Commission des affaires sociales

Réunion du 12 juin 2013 à 9h00

Résumé de la réunion

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La réunion

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COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

Mercredi 12 juin 2013

La séance est ouverte 9 heures.

(Présidence de Mme Catherine Lemorton, présidente de la Commission)

La Commission entend M. Raphaël Hadas-Lebel, président du Conseil d'orientation des retraites (COR) sur les onzième et douzième rapports du conseil

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Nous recevons ce matin M. Raphaël Hadas-Lebel, président du Conseil d'orientation des retraites (COR) qui nous présentera les onzième et douzième rapports de celui-ci, publiés en décembre 2012 et en janvier 2013. Il est accompagné de M. Yves Guégano, secrétaire général du COR.

Créé en 2000, ce conseil est une instance indépendante et pluraliste chargée d'analyser et de suivre régulièrement les évolutions à moyen et long termes des régimes de retraite ainsi que la situation des retraités et de formuler des propositions dans ces domaines. Il est composé de trente-neuf membres : son président, des représentants de l'État, des assurés sociaux, des employeurs, des familles et des retraités ; des personnes qualifiées ; quatre sénateurs et quatre députés – dont trois sont membres de notre commission, Jacqueline Fraysse, Michel Issindou et Denis Jacquat, le quatrième étant Jean-Christophe Fromantin.

Lors de la grande conférence sociale de juillet 2012, le Gouvernement a adopté une démarche originale afin de préparer ses décisions en vue d'assurer l'avenir de notre système de retraites. Dans un premier temps, une mission de diagnostic et d'état des lieux – et notamment des perspectives financières de ce système – a tout naturellement été confiée au COR. Ensuite, le Premier ministre a confié à Mme Yannick Moreau le soin de présider la commission pour l'avenir des retraites, chargée d'identifier les différentes pistes de réforme permettant d'assurer l'équilibre des régimes de retraite à court, moyen et long termes, et d'en renforcer la justice, l'équité et la lisibilité pour les assurés. Son rapport sera publié en fin de semaine ; nous auditionnerons ensuite Mme Yannick Moreau la semaine prochaine.

Le onzième rapport du COR est consacré aux perspectives à horizon de 2020, 2040 et 2060 : il présente les perspectives financières des régimes de retraite et les conditions de leur équilibre financier. Le douzième, présentant un état des lieux du système français, en rappelle les principales caractéristiques tout en examinant son adéquation avec les objectifs qui lui sont assignés, notamment en termes de pérennité financière, d'équité intergénérationnelle, de contributivité et de solidarité.

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Raphaël Hadas-Lebel, président du Conseil d'orientation des retraites, COR

Il convient tout d'abord de resituer les onzième et douzième rapports du COR dans le processus de préparation de la réforme des retraites dont le point de départ fut la feuille de route arrêtée à l'issue de la Conférence sociale de juillet 2012. Au cours de celle-ci, fut prévue, dans le domaine des retraites et en amont de la concertation avec les partenaires sociaux, une phase de diagnostic de notre système de retraite et de ses perspectives financières dont la mission a été confiée au COR. Ce sont donc ces travaux, publiés dans le délai imparti – c'est-à-dire à la fin de l'année 2012 et au tout début de l'année 2013 – que je vous exposerai ce matin. Sur le fondement de ce diagnostic, la feuille de route prévoyait ensuite qu'une commission composée de personnalités devrait proposer différents scénarios et pistes de réforme du système.

La composition du COR est telle qu'il nous est fort difficile d'y recueillir l'accord de tous, compte tenu des divergences entre les députés et sénateurs, entre les patrons et les organisations syndicales, ou encore entre les différents experts consultés. S'il nous est certes possible d'établir des diagnostics consensuels, ce qui est déjà beaucoup, nous ne sommes en revanche pas en mesure de définir tous ensemble des propositions de réforme. C'est pourquoi le Gouvernement a jugé nécessaire d'instituer une structure intermédiaire, sous la forme d'une commission présidée par mon prédécesseur au COR, Mme Yannick Moreau, et dont la composition a également été définie par le Gouvernement pour éclairer ses choix. La commission remettra son rapport à la fin de cette semaine. Et dès les 20 et 21 juin, le Gouvernement entamera une concertation avec les partenaires sociaux afin de présenter un projet de réforme des retraites à l'automne.

Dans un souci de clarté, nous avons présenté notre diagnostic dans deux rapports distincts.

Datant de décembre 2012, le onzième rapport, d'ordre plus quantitatif, est fondé sur les projections que nous produisons tous les cinq ou six ans sur les perspectives à moyen-long termes du système de retraite. Il importait en effet au Gouvernement de disposer d'une vision claire des perspectives financières de ce système à court terme mais aussi à l'horizon de 2020, 2030, 2040 et 2060.

Je vous présenterai d'abord les hypothèses économiques ayant sous-tendu nos projections, puis les résultats obtenus.

L'établissement de projections en matière de retraites doit tenir compte de trois grandeurs particulières et tout d'abord, d'hypothèses démographiques. Dans un régime de répartition, c'est en effet la démographie qui commande à la fois les dépenses et les recettes – soit l'évolution du nombre de retraités et de cotisants. Pour ce faire, nous nous sommes appuyés sur les chiffres de l'INSEE, à commencer par le taux de fécondité qui, à long terme, s'élèverait à 1,95 enfant par femme, même s'il est plus proche de 2 actuellement. Il importe en outre de disposer d'un taux de mortalité prévisible à long terme, ce taux commandant la durée de perception de la pension. Or, on constate que l'espérance de vie à 60 ans s'allonge d'environ un an tous les huit à dix ans, soit d'environ un trimestre tous les deux ans, l'espérance de vie à la naissance augmentant en revanche plus rapidement. Enfin, le solde migratoire – qui permet de calculer quelle sera la population active – s'élèverait à 100 000 personnes par an, selon une moyenne établie par l'INSEE.

La deuxième série d'hypothèses est d'ordre réglementaire : afin de connaître l'évolution de notre système de retraite, il nous faut en effet savoir en fonction de quelles décisions et règles les pensions seront fixées. Nous nous sommes fondés sur l'idée que nous ne pouvions travailler qu'à législation constante. En d'autres termes, nous avons donc pris en compte toutes les réformes et modifications adoptées jusqu'au début de nos projections, sans préjuger des futures décisions qui seraient prises. Cela inclut en particulier le principe d'allongement de la durée d'assurance prévu par la « loi Fillon » du 21 août 2003, dont les effets cesseront en 2020, le relèvement des âges légaux de départ à la retraite prévu par la loi du 9 novembre 2010, les possibilités ouvertes par le Gouvernement actuel de départ à 60 ans pour certaines catégories d'assurés et les hausses de cotisations prévues par celui-ci en juillet dernier.

Concernant les régimes complémentaires, nous avons simplement retenu deux hypothèses : celle d'un rendement constant jusqu'en 2060 et celle d'une baisse de celui-ci. Le rendement est constant lorsque la valeur d'achat et la valeur de service du point évoluent parallèlement, conformément aux prix. En revanche, nous n'avons pas pris en compte les décisions prises par les partenaires sociaux dans le cadre de l'accord du 18 mars 2011.

La troisième série regroupe des hypothèses économiques. En effet, l'évolution du système de retraite dépend bien évidemment de la conjoncture et tout particulièrement de deux grandeurs ayant un effet majeur sur le montant des cotisations : les taux de chômage et de productivité du travail. Or, nous ne saurions nous contenter d'une seule hypothèse de taux de chômage, surtout au-delà de 2020 – et a fortiori en 2030 ou en 2040.

Pourtant, si de manière globale, peu de critiques nous sont adressées, l'une des deux plus fréquentes que nous ayons entendues tend précisément à dénoncer l'excès d'optimisme dont nous aurions fait preuve en établissant nos hypothèses de taux de chômage, que j'estime pour ma part volontaristes et non optimistes – ce qui est fort différent – et que nous donc assumons pleinement.

Dans nos scénarios A et B, nous avons retenu l'hypothèse favorable d'un taux de chômage à 4,5 % : sans doute allez-vous me rire au nez mais il s'agit en réalité d'un retour à ce niveau à l'horizon 2030. En revanche, le maintien de notre taux de chômage à 10 % en 2030, 2040 et 2060 risquerait de poser un véritable problème à notre système de retraite et l'idée que l'on serait incapable de le faire baisser sur un demi-siècle est un défi que nous refusons d'assumer. Notre hypothèse C est donc fondée sur un taux de chômage à 7 % en 2030. Sans aller au-delà, la variante C' s'appuie sur une hypothèse plus défavorable en matière de taux de productivité. Je mets donc quiconque au défi d'affirmer que le COR aurait dû fonder ses hypothèses sur un taux de chômage de 10 % en 2060 ! Un organisme sérieux peut certes formuler une gamme d'hypothèses assez large, mais il serait irresponsable de sa part de s'appuyer sur des scénarios catastrophes sur cinquante ans.

Une autre de nos hypothèses concerne l'évolution du taux de productivité, dont dépend selon nous l'évolution des salaires. Couvrant l'ensemble des possibilités, nos hypothèses de gains de productivité s'échelonnent ainsi d'un point – ce qui est relativement peu – à deux points – ce qui correspond au taux dont nous bénéficiions à la sortie des Trente glorieuses. Nos trois scénarios sont fondés sur des taux à 1,8, à 1,5 et à 1,3 point, avec deux variantes extrêmes à 1 et 2 points. Or, un écart d'un point par an pendant cinquante ans produit des scénarios économiques extrêmement contrastés à l'horizon 2060. Les effets induits par nos différentes hypothèses de chômage sont donc infiniment moindres que les choix faits en matière de productivité.

Conséquence importante de ces hypothèses : parce que notre système de retraite fonctionne par répartition – les cotisations d'une année donnée finançant les retraites versées au cours de cette même année – son besoin de financement dépend beaucoup du rapport entre le nombre de cotisants et le nombre de retraités. À cet égard, l'évolution n'est guère positive, même si elle s'est légèrement améliorée grâce au bon taux de fécondité des femmes : le rapport de 3 à 1 que nous avions connu dans les années 1980 est désormais à 1,8 à 1 et sera d'1,3 en 2060 alors qu'il était de 1,2 dans les projections réalisées par le COR il y a trois ans, avant la réforme de novembre 2010.

Quant aux résultats de cette analyse, à court et moyen termes, c'est-à-dire à l'horizon de 2020, le besoin de financement du système de retraite est évalué à environ 0,9 à 1 point de PIB, soit à vingt milliards d'euros, la réforme de novembre 2010 ayant eu pour effet de couvrir près de la moitié du besoin de financement évalué en avril 2010 à deux points de PIB. Nous n'avions en revanche pas prévu en 2010 que la situation conjoncturelle de l'époque se dégraderait par rapport à nos anticipations et que nous connaîtrions une rechute en 2011, après la légère progression enregistrée au premier trimestre de cette année-là.

