Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire
La Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire a entendu M. Jean-Yves Caullet, président du conseil d'administration de l'Office national des forêts, sur le rapport « Bois et forêts de France, nouveaux défis ».
Notre collègue Jean-Yves Caullet a été nommé président du conseil d'administration de l'Office national des forêts (ONF) par Mme Delphine Batho, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, et M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt. Le Premier ministre lui avait confié à la fin de 2012 une mission sur l'avenir de la forêt et de la filière bois.
Monsieur Caullet, vous avez présenté fin mai les premières conclusions de votre rapport, dont la remise au Premier ministre, prévue pour le 6 juin, a été reportée au 1er juillet. Pouvez-vous nous présenter les premières réflexions et les conclusions de votre travail ?
Permettez-moi de commencer par une citation : « C'est dire que la forêt a toujours occupé dans la géographie agraire de notre pays une place essentielle. Se dessinant en grand massifs ou déchiquetée en boqueteaux, c'est un élément fondamental du paysage français. Parure et vêtement de notre terre, selon l'expression du promeneur solitaire, modératrice du climat, régulatrice du régime des eaux, source d'air purifié pour les citadins, lieu de refuge pour les animaux rebelles aux servitudes domestiques, elle remplit en outre une fonction économique essentielle. » Ces phrases, tirées de l'introduction d'un rapport de M. Leloup approuvé par le ministre de l'agriculture le 18 mai 1945, sont – pour ceux qui douteraient encore – une belle affirmation de la multifonctionnalité de la forêt.
Depuis lors, plusieurs dizaines de rapports ont été produits sur la forêt et le bois, comme celui que Mme Marie de l'Estoile a rendu au Conseil économique, social et environnemental (CESE) sur l'état de la forêt française, descriptif précis et dynamique de l'ensemble de la forêt, outre-mer compris. Je pourrais citer également le rapport de M. Jean Puech et celui, antérieur, de M. Jean-Louis Bianco, ainsi que celui du Pôle interministériel de prospective et d'anticipation des mutations économiques (PIPAME) sur les usages modernes du bois. Ce sont là autant de documents sur lesquels mon propre travail s'est appuyé.
Les questions qui se posent de prime abord sont assez simples.
Tout d'abord, la forêt française, les produits forestiers et les usages de ces produits – du papier au bois de construction, en passant par les panneaux de particules et le bois-énergie – sont très diversifiés. Il faut aussi souligner que notre territoire possède résineux et feuillus, ces derniers étant caractéristiques de la forêt française.
Mon rapport n'aborde pas la forêt outre-mer, dont les problématiques sont soit déjà couvertes par les constats et propositions exprimés, soit si particulières qu'elles exigeraient une prise en compte spécifique que je n'avais pas le temps de développer.
Face à la diversité que je viens d'évoquer, on peut se demander s'il existe vraiment une seule filière bois, et non pas plusieurs.
Se plaçant, selon les critères employés – comme la surface des forêts, le volume de bois sur pied ou l'accroissement annuel – entre le deuxième et le quatrième rang des puissances forestières européennes, la France présente pour le bois une balance du commerce extérieur en déséquilibre chronique, avec un déficit annuel de 6,5 milliards d'euros, deuxième déficit après celui qui est lié au pétrole. Tous les rapporteurs qui ont travaillé sur cette question se sont interrogés sur ce phénomène.
J'en ai pour ma part tiré une conclusion très simple : l'enjeu est de l'ordre de 60 000 emplois, si l'on considère que, dans notre industrie, 1 milliard d'euros de déficit correspond en moyenne à 10 000 emplois environ. Le déficit est le signe qu'un marché n'est pas fourni : immédiatement au-dessus du consommateur, le transformateur final ne fournit pas le produit demandé. Les chiffres montrent du reste la part importante de l'énorme secteur du meuble dans ce déficit, dont le siège représente à lui seul près du tiers.
Il nous faut donc revoir notre manière d'aborder le problème de la forêt, en partant de l'aval et en nous demandant comment faire en sorte que notre industrie fournisse les produits qu'attendent les consommateurs et que la dynamisation produite par cette valorisation à l'aval remonte vers l'amont au profit de l'entretien la forêt et d'une mobilisation correcte des bois.
Cette situation, qui dure depuis des décennies, ne peut durer davantage, compte tenu des déséquilibres nouveaux qui se manifestent.
Le premier de ces déséquilibres est le changement climatique, qui est désormais une réalité à laquelle les forestiers doivent s'adapter. De fait, le forestier qui plante aujourd'hui un arbre ou engage une action de sylviculture s'expose au risque de ne pas voir le fruit de ses efforts, car il n'est pas certain d'obtenir dans 50 ans le bois qu'il en espérait. Face au changement climatique, la forêt joue par ailleurs elle-même un rôle central en tant que puits de carbone.
Le deuxième déséquilibre tient au retour à l'usage du bois comme énergie. Historiquement, en effet, toutes les réglementations forestières ont visé à équilibrer la pression du bois-énergie par rapport au bois d'oeuvre – le roi voulait des bateaux, tandis que les paysans voulaient se chauffer et les industriels fabriquer de la chaux, de la porcelaine ou de l'acier. Ce vieux conflit pourrait renaître du fait de l'utilisation énergétique de la biomasse.
Un autre problème est celui de l'usage des sols. Considérer la forêt comme une variable d'ajustement dans la compétition entre l'urbanisation et l'espace agricole n'est pas une politique de la forêt. Il y a une novation à constater que la forêt, qui s'est étendue depuis la fin de la Première Guerre mondiale par la reprise de terres désertées par l'agriculture, pourrait être à nouveau en balance dans des conflits d'usage des sols.
En outre, depuis la disparition, voici une dizaine d'années, du Fonds forestier national (FFN), le renouvellement de la forêt n'est plus financé et le rythme de replantation comme celui des travaux forestiers se sont considérablement ralentis.
Enfin, la multifonctionnalité est aujourd'hui remise en cause, car chaque usager revendique pour l'usage de la forêt qui l'intéresse le plus – qu'il s'agisse de la production de bois, des loisirs, de la biodiversité ou de son rôle de puits de carbone – une certaine prééminence par rapport aux autres usages : ce qui était auparavant un équilibre assez naturel devient aujourd'hui objet de débats et de conflits. C'est là encore un point qui doit être réglé pour que la forêt puisse continuer de remplir d'une manière optimale ses différentes fonctions.
Après avoir consulté l'ensemble de la filière de la forêt, notamment les représentants des propriétaires publics ou privés et les acteurs de la première et de la deuxième transformations, que je tiens d'ailleurs à remercier pour les connaissances dont ils m'ont fait bénéficier, il semble qu'un nouveau cercle vertueux est possible.
Il s'agit tout d'abord d'orienter l'exigence climatique au bénéfice de la forêt. Celle-ci fixant le carbone et le bois-structure assurant le maintien du carbone ainsi capté, l'optimisation de la production de bois est bénéfique au climat, et donc à la forêt elle-même. Il n'y a pas d'opposition entre la forêt biodiversité, la forêt climatique et la forêt productive. Un équilibre est possible et le bois est une chance pour le climat.
Nous devons ensuite développer les usages de la forêt et leur valorisation afin que la ressource elle-même soit valorisée et que les financements nécessaires à son entretien et au maintien de ses différentes fonctions soient assurés.
Pour trouver ces nouveaux équilibres, des axes forts sont nécessaires. Il convient d'investir dans l'industrie avec les outils existants du redressement productif, mais également à l'aide d'un fonds stratégique bois-forêt spécifique, dont une part serait orientée vers l'industrie afin de valoriser le bois, notamment les feuillus.
