Intervention de Jean-Jacques Urvoas

Séance en hémicycle du 19 juin 2013 à 21h30
Transparence de la vie publique — Article 19, amendement 394

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Jacques Urvoas, président et, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République :

La réalité juridique, pénale, c'est que, même prononcée par un juge à titre définitif, une peine d'inéligibilité n'aura jamais d'effet perpétuel. Pourquoi ?

Je vais essayer d'être clair, sachant qu'à la fac, déjà, le droit pénal n'était pas ce qui m'amusait le plus. Une peine d'inéligibilité est une peine dite « complémentaire ». Or une peine complémentaire peut toujours être relevée, c'est-à-dire effacée par le juge. Il y a trois moyens pour cela.

Le premier, peu usité, figure à l'article 17 de la Constitution : c'est la grâce présidentielle.

Le second est ce qu'on appelle le régime de réhabilitation. Il y en a deux. Le régime de réhabilitation judiciaire peut être accordé sur demande adressée au procureur de la République : c'est la chambre de l'accusation de la cour d'appel qui se prononce. Cela suppose que la peine principale a été exécutée ou qu'elle est prescrite depuis au moins trois ans.

Il y a par ailleurs une autre voie, dite légale, qui se réalise de plein droit. Elle intervient quand un délai s'est écoulé depuis l'exécution de la peine principale. Il faut naturellement que la personne n'ait pas été condamnée entre-temps par une nouvelle décision à une peine criminelle ou correctionnelle. Depuis la loi de 2007, le délai est de trois ans en cas de condamnation à une peine d'amende, de cinq ans en cas de condamnation à une peine d'emprisonnement inférieure à un an, de dix ans en cas de condamnation à une peine d'emprisonnement inférieure à dix ans.

Pour être concret, une personne condamnée à une peine principale d'amende et à une peine complémentaire d'inéligibilité à titre définitif sera en réalité tout à fait capable de revenir devant les électeurs au bout de trois ans, si elle n'a pas été condamnée entre-temps pour un autre délit. C'est la réalité du droit pénal : en droit français, les peines complémentaires définitives ne sont pas des peines à vie.

Je n'ai donc pas de désaccord avec le Gouvernement : nous disons la même chose. C'est seulement un effet de présentation. Quand on dit : « inéligibilité à titre définitif », les Français entendent « à vie ». En droit pénal, c'est un mensonge. C'est la raison pour laquelle je plaide pour une inéligibilité de dix ans qui serait une réalité.

La commission est donc défavorable à l'amendement du Gouvernement.

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