À plus long terme, les résultats s'avèrent très contrastés selon les scénarios, et en particulier selon l'hypothèse de productivité retenue. Ainsi, en cas de rendement constant du régime AGIRC-ARRCO, le besoin de financement en 2060 sera excédentaire dans l'hypothèse la plus favorable et la plus optimiste, soit dans l'hypothèse A' fondée sur un taux de chômage de 4,5 % et un taux de productivité de 2 points de PIB. Dans d'autres hypothèses, le déficit pourra s'élever jusqu'à 2,7 points de PIB en 2060. Nous avons simplement observé un infléchissement plus favorable de notre besoin de financement à partir de 2035 – date à laquelle s'achèvera la phase du baby boom : si l'augmentation de l'espérance de vie constitue le principal facteur à prendre en compte à très long terme, à court et moyen termes en revanche, c'est le papy boom – soit l'arrivée à l'âge de la retraite depuis 2006 des générations nées entre 1945 et 1970 – qui constitue le second facteur de renchérissement du montant des retraites. Or, en 2035, la génération 1970 se rapprochera de l'âge de la retraite, à la suite de quoi l'importance des cohortes de départs diminuera.

La grande variabilité des résultats nous renvoie en fait avant tout à la politique économique qui sera suivie jusqu'à cette période – sachant que nous raisonnons à législation inchangée – ce qui signifie que beaucoup dépendra des modes d'indexation des retraites et d'autres facteurs.

Enfin, afin d'équilibrer notre système de retraite, le COR a mis au point un abaque, croquis très simple présentant, en abscisse, le niveau relatif des retraites – soit le rapport entre pensions moyennes et revenu d'activité moyen – et en ordonnée, les ressources mises à disposition du système – et plus particulièrement au niveau des cotisations. Les lignes partant de gauche à droite correspondent quant à elles à l'âge moyen effectif de départ à la retraite. Ce schéma, qui a le mérite de faire prendre conscience que seuls ces trois leviers existent pour équilibrer le système, nous permet ainsi de réfléchir à la meilleure manière de répartir les efforts entre ces différents leviers et de définir l'assemblage de mesures adéquat – cette répartition relevant de choix politiques, voire philosophiques, s'agissant en particulier des charges à faire peser sur les différentes générations. Il convient en tout cas de bien veiller à assurer l'équité intergénérationnelle du système.

Bref, même si certaines de nos hypothèses sont débattues, personne n'a en revanche contesté ces chiffres. Nous avons d'ailleurs fait varier encore davantage qu'en 2010 le spectre de nos hypothèses économiques.

Parallèlement à cette évaluation quantitative, il nous a également été demandé en juin dernier de présenter un état des lieux plus qualitatif et plus synthétique des principales caractéristiques du système de retraite ainsi que de l'adéquation de ce système aux divers objectifs que la loi lui assigne.

Le système de retraite se caractérise premièrement par une multiplicité de régimes de base que l'on évalue à 38, structurés en fonction de critères d'appartenance socioprofessionnelle, malgré le souhait, formulé en 1945 par mon auguste prédécesseur et président de la section sociale du Conseil d'État Pierre Laroque, d'instaurer un système unique. S'il a échoué sur ce point, c'est en raison de divergences et de l'attachement de certains à leur système socioprofessionnel spécifique.

Deuxième caractéristique, tous les systèmes de base et complémentaires légalement obligatoires sont fondés sur la répartition. À ceux-ci s'ajoute un étage supplémentaire de dispositifs facultatifs d'épargne-retraite individuelle et collective, conçus en capitalisation et destinés à compléter la retraite en répartition et non à s'y substituer. Et les grands débats idéologiques ayant opposé les partisans de la répartition à ceux de la capitalisation semblent s'être assez largement pacifiés même si des divergences peuvent subsister quant à la nécessité d'augmenter ou pas la part de la capitalisation, aujourd'hui de 4 % au titre des cotisations de l'ensemble du système de retraite et de 2 % au titre des prestations.

Cette diversité de régimes se retrouve également dans les conditions d'ouverture des droits à la retraite, dans les règles d'acquisition et de valorisation de ces droits ainsi que dans les paramètres de calcul des pensions. Et cela, malgré le mouvement de convergence ayant accompagné l'allongement de la durée d'assurance requise pour percevoir une retraite à taux plein – identique pour tous – en fonction de l'espérance de vie. Sur ce point en effet, le mécanisme de la « loi Fillon » s'applique à tous les régimes. De même, les effets du relèvement des âges légaux de départ à la retraite résultant de la réforme de novembre 2010 conduiront à terme tous les cotisants à voir leurs droits ouverts à 62 ans, et 67 ans pour l'âge d'annulation de la décote.

Autre élément de convergence : tous les régimes sont en annuités, sauf pour les professionnels libéraux, et se calculent sur la base d'une durée d'assurance. La durée requise pour percevoir une retraite à taux plein est fixée par génération : pour les générations actuelles, elle est de 166 trimestres. De même, les pensions complémentaires se calculent en points par référence aux cotisations versées.

Au total, si l'on recense un certain nombre d'éléments de rapprochement, le système reste caractérisé par une diversité des conditions d'acquisition et d'ouverture des droits à la retraite.

Troisième caractéristique : parallèlement aux droits acquis en propre en contrepartie de l'exercice d'une activité professionnelle, une part importante des droits à la retraite, soit environ 20 %, sont attribués au titre de la solidarité – pour des motifs aussi variés que les départs précoces à temps plein en cas de carrière longue, l'invalidité, l'inaptitude, le handicap, les conditions de travail liées à certains métiers de la fonction publique, les minima de pension tels que le minimum contributif dans le secteur privé, le minimum garanti dans la fonction publique, le minimum vieillesse et l'allocation de solidarité aux personnes âgées et toutes les périodes assimilées liées à des périodes d'inactivité et donnant lieu à cotisation : le chômage, la maladie, la maternité, la possibilité de surcotiser lorsque l'on est à temps partiel, les droits familiaux, les majorations de durée d'assurance, l'assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF), la majoration de pension pour trois enfants et plus et les pensions de réversion.

Quatrième caractéristique : en dépit d'un certain nombre de disparités, ce système confère aux retraités un niveau de vie à ce jour proche de celui des actifs – ce qui n'a pas toujours été le cas puisque, jusque dans les années 1970, retraite équivalait à pauvreté. En 2010, le montant moyen des retraites s'élevait à 1 216 euros, hors réversion et majoration pour trois enfants et plus, et progresse plus rapidement que l'inflation du fait de l'effet noria : en effet, les générations parvenant aujourd'hui à l'âge de la retraite bénéficient de salaires et donc de pensions supérieurs à ceux des personnes parties rejoindre un monde meilleur. Malgré ces évolutions, on recense des disparités importantes de pension entre retraités – notamment entre hommes et femmes – avant les mesures de correction liées aux mécanismes de solidarités que j'évoquais tout à l'heure.

Quant aux disparités existant entre les secteurs public et privé, il suffit à ceux qui nous reprochent de dissimuler les informations relatives aux retraites du secteur public de lire nos rapports pour constater bien au contraire que nous y précisons qu'à la fin de l'année 2008, le montant moyen de la pension de droit propre s'élevait à 1 757 euros par mois en moyenne pour les fonctionnaires et assurés des régimes spéciaux contre 1 166 euros pour les salariés du secteur privé, et 793 euros pour les non salariés. Nous y soulignons également que ces écarts sont le reflet de différences catégorielles existant au regard de critères tels que la durée moyenne de carrière, le niveau de diplôme et de qualification – en moyenne supérieur dans la fonction publique – ainsi que le statut.

Lors d'une séance de travail du COR, nous avons essayé de comparer la situation des fonctionnaires à celle des salariés du secteur privé, pour des générations nées en 1950, 1960, 1970, 1980 et 1990, sur la base de huit carrières-types : quatre carrières de salariés du secteur privé – un cadre à carrière continue, un non-cadre à carrière continue, un non-cadre à carrière interrompue par le chômage et une femme ayant interrompu sa carrière pour élever un enfant – et quatre de fonctionnaires d'État dont un agent de catégorie B, un enseignant de catégorie A avec faible taux de prime, un haut fonctionnaire de catégorie A + bénéficiant d'un taux de prime élevé et un agent de police – pouvant partir à la retraite dès l'âge de 50 ou de 52 ans. Dans l'exemple de la génération 1950, le cadre à carrière continue du secteur privé ne bénéficie d'un taux de remplacement – soit le rapport entre la pension et le dernier salaire – que de 56 %, contre 54 % pour le cadre de catégorie A + à taux de prime élevé, ce qui s'explique par le fait que le système de retraite de la fonction publique n'intègre que très peu les primes. En revanche, le non-cadre à carrière continue du secteur privé bénéficie d'un taux de remplacement de 75 %, contre 76 % pour l'enseignant de catégorie A ayant perçu peu de primes.

Cela ne veut pas dire qu'il n'y a aucun problème et qu'il est inutile de comparer de manière approfondie les différences de situation des secteurs public et privé – puisque nous l'avons fait dans notre rapport de 2010 sur le changement de mode de calcul pour passage à un régime par points ou en comptes notionnels. Dans l'un des chapitres de cette étude très préliminaire, nous concluons que si nous procédions à une unification des différents systèmes, une partie des cotisants serait favorisée, mais l'autre fortement défavorisée, ce qui la conduirait à descendre dans la rue comme lors de toute réforme de structure.

Si un effort de rapprochement entre les secteurs public et privé a été accompli en termes d'âge, de durée et, depuis la loi de 2010, de taux de cotisation, il subsiste encore des différences importantes dans le mode de calcul de la retraite. C'est pourquoi, loin de nous montrer aveugles à la situation, nous gardons les yeux grands ouverts sur un sujet dont nous ne dissimulons d'ailleurs aucun élément d'information et sur lequel le COR poursuivra son travail d'étude en 2013.

Cinquième caractéristique de notre système de retraite, si le taux d'emploi des 55-64 ans a augmenté de 10 points depuis 2000, des progrès restent à accomplir en ce domaine. Des mesures ont d'ailleurs été prises par les gouvernements de tous bords afin de diminuer le nombre des préretraites et de favoriser la poursuite d'activité, ainsi que concernant le décalage des âges et la transition vers la retraite. Si le taux d'activité des 55-64 ans a progressé, celui des 60-64 ans reste insuffisant. On recense néanmoins un grand nombre de chômeurs dans cette catégorie.

Quant à la situation financière, le système est structurellement déficitaire pour des raisons tant démographiques – jusqu'en 2035 – qu'économiques, difficulté dont nous avons analysé les éléments de solution dans notre onzième rapport.

Enfin, quant à savoir si notre système de retraite est en adéquation avec ses objectifs, les textes sont longtemps restés ambigus quant à la définition de ceux-ci. C'est pourquoi le COR a essayé de les expliciter dans un rapport de janvier 2010 dont les conclusions ont été intégrées dans la loi de novembre 2010 sous la forme d'une liste d'objectifs : maintien d'un niveau de vie satisfaisant pour les retraités, lisibilité et transparence, équité intergénérationnelle, solidarité à l'intérieur des générations, pérennité financière et progression du taux d'emploi des personnes de plus de 55 ans, sans oublier la réduction des écarts de pension entre hommes et femmes – la difficulté résidant dans la nécessité de concilier tous ces objectifs. Qui plus est, tous n'accordent pas la même priorité à chaque objectif. Néanmoins la pérennité financière constitue-t-elle, davantage qu'un objectif, une condition d'existence du système puisque sans elle, les nouvelles générations perdront confiance en lui. Cette condition préalable ne doit pas pour autant dissimuler les autres objectifs auxquels nous devons satisfaire.