Il convient aussi de développer les usages hiérarchisés du bois. Le bois-structure – qui, comme je viens de le rappeler, maintient le carbone capté –, peut ensuite être déchiqueté et utilisé en fibres sous forme de papier ou de panneaux, avant de faire l'objet d'une utilisation thermique : on peut ainsi utiliser trois fois le même bois, ce qui est très vertueux sur les plans économique et écologique – à condition toutefois que les usages techniques et les traitements des bois, ainsi qu'une réglementation adaptée, permettent d'employer comme combustibles des bois préalablement utilisés sous d'autres formes.
Il nous faut également moderniser le marché du bois. S'il est facile, en effet, de connaître le prix d'une grume d'une essence de bois donnée, celui des bois transformés est entouré d'une opacité qui évoque davantage les marchés agricoles d'antan que le marché moderne de la filière agroalimentaire d'aujourd'hui. Il faut assurer une forme contractuelle d'approvisionnement, avec une bonne remontée des valeurs vers l'amont. En effet, si la filière ne survit qu'en sous-payant la matière première, le déséquilibre est structurel : on n'innove pas assez parce qu'on n'a pas besoin de valoriser une matière précieuse et on ne l'achète pas assez cher, de telle sorte que le forestier, public ou privé, n'a pas les moyens d'assurer le renouvellement de sa ressource.
Face à une propriété morcelée, il nous faut également mobiliser la ressource.
Il faut également donner une réponse à la société sur la gestion multifonctionnelle et ouvrir le débat, car le fait de restreindre à quelques personnes « compétentes » le choix des orientations relatives à la forêt et au bois entraînera nécessairement des conflits à répétition chaque fois qu'un usage se développera. Il faut donc partager en amont et, bien entendu, moderniser le processus de décision pour que les choix puissent être partagés et acceptés. Le recours à un débat public préalable sera au coeur de mes propositions dans ce domaine.
Il faut encore relever le défi que représente l'exploitation des feuillus, qui comptent pour plus de la moitié de la forêt française. Le hêtre, présent à toutes les pages des catalogues de meubles, se vend en France au prix du bois de chauffage : il y a là une perte significative de valeur ajoutée, de valeur pure et simple et de technicité.
Nous devons également veiller sur notre commerce extérieur. Le fait que nous exportions des grumes et importions des produits finis prouve certes que notre sylviculture est performante, mais il s'agit également d'une perte de la valeur ajoutée, des coproduits et des emplois afférents. Un exportateur de grumes devrait au moins contribuer au renouvellement de la ressource valorisée hors de nos frontières. Il ne s'agit pas ici de revenir sur le système du FFN, mais de bien préciser qu'une grume quittant notre territoire avec ses coproduits et sa valeur ajoutée potentielle empêche le retour d'une partie de sa valeur vers la forêt et qu'il convient de compenser cette perte pour la filière.
À l'inverse, lorsque nous importons des produits finis, il nous faut, par une responsabilité élargie des producteurs, discriminer les produits présentant une mauvaise recyclabilité, dont la fin de vie sera traitée de la pire des façons – par enfouissement et en renonçant à la valorisation qui manquera à l'équilibre d'ensemble des usages du bois.
Ces quelques propositions pourraient permettre de saisir les opportunités qu'offre le bois en termes d'emploi, en prêtant une grande attention aux qualifications, aux rémunérations et aux conditions de travail – tant pour les travaux forestiers pénibles que pour les métiers de seconde et de première transformation – et en veillant à ce que les formations générales dans les domaines de l'ingénierie, de la conception et de la mise en oeuvre des matériaux prennent en compte les caractéristiques spécifiques de cette filière. Ces propositions visent essentiellement à un cadre réglementaire plus adapté, plus compréhensible et mieux partagé avec la population et la société. Face aux réglementations relatives à la forêt, à l'environnement, à la faune, au milieu aquatique et à l'urbanisme qui se superposent au coeur ou aux confins de la forêt, il serait bon qu'un document intègre ces contraintes diverses au niveau des massifs ou au niveau régional, permettant à l'activité forestière de connaître ses limites, à l'instar de ce que permet le schéma de cohérence territoriale (SCOT), qui intègre les contraintes urbanistiques fixées par tous les schémas régionaux et départementaux préexistants.
La fiscalité forestière est vertueuse : favorable et adaptée, elle bien venue tant sur le plan patrimonial qu'en termes de revenus, mais cette dépense fiscale doit, pour avoir une justification publique, être réservée aux forêts qui produisent – qu'il s'agisse de bois ou d'aménités sociales ou environnementales.
Par ailleurs, l'impôt sur le foncier non bâti n'étant pas mis en recouvrement pour les montants inférieurs à 12 euros, le manque à gagner est chaque année de l'ordre de 30 à 40 millions d'euros. On pourrait donc imaginer par exemple de procéder à ce recouvrement tous les quatre ou cinq ans, afin de dépasser le seuil de recouvrement et d'éviter que cette ressource n'échappe au financement nécessaire des forêts publiques, notamment communales ou domaniales.
En outre, l'investissement réalisé sous forme d'achat de forêt permet de bénéficier d'un régime très favorable d'imposition sur les successions et sur la fortune. Ce dispositif est justifié par l'intérêt général, mais la dépense fiscale ne serait pas moins justifiée au profit de l'investissement d'un même montant sur le cycle forestier à long terme afin de pouvoir réaliser les travaux nécessaires à l'entretien de la forêt. Je propose donc d'ouvrir le régime fiscal patrimonial de la propriété forestière à des investissements de long terme dans la production forestière, afin d'éviter l'augmentation quasi-continue des prix de l'hectare liée au maintien de l'attractivité fiscale de l'investissement forestier. Compte tenu des déficits que nous connaissons, orienter ces sommes vers la production et la transformation du bois ne serait pas une mauvaise idée.
Actuellement, l'habitat bénéficie des fonds carbone. Au cas où le prix de la tonne de carbone – actuellement très bas – atteindrait un certain seuil, une part significative de ces fonds pourrait être réservée à la forêt et à ce fonds stratégique. Il conviendrait par ailleurs, en attendant que le marché des quotas vienne régler ce problème, d'officialiser la pratique des entreprises qui recourent aujourd'hui au mécénat comme outil fiscal pour investir dans les compensations carbone de leurs activités.
Bon nombre de travaux forestiers s'apparentant à des travaux agricoles, une harmonisation des taux de TVA serait la bienvenue. De fait, le contrôle est difficile en forêt, ce qui en fait un terrain propice à des travaux non déclarés. Le bois de chauffage, ressource renouvelable, devrait lui aussi bénéficier d'un taux identique à celui du gaz, qui ne l'est pas. Si une harmonisation n'était pas possible, le produit supplémentaire devrait pouvoir être budgétairement affecté à des dépenses en faveur de la forêt.
Il nous faut également moderniser les outils fonciers – ce point est détaillé dans le rapport et je ne m'y attarderai pas ici. Les biens vacants et sans maître, le morcellement, le droit de préférence et les droits de mutation pour les petites transactions sont autant de points à revoir et simplifier.
Nous devons aussi permettre et faciliter les aménagements forestiers pour la forêt publique, souvent aussi morcelée que la forêt privée. De nombreuses communes possèdent en effet de petites forêts qu'il serait bon de les inciter à soumettre à une gestion commune.
Le fonds stratégique pourrait recevoir l'ensemble des contributions que j'ai évoquées, soit un montant annuel de l'ordre de 100 millions d'euros qui correspond à peu près à celui du FFN, mais qui pourrait être orienté par parties égales entre l'amont et l'aval de la filière.
Les questions d'assurance sont particulièrement importantes pour le Sud-Ouest, qui a souffert des tempêtes. La perte de récoltes ne pouvant être assurée, l'aléa climatique important dissuade l'investissement forestier. Il est donc nécessaire d'imaginer une garantie portant sur la reconstitution plutôt que sur la perte d'exploitation. De fait, s'il est impossible d'assurer le risque correspondant à la perte d'une forêt de 40 ou 50 ans, il est envisageable d'assurer, en cas de destruction – dans les Landes, par exemple –, le montant des travaux de replantation.
