part de s'appuyer sur des scénarios catastrophes sur cinquante ans.
Une autre de nos hypothèses concerne l'évolution du taux de productivité, dont dépend selon nous l'évolution des salaires. Couvrant l'ensemble des possibilités, nos hypothèses de gains de productivité s'échelonnent ainsi d'un point – ce qui est relativement peu – à deux points – ce qui correspond au taux dont nous bénéficiions à la sortie des Trente glorieuses. Nos trois scénarios sont fondés sur des taux à 1,8, à 1,5 et à 1,3 point, avec deux variantes extrêmes à 1 et 2 points. Or, un écart d'un point par an pendant cinquante ans produit des scénarios économiques extrêmement contrastés à l'horizon 2060. Les effets induits par nos différentes hypothèses de chômage sont donc infiniment moindres que les choix faits en matière de productivité.
Conséquence importante de ces hypothèses : parce que notre système de retraite fonctionne par répartition – les cotisations d'une année donnée finançant les retraites versées au cours de cette même année – son besoin de financement dépend beaucoup du rapport entre le nombre de cotisants et le nombre de retraités. À cet égard, l'évolution n'est guère positive, même si elle s'est légèrement améliorée grâce au bon taux de fécondité des femmes : le rapport de 3 à 1 que nous avions connu dans les années 1980 est désormais à 1,8 à 1 et sera d'1,3 en 2060 alors qu'il était de 1,2 dans les projections réalisées par le COR il y a trois ans, avant la réforme de novembre 2010.
Quant aux résultats de cette analyse, à court et moyen termes, c'est-à-dire à l'horizon de 2020, le besoin de financement du système de retraite est évalué à environ 0,9 à 1 point de PIB, soit à vingt milliards d'euros, la réforme de novembre 2010 ayant eu pour effet de couvrir près de la moitié du besoin de financement évalué en avril 2010 à deux points de PIB. Nous n'avions en revanche pas prévu en 2010 que la situation conjoncturelle de l'époque se dégraderait par rapport à nos anticipations et que nous connaîtrions une rechute en 2011, après la légère progression enregistrée au premier trimestre de cette année-là.
À plus long terme, les résultats s'avèrent très contrastés selon les scénarios, et en particulier selon l'hypothèse de productivité retenue. Ainsi, en cas de rendement constant du régime AGIRC-ARRCO, le besoin de financement en 2060 sera excédentaire dans l'hypothèse la plus favorable et la plus optimiste, soit dans l'hypothèse A' fondée sur un taux de chômage de 4,5 % et un taux de productivité de 2 points de PIB. Dans d'autres hypothèses, le déficit pourra s'élever jusqu'à 2,7 points de PIB en 2060. Nous avons simplement observé un infléchissement plus favorable de notre besoin de financement à partir de 2035 – date à laquelle s'achèvera la phase du baby boom : si l'augmentation de l'espérance de vie constitue le principal facteur à prendre en compte à très long terme, à court et moyen termes en revanche, c'est le papy boom – soit l'arrivée à l'âge de la retraite depuis 2006 des générations nées entre 1945 et 1970 – qui constitue le second facteur de renchérissement du montant des retraites. Or, en 2035, la génération 1970 se rapprochera de l'âge de la retraite, à la suite de quoi l'importance des cohortes de départs diminuera.
La grande variabilité des résultats nous renvoie en fait avant tout à la politique économique qui sera suivie jusqu'à cette période – sachant que nous raisonnons à législation inchangée – ce qui signifie que beaucoup dépendra des modes d'indexation des retraites et d'autres facteurs.
Enfin, afin d'équilibrer notre système de retraite, le COR a mis au point un abaque, croquis très simple présentant, en abscisse, le niveau relatif des retraites – soit le rapport entre pensions moyennes et revenu d'activité moyen – et en ordonnée, les ressources mises à disposition du système – et plus particulièrement au niveau des cotisations. Les lignes partant de gauche à droite correspondent quant à elles à l'âge moyen effectif de départ à la retraite. Ce schéma, qui a le mérite de faire prendre conscience que seuls ces trois leviers existent pour équilibrer le système, nous permet ainsi de réfléchir à la meilleure manière de répartir les efforts entre ces différents leviers et de définir l'assemblage de mesures adéquat – cette répartition relevant de choix politiques, voire philosophiques, s'agissant en particulier des charges à faire peser sur les différentes générations. Il convient en tout cas de bien veiller à assurer l'équité intergénérationnelle du système.