Nous nous sommes à cet égard posé cinq questions. Premièrement, comment assurer la pérennité financière du système dans le respect de l'équité entre générations ? L'abaque nous désigne ainsi le mix de mesures auquel on peut procéder, étant entendu qu'en cas d'inaction, notre endettement sera considérable. Or gérer le système de retraite par la dette n'est pas satisfaisant. Nous avons calculé que si nous ne dégagions aucune ressource nouvelle, l'endettement lié au système de retraite passerait de 15 à 51 % du PIB d'ici 2040.

Dans nos choix, il nous faut en outre éviter de reporter la charge sur les nouvelles générations. Or, à ce jour, nous n'avons constaté aucun changement dans l'équilibre intergénérationnel entre les générations d'il y a dix ou quinze ans et les générations actuelles. Sans doute parce que les premières cotisaient moins que les secondes mais que du fait de l'espérance de vie, leur retraite était plus courte que pour les générations actuelles. Quant au choix des mesures à prendre, vous pourrez interroger Mme Yannick Moreau la semaine prochaine.

Deuxième question, moins connue : comment rendre équitables les règles du « coeur » du système ? Résultant de négociations entre le Gouvernement et les partenaires sociaux, et visant par conséquent à favoriser les personnes aux carrières régulières et durables, les règles actuelles du système en annuités – qu'elles portent sur le calcul du salaire de référence sur les vingt-cinq meilleures années, sur les 200 heures au SMIC horaire pour valider un trimestre, sur la délimitation des décotes et des surcotes, ou sur les conditions d'ouverture des droits à la retraite – produisent à bien des égards un effet anti-redistributif. Cela étant, les gens sont si attachés au statu quo que sa remise en cause pose problème.

Troisième point : comment rendre les dispositifs de solidarité explicites plus équitables et efficaces ? Tient-on véritablement compte des accidents de carrière ? Cible-t-on bien les droits familiaux ? La question de la réversion est-elle bien traitée ?

Quatrième question : comment renforcer l'équité à l'intérieur des générations ? À cet égard, nous avons consacré plusieurs rapports spéciaux aux thèmes des poly-pensionnés et de l'égalité entre hommes et femmes et abordé la pénibilité dans notre douzième rapport.

Cinquième et dernière question : comment améliorer la transparence et la lisibilité du système ? Nous pouvons ici prendre deux types de mesures concernant, d'une part, l'information des assurés – point sur lequel on a nettement progressé grâce à la constitution du groupement d'intérêt public (GIP) Info-retraite et aux mesures prévues par la loi de novembre 2010 – et, d'autre part, la simplification – point encore insuffisamment pris en compte et qui nous conduit implicitement à nous interroger quant à l'architecture du système. Car on peut certes renforcer la convergence des régimes mais une véritable simplification nécessiterait un travail de plus long terme qui n'est pas à l'ordre du jour immédiat des pouvoirs publics.

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Il ressort de votre onzième rapport que si l'on ne réforme pas le système, à législation constante et compte tenu des hypothèses que vous avez retenues, nous irons très rapidement « dans le mur », et ce, en dépit des réformes précédentes, toutes censées être « la der des ders » et qu'il s'avère nécessaire de reprendre. De fait, la réforme de novembre 2010 n'a pas réglé le problème de fond puisque nous sommes contraints d'y revenir, moins de trois ans plus tard, dans un contexte de déficit structurel constant dont la conjoncture n'a fait qu'accélérer le rythme. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2007 faisait d'ailleurs déjà état d'un déficit de près de 5 milliards d'euros de la branche vieillesse. Il est donc absolument nécessaire d'agir pour sauver ce système de répartition né dans l'après-guerre, fondé sur la solidarité intergénérationnelle et auquel les Français sont extrêmement attachés, tant il leur assure de la sécurité à l'âge de la retraite ainsi que la garantie d'achever leur vie dans la dignité.

Votre douzième rapport est plus complexe à analyser : vous étant placé au « coeur » du système, vous y avez parfois comparé l'incomparable. On recense en effet aujourd'hui dans ce pays pas moins de 38 régimes de retraite s'étant constitué au fil de l'Histoire. Et si chacun est très attaché à la préservation de ses acquis, on y observe des inégalités et des injustices, voire parfois une véritable redistribution à l'envers. Au-delà des aspects financiers de court terme, il nous reviendra, dans le cadre de la réforme à venir, à défaut d'unifier ces régimes, de poursuivre leur harmonisation afin que les mêmes situations professionnelles produisent les mêmes résultats en matière de retraite. La réversion, par exemple, est plafonnée dans les régimes de base, mais déplafonnée dans les régimes complémentaires et s'élève à 50 % dans le secteur public. Or, il n'y a pas de raison qu'une veuve perçoive une pension différente de celle des autres alors qu'il ne s'agit pas en l'occurrence de droits directs mais indirects.

Je suis heureux que vous ayez clarifié le débat relatif aux secteurs public et privé, tant ce qu'on peut lire sur le sujet est erroné ! Certains médias présentent ainsi des comparaisons insensées de niveau moyen de retraite dans ces deux secteurs alors que ce sont les taux de remplacement qu'il convient de comparer. Or justement, ce taux est souvent identique pour les cadres ou les salariés, quel que soit le secteur. Le sujet ne mérite donc pas cet excès de polémique, même s'il est évident que nous en débattrons.

Vous avez rappelé que votre illustre prédécesseur Pierre Laroque souhaitait un système unique : cette solution séduisante, qui permet, sur la base de cotisations, d'attribuer les mêmes droits à tous, et apporte donc une solution au problème des poly-pensionnés, constitue-t-elle selon vous une piste à moyen ou à long terme ?

Enfin, quelles conclusions tirez-vous dans votre rapport en matière de pénibilité ?

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Depuis un certain nombre d'années, l'État ment véritablement aux Français lorsqu'il affirme vouloir leur garantir une retraite décente et maintenir le niveau de vie des retraités alors que notre système repose sur deux fondements aux évolutions difficiles : la démographie et l'économie. Quant au premier, notre taux de natalité a en effet chuté depuis les années 1960 même s'il reste satisfaisant par rapport à celui de nos voisins européens. S'agissant de l'économie, depuis les années 1980, le taux de chômage ne cesse d'augmenter – cette hausse s'étant accélérée au cours des douze derniers mois.

Je vous remercie d'autre part d'avoir rappelé que la réforme de 2010 nous a permis d'assurer le financement du système à hauteur d'1 point de PIB, soit 20 milliards d'euros. J'ajoute que cette réforme n'a jamais constitué une fin en soi puisqu'un point d'étape était prévu en 2013 afin de réfléchir aux perspectives de long terme, et notamment à la notion de régime unique.

Si le rapport Moreau ne sera rendu que vendredi, la presse en a déjà dévoilé certaines pistes et solutions : permettront-elles selon vous de résorber le déficit de nos systèmes de retraite ? Quel est l'impact de l'augmentation de la durée de cotisation sur ce système à court ou moyen terme – soit vers 2020 ? Ne conviendrait-il pas de l'associer à un recul de l'âge de départ à la retraite, en accélérant la réforme de 2010 pour le fixer à 62 ans, non pas en 2016-2017 mais dès 2015 ?

D'autre part, nous faudra-t-il obligatoirement recourir à l'instrument fiscal pour résoudre nos problèmes de financement, notamment en augmentant la contribution sociale généralisée (CSG) ou en supprimant l'abattement de 10 % dont bénéficient les retraités ?

Quant au débat relatif aux secteurs public et privé, cessons d'opposer nos concitoyens alors que des disparités existent au sein même de la fonction publique : de fait, les hauts fonctionnaires perçoivent des primes, ce qui est beaucoup moins le cas des fonctionnaires de l'Éducation nationale. Avez-vous néanmoins mesuré l'impact financier de l'allongement de la période de référence dans la fonction publique, de six mois à cinq ou dix ans, voire aux vingt-cinq meilleures années comme c'est le cas dans le privé ? Cet impact est-il supérieur à celui de l'augmentation des cotisations salariales ?

Au-delà de ce débat précis, que pensez-vous de l'unification des régimes ? Il conviendrait d'assurer l'équité entre l'ensemble des Français – parlementaires compris – dans le cadre d'un régime unique par points et en comptes notionnels à la française, fondé sur la neutralité actuarielle.

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Quel a été l'impact de la crise économique et de la dégradation du marché de l'emploi sur les bienfaits attendus de la réforme des retraites de novembre 2010 ?

Les partenaires sociaux s'inquiétant de la hausse massive et continue du chômage, et notamment de son impact sur l'évolution des cotisations sociales, pourquoi vous être arrêté au scénario C qui prévoit un taux de chômage de 7 % en 2020 et des gains de productivité estimés à 1,5 % par an et pourquoi ne pas avoir envisagé un scénario plus dramatique – à 9 % de taux de chômage ?

Quel serait le gain financier d'un relèvement progressif de l'âge légal de départ à la retraite à 64 ou 65 ans à l'horizon 2020, en comparaison des économies qu'engendrerait un allongement de la durée de cotisations à 44 années ?

Ne conviendrait-il de rendre les règles de droit à la retraite plus équitables – et par conséquent de s'interroger quant aux différences existant entre les secteurs public et privé, à la mise en extinction progressive des régimes spéciaux et à la prise en compte de la pénibilité pour l'ensemble des salariés concernés ?

Enfin, vous soulignez à plusieurs reprises à quel point notre mode de calcul des pensions désavantage les femmes et les salariés percevant des bas salaires : comment réparer une telle injustice ?

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Cité dans vos rapports, le chiffre de 20 milliards d'euros de déficit à combler d'ici 2020 dénote un véritable dysfonctionnement de notre système de retraite auquel il convient de remédier en favorisant son retour à l'équilibre financier. Compte tenu de la situation d'urgence dans laquelle nous nous trouvons, la réforme semble quasiment inévitable.

Mais au-delà de la question des retraites, c'est en réalité l'ensemble du schéma de l'emploi qui devrait faire l'objet d'une réflexion rigoureuse afin d'être profondément refondu. Ce schéma englobe la formation professionnelle et les retraites – soit le parcours entier d'un Français, depuis ses études jusqu'à son départ à la retraite – car on ne saurait déconnecter la question des retraites de celle de l'emploi et du parcours professionnel.

Quant à votre onzième rapport, il est fondé sur trois scénarios A, B et C ainsi que sur deux variantes A' et C', c'est-à-dire sur cinq projections différentes. Construits sur la même base démographique de l'INSEE ainsi que sur la même hypothèse réglementaire, ces scénarios ne se distinguent que par les différentes hypothèses économiques sur lesquelles ils s'appuient en matière d'accroissement annuel de la productivité du travail ainsi que de taux de chômage à long terme. Or, certains écarts se retrouvent quels que soient les critères retenus : ainsi la croissance du PIB en volume varie-t-elle du simple au double entre 2011 et 2060, selon les scénarios et variantes. Mais le critère le plus marquant est celui du solde financier du système : dans le cas de rendements AGIRC-ARRCO décroissants, dans l'hypothèse A' – soit la plus favorable –, on peut espérer atteindre en 2060 un solde excédentaire de 97,4 milliards d'euros. Tandis qu'en cas de rendement constant, le scénario C' entraînerait un solde déficitaire de 99,5 milliards. La différence est donc plus que frappante et ces projections démontrent toute l'importance de la conjoncture et la nécessité de sortir de la crise.