Dans le domaine de la formation, il nous faut prendre garde aux pertes de compétences en matière forestière. Il faut également veiller à développer les compétences nécessaires dans la filière bois et à valoriser la recherche.
Il importe aussi de lever les freins imposés par les différentes réglementations. Dans notre pays, la norme est souvent l'ennemie de l'innovation. Si elle est rassurante et nécessaire, elle est souvent aussi tatillonne et sans doute pourrions-nous nous inspirer des pratiques qui ont cours dans des pays voisins où la tradition du bois est plus forte que chez nous.
Dans un pays qui aime les symboles, il conviendra de promouvoir quelques réalisations symboliques qui attirent l'attention des décideurs et de ceux qui veulent s'orienter professionnellement. Je rappelle à ce propos que les premières études de matériau réalisées sur le bois ont été réalisées par l'aéronautique, où l'on a observé que le bois utilisé pour les hélices d'avion présentait des caractéristiques d'élasticité proches de celles de l'acier. Le bois sert également à fabriquer des pylônes pour les lignes à haute tension et on obtient avec ce matériau des portées exceptionnelles pour les ponts.
Il faudra également mettre en place des politiques structurées par essence, notamment pour le hêtre, car il n'est pas acceptable que 60 % de la ressource forestière quitte notre territoire avec une valeur ajoutée minimale. Je tiens à citer aussi le robinier faux acacia, bois naturellement de classe 4 sans traitement, que j'ai baptisé « teck français ». Les magnifiques terrasses en robinier que l'on trouve aujourd'hui sont fabriquées en Belgique avec du bois slovène : je préférerais qu'elles soient fabriquées en France avec du bois français.
Dans la loi de finances pour 2013 ont été inscrits 420 millions d'euros pour le plan Habiter Mieux et les forestiers souhaitent qu'une partie des crédits carbone soit affectée à la mise en place d'un fonds stratégique de développement de la filière bois mais, le prix actuel de la tonne de carbone étant aujourd'hui de 6 euros, les crédits inscrits ne seront pas atteints. Un prix de 20 euros la tonne donnerait assurément des marges de manoeuvre supplémentaires, mais le financement de la filière bois par la vente des crédits carbone n'est actuellement pas possible.
Pour ce qui est de votre proposition d'utiliser les recettes de la TVA pour alimenter le fonds stratégique, quelles seront les ressources dégagées par l'augmentation de 7 % à 10 % du taux de TVA sur le bois énergie prévue au 1er janvier 2014 ?
Votre rapport ambitieux préconise de valoriser notre forêt – la deuxième en Europe –, sous-employée, avec un double objectif auquel nous souscrivons : faire de la filière bois un secteur économique source d'emplois et créateur de richesses tout en répondant aux enjeux écologiques. Je vous poserai quatre questions.
Tout d'abord, les tempêtes de 1999 et 2009 ont largement endommagé les forêts françaises. Face aux aléas climatiques appelés à se multiplier, ne serait-il pas judicieux de mettre en place un fonds de réserve financé par des cotisations payées par les entreprises sylvicoles et les utilisateurs de la forêt ? Quel outil envisagez-vous pour que l'exploitation de nos forêts soit une activité créatrice de richesse indépendante des subventions publiques, tant nationales qu'européennes ? Le Fonds stratégique bois serait-il cet outil d'indépendance financière ?
En deuxième lieu, la biomasse est appelée à occuper une place importante dans le mixte énergétique, ce qui est conforme aux enjeux exposés dans votre rapport : exploiter la forêt française pour produire de la richesse et restaurer notre balance commerciale tout en poursuivant ses objectifs environnementaux. Pensez-vous pouvoir tenir ces louables objectifs quand le souci de rentabilité incline les industriels à gérer la forêt avec des espèces uniformes à croissance rapide, et donc au détriment de la forêt traditionnelle et de la diversité qui l'habite ?
En troisième lieu, comment attirer la main-d'oeuvre vers les métiers de la forêt, associés à des tâches pénibles et à des salaires souvent faibles ?
Ma dernière question sera celle du président du groupe d'études sur la chasse : que préconisez-vous pour répondre aux conflits occasionnés entre les gestionnaires de la forêt et les associations de chasse par la prolifération de gibier sans prédateurs ?
Je tiens à vous féliciter, cher collègue, pour votre excellent rapport – il est rare, si j'ose dire, que la « langue de bois » soit d'une telle qualité. (Exclamations)
Vous avez évoqué à juste titre la nécessité de disposer pour la filière d'un plan d'action destiné à limiter les importations et avez non moins justement rappelé l'incidence des normes.
Le ministre du redressement productif, M. Arnaud Montebourg, citant récemment l'exemple d'un projet industriel de scierie devant être implanté dans la Nièvre, au pied de la forêt du Morvan, indiquait que les opposants à ce site de traitement du bois – créateur sans doute de plusieurs dizaines ou centaines d'emplois – ont pu réunir sur Internet 30 000 signatures. Bien souvent, en effet, la réaction face à de telles implantations s'exprime sur le mode du « pas à côté de chez moi »
Vous avez évoqué le morcellement de la forêt dans notre pays qui compte 36 000 communes et 3 500 000 propriétaires forestiers. Quelle fiscalité comptez-vous mettre en place pour créer des incitations en faveur de la forêt ?
Vous avez également évoqué le déficit et exposé un plan ambitieux. Or, la meilleure ambition est celle de la simplification. Dans combien d'années pensez-vous obtenir des résultats ?
Pour ce qui est du changement climatique, je tiens à souligner que certaines espèces fluctuent, comme le châtaignier ou le chêne. Les retours sur investissement sont, au demeurant, plus rapides pour les résineux.
Quels sont les risques d'une intensification forestière pour l'écosystème ? La disparition de certaines espèces et le développement de certaines autres appelle un travail très précis – comme l'illustrent notamment les changements d'utilisation des sols opérés en Espagne avec la plantation d'eucalyptus.
Bien que mon département de Loire-Atlantique ne soit pas parmi les plus forestiers de notre pays, je rappellerai pour conclure que la métropole nantaise, chère au Premier ministre, prévoyait la plantation de 5 000 hectares, interface entre le monde urbain et le monde rural.
Je tiens moi aussi à féliciter M. Jean-Yves Caullet pour son exposé. La filière forêt-bois est un des acteurs majeurs du développement durable dans notre pays. L'utilisation et la valorisation de la ressource bois-forêt et du matériau bois garantissent notamment la préservation de la biodiversité sur les territoires, comme je le vérifie régulièrement dans mon département de Mayenne, et permettent de capter une grande partie de carbone présent dans l'atmosphère. Le bois est en outre, en tant que matériau recyclable et renouvelable, un levier important de la transition énergétique.
Je formulerai trois observations, qui sont aussi des questions.
Tout d'abord, parmi les idées qui ont émergé lors des différents débats que nous avons eus en commission, j'ai retenu celle de la chaleur renouvelable. Il faut, pour la favoriser, optimiser l'utilisation de nos forêts, dont 40 % – notamment les forêts privées – ne font l'objet d'aucune exploitation, et augmenter la dotation du fonds chaleur de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME), limitée aujourd'hui à 200 millions d'euros, en particulier en explorant les possibilités de recettes annexes. Cela devrait nous permettre de définir des objectifs ambitieux.
En deuxième lieu, une partie des recettes issues du quota carbone sont gérés par l'Agence nationale de l'habitat (ANAH). Or, aucun dispositif ne prévoit aujourd'hui que ces fonds bénéficieront véritablement à la lutte contre le changement climatique grâce à l'utilisation du bois.
Enfin, le rôle environnemental et économique de la filière forêt-bois doit être encouragé et l'utilisation d'une partie de ces crédits carbone doit pouvoir être réinvestie dans cette filière, qui séquestre 80 millions de tonnes de CO2 et constitue à ce titre en France un véritable puits de carbone.
