Nous recevons aujourd'hui, Monsieur Patrick de Schrynmakers qui était, jusqu'au mois de janvier dernier, secrétaire général de l'Association européenne de l'aluminium (AEA ou EAA), une organisation professionnelle qui a son siège à Bruxelles.
Il est très important pour notre commission d'entendre des experts, car ils sont a priori indépendants des grands groupes industriels même s'ils poursuivent souvent des activités de consultant. Leurs réflexions nous sont apparues comme complémentaires des propos tenus devant nous par les industriels et les syndicalistes. Ils ont des vues évidemment plus larges, qui tracent des perspectives économiques et sociales globales sur les filières retenant notre attention.
Si l'on se réfère, Monsieur de Schrynmakers, à certaines de vos déclarations relatées par la presse lorsque vous étiez encore en fonction, l'optimisme ne serait pas de mise, au moins pour la production d'aluminium primaire en Europe !
Au nom de votre organisation, vous avez estimé qu'en raison de la hausse du coût de l'électricité, près des deux tiers des usines européennes sont menacées de fermeture. Force est de constater que des sites importants ont déjà été démantelés. Rio Tinto a agi ainsi au Royaume-Uni et un autre géant, l'américain Alcoa, a fait de même à en Italie.
Il est exact que beaucoup de contrats de long terme avec les fournisseurs d'énergie arrivent à échéance et les nouveaux prix proposés aux industriels « électro-intensifs » ont parfois doublé !
Par ailleurs, l'Association européenne de l'aluminium a dénoncé les « surcoûts » qui seraient supportés par les producteurs au titre de la politique de l'Union européenne sur les émissions de CO2, entraînant une augmentation de 10 à 12 % des coûts de production !
Nous allons donc vous entendre avec un grand intérêt sur ces points.
Cela dit, il semble que la Commission européenne ait pris conscience de certains de ces problèmes, sans doute bien tardivement.
Nous avons rencontré la semaine dernière le Commissaire européen Tajani qui, lorsqu'il nous a présenté les grandes lignes de son plan acier, a insisté sur la possibilité offerte aux sidérurgistes de conclure des contrats d'électricité à long terme, c'est-à-dire, selon nous, au-delà du butoir de cinq ans, et renouer au moins quelque peu avec ce qui était possible autrefois. Qu'en sera-t-il pour le secteur de l'aluminium, pour lequel l'énergie représente souvent 40 % des coûts de production ?
Nous nous interrogeons également sur le devenir du recyclage de ce métal et des productions dites de deuxième fusion, ainsi que sur les perspectives des secteurs d'aval, souvent dynamiques, de la transformation.
En outre, qu'en est-il exactement du dumping de certains pays émergents ? Quels types de produits sont concernés ? Pouvez-vous nous donner certains exemples « criants » ?
Je crois qu'à partir de la problématique posée par la vente par Rio Tinto de son unité de Saint-Jean-de-Maurienne, on peut aussi s'interroger sur les stratégies actuelles des grands groupes mondialisés industriels et aussi miniers.