N'ayant pas pour ambition d'orienter politiquement les gouvernements dans leur vision du système, le COR se contente de présenter dans ses abaques les trois leviers permettant d'ajuster les conditions d'équilibre du système, soit le rapport entre la pension moyenne nette et le revenu moyen net d'activité, le niveau des ressources et l'âge effectif moyen de départ à la retraite. Ces abaques constituent un outil fort intéressant laissant toute sa place à la décision politique, ce dont on ne peut que se réjouir alors que nous sommes trop souvent confrontés à des réalités qui nous imposent une seule et unique solution. La méthodologie utilisée démontre également la nécessité de réformer le système puisque dans ce onzième rapport, 33 des principaux régimes de retraite obligatoires ont été analysés, contre les cinq principaux seulement dans votre rapport de 2010. C'est en raison de cette différence que les résultats de vos projections de 2011 ne vous paraissent pas comparables avec celles de l'année précédente. Il conviendrait en tout état de cause de mener une réflexion quant à la multiplicité de ces régimes.

Quant aux inégalités entre les femmes et les hommes, vous avez déclaré il y a un mois devant la Délégation aux droits des femmes de notre assemblée que « si la situation change, elle ne change pas assez rapidement ». Dans votre douzième rapport, vous avez également cité des chiffres tout à fait significatifs : à la fin de l'année 2008, la pension des femmes ne représentait que 53 % de celle des hommes, soit 879 euros pour les premières contre 1 657 pour les seconds. Vous avez également précisé que si ces écarts étaient en train de se réduire, cette diminution marquait le pas. Cet axe devra donc constituer l'une des priorités de la réforme à venir.

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Apparemment partagé par l'ensemble des acteurs votre diagnostic nous permettra de débattre sereinement et de poser clairement les questions en jeu.

Pour la gauche au pouvoir, la question des retraites est essentielle et nous n'avons pas l'intention de faire descendre les gens dans la rue. Nous souhaitons en effet réformer notre système de retraite pour le rendre plus juste et plus équitable tout en le sauvegardant, tant il a fait la richesse de nos générations depuis 1940, et non pour cliver les différentes composantes de la population. Nous souhaitons en outre préserver un système par répartition auquel nos concitoyens sont attachés, puisqu'il leur permet d'envisager sereinement leur avenir personnel – en leur garantissant le bénéfice d'un niveau de vie décent à l'âge de la retraite – tout en étant fondé sur la solidarité intergénérationnelle.

Personne ne nie les difficultés actuelles, d'ailleurs approfondies par la crise, que nous serons en mesure de dépasser à terme si l'activité économique évolue de manière positive. Il n'empêche qu'il nous faudra prendre un certain nombre de mesures – ce qui ne signifie pas pour autant qu'il faille jeter le bébé avec l'eau du bain ! Car même en période de crise, le système de répartition doit être conservé. Dans les années 1940, après la crise financière de 1929, le monde a choisi ce système de manière quasi unanime sur la planète. Auparavant, en effet, le système par capitalisation n'avait pas permis de garantir un niveau de vie décent aux générations futures. Et contrairement à ce que vous avez soutenu, Monsieur le président du COR, le débat relatif au choix entre répartition et capitalisation, loin d'être dépassé, est de nouveau à l'ordre du jour du fait de nos difficultés actuelles. Il nous faudra par conséquent veiller attentivement à ce que la finance ne puisse s'engouffrer dans le système.

Quant au débat relatif aux secteurs public et privé, en dressant les Français les uns contre les autres, il tend à masquer une proposition que l'UMP serait susceptible de formuler et qui risquerait de provoquer du sang et des larmes dans la réforme des retraites. Quel serait l'impact financier d'un alignement complet du régime du secteur public sur celui du secteur privé ?

Enfin, quant à la durée et au nombre d'années de cotisations, si l'espérance de vie augmente, en revanche, l'espérance de vie en bonne santé a diminué depuis deux ans, d'après l'INSEE : qu'en pensez-vous ?

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La multiplicité des régimes est devenue insupportable aux yeux des Français qui y voient une forme de discrimination et qui réclament donc une harmonisation du système. C'est pourquoi nous avions prévu une clause de rendez-vous en 2013 : nous n'avions en effet jamais affirmé que la réforme de 2010 serait « la der des ders ». Lorsque M. Hadas-Lebel a évoqué les perspectives financières à court terme pour 2020, il a bien insisté sur le fait qu'un problème conjoncturel est apparu en 2011. Et ayant été rapporteur de la loi du 9 novembre 2010, je me souviens avoir indiqué que la réforme valait jusqu'en 2020 et que nous nous fixions deux rendez-vous intermédiaires, l'un en 2018 et l'autre – inséré par amendement – dès 2013. Or cet amendement ne me semble pas avoir fait l'objet d'une opposition majeure.

En conclusion, je recenserai trois points importants dans l'exposé de M. Hadas-Lebel : tout d'abord, les retraités souhaitent conserver le même niveau de vie que lorsqu'ils étaient actifs. Ensuite, il nous faut à tout prix renforcer la lisibilité du système et enfin, assurer sa pérennité financière. Une réforme en profondeur est par conséquent nécessaire.

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Notre système de retraite comporte une part importante de solidarité, ce qui correspond à l'un des sept grands objectifs que lui confère la loi à l'égard des assurés aux revenus les plus faibles ou ayant connu des accidents de carrière, mais également à destination des familles. Ce modèle permet évidemment de réduire les inégalités liées aux périodes d'interruption d'activité ou à certains aléas de la vie. Depuis 2006, le nombre d'allocataires est resté stable et s'élève à un peu moins de 600 000 personnes. Quelles sont vos projections en la matière, dans une période où beaucoup de nos concitoyens suivent des parcours chaotiques ?

D'autre part, la durée d'activité des personnes handicapées peut être interrompue pour des causes de pénibilité ou des problèmes de santé – phénomène qui concerne environ un millier de personnes : avez-vous établi des projections en la matière ainsi que sur la situation des personnes aux carrières très accidentées et dont le nombre va croissant ?

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Je vous remercie d'avoir rappelé les sept objectifs énumérés par la loi du 9 novembre 2010. J'espère d'ailleurs qu'ils sont partagés par l'actuelle majorité parlementaire et qu'elle les traduira en acte – surtout ceux du maintien du niveau de vie des retraités et de la pérennité financière du système.

S'agissant des hypothèses retenues pour établir vos projections, le taux de fécondité, actuellement supérieur à 2 enfants par femme, semble diminuer à 1,95. Cependant, avez-vous mesuré l'impact sur ce taux des mesures de politique familiale qui viennent d'être annoncées ?

Vous avancez par ailleurs l'hypothèse d'un solde migratoire positif de 100 000 personnes par an tout en retenant un taux de chômage que vous avez qualifié de « volontariste » mais que nous aurions souhaité plus réaliste : comptez-vous ajuster vos prévisions chaque année ?

Avez-vous commencé à étudier le thème du travail dissimulé qui augmente de nouveau ?

Quant à la solidarité à l'intérieur des générations, qu'en est-il de la retraite des agriculteurs ?

Enfin, en ce qui concerne les transitions entre l'emploi et la retraite, vous rappelez dans votre rapport l'objectif d'emploi des seniors. Certains membres du COR remettent-ils en cause la possibilité de cumuler un emploi et une retraite au nom de l'équité intergénérationnelle ?

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Je vous remercie d'avoir écarté les faux débats : il n'existe en réalité aucune opposition à faire entre les différentes catégories de personnes, fonctionnaires et non fonctionnaires, actifs et retraités car leurs situations respectives sont in fine assez convergentes, que l'on considère leur niveau de revenu ou leurs droits à la retraite.

D'autre part, en dépit de l'accumulation de déficits de notre système, votre rapport semble plutôt rassurant puisque dans certains scénarios qui sont loin d'être irréalistes, les régimes pourraient s'équilibrer à très long terme.

Quant aux mesures de rééquilibrage à adopter d'ici 2020 pour dégager 1 point de PIB, vous évoquez une hausse d'1,1 % du taux de prélèvement global : s'agit-il d'une hausse du taux de cotisation ou plutôt d'une hausse exprimée en termes de pourcentage du PIB ?

Vous soulignez la baisse du rapport entre la pension moyenne nette et le revenu moyen net d'activité de 5 %. Or, vous prévoyez par ailleurs une stabilité de ce rapport entre aujourd'hui et 2020. J'en conclus donc que le pouvoir d'achat des retraités baissera lui aussi de 5 %.

Enfin, dans votre scénario B à horizon 2060, vous prévoyez un déficit de 0,5 point de PIB : pourquoi faudrait-il décaler de cinq ans l'âge de départ à la retraite dans ces conditions ?

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Vous évaluez à 20 milliards d'euros le montant à dégager d'ici 2020 pour préserver notre système de retraite. Pour autant, celui-ci est à la fois fort divers et fort complexe. Serait-il par conséquent possible d'identifier les différentes composantes de ce montant ?

Le COR dispose-t-il d'outils pour affiner sa mesure des inégalités ? Sommes-nous capables d'identifier la structure des pensions des 10 % de pensionnés les moins bien traités ? L'une des mesures de correction ou de justice à apporter pourrait en effet consister à relever le niveau des pensions les plus faibles.

Enfin, quels sont les taux de remplacement respectifs des secteurs public et privé ?

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Notre système de retraite se caractérise par l'intervention de 35 caisses ainsi que par un enchevêtrement complexe de dispositifs expliquant l'importance des frais de gestion qu'il occasionne : ceux-ci représentent 1,92 % des pensions, contre 1,23 % en Allemagne et 1,19 % en moyenne en Europe. Si certains restent attachés aux régimes spéciaux, la volonté de créer une caisse unique s'était exprimée dès 1945. Une telle solution serait-elle aujourd'hui envisageable afin de simplifier l'architecture du système et donc d'en limiter les frais de gestion ?

La complexité et la diversité des mécanismes de calcul des droits à la retraite créé par ailleurs un sentiment d'opacité chez nos concitoyens, très attachés à l'équité et à l'égalité. Il conviendrait d'aller au-delà d'une convergence entre les régimes des secteurs public et privé, tant on recense de différences au sein même de ces deux secteurs. Serait-il envisageable d'instaurer un régime unique ? Si oui, dans quel délai ?

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Je me félicite que nous conservions une stratégie fondée sur la répartition. La clause de rendez-vous prévue en 2013 par la réforme de 2010, soit très peu de temps après celle-ci, laissait en effet craindre que l'on accorde une place prépondérante à la capitalisation à titre de complément du système de répartition.

Cette réforme mal engagée s'étant avérée insatisfaisante, il nous faut y revenir aujourd'hui. Or, par-delà la possibilité de faire varier différents paramètres pour couvrir nos besoins de financement, le recours à un autre mode de fonctionnement pourrait présenter un certain intérêt à très long terme, d'ici à 2060 : ainsi le mécanisme des comptes notionnels – compatible avec un système par répartition – permet-il aux assurés de bénéficier de comptes individualisés et d'un pilotage automatique du système, mais aussi de prendre en compte certaines périodes d'inactivité – sachant que le système actuel demeure encore inégalitaire, en particulier pour les personnes percevant de bas salaires ainsi que pour les femmes. Serait-il possible de s'orienter à long terme vers un système de ce type – même si certains des pays qui l'utilisent semblent faire marche arrière ? L'Italie, notamment, a fixé l'âge de départ des femmes à 60 ans et celui des hommes à 65 ans, alors qu'elle laissait jusqu'à présent à chacun la possibilité de prendre sa retraite entre 57 et 65 ans.