Merci, monsieur Caullet, pour cet excellent rapport, que nous étudierons cette nuit avant de vous présenter demain, avec Mme Sophie Rohfritsch, un autre rapport consacré à la biomasse. (Sourires)
Il ressort de votre propos que la France doit fonder son développement sur ses propres ressources et que notre territoire doit adopter une logique d'économie circulaire fondée sur une ressource disponible en masse, maîtrisée, renouvelable et susceptible de plusieurs usages hiérarchisés. Comment faire à nouveau de la forêt et du bois l'un des piliers de notre économie ?
Comment aborder les enjeux et les risques des mégaprojets de biomasse-énergie, comme le projet de scierie dans le Morvan qui vient d'être évoqué et qui est principalement un projet de biomasse, ou d'autres projets issus des programmes de la Commission de régulation de l'énergie (CRE) consacrés à la biomasse-énergie, qui donnent plutôt l'impression que le bois ne sera utilisé que pour être brûlé ? De tels projets ne devraient-ils pas être structurés autour de sociétés coopératives et participatives (SCOP) ou de sociétés coopératives d'intérêt collectif (SCIC) ?
Comment concevez-vous la TVA fléchée et comment entendez-vous y parvenir ? N'existe-t-il pas d'autres moyens, comme une redevance inspirée de celle qui finance l'audiovisuel public ?
Enfin, en tant que député d'un département où le pin d'Alep gagne ses galons de bois d'oeuvre, je souhaiterais que la valorisation industrielle ne soit pas abordée seulement pour les feuillus, mais bien pour tous les bois dont nous disposons sur notre territoire.
Je vous remercie moi aussi, monsieur Caullet, pour votre brillant exposé. La forêt est un thème important, souvent sous-estimée par l'opinion publique et, il faut le reconnaître, par les élus et les politiques publiques.
Nous devons apporter un soin particulier à nos forêts publiques et l'ONF réalise à cet égard depuis 1966 un travail remarquable. Depuis la tempête de 1999, ont cependant été appliquées une politique de maîtrise des coûts et une rationalisation des effectifs et des structures au titre de la révision générale des politiques publiques (RGPP). Sans établir de lien de cause à conséquence, nous ne pouvons ignorer les drames humains qui ont eu lieu récemment. De nombreux élus se sont d'ailleurs mobilisés pour donner l'alerte face à la baisse inévitable de la qualité du travail de l'ONF dans ses missions de service public. La rentabilité financière de la commercialisation du bois de l'ONF est évidemment un enjeu primordial, mais elle ne devrait pas porter préjudice à la qualité de l'accueil du public, en particulier dans les forêts publiques périurbaines.
Ma première question porte sur l'audit social : où en êtes-vous dans l'application des recommandations et dans quel état sont les relations sociales au sein de l'Office ? Quelles sont, selon vous, les évolutions souhaitables de la gouvernance et du modèle financier, compte tenu de la situation financière de l'ONF ?
On considère traditionnellement en France que la forêt a trois rôles : la préservation de la biodiversité, l'accueil du public et une fonction économique. Le premier de ces rôles est clairement satisfait, le deuxième un peu moins et le troisième soulève des questions. L'un des principes de la gestion des forêts publiques et que le bois paye le bois et le reste – c'est-à-dire que l'économique finance la préservation de la biodiversité et l'accueil du public. Ce modèle économique qui fonde les activités de l'ONF doit-il évoluer ?
Enfin, la France se trouve dans une situation économique paradoxale : alors qu'elle bénéficie du troisième massif forestier européen, son déficit commercial en bois s'élève à plus de 5 milliards d'euros. Avez-vous une idée des dispositions à mettre en oeuvre pour mieux mobiliser les forêts et renforcer la filière bois, qu'il s'agisse des forêts domaniales et communales ou des forêts privées ? Comment les relations avec les communes devraient-elles évoluer pour s'améliorer ?
Pour ce qui est des certifications, on entend souvent évoquer des fraudes concernant les bois importés en Europe et l'entrée dans notre pays de bois de forêts protégées qui ne devraient être commercialisés ni en France, ni en Europe donne souvent lieu à des scandales. L'ONF se préoccupe-t-elle de cette question dans son activité internationale et dans le dialogue qu'elle entretient avec les structures étrangères équivalentes ?
J'évoquerai enfin une idée reçue, ou plutôt d'un malentendu : l'opinion publique a le sentiment que la forêt française recule, alors que c'est depuis longtemps l'inverse qui se produit. Dans le même esprit, on pense souvent qu'il ne faut pas couper d'arbres, alors que les coupes sont précisément une nécessité concomitante à celle de la replantation. L'ONF a-t-il un rôle à jouer pour améliorer la communication sur ces thèmes ?
Merci, cher Jean-Yves Caullet, pour le très bon rapport que vous nous avez présenté, en particulier pour votre analyse de la multifonctionnalité de la forêt. Cette dernière est sous-exploitée dans notre pays, ce qui est un véritable gâchis, et cette richesse est méconnue de nos concitoyens.
Vous avez également invité à revisiter nos usages de la forêt. La région dont je suis élue comptait de nombreuses peupleraies, importantes sources d'emplois occupant les pépiniéristes, les agriculteurs qui plantaient sur des parcelles difficilement cultivables ou au bord des rivières, les bûcherons, les transporteurs et de nombreuses usines de bois déroulé, qui fabriquaient notamment des cageots destinés aux huîtres – pour ne pas citer les allumettes, les boîtes de camembert et même des poutres très prisées parce que légères et très solides. Ce bois créateur d'emplois qui a été complètement abandonné – et certes fortement touché par la tempête de 1999 – ne pourrait-il pas faire l'objet d'une réflexion ? La même question pourrait se poser pour le bois taillis, très abondant dans ma région, mais souvent sur de très petites parcelles. Une loi oblige désormais les propriétaires désireux de vendre d'en avertir leurs voisins, mais la question des parcellaires mériterait d'être abordée.
Peut-être enfin, devrions-nous étudier dans notre région – outre la fabrication, déjà traditionnelle, des piquets de vigne – les usages possibles de l'acacia, car cette essence prospère à mesure que les chevreuils, qui n'en mangent pas, dévorent nos châtaigniers.
Merci, monsieur le rapporteur, d'avoir « planché » sur le bois, car la forêt est un secteur d'activité important pour nos territoires, pour nos paysages, pour l'environnement et pour l'économie du pays.
La France est le premier pays producteur de chêne en Europe, mais une part importante du peuplement de cette essence dépérit sous l'effet du changement climatique. Le projet Chênaies atlantiques mené depuis 2009 vise à identifier les causes de ce phénomène et les solutions possibles. Avez-vous des informations à nous apporter sur ce fléau qui touche particulièrement l'Ouest de la France ?
D'autre part, de nombreux propriétaires forestiers sont excédés par la surabondance de réglementation. L'idée d'un document intégrateur semble à cet égard intéressante. Les propriétaires forestiers privés aspirent, comme bon nombre de nos concitoyens, à une plus grande stabilité fiscale et considèrent que la fiscalité actuelle n'est pas un avantage, mais une contrepartie à un investissement patrimonial et familial dans la durée, qui relève souvent de la passion et doit être encouragé pour valoriser la forêt française.
Bravo pour ce rapport très intéressant. Sans revenir sur l'intérêt économique de la filière de la forêt et du bois, j'insisterai sur la complémentarité des emplois qu'elle permet, en amont et en aval, sur nos territoires urbains et ruraux, ainsi que sur celle qui unit les emplois des filières bois-construction et bois-énergie.