Bref, même si certaines de nos hypothèses sont débattues, personne n'a en revanche contesté ces chiffres. Nous avons d'ailleurs fait varier encore davantage qu'en 2010 le spectre de nos hypothèses économiques.
Parallèlement à cette évaluation quantitative, il nous a également été demandé en juin dernier de présenter un état des lieux plus qualitatif et plus synthétique des principales caractéristiques du système de retraite ainsi que de l'adéquation de ce système aux divers objectifs que la loi lui assigne.
Le système de retraite se caractérise premièrement par une multiplicité de régimes de base que l'on évalue à 38, structurés en fonction de critères d'appartenance socioprofessionnelle, malgré le souhait, formulé en 1945 par mon auguste prédécesseur et président de la section sociale du Conseil d'État Pierre Laroque, d'instaurer un système unique. S'il a échoué sur ce point, c'est en raison de divergences et de l'attachement de certains à leur système socioprofessionnel spécifique.
Deuxième caractéristique, tous les systèmes de base et complémentaires légalement obligatoires sont fondés sur la répartition. À ceux-ci s'ajoute un étage supplémentaire de dispositifs facultatifs d'épargne-retraite individuelle et collective, conçus en capitalisation et destinés à compléter la retraite en répartition et non à s'y substituer. Et les grands débats idéologiques ayant opposé les partisans de la répartition à ceux de la capitalisation semblent s'être assez largement pacifiés même si des divergences peuvent subsister quant à la nécessité d'augmenter ou pas la part de la capitalisation, aujourd'hui de 4 % au titre des cotisations de l'ensemble du système de retraite et de 2 % au titre des prestations.
Cette diversité de régimes se retrouve également dans les conditions d'ouverture des droits à la retraite, dans les règles d'acquisition et de valorisation de ces droits ainsi que dans les paramètres de calcul des pensions. Et cela, malgré le mouvement de convergence ayant accompagné l'allongement de la durée d'assurance requise pour percevoir une retraite à taux plein – identique pour tous – en fonction de l'espérance de vie. Sur ce point en effet, le mécanisme de la « loi Fillon » s'applique à tous les régimes. De même, les effets du relèvement des âges légaux de départ à la retraite résultant de la réforme de novembre 2010 conduiront à terme tous les cotisants à voir leurs droits ouverts à 62 ans, et 67 ans pour l'âge d'annulation de la décote.
Autre élément de convergence : tous les régimes sont en annuités, sauf pour les professionnels libéraux, et se calculent sur la base d'une durée d'assurance. La durée requise pour percevoir une retraite à taux plein est fixée par génération : pour les générations actuelles, elle est de 166 trimestres. De même, les pensions complémentaires se calculent en points par référence aux cotisations versées.
Au total, si l'on recense un certain nombre d'éléments de rapprochement, le système reste caractérisé par une diversité des conditions d'acquisition et d'ouverture des droits à la retraite.
Troisième caractéristique : parallèlement aux droits acquis en propre en contrepartie de l'exercice d'une activité professionnelle, une part importante des droits à la retraite, soit environ 20 %, sont attribués au titre de la solidarité – pour des motifs aussi variés que les départs précoces à temps plein en cas de carrière longue, l'invalidité, l'inaptitude, le handicap, les conditions de travail liées à certains métiers de la fonction publique, les minima de pension tels que le minimum contributif dans le secteur privé, le minimum garanti dans la fonction publique, le minimum vieillesse et l'allocation de solidarité aux personnes âgées et toutes les périodes assimilées liées à des périodes d'inactivité et donnant lieu à cotisation : le chômage, la maladie, la maternité, la possibilité de surcotiser lorsque l'on est à temps partiel, les droits familiaux, les majorations de durée d'assurance, l'assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF), la majoration de pension pour trois enfants et plus et les pensions de réversion.