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Je précise à Jean-Noël Carpentier que nous n'avons aucunement l'intention de mettre les Français dans la rue à cause de cette réforme et rappelle aussi que les seules réformes structurelles à avoir été adoptées – et qui sont certes insuffisantes mais dont tous reconnaissent qu'elles sont allées dans le bon sens – l'ont été par l'ancienne majorité.

Monsieur le Président du COR, vous avez tout à fait raison de souligner que le niveau de vie des retraités est aujourd'hui proche de celui des actifs – mais pour combien de temps ? On s'apercevra peut-être aussi à terme de l'existence d'inégalités entre hommes et femmes ainsi qu'entre salariés à temps plein et à temps partiel.

D'autre part, si c'est en amont – c'est-à-dire au cours de la période d'activité – qu'il convient de régler le problème de la pénibilité, sa prise en compte par le système de retraite reste tout de même légitime : quelles règles d'éligibilité mériteraient-elles d'être clarifiées ?

Serait-il possible de simplifier – voire d'unifier – les multiples règles applicables en matière de handicap et d'invalidité, celles applicables aux mono-pensionnés et aux poly-pensionnés, ou encore aux salariés du secteur privé et aux fonctionnaires ?

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En ce qui concerne la reconnaissance de la pénibilité au travail, je rappellerai que les ouvriers ont une espérance de vie de sept à dix ans inférieure à celle des cadres et une plus longue perspective de vie en mauvaise santé. Or, la réforme de 2010 n'a bénéficié qu'aux personnes en incapacité de travailler, soit à 3 200 personnes seulement. Certaines organisations syndicales proposent donc la prise en compte de trois critères pour évaluer la pénibilité : l'effort physique, l'agressivité de l'environnement et le rythme de travail. Quels critères vous paraissent-ils quant à vous les plus pertinents à cet égard ?

S'agissant de la retraite des femmes, la durée d'assurance validée par celles-ci devrait rejoindre celle des hommes mais les écarts de salaire de référence entre hommes et femmes devraient perdurer, non seulement parce que les écarts de salaire demeurent sur le marché du travail mais aussi parce que 30 % d'entre elles travaillent à temps partiel, contre seulement 7 % des hommes. Et si certains dispositifs permettent de compenser les périodes d'activité réduite, aucune correction spécifique n'est en revanche prévue en matière de salaire de référence. Par conséquent, les femmes continueront à percevoir des retraites plus faibles que les hommes. Quelles mesures préconisez-vous pour compenser ces écarts ?

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C'est au terme d'un débat conflictuel que la réforme votée par l'ancienne majorité en 2010 a fixé le taux d'incapacité permanente ouvrant droit au départ à la retraite à 20 %, mais entre 10 et 20 % pour certaines catégories. Or, même ce pourcentage de 10 % avait choqué et semblait encore trop élevé. Quelles seraient vos propositions en la matière ?

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Force est de constater que la réforme engagée en 2010 afin d'obtenir un équilibre des régimes de retraite en 2018 n'aura pas atteint son but premier. Il convient donc de réviser à nouveau notre système, mais en profondeur cette fois, tout en en respectant les principes fondateurs, à commencer par celui de la répartition. L'exercice est cependant difficile. Si vous avez à la fois tiré la sonnette d'alarme et esquissé des solutions dans vos onzième et douzième rapports, nous souhaiterions vous soumettre des propositions.

Il conviendrait selon nous de prendre en compte, au moins partiellement, la valeur ajoutée des entreprises dans l'assiette des cotisations versées. Il importe également d'assurer le maintien absolu du système de répartition en s'autorisant des aménagements tels que l'application d'un régime à points et le maintien de l'âge actuel de la retraite tout en l'assortissant d'une incitation efficace à prolonger volontairement sa durée d'activité.

Si les résultats que vous avez présentés illustrent qu'aucune génération n'est avantagée ou désavantagée, l'inversion de la pyramide des âges risque cependant de faire contribuer plus fortement à l'avenir les jeunes générations actuelles, compte tenu du principe de solidarité intergénérationnelle, et ce, alors même que les jeunes actifs connaissent aujourd'hui davantage de problèmes de chômage et de changements de carrière qu'auparavant. Il nous faudra donc trouver une solution permettant d'éviter un accroissement des inégalités en défaveur des assurés à carrière courte.

En tout état de cause, les pistes avancées dans vos deux rapports orienteront et éclaireront les décisions qu'auront à prendre les pouvoirs publics en lien avec les partenaires sociaux afin d'assurer la pérennité financière de notre système de retraite.

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Grâce à notre système de retraite, le niveau de vie moyen des retraités est aujourd'hui proche de celui des actifs et parfois meilleur que celui des générations précédentes. Il nous faut cependant trouver des solutions aux problèmes auxquels les précédents gouvernements et le gouvernement actuel ont été ou sont confrontés, problèmes dont le manque de lisibilité du système est sans doute l'une des causes majeures. On recense en effet 38 régimes de base structurés en fonction des catégories professionnelles, soit un système totalement contraire à celui souhaité par Pierre Laroque en 1945. Quelle forme cette simplification pourrait-elle prendre ? Quelles économies supplémentaires engendrerait-elle ? Quel pourrait être le calendrier de cette réforme ?

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L'une des questions qui se posent est de savoir comment améliorer le montant des retraites des femmes seules, majoritaires parmi les ménages pauvres en France. S'il existe déjà un mécanisme de compensation – la majoration de durée d'assurance (MDA), qui attribue des trimestres en fonction du nombre d'enfants élevés – celui-ci pourrait s'avérer à double tranchant : certes favorable à la fécondité, il est cependant potentiellement défavorable au taux d'activité des femmes, et par conséquent à leurs cotisations. Ainsi une femme est-elle moins active – à 89 % au lieu de 92 % – lorsqu'elle a un conjoint, même sans enfant ! Et ce taux diminue jusqu'à 66 % pour les femmes ayant eu trois enfants.

Quant à la pension de réversion, elle concerne des femmes dans 91 % des cas et constitue le seul et unique revenu d'un million d'entre elles en France. Il n'empêche que la situation reste inégalitaire. Faut-il dès lors en généraliser le plafond d'attribution ? Par ailleurs, ce type de pension est tel qu'une femme mariée et restée avec le même homme toute sa vie sera plus avantagée que les autres – ce qui ressemble très fort à la recrudescence d'une vieille politique réactionnaire.

Enfin, parmi les femmes qui n'ont ni eu d'enfant ni été mariées, beaucoup travaillent à temps partiel. Faut-il leur imposer des cotisations supérieures à celles versées par les personnes travaillant à temps plein ?

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Si l'équité constitue un objectif essentiel, la retraite moyenne des retraités agricoles est de l'ordre de 680 euros, ce qui signifie que nombre d'entre eux se trouvent sous le seuil de pauvreté. On parle depuis plusieurs années de porter le niveau de celle-ci à au moins 75 % du SMIC. Or, si une loi a été votée en 2002 concernant la retraite complémentaire. elle n'est toujours pas appliquée aux conjoints ni aux aides familiaux. Est-il par ailleurs normal que les exploitants agricoles voient leur retraite calculée sur l'ensemble de leur carrière alors que pour les autres catégories, elle l'est sur les 25 meilleures années ou sur les six derniers mois de leur carrière ?

Il serait d'autre part vraiment nécessaire de réformer le régime des poly-pensionnés pour mettre un terme à un certain nombre d'inégalités inacceptables.

Enfin, certains parlementaires proposent de créer une caisse unique universelle, ce qui permettrait d'économiser deux milliards d'euros : qu'en pensez-vous ?

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Vous avez affirmé que si l'emploi des seniors augmentait, il piétinait cependant aujourd'hui. Or, l'allongement de la durée de cotisation au vu du niveau d'éducation des jeunes générations ne résoudra pas le problème. Lorsqu'on compare la France aux pays étrangers, notamment de l'OCDE, on s'aperçoit néanmoins que nous n'avons pas à nous jeter la pierre et que certains pays tels que la Suède, le Royaume Uni et les Pays-Bas ont en fait créé de toutes pièces un système de préretraite fondé sur un taux d'invalidité élevé n'existant pas dans notre pays. De plus, l'exemple allemand devrait aujourd'hui nous inquiéter puisque les retraités allemands les plus précaires se voient contraints de compléter leur retraite par des mini-jobs : ils seraient aujourd'hui 760 000 – dont 120 000 auraient plus de 75 ans. Cette dérive à l'américaine s'observe également au Portugal. Le prix à payer pour cette précarité est que l'espérance de vie de cette population a diminué en Allemagne entre 2001 et 2010 de 77 à 75 ans et dans les Länder de l'Est, de 78 à 74 ans. Ce n'est certainement pas le modèle que nous souhaitons suivre. Peut-on indéfiniment continuer à augmenter le nombre de trimestres d'activité en allant vers une réforme donnant un droit à taux plein à plus de 70 ans ?

Quant à la pénibilité, l'échec de la loi de 2010 est clair aujourd'hui au vu des résultats de la Caisse nationale d'assurance vieillesse. Quelle mesure de compensation pourriez-vous nous proposer afin d'améliorer le système ?

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Je vous remercie pour ces nouveaux rapports, fondés, comme les précédents, sur une équation inchangée : la durée multipliée par le nombre de cotisants et par le montant de la cotisation doit être égale au montant de la pension multiplié par le nombre de bénéficiaires. Il en va ainsi depuis des années. C'est pourquoi les réponses que vous fournissez dans vos deux rapports n'ont pas changé non plus.

Nous disposons en effet de trois variables d'ajustement : la durée d'activité, les cotisations et le niveau des pensions. Or, si l'on augmente les cotisations, on risque de porter atteinte au pouvoir d'achat, et par conséquent à la compétitivité de nos entreprises. La baisse des pensions entraînera quant à elle un profond sentiment d'injustice chez des retraités ayant cotisé toute leur vie. Enfin, quant à la durée, je ne vois pas comment l'on éviterait de s'orienter vers un système unique prenant en compte une seule variable – celle de la pénibilité. Un tel choix procurerait un sentiment d'égalité et permettrait de résoudre un certain nombre de problèmes liés aux petites retraites – et en particulier aux retraites agricoles. Dans la mesure où nous considérons le système par répartition, auquel je suis moi-même très attaché, comme l'alpha et l'oméga des retraites, je ne vois guère d'autre solution.

Les fonctionnaires ont pour leur part accès à un système par capitalisation – appelé Préfon. Pourquoi ne pas étendre ce système à l'ensemble de la population, ce qui nous permettrait peut-être d'équilibrer les choses plus facilement ?

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Il ne faudrait pas que la tendance au rapprochement des 42 ans de cotisations pour tous dissimule des injustices, notamment pour les personnes ayant commencé à travailler tôt, soit principalement des ouvriers ayant exercé des métiers pénibles. Ces populations ont une espérance de vie inférieure de six années à celle du reste de la population et perçoivent de surcroît de faibles retraites. Il me paraît donc important de maintenir la règle du maximum de 166 trimestres pour pouvoir bénéficier de la retraite à 60 ans dans le dispositif des carrières longues : qu'en pensez-vous ?