Je souscris à votre analyse sur la nécessité de mobiliser la ressource en amont et de soutenir le regroupement des entreprises, souvent de taille très réduite, afin qu'elles puissent atteindre une taille intermédiaire et se positionner sur des marchés d'avenir et à forte valeur ajoutée. Quels outils peuvent-ils être mis à leur disposition pour les aider dans cette démarche de structuration ? La Banque publique d'investissement (BPI) est-elle l'un de ces outils ?
L'innovation est également nécessaire, car le bois est, dans la construction, un matériau d'une grande modernité, contrairement à ce que croient encore bon nombre de nos concitoyens.
Au-delà des aspects économiques, la forêt fait partie de notre patrimoine national et nous devons veiller à son renouvellement, dont l'État doit être le garant – car un arbre met 30 ans à pousser. Les propositions formulées pour le financement de la filière, notamment celle de la création d'un fonds stratégique, me paraissent donc importantes et j'adhère en particulier à l'idée d'un fléchage des crédits carbone.
Pour ce qui est du conflit d'usage des sols, je rappelle que M. Stéphane Le Foll, ministre chargé de l'agriculture, a indiqué son intention d'intégrer la forêt et les espaces naturels dans le périmètre des travaux de l'Observatoire national de la consommation des espaces agricoles. Cet observatoire, que je préside, a pour mission de présenter un rapport au mois de septembre en vue de la préparation de la future loi d'avenir de l'agriculture.
Enfin, quel doit être demain le rôle de l'ONF, notamment pour ce qui est du renouvellement de nos forêts ? Quelle doivent être la gouvernance de la filière et du fonds stratégique ? Dans quelle mesure la gestion de la forêt et de la filière bois doit-elle être décentralisée au niveau des différentes collectivités ?
Mon cher collègue, je vous félicite moi aussi pour votre brillant exposé.
La filière bois-forêt est au coeur des objectifs du développement durable. L'usage du bois est de plus en plus répandu tant comme source d'énergie que dans la construction de logements. Cependant, alors que la France possède la deuxième forêt d'Europe en superficie, elle subit un déficit commercial de l'ordre de 5 milliards d'euros par an pour les produits du bois. Le morcellement des propriétés forestières, avec 3,5 millions de propriétaires, en serait l'une des raisons majeures. Votre rapport propose un regroupement des petites parcelles privées en vue de limiter ce déficit commercial. Cette stratégie nationale et unifiée est-elle en cohérence avec les enjeux écologiques, économiques et sociaux au niveau local ? La question se pose particulièrement pour la région Auvergne, où la forêt privée représente 83,5 % de la forêt régionale.
Merci pour ce rapport clair, pertinent et très didactique.
En termes d'emploi, la situation de la filière forêt-bois est assez similaire à celle de la filière agroalimentaire : ces secteurs embauchent, mais attirent peu, car ils sont peu valorisés. Cependant, des emplois sont déjà à pourvoir dans tous les domaines – des bûcherons aux ingénieurs de la construction bois – et les entrepreneurs ne trouvent pas toujours des personnes qualifiées. Vous estimez que de nombreux autres emplois pourraient être créés. La question de la valorisation des métiers de la filière forêt-bois est donc centrale, tout comme la réflexion sur la formation. Quel est votre sentiment sur ce sujet et quelles sont vos éventuelles préconisations – dans le cadre peut-être du fonds stratégique que vous proposez de créer ?
Merci pour cet exposé de qualité.
Les particules fines émises par le bois-énergie, qui ont fait voici quelques années l'objet d'un rapport sénatorial, sont un sujet majeur et la dichotomie entre l'utilisation du bois comme énergie en campagne et en milieu urbain devrait faire l'objet d'une réflexion. Le bois-énergie et le bois de second oeuvre posent du reste un problème à certaines industries en asséchant leurs sources d'approvisionnement, notamment dans le domaine de la paletterie.
Par ailleurs, la taxe sur le transport est-elle de nature à faciliter le développement des filières industrielles autour du bois, qui est un matériau pondéreux ?
Enfin, la France est aujourd'hui le pays d'Europe où les taux de marge de l'industrie sont les plus faibles, ce qui concerne tout particulièrement la filière bois. L'industrie du meuble décline, la scierie et l'industrie du panneau sont en difficulté – ainsi, pour d'autres raisons, que l'industrie de la construction. À défaut de prendre en compte cette problématique, bien des désillusions nous attendent.
Ma circonscription de Thiérache possède une identité forte liée à son bocage, dont le linéaire est estimé à plus de 6 000 kilomètres, dont 3 500 de haies hautes. Les écarts de rentabilité entre les activités d'élevage et céréalières ont parfois poussé nos exploitants à labourer leurs pâtures et à arracher les haies.
La haie a pourtant, outre ses atouts environnementaux, une valeur économique et énergétique. Nos agriculteurs l'ont bien compris en se regroupant dans une association, l'Atelier agriculture Avesnois-Thiérache, et en s'investissant dans l'organisation de la filière bois-énergie, notamment par l'installation de chaudières dédiées – actuellement plus de 74 en Thiérache –, l'achat de matériel nécessaire au déchiquetage ou l'installation de plates-formes de stockage. Plus que jamais, le bocage est un capital culturel, écologique et économique à préserver et mettre en valeur. Cet axe a-t-il pu être travaillé dans votre rapport ? Quelles perspectives peuvent-elles être envisagées pour le sauvetage et la revitalisation de la haie bocagère et comment encourager ces logiques économiques et environnementales ?
S'il est un domaine dans lequel on peut penser que se dégage un consensus, c'est bien celui de la forêt. Depuis des années, à la suite de la disparition du FFN, on regrette l'absence d'une véritable politique stratégique et d'un financement adéquat pour sa mise en oeuvre. J'espère que votre rapport contient des indicateurs permettant de remettre en ligne une forêt française. Vous avez fait le constat des problèmes liés à la replantation et à la modernisation de cette filière.
Un véritable effort est nécessaire en faveur de la première transformation, ainsi que pour le prix du bois, qui n'est pas à la hauteur des enjeux. Il sera intéressant de voir dans quel sens vous développez les quelques pistes que vous avez évoquées.
Pour ce qui concerne l'assurance, secteur quelque peu oublié, des solutions pourront être trouvées en combinant les efforts des assureurs, des industriels et des forestiers.
Merci donc de ce rapport. Nous en observerons très attentivement les effets.
Je vous félicite moi aussi pour ce rapport attendu et vous remercie tout particulièrement de vous être déplacé dans les Landes et d'avoir sollicité les contributions des acteurs de la filière.
Par rapport à l'Europe du Nord et de l'Est, la France est très en retard en matière de plantation de forêts. Quelles mesures pourrait-on envisager pour augmenter réellement les surfaces forestières ?
Comment concrétiser la valorisation des aménités demandée par les forestiers, c'est-à-dire des fonctions de la forêt autres que l'exploitation ?
En matière de recherche et d'innovation, est-il pertinent d'élargir au territoire national la compétence du pôle Xylofutur qui existe en Aquitaine ? Quelle place et quels moyens l'Institut national de la recherche agronomique (INRA) doit-il avoir pour la recherche sur les nouvelles essences et la diversification des forêts, exploitées ou non ?
Pouvez-vous préciser votre proposition de fiscalité en faveur des forêts exploitées ? Si certaines espèces sont intéressantes d'un point de vue économique, d'autres le sont d'un autre point de vue et il conviendra d'en tenir compte dans l'aménagement du territoire. Les questions économiques ne doivent pas prendre le pas sur l'intérêt essentiel que revêt la forêt pour la biodiversité de l'ensemble du territoire. Une certaine prudence s'impose donc en matière fiscale pour éviter une exploitation productiviste de la forêt et pour inciter à envisager cette dernière dans toutes ses dimensions.