Quatrième caractéristique : en dépit d'un certain nombre de disparités, ce système confère aux retraités un niveau de vie à ce jour proche de celui des actifs – ce qui n'a pas toujours été le cas puisque, jusque dans les années 1970, retraite équivalait à pauvreté. En 2010, le montant moyen des retraites s'élevait à 1 216 euros, hors réversion et majoration pour trois enfants et plus, et progresse plus rapidement que l'inflation du fait de l'effet noria : en effet, les générations parvenant aujourd'hui à l'âge de la retraite bénéficient de salaires et donc de pensions supérieurs à ceux des personnes parties rejoindre un monde meilleur. Malgré ces évolutions, on recense des disparités importantes de pension entre retraités – notamment entre hommes et femmes – avant les mesures de correction liées aux mécanismes de solidarités que j'évoquais tout à l'heure.
Quant aux disparités existant entre les secteurs public et privé, il suffit à ceux qui nous reprochent de dissimuler les informations relatives aux retraites du secteur public de lire nos rapports pour constater bien au contraire que nous y précisons qu'à la fin de l'année 2008, le montant moyen de la pension de droit propre s'élevait à 1 757 euros par mois en moyenne pour les fonctionnaires et assurés des régimes spéciaux contre 1 166 euros pour les salariés du secteur privé, et 793 euros pour les non salariés. Nous y soulignons également que ces écarts sont le reflet de différences catégorielles existant au regard de critères tels que la durée moyenne de carrière, le niveau de diplôme et de qualification – en moyenne supérieur dans la fonction publique – ainsi que le statut.
Lors d'une séance de travail du COR, nous avons essayé de comparer la situation des fonctionnaires à celle des salariés du secteur privé, pour des générations nées en 1950, 1960, 1970, 1980 et 1990, sur la base de huit carrières-types : quatre carrières de salariés du secteur privé – un cadre à carrière continue, un non-cadre à carrière continue, un non-cadre à carrière interrompue par le chômage et une femme ayant interrompu sa carrière pour élever un enfant – et quatre de fonctionnaires d'État dont un agent de catégorie B, un enseignant de catégorie A avec faible taux de prime, un haut fonctionnaire de catégorie A + bénéficiant d'un taux de prime élevé et un agent de police – pouvant partir à la retraite dès l'âge de 50 ou de 52 ans. Dans l'exemple de la génération 1950, le cadre à carrière continue du secteur privé ne bénéficie d'un taux de remplacement – soit le rapport entre la pension et le dernier salaire – que de 56 %, contre 54 % pour le cadre de catégorie A + à taux de prime élevé, ce qui s'explique par le fait que le système de retraite de la fonction publique n'intègre que très peu les primes. En revanche, le non-cadre à carrière continue du secteur privé bénéficie d'un taux de remplacement de 75 %, contre 76 % pour l'enseignant de catégorie A ayant perçu peu de primes.
Cela ne veut pas dire qu'il n'y a aucun problème et qu'il est inutile de comparer de manière approfondie les différences de situation des secteurs public et privé – puisque nous l'avons fait dans notre rapport de 2010 sur le changement de mode de calcul pour passage à un régime par points ou en comptes notionnels. Dans l'un des chapitres de cette étude très préliminaire, nous concluons que si nous procédions à une unification des différents systèmes, une partie des cotisants serait favorisée, mais l'autre fortement défavorisée, ce qui la conduirait à descendre dans la rue comme lors de toute réforme de structure.
Si un effort de rapprochement entre les secteurs public et privé a été accompli en termes d'âge, de durée et, depuis la loi de 2010, de taux de cotisation, il subsiste encore des différences importantes dans le mode de calcul de la retraite. C'est pourquoi, loin de nous montrer aveugles à la situation, nous gardons les yeux grands ouverts sur un sujet dont nous ne dissimulons d'ailleurs aucun élément d'information et sur lequel le COR poursuivra son travail d'étude en 2013.
Cinquième caractéristique de notre système de retraite, si le taux d'emploi des 55-64 ans a augmenté de 10 points depuis 2000, des progrès restent à accomplir en ce domaine. Des mesures ont d'ailleurs été prises par les gouvernements de tous bords afin de diminuer le nombre des préretraites et de favoriser la poursuite d'activité, ainsi que concernant le décalage des âges et la transition vers la retraite. Si le taux d'activité des 55-64 ans a progressé, celui des 60-64 ans reste insuffisant. On recense néanmoins un grand nombre de chômeurs dans cette catégorie.