Concernant les injustices hommes-femmes, les retraités ayant eu trois enfants bénéficient d'une majoration de 10 % de leur retraite – quel que soit leur secteur d'activité et le niveau de leur rémunération. Ce système bénéficie donc davantage aux cadres et aux retraités des niveaux les plus élevés, et en particulier aux hommes. Le montant moyen de la retraite perçu par les femmes s'élève à 879 euros, contre 1 657 euros pour les hommes, soit 88 euros de bonification pour les femmes et 166 euros pour les hommes. De même, les femmes ayant bénéficié d'indemnités journalières lors de congés de maternité ou de congés parentaux, ou n'ayant travaillé qu'à temps partiel ou encore ayant perçu des prestations familiales pour élever leurs enfants, n'ont pas cotisé pendant ces périodes, même si ces trimestres sont validés. Dès lors, l'assiette de leurs cotisations étant plus faible, le montant de leur retraite l'est également. Ne conviendrait-il pas d'apporter des corrections à ces inégalités ?

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L'objectif de la loi de novembre 2010 était notamment d'assurer le maintien du niveau de vie des retraités et il avait d'ailleurs été précisé à l'époque qu'il serait nécessaire de remettre la réforme des retraites sur le métier.

Comment mesurer l'impact de l'augmentation du chômage sur les retraites et les cotisations, sachant que vous retenez dans votre rapport l'hypothèse d'un taux de chômage de 7 %, ce qui s'avère totalement impossible compte tenu du taux actuel de 10 à 11 % ?

D'autre part, la réforme en cours du quotient familial aggravera la situation des femmes au travail qui devront donc choisir entre avoir des enfants et travailler. Les inégalités entre les hommes et les femmes se creuseront donc encore davantage, alors qu'elles sont déjà considérables en matière de retraite.

Quelles sont les conséquences de la suppression de ce que l'on a injustement appelé les « niches fiscales » ayant bénéficié aux emplois familiaux ? Ces derniers non seulement rendaient service aux familles mais permettaient aussi et surtout de créer des emplois déclarés et donc des cotisations qui risquent désormais de disparaître du fait de l'augmentation consécutive du travail dissimulé.

Enfin, si la convergence entre secteurs public et privé est un objectif à poursuivre, comment mettre un terme aux inégalités existant au sein même du secteur public ?

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Concernant l'allongement de la durée de cotisation et la solidarité entre les cotisants, il est vrai que la durée de vie s'allonge mais pas de la même manière pour tous : de fait, deux tiers des salariés ne sont plus en activité au-delà de 56 ans, non parce qu'ils ne veulent plus cotiser ou travailler mais parce qu'ils sont licenciés. Il est vrai que l'allongement de la durée de cotisation pourrait contribuer à régler le problème de financement de notre système de retraite, dans la mesure où ces salariés seraient pensionnés plus tardivement et percevraient des pensions plus faibles. Il est cependant très hypocrite et injuste de faire financer les pensions par ceux qui partent plus tard à la retraite et qui bénéficient en outre de pensions moins élevées sans avoir pu en faire le choix.

Il ne me semblerait pas scandaleux d'envisager que les retraités les plus aisés contribuent à la solidarité vis-à-vis des plus jeunes, aujourd'hui au chômage, et qui, lorsqu'ils commencent à exercer un emploi, le font beaucoup plus tardivement, avec des contrats précaires et une moindre indemnisation et qui parviendront aussi à l'âge de la retraite beaucoup plus tardivement que leurs aînés.

Quant à la solidarité entre les hommes et les femmes, si ces dernières bénéficient d'un niveau de retraite moins élevé, c'est surtout parce qu'elles élèvent les enfants des hommes qui, de ce fait, peuvent travailler plus longtemps, bénéficier de carrières professionnelles plus intéressantes et cotiser davantage.

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Dans les deux rapports que vous venez de nous présenter et que vous avez rédigés à la demande du Gouvernement et des partenaires sociaux, vous indiquez que le COR ne hiérarchise pas les différentes inégalités pouvant exister. Or, ce problème nous intéresse tout particulièrement.

En ce qui concerne la divergence des règles de calcul entre les secteurs public et privé, la composition même du COR – caractérisée par une surreprésentation du secteur public – n'explique-t-elle pas le fait que ce conseil prenne des décisions épargnant à la fois les inégalités de retraite entre secteurs public et privé, et surtout les régimes sociaux que vous n'évoquez guère alors que certains d'entre eux permettent de partir à la retraite à 50 ans?

Le Gouvernement envisage de faire baisser le pouvoir d'achat des retraités puisqu'il a augmenté de 0,15 à 0,30 % la nouvelle taxe désormais assise sur leur pension, et que l'on évoque l'alignement du taux de CSG dont ils s'acquittent sur celui des actifs et la desindexation des retraites par rapport à l'évolution du coût de la vie. Ces trois mesures provoqueront malheureusement une paupérisation des retraités. Or, si ces sujets ne sont pas évoqués dans vos rapports, ils seront probablement sujets à débat : quelle est la position du COR sur ces différentes mesures ?

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Contrairement à l'espérance de vie, la notion d'espérance de vie en bonne santé, qui fait d'ailleurs l'objet ce mois-ci d'une publication dans le magazine Sciences et vie, est en train de s'amoindrir en raison de la progression des maladies cardiovasculaires et des cancers, ainsi que des problèmes fonctionnels portant atteinte à l'autonomie des personnes. Ainsi l'espérance de vie des femmes s'élève-t-elle à 81 ans, mais leur espérance de vie en bonne santé, à seulement 69 ans. Chez les hommes, la première s'élève à 73 ans, mais la seconde, à 64 ans seulement. À cela s'ajoute une inégalité socioprofessionnelle puisque l'espérance de vie des cadres est supérieure de quatre ans à celle des ouvriers, mais que l'espérance de vie en bonne santé des premiers est supérieure de neuf ans à celle des seconds.

Cette évolution sanitaire ne change rien au problème du financement de notre régime de retraite mais il conviendra néanmoins d'en tenir compte, car on ne saurait indéfiniment repousser l'âge légal ni l'âge effectif de départ à la retraite.

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Depuis le Livre blanc sur les retraites commandé par Michel Rocard en 1990, trois actualisations ont eu lieu et douze rapports du COR ont été publiés. On observe cependant un sentiment assez légitime d'incertitude sur l'avenir des retraites. Notre travail doit donc consister à fixer le niveau de vie que nous souhaitons garantir aux retraités d'aujourd'hui et de demain.

Dans vos rapports, vous faites état de l'amélioration générale du niveau des pensions et du niveau de vie des retraités. Or, si ce réel progrès est tout à fait heureux, ce niveau moyen ne doit cependant pas dissimuler la situation de ceux qui perçoivent les pensions les plus basses. Vous relevez par exemple que 10 % des retraités perçoivent une pension inférieure ou égale à 521 euros, qui constitue de surcroît leur seule ressource. Il serait donc intéressant de connaître le nombre de retraités pauvres concernés et de disposer d'une estimation du coût que représenterait l'application de mesures de rattrapage en leur faveur – l'enjeu étant de garantir à chaque retraité un niveau de pension lui permettant de vivre dignement. Tel est l'objectif que nous poursuivons dans le cadre de notre réforme et la condition essentielle de sa réussite.

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Je souhaiterais vous interroger quant à la portée de la crise. Nous avons en effet du mal à percevoir ce qui, dans vos analyses, relève des niveaux structurel et conjoncturel. Le point de PIB à trouver pour équilibrer le système relève-t-il ainsi uniquement de l'ordre du structurel – ce qui signifierait qu'il faudrait lui ajouter le poids de la crise que nous connaissons depuis 2008 ? Ou bien tout cela est-il confondu ?

Menez-vous des réflexions sur l'impact des mesures d'âge qui ont été prises, notamment dans le cadre de l'Unedic ? Ce n'est certes pas exactement de retraites qu'il s'agit ici, mais l'on constate néanmoins un effet de vases communicants. Sur les 5 milliards d'euros de déficit de l'Unedic annoncés pour cette année et vraisemblablement pour l'an prochain, peut-on faire la part de ce qui est dû aux mesures d'âge et à la faiblesse du taux d'emploi des seniors ?

Enfin, disposez-vous de données en matière de cumul emploi-retraite ?

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Raphaël Hadas-Lebel, président du Conseil d'orientation des retraites

Je me réjouis de l'abondance des questions posées, illustration de l'intérêt que porte votre commission à cette question de société. J'apprécie également que beaucoup d'entre vous aient lu avec satisfaction les fiches que nous avions rendues publiques il y a quelques semaines afin de fonder le débat sur les retraites sur des documents incontestables.

Il est tout à fait normal que votre Commission soit le lieu du débat politique. Il vaut d'ailleurs mieux que cet échange ait lieu dans l'enceinte de ce palais plutôt qu'ailleurs. Vous comprendrez cependant que je ne souhaite pas m'y engager, pour deux raisons : d'abord, parce que je suis président d'une institution du pays, et ensuite, parce que la composition du COR est telle que ce dernier pourrait très bien ne pas tomber d'accord sur de nombreux sujets. Je ne puis donc usurper la parole de l'une ou l'autre partie du Conseil pour intervenir dans le débat politique.

M. Dominique Tian m'a interrogé quant à l'influence que pouvait avoir la composition du COR sur son comportement : sans disposer de statistiques précises à ce sujet, il me semble pourtant que le déséquilibre entre fonctionnaires et non fonctionnaires y est moins marqué qu'il ne le sous-entend. Et surtout, le fait même que je ne me sois jamais posé la question illustre bien que, soit je suis totalement imprégné de ce milieu sans m'en rendre compte, soit que la composition du COR n'exerce aucune influence sur sa manière d'aborder les différents sujets dont il a à traiter ! D'ailleurs, même les membres de mon équipe de huit personnes ne sont pas tous fonctionnaires : j'ai notamment recruté des économistes et des actuaires et par conséquent veillé à la diversité de la composition du Conseil. J'ajoute que ce n'est pas moi mais bien la loi qui en fixe la composition. Je dispose bien entendu d'un pouvoir d'influencer le choix des personnalités indépendantes qui y sont nommées – en formulant des suggestions à l'attention du Gouvernement – mais je vous assure que ces personnes ne sont pas toutes des fonctionnaires : j'ai notamment recruté un chef d'entreprise ainsi qu'une femme de nationalité allemande représentant la division des politiques sociales de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Je peux donc encore une fois vous assurer que notre point de vue n'est pas le moins du monde déformé par notre composition.

La poursuite de l'harmonisation des régimes en vue de leur unification relève d'un choix politique. Quant aux éléments de réponse permettant d'y procéder, nous les avons présentés dans un rapport de janvier 2010, rédigé à la demande du Parlement – notamment du sénateur Leclerc. Nous nous sommes alors demandés s'il convenait de remplacer notre système d'annuités – qui autorise aujourd'hui une grande diversité de régimes – par un système unique fondé sur les points et les comptes notionnels. Notre réponse est claire : aucun système ne doit être exclu ! Le système par points existe d'ailleurs déjà pour les régimes complémentaires.

Le système de comptes notionnels suédois n'est pas un système par capitalisation mais par répartition puisque les cotisations des uns financent les retraites des autres au cours de la même année. La différence qu'introduisent les comptes notionnels réside dans le fait que chacun dispose d'un compte personnel enrichi d'année en année par des cotisations – qui ne sont cependant pas placées – et donc in fine d'un total de droits acquis, à partir duquel son montant de pension est déterminé. Ce montant dépend essentiellement de l'âge auquel il demande à prendre sa pension : plus cet âge est tardif, plus la pension sera élevée. Plus il sera au contraire précoce, plus la pension sera faible. Il y a en effet égalité actuarielle entre le montant total de ses cotisations et le montant total de ses prestations.