Je remercie moi aussi M. Caullet pour son excellente prestation. Je suis soucieux de la valorisation par l'ONF de la ressource en bois sur son domaine – je pense en cela à deux forêts domaniales d'Eure-et-Loir : celle de Dreux et de Senonches, où sont très récemment apparues des machines de grosse capacité fabriquant sur place du copeau de bois et de la plaquette forestière qui sont chargés directement dans des semi-remorques pour aller alimenter le système de chauffage de l'hôpital d'une capitale régionale normande. On procède également à des coupes de chênes d'un diamètre de plus en plus faible, dont on nous dit qu'ils partent pour la Chine avant de revenir vers la France : le bilan carbone est sans doute assez médiocre et les coupes sont de plus en plus importantes car les chênes concernés sont assez jeunes. Les dégâts sont très importants et la remise en état de la forêt par l'ONF ou par les prestataires privés intervenant pour son compte n'est pas toujours satisfaisante. Les autres usages sociaux de la forêt en pâtissent, des forêts périurbaines et touristiques se trouvant être de moins en moins accessibles pour les randonneurs, les cyclistes, les cavaliers ou les chasseurs.
Il conviendrait par ailleurs que l'ONF communique aux communes ses plans de coupe afin que les maires soient en mesure de fournir, notamment sur les volumes de coupe, des informations dont ses agents ne disposent actuellement pas lors de leurs rencontres annuelles avec les associations.
Merci, monsieur Caullet, pour ce rapport. Celui de Jean-Louis Bianco évoquait les chartes forestières intégrant d'une manière cohérente tous les usages d'un massif, comme la valorisation touristique, la biodiversité et l'exploitation du bois. Dans les Préalpes, dont je suis élu, la forêt méditerranéenne produit un bois de faible qualité et d'une exploitation difficile en montagne. Les problématiques sont donc multiples.
Un document intégrateur par massif ou par région me semble être une bonne idée. Le débat public proposé s'apparente-t-il à l'enquête publique précédant l'établissement d'un SCOT ou d'un plan local d'urbanisme (PLU), ou aux débats précédant un grand aménagement ? Il faut veiller à éviter les formalités compliquées.
Par ailleurs, le rapport préconise-t-il d'abaisser le taux de TVA à 5 % ou de le porter à 10 % ? Dans le premier cas, il est difficile de promouvoir la filière. Dans l'autre, le fonds stratégique serait mieux doté, mais le prix du bois de chauffage et des travaux forestiers serait pénalisé.
Les forêts étant très morcelées et relevant pour une grande part de la propriété privée, une animation est nécessaire pour valoriser les massifs. Comment donner à la structure porteuse de l'aménagement du massif des moyens de décliner ses actions et quel est le niveau de territoire pertinent pour créer une filière bois-énergie et bois d'oeuvre ? Dans ma région, on parvient à faire des produits de qualité avec un bois qui n'a pas grande valeur, mais cette démarche doit être aidée et il faut inciter les collectivités, voire les usagers privés, à recourir au chauffage bois-énergie. Le fonds stratégique est-il le moyen qui permettra de dynamiser cette politique ?
Une dernière question : quelles sont les dispositions qui pourraient figurer dans le projet de loi sur l'agriculture et la forêt que le ministre de l'agriculture doit déposer d'ici à la fin de l'année ?
Vos questions témoignent d'une bonne connaissance des blocages à lever pour modifier l'équation actuelle.
Pour ce qui est du volet forestier du projet de loi sur l'avenir de l'agriculture qui sera présenté par le Gouvernement, je rappelle que le rapport comporte un tiers de loi, un tiers de règlement et un tiers de volonté politique. Ce projet de loi, qui ne réglera certes pas tous les problèmes, devra au moins traiter de la propriété, c'est-à-dire de la structure de la forêt et de la gestion des parcelles, des outils de mobilisation et de gestion et du partage avec la population des orientations prises dans les documents d'aménagement en matière de multifonctionnalité de la forêt, ainsi que de la création et de la gouvernance du fonds stratégique. De nombreux autres éléments relèveront de la réglementation.
Je tiens aussi à évoquer l'Europe car, si elle n'a pas de politique pour la forêt et le bois, bon nombre de politiques européennes ont, en creux, un impact sur la politique forestière et sur la filière bois de tous les États, comme les politiques relatives à l'urbanisme et au droit des sols ou à l'environnement en général. Nous souhaiterions par exemple éviter la situation dans laquelle se trouve la Pologne, avec une forêt monospécifique dont l'exploitation est très industrialisée, fournissant des produits qui reviennent avec une valeur ajoutée. Il faut donc réfléchir d'une manière stratégique au niveau européen. Je lisais ce matin qu'un grand opérateur boursier américain a acheté des millions d'hectares aux États-Unis, pour plusieurs milliards de dollars : nous sommes confrontés à des enjeux importants. Lorsque j'ai été nommé président de l'ONF, des amis m'ont informé qu'un industriel finlandais souhaitait acheter des forêts françaises, qu'il considérait mal exploitées, afin de garantir l'approvisionnement de projets industriels énergétiques en Finlande. Il est inquiétant que la deuxième puissance forestière d'Europe cherche à se garantir sur le territoire de la troisième... Une politique européenne devrait donc se structurer pour être vertueuse et éviter, chez nous comme chez les autres, les spécialisations territoriales – ici la forêt-promenade, là-bas la forêt-chantier.
Monsieur Philippe Plisson, il est tout à fait vrai que la multiplication des tempêtes pose des questions en matière assurancielle : avec une tempête tous les dix ans, vaut-il la peine d'investir sur cinquante ans ? Il conviendrait de permettre que, pour des montants limités par hectare, le produit d'exploitation d'une forêt soit mis en réserve dans des conditions fiscales relativement attractives pour constituer le fonds de réserve nécessaire à la recomposition de la forêt. Comme je l'ai indiqué tout à l'heure, en effet, je ne pense pas qu'il soit possible d'assurer les pertes de récolte. Du reste, si nous subissons tous les dix ans une tempête centennale, nous serons confrontés à d'autres problèmes.
Les assurances ne jouent pas lorsque la vitesse du vent dépasse 100 kilomètres à l'heure, c'est-à-dire lorsque les arbres tombent.
On peut également envisager une cotisation très minime des communes, sorte d'assurance en nature obligeant l'ONF à reconstituer les forêts touchées par la tempête dans les communes qui l'auraient souscrite. Un tel système est très difficile à mettre en place dans le secteur privé, car la durée de vie des entreprises est imprévisible sur le long terme et le fonds de réserve est dans ce cas le meilleur système.
L'uniformité et la rapidité du cycle sont un risque mais une forêt, même monospécifique, sera toujours plus biodiverse qu'un champ de maïs, lui-même plus biodivers qu'un parking. (Sourires) La forêt landaise, implantée d'une manière quasi industrielle, est certes moins biodiverse que d'autres, mais il faut veiller à ce que la durée du cycle ne se raccourcisse pas trop pour des raisons économiques. De nombreux ouvrages indiquent à l'aide de courbes que le moment optimum pour la coupe d'un bois est celui où sa croissance commence à diminuer et où la dérivée de sa croissance coupe la courbe : on obtient alors le maximum de volume et le prix maximum par mètre cube, le bois pouvant par ailleurs être utilisé en déchiqueté ou en bois-énergie, ce qui multiplie le produit de la récolte. En revanche, une coupe à 30 ans ne rapporte qu'un tiers du volume et un tiers du prix, soit un neuvième de la ressource : lors même que l'on reproduirait trois fois cette opération, l'on n'obtiendrait qu'un tiers de la ressource. Nous avons donc intérêt à réfléchir en ce sens. L'alimentation industrielle est certes nécessaire, mais les grandes orientations forestières par massif ont précisément pour objet de fixer des règles notamment pour la taille des parcelles. Il me semble donc que nous pouvons aboutir.
