Vos questions témoignent d'une bonne connaissance des blocages à lever pour modifier l'équation actuelle.
Pour ce qui est du volet forestier du projet de loi sur l'avenir de l'agriculture qui sera présenté par le Gouvernement, je rappelle que le rapport comporte un tiers de loi, un tiers de règlement et un tiers de volonté politique. Ce projet de loi, qui ne réglera certes pas tous les problèmes, devra au moins traiter de la propriété, c'est-à-dire de la structure de la forêt et de la gestion des parcelles, des outils de mobilisation et de gestion et du partage avec la population des orientations prises dans les documents d'aménagement en matière de multifonctionnalité de la forêt, ainsi que de la création et de la gouvernance du fonds stratégique. De nombreux autres éléments relèveront de la réglementation.
Je tiens aussi à évoquer l'Europe car, si elle n'a pas de politique pour la forêt et le bois, bon nombre de politiques européennes ont, en creux, un impact sur la politique forestière et sur la filière bois de tous les États, comme les politiques relatives à l'urbanisme et au droit des sols ou à l'environnement en général. Nous souhaiterions par exemple éviter la situation dans laquelle se trouve la Pologne, avec une forêt monospécifique dont l'exploitation est très industrialisée, fournissant des produits qui reviennent avec une valeur ajoutée. Il faut donc réfléchir d'une manière stratégique au niveau européen. Je lisais ce matin qu'un grand opérateur boursier américain a acheté des millions d'hectares aux États-Unis, pour plusieurs milliards de dollars : nous sommes confrontés à des enjeux importants. Lorsque j'ai été nommé président de l'ONF, des amis m'ont informé qu'un industriel finlandais souhaitait acheter des forêts françaises, qu'il considérait mal exploitées, afin de garantir l'approvisionnement de projets industriels énergétiques en Finlande. Il est inquiétant que la deuxième puissance forestière d'Europe cherche à se garantir sur le territoire de la troisième... Une politique européenne devrait donc se structurer pour être vertueuse et éviter, chez nous comme chez les autres, les spécialisations territoriales – ici la forêt-promenade, là-bas la forêt-chantier.
Monsieur Philippe Plisson, il est tout à fait vrai que la multiplication des tempêtes pose des questions en matière assurancielle : avec une tempête tous les dix ans, vaut-il la peine d'investir sur cinquante ans ? Il conviendrait de permettre que, pour des montants limités par hectare, le produit d'exploitation d'une forêt soit mis en réserve dans des conditions fiscales relativement attractives pour constituer le fonds de réserve nécessaire à la recomposition de la forêt. Comme je l'ai indiqué tout à l'heure, en effet, je ne pense pas qu'il soit possible d'assurer les pertes de récolte. Du reste, si nous subissons tous les dix ans une tempête centennale, nous serons confrontés à d'autres problèmes.