Ayant analysé ce système en 2010, nous en avons conclu que nous pourrions l'instaurer même s'il ne correspond pas à la culture française. Cela requiert cependant deux conditions préalables : à commencer par un temps suffisant pour le faire. La préparation sera longue, en effet, car il nous faudra vérifier, avant d'adopter ce système, que nous disposons des documents économiques permettant de reconstituer la carrière de chaque salarié. Une période de transition sera donc nécessaire mais elle ne devra pas non plus être trop longue sans quoi une partie des assurés continueront à vivre sous le régime de l'ancien système. Or, elle a duré une quinzaine d'années environ en Suède, mais vingt-cinq en Italie ! La deuxième condition requise consiste à opérer un choix préalable d'architecture – sachant que ce système offre par ailleurs une grande liberté, puisqu'il permet notamment l'instauration de mesures sociales de solidarité. Il suffit en effet d'attribuer des points supplémentaires à ceux à qui l'on souhaite accorder certains avantages.

Or, on recense deux familles d'architecture : la première accepte les réalités de la France – à savoir la distinction entre secteurs public et privé. Cette architecture serait fondée sur un ensemble public et un ensemble privé qui seraient soumis aux mêmes règles et sur une fusion des régimes de base et des régimes complémentaires. La seconde technique, beaucoup plus audacieuse, consiste à disposer d'un régime de base unique, incluant les fonctionnaires et les régimes spéciaux, et d'un deuxième étage plus diversifié à titre de régime complémentaire.

En ce qui concerne la pénibilité, nous affirmons depuis 2003 qu'il ne revient pas au système de retraite de régler la totalité des problèmes qui y sont liés dans la mesure où leur traitement relève avant tout de la politique du travail. Il convient donc d'y remédier au moment même où la pénibilité se manifeste – soit par le biais d'une politique de prévention soit grâce à des compensations salariales. Il n'est en revanche nullement illégitime de prendre en compte les cas où la pénibilité entraîne incontestablement des problèmes d'espérance de vie – et en particulier d'espérance de vie en bonne santé. Cependant, nos statistiques en la matière ne sont pas totalement fiables. Qui plus est, l'espérance de vie de chacun dépend non seulement de ses conditions de travail mais aussi de son patrimoine génétique et de ses choix personnels en matière de santé et de sport. Il est par conséquent extrêmement difficile d'établir des généralisations, ce qui explique d'ailleurs pourquoi peu de pays prennent en compte la pénibilité dans leur système de retraite. Ainsi l'espérance de vie prise en compte en Suède dans le cadre des comptes notionnels correspond-elle à celle d'une génération entière et non pas d'une catégorie donnée.

La définition de la pénibilité citée par Mme Chaynesse Khirouni est une définition sur laquelle le COR a travaillé et qui est désormais retenue par tout le monde. Les trois critères retenus – l'effort physique, l'environnement et les rythmes de travail – sont tous incontestés. Doit-on les accepter individuellement ou de manière cumulative ? Combien d'années de pénibilité doivent-elles être prises en compte pour ouvrir droit à des avantages ? Ces points méritent discussion. Sans doute Mme Yannick Moreau évoquera-t-elle la pénibilité dans son rapport, mais le COR, quant à lui, n'a pu s'accorder sur ce point – compte tenu de sa composition.

Quant à la question de M. Arnaud Robinet, je ne me prononcerai ni sur des bruits de couloir ni sur les informations qui circulent dans la presse sur les intentions prêtées à Mme la Présidente de la Commission pour l'avenir des retraites, qui s'exprimera elle-même devant vous sur le sujet.

En ce qui concerne l'augmentation de la durée de cotisation, le COR rappelle que notre système actuel s'applique en vertu de la « loi Fillon » jusqu'en 2020, date à laquelle nous appliquerons la logique qui veut qu'il y ait un rapport constant depuis 2003 entre le temps passé au travail et le temps passé à la retraite – soit un ratio d'environ 23 - 13 – dans la répartition du supplément d'espérance de vie. Nous pourrions accélérer l'application de cette règle, ce qui nous permettrait d'y gagner. Si nous n'avons pas réalisé de simulation sur le sujet, c'est que nous ne le faisons que sur les questions qui nous sont posées. Le précédent Gouvernement nous avait par exemple demandé en 2010 de procéder à un certain nombre de simulations en vue de sa réforme des retraites, ce qui ne fut pas simple en raison de désaccords au sein du COR sur leur opportunité. J'ai donc réglé la question en les prenant sous ma responsabilité – évitant ainsi aux syndicats d'être contraints de les approuver tacitement. Sans donc avoir produit de simulations sur la question qui nous occupe à présent, nous avons néanmoins souligné que si l'on décidait de prolonger la « loi Fillon » au-delà de 2020, jusqu'à 2060 par exemple, la durée de cotisation nécessaire pour obtenir une retraite à taux plein serait de 44,75 annuités et que cela rapporterait entre 0,3 et 0,7 point de PIB en 2060.

Dans nos rapports d'octobre 2009 et de janvier 2010, nous avons présenté des études sur les secteurs public et privé, nous interrogeant sur les possibilités d'unification du système et sur les conséquences de l'application au secteur public des règles en vigueur dans le secteur privé. Nous en avons conclu que cela permettrait effectivement de réaliser certaines économies mais que certains fonctionnaires y perdraient beaucoup tandis que d'autres y gagneraient. Nous sommes ensuite allés plus loin que ce travail global pour aborder huit cas-types. Mais il conviendrait d'approfondir encore davantage cette analyse afin de la rendre plus précise.

Nous n'avons pas évalué de manière précise l'impact de la crise économique sur la différence entre les deux points de PIB de déficit évalués en 2010 et le point de PIB restant à financer : il est certain que si la crise économique n'avait pas eu lieu en 2011, notre besoin de financement aurait été inférieur à un point de PIB. Mais cela reste très difficile à évaluer.

Lorsque nous nous fixons une hypothèse économique de taux de chômage à 4,5 %, cela ne veut pas dire que nous appliquions ce pourcentage à nos projections pour 2013, 2014 et 2015. Ainsi, en 2013, nous appliquons bien entendu un taux de 10 % ! Nous évaluons ensuite combien de temps il nous faudra pour rejoindre l'objectif de 4,5 %. Et il est certes plus facile, en partant d'un taux de chômage de 10 %, de parvenir à un taux de 7 % qu'à un taux de 4,5 %. Mais pour les années immédiates, nous tenons naturellement compte des statistiques économiques et des chiffres fournis par le Gouvernement dans ses projets de loi de finances. En tout état de cause, il ne me paraît pas choquant de ne pas faire l'hypothèse d'un taux de 10 % de chômage à échéance de 2060 : autrement, c'est l'ensemble de notre politique économique qu'il nous faudra revoir car un pays ne peut supporter pendant cinquante ans une telle situation – or, le COR n'est pas compétent en matière de politique de l'emploi.

Mme Véronique Massonneau ayant fait le lien entre emploi et retraite, je ne puis que l'approuver à cet égard. Il s'agit en effet de l'un des apports fondamentaux du COR à la réflexion économique en France que de souligner le caractère étroit et indissoluble de ce lien. Ce n'est que par un meilleur emploi et une meilleure productivité que l'on pourra financer le système de retraite – sauf à en changer le mode de financement. Et si l'orientation de la politique de l'emploi ne relève pas du COR, nous soulignons cependant que tant que nous ne parviendrons pas à un taux de chômage de 4,5 %, nous aurons du mal à résoudre ce problème de financement.

De ce point de vue, nous recensons effectivement un certain nombre d'avancées entre 2010 et 2012 – telles que la réforme de 2010 et l'augmentation par le Gouvernement en 2012 des cotisations de 0,5 % sur cinq ans – mais aussi des éléments négatifs.

Quant au rôle de l'État vis-à-vis de ses fonctionnaires, je rappelle qu'il ne s'agit pas d'un employeur comme les autres ! Il s'impose en effet la discipline d'équilibrer le système de retraite des fonctionnaires, ce taux d'équilibre étant d'ailleurs supérieur à 60 %. La contribution de l'État ne saurait donc être comparée à celle d'un patron privé puisqu'il ne se contente pas d'imposer des cotisations patronales. Utilisant l'année 2000 comme base de référence, nous avons analysé en 2010 ce qu'il adviendrait si l'État apportait un financement supplémentaire de 15 milliards d'euros pour équilibrer le système de retraite public. Puis nous avons procédé en 2012 à la même évaluation, mais en partant cette fois de l'année 2011. Nous n'avons donc pas dissimulé ces 15 milliards d'euros puisqu'ils avaient déjà été versés par l'État ! Cela étant, il est tout de même difficile de comparer 2010 et 2012 dans la mesure où la donne a changé entretemps.

Si le débat entre répartition et capitalisation me paraît avoir perdu de son acuité, c'est parce que personne – pas même les banques ni les compagnies d'assurance – ne parle plus de changer de système pour en revenir à la capitalisation, ce qu'expliquent les graves problèmes observés lors de la crise financière de 2008. En revanche, lorsque d'aucuns estiment que certaines catégories, en particulier les cadres – dont le taux de remplacement est moindre –, doivent pouvoir bénéficier de moyens de compléter leur retraite au-delà du système par répartition, ce n'est plus d'un débat idéologique qu'il s'agit mais simplement d'une question de curseur, afin d'éviter les déperditions dans le paiement des cotisations.

Je suis tout à fait d'accord avec M. Denis Jacquat lorsqu'il souligne la nécessité de poursuivre l'harmonisation de notre système. Quant à savoir s'il faut aller au-delà, cela relève d'un choix politique. Mais même si l'on se contente de procéder à des réformes paramétriques sans changer de système, de nombreux efforts peuvent encore être accomplis afin de rapprocher les catégories les unes des autres.

Nous ne disposons pas de projections spécifiques concernant les handicapés d'autant plus que leur traitement particulier ne relève pas du COR. Mais nous pourrions en effectuer.

Il me serait très difficile d'affirmer dès aujourd'hui si les récentes décisions prises en matière de politique familiale auront un impact sur nos besoins de financement. Qui plus est, l'effet d'une mesure donnée sur le taux de fécondité est fort complexe à mesurer. Dans nos analyses, nous avons fait preuve de prudence en retenant le taux d'1,95 enfant par femme, soit le taux moyen retenu par l'INSEE. Puis, lors d'une séance ultérieure à la publication de notre rapport, nous avons essayé d'évaluer quels seraient les effets de l'application d'un taux de fécondité de 2,05 enfants par femme. De même, pour le solde migratoire, nous avons retenu les yeux fermés le chiffre de 100 000 personnes par an fourni par l'INSEE, qui constitue une moyenne : nous aurions en effet pu retenir un chiffre plus élevé de 150 000 ou un autre moins élevé, de 50 000.