Quant à la situation financière, le système est structurellement déficitaire pour des raisons tant démographiques – jusqu'en 2035 – qu'économiques, difficulté dont nous avons analysé les éléments de solution dans notre onzième rapport.
Enfin, quant à savoir si notre système de retraite est en adéquation avec ses objectifs, les textes sont longtemps restés ambigus quant à la définition de ceux-ci. C'est pourquoi le COR a essayé de les expliciter dans un rapport de janvier 2010 dont les conclusions ont été intégrées dans la loi de novembre 2010 sous la forme d'une liste d'objectifs : maintien d'un niveau de vie satisfaisant pour les retraités, lisibilité et transparence, équité intergénérationnelle, solidarité à l'intérieur des générations, pérennité financière et progression du taux d'emploi des personnes de plus de 55 ans, sans oublier la réduction des écarts de pension entre hommes et femmes – la difficulté résidant dans la nécessité de concilier tous ces objectifs. Qui plus est, tous n'accordent pas la même priorité à chaque objectif. Néanmoins la pérennité financière constitue-t-elle, davantage qu'un objectif, une condition d'existence du système puisque sans elle, les nouvelles générations perdront confiance en lui. Cette condition préalable ne doit pas pour autant dissimuler les autres objectifs auxquels nous devons satisfaire.
Nous nous sommes à cet égard posé cinq questions. Premièrement, comment assurer la pérennité financière du système dans le respect de l'équité entre générations ? L'abaque nous désigne ainsi le mix de mesures auquel on peut procéder, étant entendu qu'en cas d'inaction, notre endettement sera considérable. Or gérer le système de retraite par la dette n'est pas satisfaisant. Nous avons calculé que si nous ne dégagions aucune ressource nouvelle, l'endettement lié au système de retraite passerait de 15 à 51 % du PIB d'ici 2040.
Dans nos choix, il nous faut en outre éviter de reporter la charge sur les nouvelles générations. Or, à ce jour, nous n'avons constaté aucun changement dans l'équilibre intergénérationnel entre les générations d'il y a dix ou quinze ans et les générations actuelles. Sans doute parce que les premières cotisaient moins que les secondes mais que du fait de l'espérance de vie, leur retraite était plus courte que pour les générations actuelles. Quant au choix des mesures à prendre, vous pourrez interroger Mme Yannick Moreau la semaine prochaine.
Deuxième question, moins connue : comment rendre équitables les règles du « coeur » du système ? Résultant de négociations entre le Gouvernement et les partenaires sociaux, et visant par conséquent à favoriser les personnes aux carrières régulières et durables, les règles actuelles du système en annuités – qu'elles portent sur le calcul du salaire de référence sur les vingt-cinq meilleures années, sur les 200 heures au SMIC horaire pour valider un trimestre, sur la délimitation des décotes et des surcotes, ou sur les conditions d'ouverture des droits à la retraite – produisent à bien des égards un effet anti-redistributif. Cela étant, les gens sont si attachés au statu quo que sa remise en cause pose problème.
Troisième point : comment rendre les dispositifs de solidarité explicites plus équitables et efficaces ? Tient-on véritablement compte des accidents de carrière ? Cible-t-on bien les droits familiaux ? La question de la réversion est-elle bien traitée ?
Quatrième question : comment renforcer l'équité à l'intérieur des générations ? À cet égard, nous avons consacré plusieurs rapports spéciaux aux thèmes des poly-pensionnés et de l'égalité entre hommes et femmes et abordé la pénibilité dans notre douzième rapport.
Cinquième et dernière question : comment améliorer la transparence et la lisibilité du système ? Nous pouvons ici prendre deux types de mesures concernant, d'une part, l'information des assurés – point sur lequel on a nettement progressé grâce à la constitution du groupement d'intérêt public (GIP) Info-retraite et aux mesures prévues par la loi de novembre 2010 – et, d'autre part, la simplification – point encore insuffisamment pris en compte et qui nous conduit implicitement à nous interroger quant à l'architecture du système. Car on peut certes renforcer la convergence des régimes mais une véritable simplification nécessiterait un travail de plus long terme qui n'est pas à l'ordre du jour immédiat des pouvoirs publics.