Les métiers de la forêt et du bois sont assurément pénibles, mais ils se modernisent. Ces métiers sont très mal connus de nos concitoyens, qui les considèrent comme frustes, alors qu'ils sont d'une grande technicité du fait de la variété des territoires et du caractère de plus en plus technique du matériel employé. On ne met pas n'importe qui aux commandes des outils forestiers d'aujourd'hui. Il y a donc là un problème classique d'orientation par méconnaissance. Nous pourrions organiser des démonstrations propres à donner aux jeunes envie de s'orienter vers ces métiers.
Pour ce qui concerne le gibier, nous venons de signer une convention pour la forêt publique avec la Fédération nationale de la chasse. Alors que, voilà 40 ans, nous nous inquiétions de la disparition potentielle des grands animaux en forêt, la politique du plan de chasse a désormais évacué ce risque à coup sûr, au point que nous sommes parfois et à certains endroits confrontés à la situation inverse, où le biotope est menacé par une surpopulation. (Approbations)
La grande difficulté tient à ce que le plan de chasse n'est pas un outil adapté à la régulation de la présence d'animaux en surdensité momentanée : il suffit qu'une harde de cerfs se trouve pendant huit jours sur une zone de régénération pour perdre 15 ans de travail. Le fait de prélever un certain pourcentage de ces animaux quatre mois plus tard ne réglera pas le problème. Les chasseurs, les propriétaires, les gestionnaires et la population doivent comprendre ces enjeux. Les cervidés sont désormais si nombreux que les citadins eux-mêmes les voient : c'est tout dire ! (Rires)
Le plan de chasse est arrêté par l'État, mais entre partenaires concernés, et non pas d'une manière « ouverte » qui assurerait une bonne compréhension de l'enjeu global.
À la différence de celle de la forêt, qui relève du long terme, la gestion administrative pourrait en effet être renouvelée plus souvent pour éviter certaines sédimentations.
Pour ce qui concerne la fiscalité, le regroupement de petits propriétaires dans une structure de type coopérative forestière suffit à justifier que la forêt soit en production, car elle se trouve soumise à un plan simple de gestion comportant les différentes fonctions de la forêt. Une forêt peut en effet produire du bois, des aménités écologiques ou des aménités sociales, voire les trois à la fois. Il s'agit là d'une production pour l'intérêt général, dans toutes ses dimensions. Cet outil fiscal est relativement puissant, car le propriétaire d'une petite parcelle peut, au lieu d'avoir à prouver son activité – ce qui n'est pas toujours facile –, clarifier sa situation par la dynamique d'un regroupement que les coopératives forestières appellent du reste de leurs voeux.
Quant aux modalités de culture forestière, comme l'enrésinement, la plantation d'eucalyptus ou les courtes rotations, il faut renoncer à l'idée qu'il existerait une solution magique à tous les problèmes pour l'ensemble du territoire. Imaginer que l'eucalyptus, qui pousse en 15 ans, serait la solution au problème des tempêtes dans le sud-ouest parce que sa croissance pourrait s'insérer entre deux tempêtes n'est pas une bonne idée, même si cette culture peut être une solution de complément. Il appartient aux orientations régionales de définir par exemple le nombre minimal d'essences à planter.
Le châtaignier est en effet menacé. Je précise à ce propos que quelques châtaigneraies protégées au titre de Natura 2000 sont en plein dépérissement, alors que cette protection interdit d'y planter d'autres essences. De fait, les surfaces relevant de Natura 2000 étant déjà peu importantes dans notre pays, la France ne souhaite pas faire sortir ces forêts du périmètre bénéficiant de cette classification, afin de ne pas réduire l'affichage global, ce qui a précisément pour effet que l'objectif du dispositif n'est pas atteint.
Pour ce qui est de la chaleur renouvelable, il faut établir un lien entre la politique de l'ADEME et la politique forestière. Ainsi, les projets CRE, qui ne sont pas forestiers par essence, mais industriels, ont fait découvrir par le biais des appels d'offres une ressource méconnue, soulevant des problèmes de concurrence avec les panneautiers et palettiers – dans l'Ouest français, le prix des sciures et copeaux utilisés pour la fabrication des panneaux augmente à mesure que les projets CRE s'implantent. La réponse est dans le recyclage : si le bois utilisé une fois n'est pas recyclé, nous rencontrerons le même problème qu'aux xvie et xviie siècles. Une réflexion s'impose dans ce domaine.
Cette question concerne également les normes d'émission et les filtres techniques permettant d'atteindre un niveau acceptable de rejet de particules fines, car il ne faut pas que la solution d'un problème en crée un autre. L'excellent travail réalisé par M. Martial Saddier dans le domaine des foyers individuels va dans le sens de cette cohérence. Pour développer le bois, il faut dissuader l'utilisation de produits de traitement qui empêchent de brûler le bois dans de bonnes conditions. Il faut également promouvoir des outils performants assurant un niveau d'émissions acceptable par rapport aux bénéfices de l'utilisation d'un gaz naturel. Mon rapport appelle donc à une cohérence dans ce domaine.
Quant aux quotas de carbone, mieux vaut procéder aux partages nécessaires tant que leur valeur est encore faible.
Je tiens encore à souligner à propos des projets CRE qu'il importe de prendre en compte la part de l'élément logistique dans l'équation du bois-énergie. En effet, s'il est facile d'utiliser un houppier à proximité de la forêt dans le cadre de l'exploitation forestière, son transport est coûteux. Nous avons donc intérêt à utiliser les coproduits de l'exploitation forestière le plus près possible de leur lieu de production, dans des unités de taille modeste proches du massif. Les coproduits de l'industrie, quant à eux, doivent être utilisés à proximité de cette industrie, si possible en son sein même et pour ses propres besoins. Les puissances installées susceptibles de recevoir une aide, précédemment trop élevées pour permettre le fonctionnement d'installations de petite taille, ont d'ailleurs récemment connu une évolution favorable. Quant aux projets urbains, tout ce qui concerne le bois destiné au meuble, aux panneaux ou à la construction est déjà concentré naturellement dans les espaces urbains : la logistique a déjà été mise en place avec du bois à haute valeur ajoutée. Le recyclage est donc important, car il permet un double bénéfice – sur la matière et sur le transport.
Le projet d'utilisation du bois dans la centrale de Gardanne est caractéristique des problèmes de cet ordre. À défaut d'utiliser les bois de recyclage des grandes agglomérations voisines, l'approvisionnement sera bien évidemment difficile. L'idée de brûler du bois importé par bateau suscite de légitimes interrogations et appelle d'autres solutions.
Sans déflorer les sujets que j'exposerai dans dix jours au conseil d'administration de l'ONF, je rappellerai que la vente de bois, qui finançait voilà 30 ans 90 % du budget de fonctionnement de l'Office, en finance aujourd'hui moins de 30 %. En effet, le prix du bois a chuté en moyenne et les coûts de fonctionnement de l'Office ont suivi une courbe inverse qui a croisé la première voilà 25 ans. L'idée que l'on réglerait le problème en extrayant aux forêts domaniales davantage de bois, plus souvent, plus rapidement et d'une façon moins coûteuse est fausse. Il faut certes optimiser notre ressource, mais il est aussi nécessaire de trouver le financement du long terme et des autres aménités, sous peine de ne pas atteindre l'équilibre. J'espère à cet égard que le contrat d'objectifs et de performance permettra une évolution en ce sens.
Il a été rappelé que l'ONF avait connu des difficultés sociales et des drames. Ces derniers sont bien évidemment multifactoriels, mais ils impactent fortement la structure collective et interrogent nécessairement tous ceux qui en font partie. Rappeler, comme l'a fait le Président de la République, que les missions de l'Office sont des missions de service public et d'intérêt général autant que de production ne peut que contribuer à rassurer sur l'avenir : nous allons devenir ce que nous sommes – un établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC) chargé de la forêt publique multifonctionnelle sur le long terme. Il ne suffit cependant pas de le dire : il faut aussi trouver l'équation budgétaire adéquate, qui ne sera pas seulement résolue en vendant plus de bois.
