Il est important de ne pas oublier de suivre la situation au Mali, quand bien même les médias en parleraient moins. Je reste bien évidemment à la disposition de la commission pour évoquer ce sujet à chaque fois qu'elle le jugera nécessaire.
Nous devons aujourd'hui contribuer à la phase de sortie de crise. Il s'agit de transformer notre gain militaire en avancées politiques, en organisant notre effort selon quatre axes : faciliter la transition entre la MISMA et la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA) ; contribuer à la stabilisation de la région, indispensable au développement et au retour à la vie normale ; accompagner le retour des autorités et de l'administration maliennes sur l'ensemble du territoire ; contribuer à la bonne tenue de l'élection présidentielle du 20 juillet, un point clé de la reconstruction nationale.
Les effectifs de la MISMA ont atteint leur plafond avec 6 000 soldats, venus d'Afrique de l'Ouest et du Tchad, et cette mission a pleinement joué son rôle avec le déploiement des contingents africains sur la boucle du Niger et dans le Nord. Ils seront représentés lors du défilé du 14 juillet. Ces 6 000 soldats sont déjà sur place et formeront une bonne part des 12 600 hommes de la MINUSMA qui sera lancée le 1er juillet 2013. De nombreux pays ont manifesté leur désir d'y participer, tels la Suède et la Mongolie, par exemple. Leur objectif sera d'appuyer le processus politique ainsi que d'assurer des tâches de sécurité. Ces dernières se distinguent de la lutte anti-terroriste qui continuera à relever de nos forces, avec environ un millier d'hommes à cet effet restant sur le territoire malien.
La MINUSMA assurera la stabilisation de centres urbains essentiels, la protection des civils, du patrimoine culturel ainsi que le respect des droits de l'homme. Elle contribuera au processus de réconciliation avec certaines communautés du nord. Nous travaillons aujourd'hui à une bonne articulation entre la MINUSMA et l'opération Serval.
Nous avons achevé le 21 mai une double manoeuvre de relève et de restructuration des forces. Le général Kolodziedj, commandant la 6e brigade légère blindée de Nîmes, a succédé au général Barrera. Parallèlement, notre dispositif tactique terrestre a été restructuré autour d'un groupement tactique unique « Désert » déployé à Gao, Kidal et Tessalit. Nous maintenons un niveau d'effectifs proche de 3 600 hommes jusqu'au 28 juillet, date à laquelle nous diminuerons leur nombre pour le stabiliser autour de 1 000 personnels en fin d'année.
Sur le plan sécuritaire, nous constatons la persistance de quelques foyers de tension. Dans des conditions difficiles, avec une température avoisinant les 50°C, nos forces se concentrent sur la sécurisation de la boucle du Niger et du grand Gao. Des caches astucieuses continuent à être découvertes grâce aux nombreux renseignements humains qui nous parviennent. Le nombre d'attentats commis sur le sol malien diminue, mais il demeure de vives tensions dans la région, comme l'illustrent les attentats à Agadès et, visant les mines exploitées par Areva, à Arlit le 23 mai dernier. Ils ont été suivis la semaine dernière par l'attaque d'une prison à Niamey qui a permis l'évasion de terroristes.
Le territoire libyen est devenu la nouvelle zone grise de la région. Il ne s'agit pas encore d'un sanctuaire mais on peut y craindre un enracinement de la menace terroriste et je m'en suis ouvert à nos partenaires lors de la réunion ministérielle de l'OTAN le 5 juin dernier. L'Union européenne fournit un soutien positif à la sécurisation des frontières, mais cet effort concerne surtout le nord du pays. L'essentiel des difficultés concerne avant tout le Sud et la passe de Salvador. Nous travaillons au renforcement de nos moyens de renseignement dans la région, avec l'aide de nos principaux partenaires. Les présidents Déby et Issoufou sont également très mobilisés sur ce sujet.
Il faut maintenant relever le défi du développement au Mali. La conférence de Bruxelles, le 15 mai dernier, a permis de récolter 3,2 milliards d'euros de promesses de dons, en faveur des secteurs de la santé, de l'éducation ou encore pour le développement des infrastructures. Mais le rétablissement de la sécurité demeure la condition fondamentale. Dirigée par le général Lecointre, la mission EUTM accompagnera la refondation de l'État malien. Le bataillon Waraba, comptant environ 750 hommes, a achevé sa formation et un deuxième devrait être prochainement formé.
Le 5 juin, lors de la remise du Prix Houphouët-Boigny de l'UNESCO, le président de la République a rappelé devant un grand nombre de chefs d'États africains son attachement au respect du calendrier électoral, qui fixe aux 28 juillet et 11 août les premier et second tours de l'élection présidentielle, et il a insisté sur l'importance de la réconciliation nationale.
S'agissant de la situation à Kidal, je rappelle que seules sont présentes dans la ville les forces françaises, avec 150 hommes, et les forces du MNLA. Les forces armées maliennes n'y sont pas. Alors que pendant longtemps le gouvernement malien n'a pas envisagé de les y faire prendre position, il semble que ses intentions aient changé : l'armée malienne remonte vers le Nord, avec notamment la prise d'Anefis. Nous souhaitons prévenir tout risque de conflit entre deux forces qui, je le rappelle, ont toutes deux soutenu l'opération Serval.
Les négociations de Ouagadougou se déroulent sous les auspices du gouvernement burkinabé, en présence de l'ambassadeur de France. Elles doivent prendre en compte le fait que la représentation des Touaregs est divisée. Néanmoins, les parties discutent aujourd'hui d'un texte de compromis qui pourrait recueillir leur accord. Le ministre français des Affaires étrangères s'est d'ailleurs entretenu à plusieurs reprises avec le Premier ministre malien.
Concernant la Syrie, la situation est grave depuis la prise de Qousseir par les forces de Bachar El-Assad, et la bataille d'Alep, qui semble imminente, s'annonce comme un grand drame également. La conférence dite de « Genève II », initiée par le secrétaire d'État américain et le ministre russe des affaires étrangères, reste un objectif politique. Il reste toutefois de nombreuses questions à traiter pour que la conférence puisse se tenir dans de bonnes conditions : quels pays doivent y être associés ? Quid de l'Iran ? Par qui l'opposition syrienne doit-elle y être représentée ? Quel sera l'agenda de cette conférence ? Quel mécanisme de transition pourra-t-elle proposer ?
Nous apportons à l'opposition syrienne un soutien politique et un soutien humanitaire, ainsi qu'un soutien militaire limité pour l'heure à l'assistance technique et la fourniture d'équipements non-létaux. C'est dans ce cadre que la France et le Royaume-Uni ont obtenu de leurs partenaires européens – non sans difficultés – la reconduction des sanctions contre le régime syrien, et la levée de l'embargo sur les armes. Cela ne signifie pas que des armes vont être livrées, mais cette faculté est désormais ouverte.
Pour ce qui est de l'emploi d'armes chimiques en Syrie, la France a été la première à lancer l'alerte. Nous avons découvert du gaz sarin dans deux séries de prélèvements, obtenus pour l'un par nos services et pour l'autre par des journalistes du Monde. Il est désormais certain que du gaz sarin a été utilisé, à faible dose, à plusieurs reprises et de façon localisée. Nous avons donc transmis ces résultats à M. Ǻke Sellström, chargé par le Secrétaire général d'une mission d'enquête sur l'emploi d'armes chimiques et bactériologiques dans le conflit syrien. La situation est donc préoccupante.