Nous n'allons pas jusqu'à ajuster nos prévisions chaque année : nous avons en effet le devoir d'effectuer des projections tous les cinq ans environ. Et si nous n'avons appliqué nos hypothèses de 2010 qu'à cinq ou six régimes seulement, c'est parce qu'il ne s'agissait alors que d'une projection intermédiaire. Autrement, notre travail de projection intègre les 33 régimes principaux. Quoi qu'il en soit, il serait nécessaire qu'un véritable pilotage de notre système de retraite soit assuré. La « loi Fillon » prévoyait déjà des rendez-vous tous les quatre ans mais il nous fut ensuite expliqué que cela générait de l'anxiété. La loi de 2010 a ensuite prévu la création d'un comité de pilotage censé se réunir tous les ans avec le ministre mais cette méthode n'a absolument pas fonctionné non plus. Il conviendra donc de trouver d'autres moyens d'y parvenir.

Quant aux agriculteurs, nous avons consacré il y a deux ans un long rapport au mécanisme de compensation démographique – système fonctionnant de manière automatique d'un régime à l'autre, en fonction de leur rapport démographique – soit le nombre de cotisants rapporté au nombre de retraités. Or, le régime qui bénéficie le plus de cette compensation – dont d'ailleurs personne ne parle ! – est précisément celui des agriculteurs. Et les régimes qui y contribuent le plus sont ceux de la Caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV) et de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL), d'ailleurs mécontentes de devoir apporter de telles compensations chaque année.

Il est vrai, comme le souligne M. Jean-Marc Germain, que notre rapport est rassurant à bien des égards. Il apporte en effet la preuve que si jamais la situation économique, sans aller jusqu'à être exceptionnelle, redevient favorable, nous serons en mesure d'équilibrer notre système de retraite en dépit d'un rapport démographique défavorable. Cela exigera néanmoins certains efforts.

S'agissant du point de PIB de besoin de financement à dégager d'ici 2020, il inclut à la fois des composantes structurelles et conjoncturelles. Le chiffre d'1,1 que vous avez trouvé dans notre abaque ne correspond pas à un pourcentage du PIB mais au taux de cotisation. Et l'augmentation de 5 % du rapport entre la moyenne des retraites et celle des salaires s'explique par le fait que dans la période qui nous sépare de 2020, les salaires augmenteront moins vite que les retraites. Ce phénomène assez exceptionnel ne se reproduira plus.

Nous n'avons pas identifié les différentes composantes des 20 milliards d'euros de notre besoin de financement car il s'agit en réalité du solde entre les recettes et les dépenses du système. Nos recettes s'élevant à 13,3 % du PIB, la France est l'un des pays où la part du PIB consacrée aux retraites est la plus élevée. Quant aux dépenses, elles s'élèvent à 14,3 % du PIB. Nous n'avons donc adopté qu'une approche globale. Cela étant, nous présentons en page 126 de notre onzième rapport un tableau de la somme de nos dépenses et de nos recettes par régimes.

Le montant des frais de gestion du système cité par Mme Véronique Louwagie est issu d'une étude d'Accenture et non du COR. Il est vrai que ces frais alourdissent le coût de financement de nos retraites et il est probable qu'une simplification de l'architecture du système permettrait de réaliser des économies – que nous n'avons pas évaluées mais qui constituent un argument supplémentaire en faveur de l'harmonisation voire de l'unification des différents régimes. Il reste que la lisibilité est une raison encore plus importante de le faire.

L'effet noria se fera encore sentir pendant un certain temps. Il est évident que la mesure de désindexation des régimes complémentaires pendant trois ans aura à cet égard un effet négatif. Nous fournissons en page 56 de notre onzième rapport des indications sur les perspectives d'évolution du ratio entre moyenne des pensions et moyenne des revenus d'activité.

La situation des poly-pensionnés n'est effectivement pas satisfaisante. Car même ceux d'entre eux qui relèvent de régimes aux modalités proches y perdent dans bien des situations, du seul fait d'être poly-pensionnés : en effet, les modalités de calcul du salaire de référence peuvent leur être défavorables, tandis que les modalités de calcul de la durée validée peuvent au contraire leur être favorables puisqu'elles permettent parfois de valider plus de quatre trimestres pour une année civile. Mais tout cela dépend également de l'ordre dans lequel se présentent les différents facteurs : leur situation ne sera pas la même selon qu'ils auront commencé par travailler dans le secteur public ou dans le secteur privé. Le meilleur moyen d'éviter ce problème consisterait effectivement à unifier les différents régimes ou à tout le moins d'envisager des solutions spécifiques – à condition toutefois d'éviter d'éventuels effets d'aubaine. Nous avons en tout cas fourni dans nos rapports des éléments sur lesquels Mme Yannick Moreau aura pu réfléchir.

Il est extrêmement difficile de compenser par le système de retraite les différences de situations dont pâtissent les femmes du fait des particularités de leur carrière et de leur vie en activité. Nous n'avons en effet pas encore trouvé le moyen de compenser les inégalités de salaire par un avantage en matière de retraite. D'abord, parce que ces inégalités ne sont pas les mêmes : ainsi ne devraient-elles théoriquement pas exister dans la fonction publique, à fonction identique, en raison des règles statutaires applicables. Ce que l'on corrige, ce sont les inégalités des chances résultant d'une série de situations. Nous ne corrigeons pas, bien entendu, les inégalités résultant du fait d'avoir un compagnon. J'ignorais d'ailleurs que cela pût handicaper les femmes dans l'exercice d'une activité professionnelle ! En revanche, l'inégalité des chances résultant du fait d'avoir des enfants constitue un véritable problème qu'il est possible de compenser. Le COR juge notamment nécessaire de transformer partiellement le régime de la majoration de durée d'assurance (MDA) en outil permettant de majorer les salaires portés au compte ou d'octroi de points gratuits pendant les années d'éducation des enfants. Il existe par ailleurs des moyens, liés au droit du travail, de compenser ces inégalités salariales. La loi de 2010 prévoit ainsi la nécessité de conclure chaque année un accord dans l'entreprise sur l'égalité entre les hommes et les femmes. Il convient donc de vérifier que les directions des ressources humaines jouent suffisamment leur rôle en la matière et qu'elles fournissent bel et bien aux organisations syndicales des statistiques illustrant les progrès réalisés. Il est vrai que le fait d'avoir des enfants – et surtout un troisième enfant – éloigne les femmes du travail, phénomène qu'il convient certes de compenser mais uniquement pendant une période très courte. Car au-delà de trois ou quatre ans, une telle compensation encouragerait les femmes à rester à domicile, ce qui ne paraît pas correspondre à l'objectif avancé par Mme Ségolène Neuville tout à l'heure. En tout état de cause, comme dans le cas de la pénibilité, on ne saurait tout régler par le biais de la retraite.

Quant à la pénibilité justement, il me paraît certes possible mais néanmoins difficile d'aller au-delà de la notion d'incapacité. Chaque fois que nous avons proposé des pistes de réflexion sur ce sujet au sein du COR, nous avons constaté des désaccords très marqués dans la négociation entre le patronat et les syndicats.

Un système par points présente avant tout l'avantage de la lisibilité, encore que certains le jugent moins lisible qu'on ne l'affirme, car on peut très bien masquer certaines inégalités en faisant varier la valeur d'achat et la valeur de service du point. Assurer la lisibilité du système implique par conséquent que l'on ait une véritable volonté de transparence dans tous les régimes. Il est vrai, en tout cas, que si l'on souhaite par exemple instituer une mesure en faveur des femmes, il est tout à fait possible de faire correspondre un certain nombre de points à une situation donnée.

Il existe plus généralement deux moyens d'améliorer la lisibilité de notre système : la simplification et l'unification. Mais même le système de comptes notionnels – considéré comme le plus lisible – pose problème puisqu'il nécessite de calculer le taux de revalorisation annuelle du montant cotisé au cours des années précédentes.

Je ne puis rien au fait que les dispositions législatives bénéficiant aux retraités agricoles ne soient pas appliquées : sans doute vous revient-il d'y veiller.

Quant à la création d'une caisse unique universelle, elle implique avant tout une unification des régimes. Autrement, pourquoi créer une caisse unique alors que nous disposons déjà d'un mécanisme de compensation entre régimes ?

S'agissant de savoir s'il convient ou pas de prolonger indéfiniment la durée d'activité des seniors, je n'ai fait que vous proposer une hypothèse de 44 années de cotisation. L'application de la « loi Fillon » jusqu'en 2060 aboutirait à une durée de 44,75 ans. Mais tout dépend en réalité de l'âge de début d'activité des cotisants, qui varie selon les fonctions qu'ils exercent. Si la moyenne d'âge de ce début se situe à environ 22 ou 23 ans, il faudra alors travailler jusqu'à 67 ou 68 ans – âge qui paraît supportable compte tenu de l'espérance de vie moyenne. Nos statistiques sont moins fiables en matière d'espérance de vie en bonne santé mais il conviendra en tout état de cause de réfléchir à la manière de répartir notre PIB entre la retraite et la dépendance. Le quatrième âge occasionne en effet une dépense supplémentaire.

Le dispositif des carrières longues a été initié par la « loi Fillon » pour être ensuite amélioré en 2012. Convenablement équilibré sur le plan financier, il correspond à un acte de justice en faveur des personnes ayant commencé à travailler tôt mais peut engendrer des effets de seuil.

La majoration de 10 % pour trois enfants et plus relève d'un débat politique qu'il vous reviendra de mener quant au choix entre les redistributions verticale et horizontale en matière de politique familiale.

En ce qui concerne les régimes spéciaux, bien que le COR comprenne un certain nombre de fonctionnaires, nous avons été les premiers à aborder le problème en 2005-2006 et y avons d'ailleurs consacré un rapport en 2007. Les organisations syndicales ont ainsi autorisé le Président que je venais de devenir à l'époque à rédiger un certain nombre d'observations quant à la nécessité de rapprocher les régimes spéciaux du régime général. Représentés par leurs organisations confédérales, les syndicats sont effectivement bien conscients de la diversité du système et de la nécessité d'un minimum d'harmonisation à l'intérieur des régimes applicables à leurs mandants. Ainsi, même dans un organisme comprenant une proportion importante de fonctionnaires, on peut proposer des mesures tendant à réduire les avantages dont bénéficient les régimes spéciaux.

Parmi les 10 % de retraités les plus pauvres, on recense notamment les femmes âgées vivant seules.

Quant au fait que nos hypothèses de taux de chômage seraient volontaristes, tout dépend de la portée que l'on confère à la crise. Or, je défie quelque économiste que ce soit de nous l'indiquer. Nous espérions en 2008 qu'elle serait limitée, ce qui explique pourquoi nous avions proposé deux scénarios A et B en 2010. Si nous nous sommes aperçus qu'il ne s'agissait pas d'une crise conjoncturelle de durée limitée et que nous ne retrouverions pas aussi rapidement que cela un niveau de croissance raisonnable, nous nous sommes également rendu compte que la crise bancaire de 2008 s'était doublée en 2011 d'une crise d'endettement des États – et donc que deux crises s'étaient cumulées et prolongées. Je suis incapable de vous indiquer à quel moment nous reprendrons le chemin d'un minimum de croissance. Mais encore une fois, dans l'hypothèse où l'on pronostiquerait une crise qui durerait cinquante ans, je recommande aux titulaires du pouvoir de réfléchir au type de croissance adéquat. Quoi qu'il soit, le COR ne peut outrepasser son champ de compétence.

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Nous vous remercions pour ce diagnostic. Comme vous l'avez souligné, il reviendra aux partenaires sociaux de se mettre d'accord sur les sujets abordés dans votre rapport – ce qui correspond à la méthode voulue par le Président de la République et appliquée par le Gouvernement depuis un an.

La séance est levée à douze heures dix.