La question de la fraude soulève celle des certifications du Programme de reconnaissance des certifications forestières (PEFC) et du Forest Stewardship Council (FSC). Il sera de plus en plus difficile de commercialiser des produits non certifiés, ce qui est une excellente chose. Sans qu'il soit question d'opposer ces certifications l'une à l'autre, la norme PEFC me semble largement aussi intéressante que la norme FSC, qui est aussi un outil commercial – ce qui fait souhaiter que la norme PEFC le devienne aussi, afin qu'un débat soit possible. En tout état de cause, la certification est une absolue nécessité.
La forêt ne recule pas et ne progresse pas non plus : sa surface n'a pas changé depuis 1912. Elle a en revanche gagné de nombreuses parcelles agricoles délaissées, ce qui est l'origine de la petite propriété forestière. Du reste, les grandes forêts se situent schématiquement dans l'Est de notre pays et les petites dans l'Ouest, à l'exception des Landes. Tous les outils que je propose pour regrouper la forêt sont simples et de nature incitative. Le remembrement forestier existe, mais est encore plus complexe que pour l'agriculture, car il porte sur des parcelles dont la rentabilité est escomptée à 35 ans. Imaginez un remembrement agricole avec des terres où le blé serait récolté tous les 50 ans ! Les outils proposés sont très transparents, comme le droit de préférence simplifié et les droits de mutation.
J'élargirai à l'industrie en général ma réponse à la question posée sur les peupleraies. L'industrie du résineux se porte un peu mieux que celle du feuillu, car les investissements ont été un peu plus importants, permettant de passer à une taille industrielle un peu supérieure : ce secteur a donc connu des gains de productivité lui permettant d'être à peu près compétitif. Ce n'est pas le cas pour les feuillus, qui sont traités par de toutes petites structures dont certaines ont ainsi été « laminées ». Les peupliers, lorsqu'on en produit, sont exportés vers l'Italie et le premier pays destinataire de nos exportations de grumes est la Belgique : il ne s'agit pas là de pays du Sud-Est asiatique à très bas coût de main-d'oeuvre, ce qui révèle un déficit d'investissement industriel en France. On constate aisément sur Internet que l'Allemagne a opéré dans le domaine des maisons en bois une évolution qui évoque celle que nous avons connue dans le domaine de l'automobile.
Historiquement, le bois s'est trouvé déclassé dans l'esprit de nos concitoyens et a été considéré comme n'ayant pas d'avenir au moment même où le contexte économique aurait permis d'investir dans cette industrie. Nous ne l'avons pas fait et avons investi dans d'autres secteurs : il faut maintenant choisir si nous voulons nous en contenter ou tenter de rattraper ce mouvement. C'est la raison pour laquelle le fonds stratégique et la BPI devraient s'orienter vers l'aval de ce secteur.
Le débat public que je propose n'est pas une enquête publique, car cette dernière intervient après la décision pour examiner la gêne que peut causer celle-ci. Un débat public aurait quant à lui pour objectif de s'assurer que la population est consciente des enjeux liés à un massif – qu'elle sait quel est ce massif, quelles sont sa partie productive, sa partie de protection et son utilité, ce qu'il contient ce qu'il pourrait contenir –, afin que les décideurs puissent ensuite décider sur la base d'informations partagées. À défaut d'une décision unanime, ce processus devrait au moins éviter les conflits provoqués par la méconnaissance. Ainsi, les questions que l'on se pose aujourd'hui à propos du projet Ersia dans la Nièvre auraient dû être envisagées plus tôt, car la situation actuelle de la forêt du Morvan est le produit des années 1950, où ont été plantés des pins Douglas désormais en âge d'exploitation.
L'un des grands problèmes de la filière est qu'une durée de 15 ans représente du très long terme pour un industriel, tandis que, pour le forestier, il est déjà trop tard pour modifier ce qui sera exploité dans 15 ans. Si nous voulons que la filière satisfasse les besoins, il faut que les produits que nous fabriquons répondent au marché. Il n'est pas choquant de devoir recourir dans un premier temps à des ressources importées pour structurer notre industrie de transformation, dès lors que nous engageons parallèlement la mobilisation de notre ressource à terme et mettons en oeuvre les connaissances techniques et les outils normatifs nécessaires pour assurer la liaison au bout de cinq à dix ans. Sans industrie, en revanche, nous ne valoriserons jamais nos bois et ne pourrons que les vendre, abandonnant à d'autres la valeur ajoutée. Il faut donc que nous disposions de l'outil de transformation, quitte à recourir à un complément pendant le temps nécessaire pour faire évoluer la forêt. Le vieux dilemme consistant à se demander s'il faut adapter l'industrie à la forêt ou la forêt à l'industrie n'est pas une bonne question : les deux démarches doivent être menées de front en nous dotant d'outils performants.
Je reste, chers collègues, à votre disposition pour revenir sur toutes les questions auxquelles je n'ai pas eu le temps de répondre ce soir. J'ajoute, dans cet esprit, que les haies évoquées par M. Jean-Louis Bricout sont une ressource pertinente à l'échelle de la proximité, mais qu'il est absurde de les utiliser pour alimenter une capitale régionale située à 200 kilomètres.
Pour conclure, je tiens à remercier tous les partenaires de la filière qui m'ont permis d'élaborer ce rapport et de saisir les contours du problème.
Je souhaiterais que les propositions de ce rapport, bien évidemment destiné à alimenter le projet de loi d'avenir, puissent aussi être mises en oeuvre, au besoin au niveau décentralisé. Si chacun trouvait dans ce rapport quelques idées qui l'intéressent, ce travail aurait atteint son but. Le document sera prochainement accessible sur le site du ministère de l'agriculture.
Ce fléchage est un « second best », une adaptation du taux me paraissant préférable. À défaut d'une telle adaptation, deux solutions sont possibles. Si, d'une part, le taux actuel continue à s'appliquer, le problème est celui de l'affectation budgétaire, qui comporte un aléa annuel lié à la négociation des crédits. D'autre part, la solution intermédiaire qu'évoque mon rapport consiste à compléter les recettes de la TVA à 5 % par une contribution volontaire obligatoire créant une ressource affectée.
Monsieur Jean-Yves Caullet, mes chers collègues, je vous remercie tous pour la qualité des questions et des réponses qui ont marqué cet échange.
Membres présents ou excusés
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire
Réunion du mardi 18 juin 2013 à 18 heures
Présents. - Mme Laurence Abeille, M. Serge Bardy, M. Philippe Bies, M. Christophe Bouillon, M. Jean-Louis Bricout, M. Jean-Yves Caullet, M. Jean-Paul Chanteguet, M. Guillaume Chevrollier, M. Jean-Jacques Cottel, Mme Florence Delaunay, Mme Fanny Dombre Coste, Mme Françoise Dubois, Mme Sophie Errante, M. Olivier Falorni, M. Yannick Favennec, M. Laurent Furst, M. Claude de Ganay, M. François-Michel Lambert, M. Michel Lesage, Mme Martine Lignières-Cassou, M. Olivier Marleix, M. Jean-Luc Moudenc, M. Philippe Noguès, M. Philippe Plisson, M. Christophe Priou, Mme Catherine Quéré, Mme Marie-Line Reynaud, Mme Sophie Rohfritsch, M. Gilbert Sauvan, M. Jean-Pierre Vigier
Excusés. - Mme Sylviane Alaux, M. Yves Albarello, M. Christian Assaf, M. Alexis Bachelay, M. Denis Baupin, Mme Chantal Berthelot, M. Florent Boudié, M. Patrice Carvalho, M. Stéphane Demilly, M. Michel Heinrich, M. Christian Jacob, M. Bertrand Pancher, M. Napole Polutélé, M. Gilles Savary, M. Gabriel Serville, Mme Suzanne Tallard